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La semaine de

French, Political, 1 season, 25 episodes, 1 hour, 41 minutes
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Jean-Baptiste Placca, chroniqueur au quotidien La Croix et fondateur de L’Autre Afrique livre sa vision sur l’actualité africaine de la semaine écoulée. Entre analyse, réflexion et mise en contexte, cette chronique est l’occasion de donner du sens et de prendre du recul sur les événements de la semaine, mais également de revenir sur des sujets parfois traités trop rapidement dans le flot d’une actualité intense. Présentation : Jean-Baptiste Placca.
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Continuer à tenir bon

« Tiens bon ! » aimait-il répéter aux plus jeunes, comme pour rassurer quant à l'issue heureuse de la lutte que mènent les peuples africains pour améliorer leur destin. Jean-Pierre Ndiaye n'est plus. Mais, plus que jamais, cette « certitude d’espérance » doit être entretenue. Depuis l’annonce de sa disparition, ce 1er novembre 2022, c’est un torrent d’hommages qui salue la mémoire du Sénégalais Jean-Pierre Ndiaye. Qui était donc cet intellectuel, qui semble faire l’unanimité des éloges ? A-t-il réellement marqué des dizaines de millions d’Africains, depuis les années 1960 ? Jean-Pierre Ndiaye était, en effet, un esprit vif. Une belle plume. Belle et surtout puissante, qui transmettait des vibrations propres à vous ébranler, à vous stimuler. Sociologue, devenu célèbre par les textes qu’il signait dans Jeune Afrique, il ne se complaisait guère dans la vanité des titres. Il avait cette liberté de ton propre à ceux qui ne recherchent rien pour eux-mêmes, n’attendent rien de personne, et peuvent donc s’offrir le luxe de déplaire. Là où tant d’intellectuels africains, au nom de leur carrière et de leur réussite sociale, finissent par se perdre dans des concessions affligeantes, ou même dans des compromissions, Jean-Pierre Ndiaye vivait en harmonie avec ses convictions. Il était d’une intégrité qui confinait à l’oubli de soi. De cette liberté, il a payé le prix, jusqu’au bout ! Pour s’offrir un tel luxe, il avait, à ses côtés, une dame d’une sérénité immuable, enseignante, compagne d’une vie consacrée à veiller sur le destin de l’Afrique : Madeleine, « sa » Mady ! En quoi pouvait donc consister, concrètement, cette vie consacrée à veiller sur le destin de l’Afrique ? Il proposait, sur les questions essentielles qui interpelaient l’Afrique, une réflexion incisive. Il n’est pas un défi à relever par les peuples africains, sur lequel Jean-Pierre Ndiaye n’ait réfléchi ou écrit. Il se préoccupait tout particulièrement du destin de l’homme noir, d’où qu’il vienne, où qu’il vive. Lorsqu’en 1973, il interpelle Léopold Sédar Senghor, c’est d’abord sur la nécessité d’un soutien à la minorité noire du Sud-Soudan, « méconnue de l’intelligentsia et de l’opinion africaine », disait-il. Des échanges épistolaires à la fois tranchants et feutrés, dont Senghor ne s’offusquera guère. Mieux, il invite son jeune compatriote à l’accompagner dans nombre de ses voyages, notamment dans des sommets panafricains, pour que Jean-Pierre Ndiaye constate par lui-même les efforts des dirigeants pour résoudre les crises sur lesquelles lui les jugeait défaillants. Né au Sénégal, il a grandi en Guinée, mais, c’est en passager clandestin qu’il arrive à Bordeaux, en 1952, sur un bateau chargé de tirailleurs sénégalais à destination de l’Indochine. Jean-Pierre Ndiaye échoue dans un milieu d’enseignants, républicains « exilés » de la guerre d’Espagne, qui lui inoculent la passion de la politique. Puis il s’inscrit en sociologie, et suit assidument les cours du père dominicain Louis-Joseph Lebret, économiste. Sa vie, dit-on, a été faite de belles rencontres. Quelques exemples ? Alioune Diop, le fondateur des éditions Présence africaine, le nourrit de ses conseils. La vocation de Jean-Pierre Ndiaye est claire : penser l’Afrique. Il fonde donc le Bureau d’études des réalités africaines (Béra), qui publie la toute première enquête sur les étudiants noirs en France. En 1963, il est invité à donner quelques cours dans deux prestigieuses universités américaines : Georgetown, fondée par les jésuites, à Washington D.C., et UCLA (Unià Los Angeles). Il est accueilli par l’immense Dizzy Gillespie, va à Harlem rencontrer Malcom X. En France, il fréquente l’intelligentsia de gauche, dont un certain Jean-Paul Sartre. De ces très belles rencontres, ses lecteurs ont eu leur part. À ceux qui n’ont pas eu cette chance, il reste Afrique, passion et résistance, un ouvrage à l’initiative de sa fille, Shuana, qui rassemble l’essentiel de ses meilleurs textes. En plongeant dans ces quelque 530 pages, l’on se demande parfois si ce n’est pas par choix que tant de peuples croupissent encore dans le sous-développement, préférant se mentir, à coups de slogans ronflants sur l’émergence.
11/5/20224 minutes, 15 seconds
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Dadis Camara et «son» honneur

Lorsqu'un ex-putschiste se soucie davantage des égards qu'il estime dus à son rang qu'aux souffrances infligées aux Guinéennes et aux Guinéens. Un mois après l’ouverture du procès sur les massacres du 28 Septembre 2009, les Guinéens ont eu droit, cette semaine, à quelques bouts de vérité, de la part de l’aide de camp du capitaine Dadis Camara, à l’époque. Cette brèche dans la stratégie de dénégation convenue par les accusés n’indique-t-elle pas que ce procès va peut-être enfin s’engager vers un peu plus de sincérité ? Jusque-là, les accusés narguaient les victimes avec leurs non réponses. Et « Toumba » Diakité s’est un peu oublié, en effet. Mais, il semble avoir déjà repris ses esprits. Comme si tous étaient persuadés qu’à force de se taire en chœur, ils finiraient par convaincre la cour de se ranger à leur logique, pour conclure qu’il n’y a eu, finalement, rien de très grave, ce jour-là, dans le stade et tout autour. Et pourtant ! 157 morts, des centaines de blessés, sans compter ces femmes traquées, violentées et violées en nombre. La justice est une nécessité. Il reste à espérer qu’elle se donnera le temps de ne pas bâcler ce procès. Ce serait un tel désastre, pour la Guinée, si tout cela devait ne consister qu’à calmer les victimes, pour réhabiliter quelque accusé à ne pas mécontenter, sous prétexte qu’il pèserait d’un poids ethnique, politique ou autre. Dadis Camara a prévenu qu’il était là pour laver son honneur. Il doit donc, lui aussi, désirer la vérité… Mais, au-delà du verdict de cette cour, il y a, ce que l’on appelle la responsabilité. En politique, cela s’assume. C’est le chemin de l’honneur. Les faits, ici, c’est d’abord le contexte et l’objet de ce rassemblement. À la mort du président Lansana Conté, en décembre 2008, Dadis Camara s’est emparé du pouvoir. Un coup d’État contre un mort. Tout heureux d’avoir ainsi vaincu sans péril, il s’exhibe quotidiennement dans le clinquant de sa condition inespérée de nouveau roi. L’opinion africaine s’amusait alors de ce qu’elle décrivait comme « le Dadis Show ». Pas vraiment fiers du sort si cruel qui s’acharnait ainsi sur leur pays, les Guinéens étaient dans leurs petits souliers. Mais, lorsque Dadis a laissé entendre qu’il pourrait bien se porter candidat à la présidence de la République, opposition, société civile, citoyens ordinaires se sont levés pour contrarier son projet. Ils se donnent rendez-vous le 28 septembre, date anniversaire du fameux « non » de Sékou Touré au général de Gaulle. Pour éviter toute surprise, ils avaient choisi un lieu clos, au lieu des artères de Conakry.  Mais, ils ne risquaient pas moins de compromettre les visées du capitaine. On a donc envoyé des soldats sans scrupules les traquer dans le stade. Et cette responsabilité, personne n’a le courage de l’endosser. Mépriser de la sorte les morts, les femmes et les blessés, tout en exigeant d’être traité comme un ancien chef d’État n'inspire pas le respect. Après tout, n’est-il pas tout de même un ancien chef d’État ? Vous voyez à quel point il a fallu que la notion même de chef d’État soit dévoyée, dans cette Afrique, pour que chaque personne qui s’empare du pouvoir, revendique, avec autant d’aplomb, un traitement d’ancien chef d’État, surtout là où les Guinéens attendent juste un peu d’égard pour toute la violence subie, pour leurs morts, leurs mères, sœurs ou épouses violées ? En plus, ces héros manquaient terriblement de courage. Car, lorsqu’il a été suggéré que ce massacre pouvait être assimilé à un crime contre l’humanité, Dadis a cherché à l’imputer à son aide de camp. Comme l'empereur romain qui, sentant la foule romaine fondre sur son palais, demande à Tigellin, son bourreau à tout faire, d’aller avouer au peuple que c’est lui qui a mis le feu à Rome. Dadis se faisant insistant, « Toumba » Diakité a tenté de lui brûler la cervelle. Il a manifestement eu plus de chance que ses compatriotes tombés ce funeste 28 septembre.
10/29/20224 minutes, 18 seconds
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Piégés par les fourmis magnans

On sait quand débute l’insécurité terroriste, mais nul ne peut en prévoir la fin. Et il faut, juste, une réelle confiance en soi pour prétendre circonscrire ce fléau à une échéance prévisible. À Seytenga, le bilan est lourd : 86 civils massacrés par des jihadistes, qui avaient pris leur temps, pour parachever l’horreur qui a plongé le Burkina Faso dans la perplexité. Qu’adviendra-t-il de la junte, si ces terroristes continuaient de massacrer ainsi, étant donné que c’est pour en finir avec ces massacres à répétition que les militaires avaient, en janvier dernier, renversé le président Roch Marc Christian Kaboré ? À l’évidence, il était présomptueux, de la part de cette junte, de justifier son putsch par ce qu’elle considérait comme l’incapacité du président Kaboré à protéger les populations contre la violence des jihadistes. Le lieutenant-colonel Sandaogo Damiba pensait pouvoir faire mieux. Mais, au rythme auquel vont les tueries, des questions gênantes vont se poser à lui. À quoi sert-il de mettre un coup d’arrêt à la vie démocratique de la nation, pour passer le plus clair de son temps à constater les massacres, comme celui qu’il a chassé du pouvoir ? Un auditeur de RFI s’est même offusqué, cette semaine, de ce que ces officiers n’en finiraient pas de se partager les postes juteux à Ouagadougou. Si c’était vrai, comme ce serait désespérant ! Il existe, dans cette partie de l’Afrique, une espèce de fourmis, dites légionnaires, que l’on appelle aussi fourmis magnans. Lorsqu’elles envahissent votre maison, votre capacité de riposte est amoindrie. Même lorsque vous croyez vous en être débarrassé, il en surgit encore, des coins et recoins, qui vous piquent, et cela fait très mal. Le terrorisme auquel est confronté le Burkina, comme, du reste, le Mali et le Niger, est comme les fourmis magnans ! Quand elles sont dans la demeure, il faut de la patience, de la rigueur et de la persévérance, pour venir à bout. Il n’empêche que c’est sous Roch Marc Christian Kaboré que ce terrorisme s’est installé au Burkina, vous en convenez ? Qui donc a « convié » les jihadistes au Burkina ? Kaboré a été élu président le 29 décembre 2015. Le colonel Isaac Zida, « numéro deux » du RSP (la garde présidentielle de Blaise Compaoré) et miraculeusement Premier ministre du Faso depuis la chute de son patron, quitte ses fonctions, le 6 janvier 2016. Neuf jours plus tard, le 15 janvier, trois attentats violents frappent, en plein centre de Ouagadougou, dont Le Cappuccino, et l’hôtel Splendid. Ce dispositif terroriste avait forcément été mis en place bien avant l’élection de Kaboré. D’ailleurs, on apprendra que certains jihadistes avaient table ouverte à Ouaga 2000 depuis des années. À ceux qui s’étaient étonnés de voir à la tête du gouvernement né de l’insurrection le « numéro deux » de la garde du président déchu, les stratèges de l’insurrection expliqueront que c’était le seul moyen de s’assurer que d’autres militaires ne songent à déstabiliser cette transition. Peut-être qu’à force de surveiller ses propres camarades militaires, Zida a oublié de protéger le pays contre la menace jihadiste, pour léguer aux civils un Burkina des plus vulnérables, et déjà gangrené par les fourmis magnans. Le président Kaboré n’aurait-il donc aucune responsabilité dans l’aggravation du mal ? Si ! Forcément, puisqu’il a passé six années au pouvoir. Mais, à force d’instrumentaliser son incompétence supposée, ses détracteurs avaient fini par installer la question du terrorisme au cœur d’un profond malentendu. Certains pensaient même qu’il suffirait que le Grand-frère revienne d’Abidjan pour que l’ordre règne au Burkina. Mais, non ! Ce sont des fourmis magnans ! Si vous les laissez entrer, elles mutent, se reproduisent. Souvenez-vous de l’Algérie ! Bien qu’ayant une armée puissante, combien d’années a-t-il fallu à Alger pour venir à bout du terrorisme ? Pour déplorer l’obstination de certains Africains à refuser d’aborder frontalement les problèmes, notre ami Sidy Diallo aimait s’exclamer ainsi : « Ah ! la vie des Noirs ! » De manière plus explicite, Aimé Césaire, lui, déplorait l’habileté de certains à mal poser les problèmes pour mieux légitimer les odieuses solutions qu’ils leur apportent.
6/18/20224 minutes, 36 seconds
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Piller l'État

On n'imagine pas à quel point un Etat peut être vulnérable, lorsqu'un homme politique se laisse « acheter » par des hommes d'affaires véreux, sachant flairer le politicien avec un potentiel, et même des chances d'accéder à la magistrature suprême ! Un homme (ou une femme) qui, une fois aux affaires, leur renverra l'ascenseur, les laissant piller, pourquoi pas, les entreprises d'État, l'État… Un peu comme les Gupta, en Afrique du Sud, sous Jacob Zuma. L’Afrique du Sud semble perplexe, face à la coïncidence entre l’arrestation, en début de semaine à Dubaï, de deux frères Gupta impliqués dans le pillage de l’Etat sous Jacob Zuma, et la suspension de la Médiatrice de la République, en charge de la lutte contre la corruption, par le président Ramaphosa, qu’elle poursuit. Comment expliquer que les mandats de tous les successeurs de Mandela soient entachés par de tels scandales ? Mandela avait voulu, à la fin de l’apartheid, l’émergence d’une élite économique noire. Des fortunes ont alors vu le jour, qui s’apparentent aux oligarques, en Russie. Madiba demandait implicitement aux leaders de l’ANC de choisir entre faire partie de la direction politique du pays et s’enrichir. Syndicaliste avisé, Ramaphosa avait alors préféré aller faire fortune, et n’est revenu à la vie politique active que plus tard. Zuma, lui, voulait et le pouvoir et l’argent. C’est ce qui l’a si souvent conduit aux fréquentations peu recommandables, qu’il traîne comme autant de boulets. Pour couvrir ses arrières, il tentera, en vain, de positionner son ex-épouse, pour lui succéder. Puis il a nommé cette médiatrice, qui n’a cessé de le protéger. Il faudra, certes, éclaircir l’affaire des cambrioleurs de la ferme de Ramaphosa. Mais, l’affaire Gupta est autrement plus grave. Et, pour être juste, Thabo Mbeki n’était pas corrompu. Il avait juste tenté, maladroitement, d’empêcher Zuma, qu’il considérait comme corrompu, de s’asseoir dans un fauteuil sanctifié par Mandela, et que lui-même avait valablement occupé. C’est ce qui lui a valu d’être contraint à la démission, mais l’histoire lui a largement donné raison, depuis. Mandela n’a-t-il pas involontairement introduit le virus de l’avidité dans le pays ? Nullement ! Un leader, si éclairé soit-il, ne peut prévoir comment peuvent être perverties dans le futur, les orientations qu’il donne. Au lendemain des indépendances, Félix Houphouët-Boigny aussi avait voulu que l’élite politique qui l’entourait s’enrichisse, pour générer une bourgeoisie nationale, à laquelle il demandait de faire ruisseler vers les communautés dont elle était issue ce qu’elle engrangeait de sa proximité avec le pouvoir. Il n’empêche que, recevant les rapports sur la fortune astronomique d’un patron des Douanes, le « Vieux », avec ce calme qui le caractérisait, s’exclamera : « C’est à moi qu’incombe la faute ! Je l’ai laissé trop longtemps à ce poste ! ». Pour sévir contre ces abus scandaleux, le « Vieux » s’appuie alors sur un ingénieur français, directeur des Grands Travaux. Sans être au gouvernement, Antoine Césaréo, dans les années 1980, était redouté des ministres et de tous. Mais Césaréo commençait à prendre trop d’importance. Aussi, le jour de la réception des clés de la basilique de Yamoussoukro, dont il supervisait la construction, il est subitement congédié par Houphouët-Boigny. Très vite, le « Vieux » réalise qu’il lui faut quelqu’un d’autre, pour tempérer la gloutonnerie ambiante. Il charge alors un certain Alassane Dramane Ouattara, gouverneur de la BCEAO, de coordonner l’action gouvernementale. Celui-ci avait l’avantage d’être peu connu des Ivoiriens, pour avoir fait ses études à l’étranger, et n’avoir jamais travaillé au pays. Il le nomme finalement Premier ministre. La suite, on la connaît… Ce que l’on voit aujourd’hui sur le continent n’est-il donc que la suite de ce qui prévalait sous Houphouët-Boigny ? On dira : la finesse, en moins. Aujourd’hui, tout commerçant véreux, qui a su miser sur un homme politique plus ou moins vulnérable, qu’il finance durant son parcours ou dans sa conquête du pouvoir, se sent le droit de s’engraisser sur le dos du peuple, une fois son « poulain » aux affaires. Margoulins, hommes de paille et autres Gupta surgissent alors, pour non seulement s’enrichir, mais aussi piller l’Etat et peser sur ses décisions majeures. Souvent, avec la complicité de quelques hauts fonctionnaires cupides.
6/11/20224 minutes, 35 seconds
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Adieu, Mali !

Vigoureusement défiée dans ce qui était autrefois son pré-carré en Afrique, la France doit aussi composer avec le désamour de plus en plus grand d'une partie de l'opinion. Si Paris veut éviter une perte irréversible d'influence dans ses anciennes colonies, il lui faudra gérer avec doigté la fronde actuelle. Au chronogramme annoncé par Paris pour le retrait de ses troupes du Mali, la junte de Bamako répond par une injonction à vider les lieux immédiatement, la junte se promettant de superviser l’état des lieux. Ce à quoi Emmanuel Macron rétorque que ce départ se fera en bon ordre, dans le respect de la sécurité des militaires. Pourquoi donc cette rupture ne peut-elle se faire dans le calme, en bonne intelligence ? Sans doute parce que ces accrochages verbaux entre les deux capitales sont devenus un fonds de commerce qui sert sûrement la popularité de quelques-uns. Ce retrait était annoncé, attendu. Et l’on aurait cru que ceux qui parlent au nom de la junte se contenteraient d’un tonitruant : « bon débarras ! ». Mais, ç’aurait été trop simple. Le communiqué de la junte laisse la désagréable impression qu’il faut à tout prix désigner un coupable, qui aurait violé ses engagements. Comme pour instaurer une tension supplémentaire, susceptible de dégénérer à la moindre petite étincelle. Cela devient épuisant de voir ceux qui ont un Etat à diriger, et des devoirs vis-à-vis de leurs peuples, regarder le doigt, pendant que le sage montre la lune. En politique, la popularité auprès de son peuple est toujours plus saine et plus durable, lorsqu’elle se fonde sur l’adhésion à une vision, incarnée par un leader, plutôt que sur la détestation d’un ennemi extérieur opportunément trouvé. Les Français, mal-aimés, veulent partir. Cela ne peut-il pas se comprendre ? Justement ! Laissez-les s’en aller, et occupez-vous de votre peuple ! A quoi servent des injonctions adressées à quelqu’un qui vous ignore, et qui fera comme il a prévu, en évitant de faciliter la tâche à vos véritables ennemis, les djihadistes ? Les dirigeants maliens peuvent donc oublier un peu les Français, pour montrer à leur peuple en détresse, qu’ils ont mieux à lui offrir que des slogans et des communiqués enflammés. Ce serait un cuisant échec, pour cette junte, de transformer le peuple malien en paria des nations ouest-africaines. Echec, vous l’avez dit. Tout le monde parle d’échec… Et chacun se plaît à l’accoler à la partie adverse, puisqu’il faut bien parler d’adversité. C’est un immense échec, dont chaque partie devrait prendre sa part, d’autant que les conséquences sont devant nous, et pas derrière. La France, défiée dans son pré-carré, y laisse une part de son prestige, car cette histoire est l’illustration de ce que Dominique de Villepin, dans une de ses fulgurances, a, ces derniers temps, qualifié de « désinfluence ». De fait, dans la plupart des ex-colonies françaises d’Afrique occidentale et d’Afrique centrale, les banques françaises qui tenaient le haut du pavé sont à la traîne, lorsqu’elles n’ont pas tout simplement disparu. Les milieux d’affaires, dans ces pays, vont s’équiper, s’approvisionner en Chine, en Turquie, à Dubaï, et presque plus à Paris. Le cœur n’y est plus. Ils vont même, pour se soigner, en Turquie, ou en Tunisie. La France perd pied dans cette Afrique qui lui a longtemps permis de tenir son rang dans le monde. S’il est exagéré de parler de sentiment anti-français, laisser croire que l’opinion africaine, aujourd’hui, déborde d’amour pour la France peut difficilement s’entendre. La France a vécu avec l’Afrique des relations monopolistiques. En économie comme en amour, les monopoles, à force de durer, finissent par créer un confort de peu d’effort chez celui qui en bénéficie, et une forme plus ou moins ouverte de défiance, chez celui qui les subit. Voilà pourquoi toutes les tentatives d’Emmanuel Macron pour conquérir les nouvelles générations se heurtent si souvent au plafond de verre qu’est le passif accumulé, et dont quelques survivances viennent encore, de temps à autre, polluer toute avancée.
2/19/20224 minutes, 1 second
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Un peuple réellement heureux !

Avec la victoire des « Lions » à la Coupe d’Afrique des nations, le Sénégal a pu montrer à une Afrique de l'Ouest quelque peu désemparée, à quoi peut ressembler une nation unie et rayonnante de bonheur.   Pour célébrer les Lions, de retour du Cameroun avec le premier trophée continental de l’histoire de leur football, les Sénégalais sont sortis, par millions, en début de semaine, offrant un impressionnant spectacle de liesse populaire et de concorde. Comment expliquer une telle mobilisation, une telle ferveur autour des Lions et pour le football ? On ne s’imagine pas à quel point cela fait du bien, à tous les peuples africains, de voir, sur ce continent si souvent consigné au pied du mur des lamentations, une nation simplement heureuse. Un bonheur palpable, communicatif, et d’autant plus plaisant à contempler qu’il ne pouvait être feint. Et l’on a presque envie d’aller questionner les plus anciens, pour trancher si ce jour déclasse, ou pas, celui de la proclamation de l’indépendance. Par millions, ils sont sortis accueillir les Lions, leurs héros, fiers d’être le ciment d’une cohésion nationale parfois chahutée, ces derniers temps. Mais, même si ce n’était que le temps d’une célébration, cette cohésion était belle à voir, trop belle pour ne pas être applaudie. Seul le football pouvait valoir au peuple sénégalais un tel retour à l’essentiel. D’autant plus que le football aussi est essentiel, dans la vie de nombreuses nations africaines. Le sport-roi, soit ! Mais en quoi serait-ce essentiel ? Parce qu’il contribue à la bonne santé de la jeunesse qui le pratique, souvent avec des infrastructures rudimentaires. Il suffit parfois de deux morceaux de pierre, pour matérialiser les buts, et un ballon de fortune peut suffire. Mais le football est aussi une industrie, qui tient sa part dans l’économie nationale. C’est enfin une réalité sociale, qui enchante les rêves des jeunes, qui n’ont parfois aucune autre issue, pour réussir dans la vie. D’ici dix à quinze ans, vous verrez éclore au Sénégal, de jeunes footballeurs de talent, qui se seront engagés dans la pépinière de ce sport, immédiatement dans les jours, les semaines ou les mois qui suivent l’accueil grandiose que vient de réserver le peuple à ses héros. C’est aussi ainsi, dans une saine émulation dans l’excellence, que se construit l’avenir d’une nation. Enfin, l’équipe nationale. Elle est le creuset dans lequel se fondent facilement les différences insurmontables. Elle recueille les meilleurs, sans que n’interviennent les considérations régionales, ethniques et autres, qui polluent tant le reste la vie d’une nation. Lorsque vous êtes vraiment bon sur le terrain, le public le sait et aucun arrangement d’arrière-salle ne pourra vous priver de votre poste de titulaire. Si seulement chacun, dans la société, s’appliquait, comme au football, à être le meilleur à son poste, le plus compétent dans son domaine, sûrement que les nations africaines avanceraient mieux et plus vite. Vous conviendrez que l’encadrement aussi est essentiel dans l’épanouissement et les résultats d’une sélection nationale… Vous avez parfaitement compris. Macky Sall, le chef de l’État sénégalais, aussi, qui a donné aux Lions les moyens de se présenter à la Can sans ce complexe de l’indigence, si caractéristique de nombreuses et même grandes équipes africaines. Parfois ce sont des dirigeants indignes qui, en ponctionnant les dotations de l’équipe et les primes des joueurs, discréditent le drapeau national, avant même que ne débute la compétition. Dans leur campagne victorieuse, les Lions ont échappé à tous ces écueils. Le reste résulte de la patience d’un Etat qui a su faire confiance, dans la durée, à un de ses fils. Une nouvelle preuve que les pays qui avancent, sur ce continent, sont, de plus en plus, ceux où la nation sait faire confiance à ses propres citoyens, et traite l’expertise nationale avec les mêmes égards que ce qu’elle accorde aux expatriés.
2/12/20224 minutes, 4 seconds
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Burkina: en attendant les miracles…

De la Haute-Volta au Burkina, ce pays, en soixante-et-un ans d'indépendance, a été dirigé par les militaires pendant… quarante-sept ans ! Avec les résultats mitigés que tous déplorent. Et qui semblent laisser de marbre ceux des Burkinabè qui n'en finissent pas de chanter les louanges des militaires qui ont renversé, le 24 janvier 2022, le président Roch Marc Christian Kaboré. Suspendre le Burkina des instances de la Cédéao semble être une décision plutôt modérée, généralement interprétée comme le signe d’une volonté de conciliation, qui tient compte de l’accueil quelque peu enthousiaste des populations à l’égard des putschistes. Faut-il s’attendre à ce que ces concessions à l’opinion valent aux chefs d’État ouest-africains un peu d’indulgence de la part de leurs peuples ? Si les coups d’État sont contraires aux bonnes mœurs démocratiques – et ils le sont – alors, il ne faut pas les accepter, même du bout des lèvres. Le Nigeria a déjà eu à faire échec à un coup d’État en Sierra Leone, et le Sénégal, en Gambie. Et l’on attend de savoir de quelle expertise se prévalent les militaires pour s’estimer plus qualifiés, pour diriger leur pays, que les médecins, les enseignants et tant d’autres professions utiles. Les putschistes justifient leur coup par ce qu’ils considèrent comme des défaillances de leadership d’un chef d’État élu. À ce prix, nombre de chefs d’État, de par le monde, perdraient le pouvoir au bout de deux ans. Aux États-Unis, en France, au Japon... La meilleure façon de priver les putschistes de leurs alibis est d’éviter de tricher avec la Constitution et les institutions, qui devraient suffire à indiquer à chacun les limites de son pouvoir. À condition, évidemment, que les hommes qui incarnent ces institutions n’aient pas cette fâcheuse tendance, africaine, à la révérence vis-à-vis de tout président en place. Sur le continent, curieusement, jamais l’on ne parle de coup d’État là où les contre-pouvoirs fonctionnent bien, et ne sont pas réduits à une certaine servilité. Regardez donc comment, en Grande-Bretagne, pour une faute qui passerait pour un péché véniel dans bien des pays africains, le Premier ministre Boris Johnson est en train d’être contraint à la démission par les institutions ! À part la destitution, en 1996, du professeur Albert Zafy, à Madagascar, le chef d’État, dès lors qu’il est élu, devient, dans la plupart des pays, d’autant plus intouchable que les institutions s’aplatissent devant lui, sans même qu’il ait à stimuler leur zèle. La meilleure protection contre les coups d’État reste la force des institutions, surtout celles qui gênent parfois. Les arguments qu’avancent les militaires seraient donc fondés ? D’un pays à l’autre, le discours des putschistes reste quelque peu stéréotypé. Peut-être les problèmes sont-ils les mêmes. Le métier du militaire est de défendre la patrie, lorsqu’elle est en danger. Ils se plaignent de ne pas disposer de suffisamment de moyens. Dans l’armée américaine aussi, on se plaint de l’insuffisance des moyens. Les médecins, les enseignants aussi se plaignent de manquer de moyens. Et pourtant, ils soignent, guérissent, dispensent le savoir, sans réclamer que le chef de l’État leur remette sa démission. Sauf que les militaires ont les armes !… Nous y voilà ! C’est leur outil de travail, qu’ils jugent insuffisant, pour vaincre l’ennemi, mais si efficace, pour déloger un chef d’État du pouvoir. La plupart des peuples ont déjà donné ! En une soixantaine d’années d’indépendance, nombre de pays africains ont été dirigés, en moyenne, plus de trente ans par les militaires, sans apporter, partout, la prospérité, la liberté, la démocratie, ou simplement la protection aux populations. Le Burkina, en soixante-et-un ans d’indépendance, a été sous le joug des militaires pendant au moins quarante-sept ans ! Depuis 1960, en dehors des intérimaires, il a connu cinq présidents militaires, contre… deux civils ! Il ne faut pas que les condamnations venues de l’extérieur deviennent une diversion, pour oublier de se concentrer sur le génie par lequel les militaires, si loin du front, entendent faire merveille, au palais présidentiel. C’est si facile de s’emparer du pouvoir, avant de commencer à réfléchir, ou d'improviser sur ce que l’on entend en faire.
1/29/20224 minutes, 20 seconds
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IBK: la fine fleur des démocrates cultivés

IBK aurait fait un excellent président au Cap-Vert ou au Botswana. Comprenez que les mœurs politiques, dans son pays, correspondent peu aux qualités que tous lui reconnaissent, à présent qu'il a tiré sa révérence. En août 2020, les Maliens étaient dans la rue, pour demander sa démission, et finiront par l’obtenir. Dix-huit mois plus tard, les voilà qui rivalisent de superlatifs dithyrambiques, pour vanter sa stature d’homme d’Etat et saluer sa mémoire. Ces hommages élogieux sont-ils crédibles ? Ou bien faut-il mettre ces revirements sur le simple fait que Ibrahim Boubacar Keïta n’est plus ? Ces hommages se fondent sur des faits bien trop précis et suffisamment concrets, pour que l’on ne puisse pas mettre en doute leur sincérité. Ils sont crédibles, et ces qualités, IBK les avait, avant, pendant et après le coup d’Etat. Les récriminations de ses concitoyens qui manifestaient pour le chasser du pouvoir se rapportaient à des faits souvent imputables à d’autres que lui. Sa véritable faiblesse était sa bonté. Il se séparait des corrompus, mais un peu tard et sans les punir. Le pire est que nombre d’auteurs des indélicatesses reprochées à sa gestion sont allés grossir ensuite les rangs du mouvement qui a travaillé à sa chute. Dans l’édition spéciale consacrée, lundi, au défunt président, Clément Dembélé a parlé de « corruption à ciel ouvert », sous IBK. Sauf que tous les témoignages concordent sur le fait qu’il n’était pas du tout attaché aux choses matérielles. Par contre, le Dr Ibrahima Traoré, qui fût son directeur de cabinet, a révélé, dans l’entretien accordé, hier matin, à Christophe Boisbouvier, sur RFI, qu’il faisait tellement confiance aux collaborateurs qu’il ne voulait pas croire, lorsque l’on attirait son attention sur leurs indélicatesses. « Il pensait, a dit le docteur Ibrahima Traoré, que tout le monde était forgé à son image ». Pourquoi, alors, ces soupçons de corruption, qui ont tant altéré son image d’homme d’Etat ? Parce que « l’homme bon » n’a pas su réprimer les corrompus. Peut-être aurait-il donné l’impression de combattre la corruption, à défaut de l’éradiquer, s’il avait seulement sévi, de temps à autre. A la faveur du double coup d’Etat, certains de ces kleptomanes se sont recyclés et gouvernent à visage plus ou moins découvert, dans la transition actuelle. Il fallait suivre le regard de l’ancien Premier ministre Moussa Mara, lorsque, dans l’édition spéciale, il a affirmé que la question de la corruption est un serpent de mer, qui remonte à l’indépendance, et que, même sous la transition actuelle, l’on en parle, sans vraiment lutter contre… Mahamadou Issoufou, l’ancien président du Niger, lui, a insisté sur le fait que IBK était un homme cultivé Oui ! Et cela fait du bien, en Afrique, de voir un homme cultivé à la tête d’un Etat. Parce qu’il y a des choses qu’un homme cultivé ne fait pas. Dans l’édition spéciale, un des intervenants, qui reconnaît avoir participé à sa chute, a témoigné que jamais IBK n’avait fait interdire leurs manifestations, ni leurs interventions à la radio ou à la télévision. Le docteur Ibrahima Traoré, qui le décrit comme « un homme bon, honnête, patriote, républicain, qui aimait le genre humain », a révélé que IBK était abattu, lorsqu’on lui a rapporté que des personnes avaient été tuées, lors d’une des dernières manifestations, peu avant sa chute. Aussi, lorsque la dégradation de la situation s’est accélérée, le démocrate cultivé n’a simplement plus voulu du pouvoir. Il aurait accepté sa chute, en exprimant le vœu que cela apporte la paix au Mali… Un confrère qui le connaissait bien dit que IBK aurait fait un excellent président au Cap Vert ou au Botswana. Mais, comme dirait le chansonnier, même la fine fleur des démocrates cultivés ne peut, hélas ! choisir son pays, ou sa famille.
1/22/20224 minutes, 5 seconds
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Assimi Goïta: le jour de gloire

Et si la popularité apparente du colonel Assimi Goïta se nourrissait des tensions et autres rivalités fréquentes avec Paris ? Le taciturne chef de la junte malienne se forge, sans mot dire, une image de résistant. Les slogans à sa gloire succèdent aux attaques en règle contre la France. Lors des manifestations organisées en réaction aux sanctions prises contre le Mali, la foule n’a cessé d’acclamer le nom du colonel Assimi Goïta. Certains intervenants l’ont même comparé à Thomas Sankara. Comment expliquer que la popularité du chef de la junte malienne va grandissante, au fur et à mesure que tombent les sanctions, ou que la communauté internationale s’emploie à démolir son action ? En politique, les pressions insistantes et les sanctions intempestives peuvent parfois aboutir à des effets pervers, à l’opposé des objectifs poursuivis. C’est un peu ce à quoi l’on assiste, au Mali. Le recours aux mercenaires est ce qu’il y a de plus désastreux, pour un État, quel qu’il soit. Mais, parce que c’est la France qui s’opposait à ce choix, une partie de la population malienne en est venue à considérer que si cela gêne la France, c’est donc une bonne chose pour le Mali. Vous avez vu à quelle vitesse les sanctions décidées par la Cédéao ont été présentées comme la conséquence d’une instrumentalisation des États ouest-africains par certaines puissances extérieures, en l’occurrence la France ! L’enjeu, pour Paris, est de prendre garde à ne pas se muer en allié objectif de la junte malienne. Chaque fois que la France s’élèvera contre une orientation prise par Bamako, une partie du peuple malien en déduira que c’est parce que ces dirigeants agissent pour le bien de leur pays. Peut-être est-il temps, pour Paris, de laisser Assimi Goïta face à son peuple, qui le jugera sur ce qu’il fait, et non plus sur les apparences de rivalités avec l’ancienne puissance colonisatrice. Il reste que ces sanctions auront des conséquences pour d’autres États ouest-africains. Oui, et c’est d’autant moins anodin que les importations et les exportations maliennes représentent le quart, sinon le tiers des activités de certains ports du golfe de Guinée. Plus largement, le poids des commerçants maliens est considérable, dans le chiffre d’affaires de certaines économies ouest-africaines, déjà affaiblies par les conséquences de la pandémie. Aucune aide extérieure ne pourra compenser un tel manque à gagner. Certains aspects de ces sanctions laissent cependant perplexes. Les textes qui régissent ces institutions autorisent-ils ce qui, vu de loin, donne l’air d’être une confiscation de fonds appartenant au peuple malien ? Par ailleurs, n’était-ce pas une maladresse, pour l’UEMOA, que de s’être invitée en terre ghanéenne pour décider de sanctions aussi importantes, surtout lorsque l’on connaît les réticences des anglophones par rapport à la Zone franc ? La manifestation contre les sanctions est devenue un meeting de soutien à Assimi Goïta, magnifié par le Premier ministre, paraît-il. Choguel Maïga est arrivé en tenue militaire et, d’emblée, a annoncé que le destin de l’Afrique se jouait, à l’instant, au Mali. Et d’égrener les soutiens qui leur arrivaient de partout… de toute l’Afrique, et de bien au-delà. Il a alors chanté les louanges d’Assimi Goïta, avec une ferveur telle que nul n’oserait questionner la sincérité de tant de révérence. « Nous n’avons peur que de Dieu et du peuple malien »… Fort heureusement, conclut-il, « Dieu et le peuple sont avec le gouvernement de transition ». Devant cette foule surexcitée, Place de l’Indépendance, les orateurs se succédaient, pour faire acclamer le nom du président-refondateur Assimi Goïta, que certains ont cité dans la lignée des héros de l’histoire millénaire du Mali, tels Sonni Ali Ber, ou l’Almamy Samory Touré. Où l’on apprend, pêle-mêle, qu’il n’y a plus de transition, que le pays est entré en Résistance, et même déjà dans une révolution, dans une refondation. « Peuple invincible. Peuple très intelligent ! Aujourd’hui, nous sommes 20 millions de militaires ! », clamera le Premier ministre. Difficile de distinguer le griot servile du partisan convaincu.
1/15/20224 minutes, 31 seconds
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Un substitut crédible à la Cédéao

Un mot, pour commencer, un seul : Merci ! Merci à Sidney Poitier qui a tant représenté dans nos vies, dans l’histoire du cinéma. Jusqu’au fin fond de l’Afrique, nous étions fiers de ce qu’il était. Et il était aussi un Africain. Merci, Monsieur Sidney Poitier ! En début de semaine, le médiateur Good Luck Jonathan opposait une fin de non-recevoir aux cinq années de prolongation de la transition, annoncées par la junte malienne. Ce dimanche 9 janvier, à Accra, les chefs d’État de la Cédéao vont devoir trancher. Faudrait-il s’attendre à des sanctions lourdes ? Plus sûrement à de nouvelles menaces, sans lendemain… Ce feuilleton prend, par moments, une tournure folklorique. Vous avez entendu ce porte-parole de la junte suggérer que les cinq années n’étaient qu’une proposition. Une proposition ! À marchander, en somme. Comme au bazar ! Étant donné que la Cédéao elle-même s’accommode si facilement des coups d’État, qu’elle ne cesse d’entériner, les uns après les autres. Peut-être devrait-elle se montrer simplement conséquente et laisser Assimi Goïta assumer, le temps qu’il faut, son putsch. Il rendra des comptes, le moment venu, à ses concitoyens, s’ils en demandent. À peine cette Cédéao trouve-t-elle le courage de dire aux putschistes de nommer un Premier ministre civil, et de penser à revenir à l’ordre constitutionnel. Jamais elle n’oblige les putschistes à rétablir aussitôt le pouvoir civil renversé. La Cédéao peut aussi bien se ressaisir, après tout ! Sans vouloir offenser qui que ce soit, l’on devrait peut-être simplement rappeler que la Cédéao est née dans la tête de deux généraux putschistes : le Nigérian Yakubu Gowon, et le Togolais Gnassingbé Eyadéma. Moins de trois mois après la naissance de la Communauté, le général Gowon lui-même était victime d’un coup d’État. Il ne sert à rien de feindre d’ignorer l’incapacité de la Cédéao à prévenir les putschs à répétition qui surviennent en Afrique de l’Ouest. La communauté ploie sous les contradictions, les incohérences. Entre les États membres, il y a de telles disparités, et de telles différences entre leurs pratiques politiques. Entre les dirigeants, les dissemblances sont telles que l’on se demande parfois comment ils peuvent cohabiter au sein d’une même organisation. Peut-être que la Cédéao a touché son ultime port d’obsolescence. Il ne lui manquerait plus que le courage de se saborder. Se saborder ? Vous n’y pensez pas ! Seuls les grands ensembles sont viables dans le monde d’aujourd’hui ! Les grands ensembles qui manquent d’homogénéité et de cohérence ne grandissent aucun peuple. La Cédéao a même failli à sa mission première, qui est la libre circulation des personnes et des biens. Combien de chefs d’État ont, ces dernières années, au gré de leurs humeurs, de leur versatilité, fermé les frontières avec les pays voisins, sans fournir d’explications à quiconque, et sans que les autres chefs d’État ne les rappellent à leurs obligations ! D’ordinaire inaudible, lorsque se nouent, dans les pays, les conditions déterminantes des crises qui génèrent des coups d’État, la Cédéao n’en est plus, aujourd’hui, qu’à proférer des menaces de principe contre des putschistes qui l’ignorent. Il faut, évidemment, de l’audace, du courage, de la lucidité, une grande crédibilité, pour oser initier une plus parfaite organisation, à partir d’un noyau dur cohérent, homogène. Quitte à s’ouvrir ensuite aux autres, mais au fur et à mesure que ceux-ci répondent à des critères d’admission rigoureusement dressés. Ce n’est pas parce que l’on est voisin que l’on est forcément faits pour vivre ensemble. Les dirigeants qui sauront créer ce substitut crédible à la Cédéao entreront dans l’Histoire. Après tout, l’aspiration ultime des meilleurs, en politique, n’est-elle pas d’entrer dans l’Histoire ?
1/8/20224 minutes, 7 seconds
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Où sont donc les « Desmond Tutu » d’aujourd’hui ?

Que reste-t-il comme figure charismatique et autorité morale à l'Afrique, après la disparition du Prix Nobel de la Paix 1984 ? Ne pas se poser la question, c'est fuir la réalité. C’est donc la dernière grande figure de son histoire que le peuple sud-africain porte en terre, ce 1er janvier 2022. Desmond Tutu s’était, certes, effacé devant Nelson Mandela, mais il était d’une toute aussi grande envergure, dites-vous. En quoi donc était-il comparable à Mandela ? On court toujours le risque de se perdre dans des considérations inconsistantes, lorsque l’on s’égare à vouloir comparer des personnalités d’une telle dimension. Desmond Tutu lui-même avait bien défini les rôles. A coups de références bibliques, il avait précisé, alors que Mandela venait de sortir de prison, que sa mission, à lui, était d’ouvrir la voie, d’aplanir le chemin, afin que puisse entrer en scène le véritable élu. Il n’empêche. Ce que le monde retient de l’unique mandat de Mandela, c'est le travail accompli par Monseigneur Tutu à la tête de la Commission Vérité et Réconciliation, pour panser les plaies, alors que l’on ne donnait pas cher de l’avenir de ce pays. Puisque nous ne sommes pas loin du trop plein d’éloges, aussi avisés que dithyrambiques, et certainement très beaux, peut-être vaudrait-il mieux s’interroger sur l’après-Desmond Tutu, en Afrique du Sud et sur tout le continent. Qui donc pleureront, demain, les Africains, comme ils pleurent aujourd’hui Desmond Tutu ? Quels Africains rassemblent, aujourd’hui, les qualités qui ont fait de l’ancien archevêque du Cap une telle icône, respectée sur tous les continents ? On trouvera bien quelques figures, même si elles n’ont pas toute la stature d’un Mgr Tutu !... C’est bien là tout le problème. Ce n’est pas un luxe, pour un peuple, d’avoir, par génération, quelques personnalités de cette envergure. Lorsque l’on n’en trouve pas, et que l’on doit se contenter… de deux classes en-dessous, c’est que la société stagne, pire, qu’elle recule. On ne demande à personne d’avoir accompli l’intégralité de ce qu’a réussi l’archevêque. Mais des femmes et hommes qui contribuent à élever la conscience, la fierté nationale, il en faut, pour avancer. Desmond Tutu avait à peine cinquante-deux ans lorsqu’il a reçu le Prix Nobel de la Paix pour son implication contre l’injustice que subissait son peuple, les innombrables sacrifices consentis au péril de sa liberté, parfois même de sa vie. Et jusqu’à son dernier souffle, il n’a cessé de mettre cette notoriété au service de l’Afrique. Peut-être que quelques icônes surgiront, au fil des événements, au tournant de l’Histoire… Il se trouve que dans ce domaine en particulier, tout ce qui relève de la génération spontanée est suspect et souvent éphémère. Bien sûr que des Africains rêvent du destin de Desmond Tutu. Mais, planifier sur son ordinateur comment devenir une telle icône est une imposture. Car le chemin, pour parvenir à ces cimes, implique constance et persévérance. Et puis, devenir un Desmond Tutu ne peut pas être l’objectif, la finalité d’une vie. Seuls le désintéressement, l’humilité, la bonté, le sens de l’intérêt général, le souci de l’autre, la simplicité et tant d’autres qualités que nous avons entendu vanter depuis une semaine, peuvent, avec le temps, faire de vous un tout petit Tutu. Car ce n’est pas un chantier sur lequel l’on se convaincrait d’avoir bientôt fini. Il faut travailler sans relâche et sans calcul. Lorsque vous arrivez au sommet, ce n’est pas vous, mais les autres qui apprécieront ce que vous avez accompli, ce que vous êtes. Ensuite, vous ne pouvez pas dormir sur vos lauriers, car ils peuvent vite se flétrir. Desmond Tutu ne courait pas frénétiquement après les honneurs, la lumière : il est parti sans avoir compris pourquoi la reconnaissance, la gloire, les honneurs lui ont été donnés et, par-dessus tout, l’amour de son peuple, qui le pleure à chaudes larmes.
1/1/20224 minutes, 13 seconds
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Et l’incurie n’en finit pas de tuer

À Madagascar, ces derniers jours de l’année ont été marqués par un deuil terrible : 85 morts dans le naufrage d’un cargo, dans le nord-est de la Grande-île. Que penser des déclarations des mouvements de la société civile, qui insistent sur la responsabilité des autorités, qui ne veilleraient pas assez au contrôle de ces ports ? À Madagascar, en RDC et partout, en Afrique, où l’on meurt aussi facilement, en si grand nombre, et pour d’aussi coupables motifs, il y a presque toujours l’irresponsabilité de certains, et parfois, cette irresponsabilité vient se greffer sur la cupidité. Ces personnes sont victimes de gens qui voulaient, ou avaient peut-être même l’habitude de prospérer sur les risques qu’ils font courir aux autres. Dans un pays normal, lorsqu’un tel drame survient, la justice remonte toute la chaîne de responsabilités et, qu’ils aient failli par négligence, par incompétence, ou par cupidité, personne n’échappe au glaive de la justice. Évidemment, en Afrique, on a toujours tendance à se tourner en premier vers le chef de l’État, lorsque surviennent de tels drames. Sauf qu’un chef d’État ne s’occupe pas de l’embarquement dans chaque port, surtout dans un pays qui en compte treize à dix-sept, peut-être même plus. À moins que ce ne soit parce que le chef de l’État, souvent en Afrique, s’occupe de tout, se mêle de tout, y compris du choix des personnes qui doivent diriger les plus petites entités. ► À lire aussi : Madagascar: journée de deuil national après le naufrage meurtrier d’un bateau cargo Le fléau de la corruption La première personne à interpeller, ici, est le responsable du port d’où n’auraient pas dû embarquer ces passagers. Et même s’il cherchait à se décharger sur ses collaborateurs, sa mission est de veiller à ce que ses subordonnés n’utilisent pas leur position pour d’aussi criminels trafics. Vient ensuite le capitaine du cargo. Qu’il ait survécu ou pas, il est responsable, avec l’armateur, qui voudra sans doute se désolidariser des petites initiatives personnelles de son capitaine. Il se trouve que presque partout où surviennent de tels drames, il y a toujours un fonctionnaire, un employé qui cherche à utiliser sa position pour s'enrichir, au mépris de la vie de plus démunis. Pour fermer les yeux et laisser ce navire voguer vers ce tragique naufrage, il a fallu que certains aient été corrompus, avec l’argent versé par les naufragés, justement. C’est d’autant plus révoltant que ces saisonniers, généralement, travaillent seulement quelques semaines, par an, pour rapporter à leurs familles ce qu’il faut pour survivre. La responsabilité de la justice Davantage que ces honneurs posthumes, c’est la rigueur dissuasive de la loi qui fera cesser ces trafics criminels. Aucun de ceux qui ont pris part, d’une manière ou d’une autre à ce business ne doit être épargné : le capitaine du cargo, s’il est en vie ; l’armateur ; le directeur du port de départ et ses éventuels collaborateurs qui auraient initié ce trafic ou auraient perçu leur part du butin, pour l’autoriser. Même les rabatteurs qui ont attiré les passagers dans cette funeste croisière. C’est ici qu’intervient la responsabilité des juges, et elle appelle beaucoup de vigilance. Car, dans certains pays du continent, un tel dossier a vite fait de s’évanouir dans la nature, parce que des magistrats préfèrent déshonorer leur robe, pour se constituer une fortune personnelle, plutôt que de dire le droit, de rendre justice. Surtout lorsque les victimes sont, comme ces travailleurs saisonniers, d’humbles citoyens, sans soutien aucun, alors que l’armateur, lui, peut s’aligner sur le tarif du juge pour, avec son obole, éteindre toute l’affaire. Si affaire il y a.
12/25/20213 minutes, 57 seconds
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Sankara: un crime si difficile à assumer

Alors que nombre de témoins le désignent comme principal responsable de la fin tragique du héros de la jeunesse africaine, l’ex-bras droit de Blaise Compaoré demeure droit dans ses bottes. C’est tout juste si le général Diendéré ne soutient pas que Sankara est peut-être vivant, quelque part. Ou alors, que s’il est décédé, c’est probablement d’un mauvais palu, et non dans un règlement de comptes sanglant entre révolutionnaires. Au procès sur l’assassinat de Thomas Sankara, à Ouagadougou, les audiences se suivent et se ressemblent. Les témoins à la barre, défilent pour feindre l’amnésie, ou pour indexer le général Gilbert Diendéré comme cerveau de cet assassinat. Autant d’accusations que l’ex-bras droit de Compaoré réfute avec aplomb. Ce procès n’est-il pas en train de perdre les vertus pédagogiques qu’on lui prédisait ? Rien ne se perd, et des retournements spectaculaires restent possibles, dont deux, s’ils survenaient, relèveraient du miracle et restitueraient à ce procès toute la charge historique que l’on en espérait. Un premier miracle serait, ici, de voir le général Diendéré assumer pleinement ce qu’il a fait, ou laissé faire. ► À lire aussi : Assassinat de Thomas Sankara: enjeux et limites d'un procès historique Car, au-delà des dénégations et accusations de faux-témoignages, nul ne peut contester que Sankara est mort, criblé de balles, donc assassiné. Et ceux qui l’ont abattu ont dû avoir reçu le feu vert, sinon l’ordre, de quelqu’un, à qui profiterait le crime. Voilà pourquoi tous se tournent vers Blaise Compaoré et l’homme puissant qui, dans un mutisme absolu, gravitait dans son ombre: le futur général Diendéré. Ce dernier se serait-il permis d’ordonner, de son propre chef, la liquidation d’une figure aussi charismatique que Sankara ? On disait Diendéré capable de donner sa vie pour Compaoré. Jusqu’à présent, son silence aura suffi à son mentor. Endosserait-il, la responsabilité de cet assassinat, pour éviter à Compaoré une condamnation ? D’aucuns, au Faso, ont cru déceler dans son aplomb à la barre l’assurance d’un homme convaincu qu’avant la fin de ce procès, ses amis se seront saisi du pouvoir, pour le libérer et sceller hermétiquement ce dossier resté sans objet pendant vingt-sept ans. Quel serait donc le second miracle possible ? Ce serait voir Blaise Compaoré rentrer à Ouaga, pour laver son honneur de militaire et d’ancien chef d’Etat, en s'évitant le spectacle de son protégé "mourant" pour lui. Vous vous souvenez sans doute des insinuations de Mariam Sankara, qui l’accusait pratiquement de lâcheté, dans une interview sur RFI, à la veille de l’ouverture du procès : « Ne pas répondre à la justice, changer de nationalité, essayer de se dérober… tout cela n’est pas très courageux. Il ne peut pas fuir indéfiniment », disait-elle. Il ne serait pas le premier ancien chef d’État africain renversé à choisir d’aller affronter courageusement la justice de son pays. Jean-Bedel Bokassa, empereur déchu de Centrafrique, avait débarqué à l’improviste à Bangui, en 1986. Il a été jugé, condamné à mort, puis finalement gracié, pour finir sa vie en liberté. Depuis, les Centrafricains lui ont presque tout pardonné, et le regrettent même parfois. Blaise Compaoré ne peut pas risquer pire, au Burkina, s’il choisissait d’assumer… Ce ne semble pas être l’avis de ses avocats, qui préfèrent boycotter le procès… Dans des affaires aussi graves, on se défend toujours mieux, en s’appliquant sur le fond de ses dossiers, plutôt que de céder au dilettantisme des risques imaginaires et de tout ce qui peut empêcher la tenue du procès. Sankara a bien été tué, et son assassinat, pour certains, relèverait des petits meurtres classiques entre révolutionnaires. Depuis le début de ce procès, l’on a pu apprécier à quel point les camarades du Faso étaient, à l’époque, à couteaux tirés, chaque camp guettant l’autre, la main sur la gâchette. Cette banalisation des tueries entre révolutionnaires, durant la guerre froide, a conduit, le 15 octobre 1987, à l'assassinat du héros de tout un continent. Mais le contexte ne devrait dispenser personne d’admettre ses responsabilités dans de tels crimes. Et la pire des indécences serait de persister à faire croire que Sankara a pu mourir de sa belle mort.
12/18/20213 minutes, 59 seconds
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Coûteuse couardise !

À force de laisser chaque chef d'État libre de bafouer les droits et libertés de ses concitoyens à l'intérieur des frontières de son pays, sous prétexte de souveraineté, les dirigeants de l'Union Africaine contribuent, de fait, à l'accumulation des frustrations et des rancœurs, souvent à l'origine des conflits, des guerres, et des coups d'État. Au Forum international sur la paix et la sécurité en Afrique, cette semaine à Dakar, Moussa Faki Mahamat, le président de la Commission de l’Union Africaine s’est interrogé sur ce que l’Afrique a fait, pour être, aujourd’hui, le continent où le terrorisme s’étend, et où les changements non constitutionnels se multiplient, presque sans coup férir. Ne doit-on pas saluer la justesse de son diagnostic et ses questionnements ? C’est le rapport malsain de certains dirigeants au pouvoir politique qui explique les maux qu’il déplore, et aucun Africain ne lui aurait fait l’affront de penser qu’il pouvait ne pas savoir de quels maux souffre exactement le continent. D’ailleurs, dans son discours, les réponses précédaient souvent les questions. Peut-être faut-il juste se demander à quoi il sert de poser sans cesse le bon diagnostic si, au moment d’agir, les dirigeants (des États, comme des institutions) s’abritent derrière ce que lui-même qualifie de « souverainisme de mauvais aloi ». Nous avons bien compris qu’il entendait, par là, le fait que n’importe quel dirigeant, qu’il se soit saisi du pouvoir par la force ou par les urnes, putschiste ou élu, président ou roitelet, puisse invoquer la souveraineté nationale, pour refuser d’entendre que son comportement offense les élégances démocratiques, et les droits de son propre peuple. C’est donc au nom de ce « souverainisme de mauvais aloi » que l’on se contente de contempler des régimes verser dans les abus et les violations des droits des citoyens, faisant le lit, comme il dit, de l’insécurité, de l’instabilité, de la désespérance. Si rien ni personne ne peut obliger un dirigeant à respecter son peuple, alors, les reculs persisteront, et l’Afrique continuera de sombrer… Qu’est-ce qui doit, précisément, changer dans le rapport des Africains au pouvoir politique ? Les frustrations des populations et la tentation de violence qu’elles génèrent découlent des rapports, parfois mercantiles, souvent confiscatoires, qu’ont certains dirigeants au pouvoir politique. Ils s’emparent des États comme s’ils venaient d’acquérir une multinationale, au franc symbolique. Dans la précipitation, leurs familles s’octroient des monopoles indus sur tout ce qui rapporte dans le pays. Le fils, ici ; un frère, là ; la belle-famille de tel autre frère, un peu plus loin… Et un clan, sinon une famille peut ainsi truster des pans entiers de l’économie nationale. Dans ce concert de gloutonnerie, les prédateurs, en nouveaux riches, narguent avec l’aplomb de la corruption assumée une population qui, elle, s’enfonce jour après jour dans le dénuement. Tant que le pouvoir politique sera, pour certains, la courte échelle pour rattraper tout ce qu’ils n’ont pas réussi dans une vie professionnelle honorable, les reculs que déplorent le président de l’UA se poursuivront, et il le sait ! Que peut-il d’autre, sinon établir le bon diagnostic ? Les bons diagnostics, répétés à longueur de discours – surtout par des personnes qui détiennent une parcelle du pouvoir pour agir –, finissent par agacer, et renforcent la tentation de la violence. Peu de dirigeants africains ont le courage de rappeler fermement à l’ordre leurs pairs qui brutalisent leurs peuples et bafouent leurs droits, parfois avec la complaisance de juges qui préfèrent servir les désirs du pouvoir du moment, plutôt que la loi. Chaque chef d’État ne peut pas faire ce qu’il veut, à l’abri des frontières de son pays, au mépris de l’Union, de la Communauté à laquelle prétend appartenir son pays. Pour les hommes, comme pour les Etats, la vie en communauté impose des règles. Et si l’Afrique, sous prétexte de souveraineté nationale, perd chaque occasion de ramener les dirigeants qui s’égarent dans la bonne voie, alors, l’Union que l’on prétend bâtir ne sera qu’une Afrique de la couardise, sans aucune chance d’espérer peser, demain, dans le concert des nations. 
12/11/20214 minutes, 18 seconds
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RCA: le russe, pour aller où ?

Clairvoyance, vision stratégique… Le choix des langues dans lesquelles un peuple éduque sa jeunesse ne peut découler de préoccupations à courte vue. En Centrafrique, l’enseignement du russe sera obligatoire à l’université, dès la prochaine année académique. Une nouvelle interprétée au Kremlin comme la preuve du rayonnement grandissant de la Russie en Afrique. Cela se ferait aux dépens de l’espagnol. Mais dans ce choix d’importance opéré par les dirigeants centrafricains qui est le véritable gagnant ? Si elle a été beaucoup commentée à Moscou, l’information n’a pas fait l’objet d’une communication débordante, de la part des autorités de Bangui. Comme si ces dernières n’osaient trop assumer leur décision. Qu’ils enseignent abondamment le russe dans un département de la faculté des lettres, pourquoi pas ? Par contre, rendre cette langue obligatoire pour tous est profondément troublant, au regard des révélations sur la place prépondérante que semblent prendre les mercenaires russes dans ce pays et ailleurs. Car, le choix des langues dans lesquelles un peuple éduque sa jeunesse implique beaucoup de clairvoyance, une vision stratégique, et ne peut découler de préoccupations sécuritaires ou même financières à courte vue… Aucune activité économique, dans ce pays, même pas celles relatives au diamant, ne justifie que l’on impose à l’élite centrafricaine de parler russe. Cette langue est pourtant prestigieuse… Assurément ! Mais, avec toute la respectueuse admiration que nous devons aux grands esprits qui ont porté la culture russe à son rayonnement planétaire durant les siècles passés, l’on se doit d’admettre que la Russie d’aujourd’hui n’a plus les arguments qui justifieraient que des dirigeants un tant soit peu sérieux, en Afrique, l’indiquent à leur peuple comme horizon à atteindre. Après la nomination, cette semaine, de Parag Agrawal à la présidence du réseau Twitter, aux Etats-Unis, le responsable d’un forum de recherche sur la diaspora indienne a énuméré, sur RFI, les raisons du succès des Indiens dans ces multinationales. La principale étant la qualité de leur éducation. « Qui est en anglais et leur permet de s’adapter et d’être acceptés dans le monde entier ». Puis il a ajouté que ces jeunes Indiens ont grandi dans un monde démocratique, ce qui les distinguerait des Chinois. La semaine même où un jeune Indien de 37 ans arrive au firmament d’une des plus impressionnantes entreprises de la planète, les dirigeants centrafricains, eux, promettaient à leur jeunesse l’impasse de programmes russes qui n’ont même pas encore été conçus. Le russe peut offrir des perspectives tout aussi brillantes, qui sait ? Cela se serait su ! En décembre 2016, alors que la Russie était accusée d’avoir piraté la présidentielle américaine, pour favoriser l’élection de Donald Trump, Barack Obama, encore président pour quelques semaines, s’était mis en colère, pour rappeler à Vladimir Poutine qu’à part le pétrole, le gaz et les armes, son pays, la Russie, ne produisait rien que les autres peuples désiraient acquérir. Dans sa férocité, Obama n’avait pas tort. Et ce ne sont pas les services de mercenaires, venus, depuis, accroître l’offre russe, qui justifieraient que l’on impose comme modèle d’inspiration aux étudiants centrafricains cette Russie-là. Ils réclament une éducation de qualité, dans des langues d’avenir, qui les fassent rêver, mieux, les propulsent à la conquête du monde ! Auriez-vous émis de telles critiques, s’ils avaient choisi l’allemand ou le japonais ? L’Allemagne est attrayante, d’où son leadership, en Europe. Et elle crée des produits que l’on aimerait avoir : des marques automobiles parmi les plus prestigieuses au monde, une gamme infinie de produits hi-tech, des machines-outils, etc. Il en est de même pour le Japon. Allemands et Japonais n’imposent pourtant leur langue à personne. S’il fallait blâmer quelqu’un, ce serait l’ancien recteur de l’Université de Bangui, président de la République centrafricaine, qui n’aurait jamais dû perdre de vue que le rôle d’un leader est d’orienter son peuple dans une direction judicieuse, et de lui indiquer, au besoin, des peuples dont le destin peut l’inspirer et le tirer vers le haut.
12/4/20214 minutes, 14 seconds
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Pauvre peuple congolais !

Tout se passe comme si les Congolais n’avaient d’autre vocation que d’être constamment trahis par leurs dirigeants, et par une élite prédatrice. Ce qu’illustre parfaitement l’enquête « Congo Hold-up ». Retour sur le feuilleton Congo Hold-up. Episode après épisode, l’opinion découvre les circuits tortueux suivis par les quelque 138 millions de dollars détournés par le clan Kabila, au préjudice de la République démocratique du Congo, donc du peuple congolais. Pour quelles raisons certains Africains estiment que ce scandale, un des plus importants jamais révélés sur le continent, n’a rien de surprenant ? Sans doute parce que seul un dessein aussi inavouable peut expliquer la rage que déployait le clan Kabila pour conserver la direction du Congo, alors qu’il se montrait, par ailleurs, incapable d’apporter des solutions dignes aux besoins essentiels des Congolais. Sans vouloir verser dans des extrapolations à bon marché, on est bien obligé d’admettre que de telles révélations illustrent à satiété ce que peuvent être les motivations réelles d’une famille, d’un clan qui s’accroche frénétiquement au pouvoir, alors que le peuple qu’il prétend diriger s’enfonce chaque jour un peu plus dans les souffrances, et croupit dans le dénuement, parfois dans une misère sans nom. Comme les Kabila en RDC, c’est presque toujours en famille que les dirigeants-prédateurs s’organisent pour piller leur patrie, ruiner leur peuple. Mais, pour n’être pas surprenante, cette gloutonnerie n’en est pas moins choquante, d’autant qu’elle se situe, ici, sur une période relativement brève. Elle a manifestement démarré à la minute même où Joseph Kabila a compris qu’il ne pouvait plus s’accrocher au pouvoir. Le clan, alors, a fait ses provisions dans les caisses du trésor public, et partout où il pouvait y avoir quelques millions à subtiliser. Pour le clan, quitte à plier bagage, autant s’assurer que les bagages en question sont conséquents. C’est, d’ailleurs, exactement comme cela que se comportent les intérêts maffieux, lorsqu’ils sentent approcher la fin de leur mainmise sur un territoire. Ici, il leur fallait mettre les bouchées doubles, pour se constituer suffisamment de réserves, en vue d’une traversée du désert, le temps de reconquérir le pouvoir. Car Kabila et son clan n’en ont, à l’évidence, pas fini avec les fonds du Congo A quoi bon, pour Joseph Kabila, accumuler autant, s’il avait prévu de reprendre, un jour, le pouvoir ? Parce que ces gens ont de gros besoins. Il ne faut pas s’imaginer que les Kabila, après une vingtaine d’années à gouverner en héritiers fidèles de Mobutu, se seraient contenté, pour solde de tout compte, de 138 malheureux millions de dollars. Ce n’était certainement qu’une petite provision, en attendant de reprendre à Félix Tshisekedi la clé du coffre. C’est d’ailleurs parce qu’il a échoué à installer un de ses inconditionnels sur le trône présidentiel qu’il a fini par jeter son dévolu sur celui qu’il jugeait le moins hostile dans l’opposition : Félix Tshisekedi. A qui il était d’autant plus convaincu de reprendre la place qu’il avait pris soin de verrouiller les institutions, son parti devant garder le contrôle de l’exécutif durant un mandat, censé n’être qu’intérimaire. L’histoire a prouvé, ensuite, à quel point il s’est mépris sur la personnalité de Félix Tshisekedi. Mais c’est, là, une tout autre histoire. Le peuple Congolais l’a, finalement, échappé belle. un hold-up, par définition, s’opère dans un espace-temps limité. Mais les trésors d’ingéniosité que le clan a déployés pour siphonner autant de deniers publics en si peu de temps suppose un excellent rodage. Il paraît donc plausible que ces méthodes pouvaient durer depuis un certain temps, sinon depuis toujours. C’est ici que l’on se demande comment des gens qui ont chassé Mobutu du pouvoir en l’accablant comme ils l’ont fait, pouvaient venir, à leur tour, piller le pays d’une manière tout aussi éhontée. C’est d’autant plus décevant que Kabila père, vous en souvenez-vous, se voulait patriote, héritier de Patrice Emery Lumumba, héros continental, modèle de probité. A présent, le nom Kabila rime davantage avec Mobutu qu’avec Lumumba. Quelle décadence ! Mais vous savez bien que le clan Kabila ne reconnaît en rien ces détournements… C’est toujours ainsi que se défendent les cas désespérés, les causes perdues. Pour s’expliquer sur des accusations d’une telle gravité, vous aurez noté le niveau (hiérarchique), plutôt faible, des personnes mandatées par « le clan », pour émettre un avis téléphoné sur les médias. Pour assurer le service minimum dont ils ont été chargés, ces seconds couteaux ne se sont même pas donné la peine de nier. Ils ont juste rétorqué que les auteurs des révélations n’apportent aucune preuve à leurs accusations. On vous accuse d’avoir volé votre peuple, et vous, au lieu de convaincre de ce que vous n’avez rien volé, vous misez sur le fait d’avoir suffisamment brouillé les pistes pour que l’on ne remonte pas jusqu’à vous !?... Comme souvent lorsque les faits sont accablants au-delà du supportable, les kleptomanes s’abritent toujours derrière les précautions qu’ils estiment avoir prises, afin d’effacer toute trace du larcin. Un peu comme cet ancien Premier ministre (de Joseph Kabila), soupçonné d’avoir siphonné quelques dizaines de millions de dollars d’un projet, et dont l’avocat jubile sur les radios, simplement parce que la juridiction saisie pour connaître de ce détournement se déclare incompétente. Dans ses pires cauchemars, le peuple congolais n’aurait jamais imaginé une telle sommité, dans la gradation des trahisons dont il est l’objet, despote après despote, dirigeant après dirigeant.
11/27/20214 seconds
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Le piège sans fin des armées africaines

Au Soudan, une quinzaine de manifestants ont été tués, ce mercredi 17 novembre 2021, la plupart par des militaires, qui ont ouvert le feu sur les civils aux mains nues, on imagine sous les ordres de leur hiérarchie. Pourquoi donc déplorez-vous l’absence de l’Afrique aux côtés du peuple soudanais, alors que les diplomates œuvrent en coulisse ?  Un jour douze morts. L’autre quinze. Au fil des semaines, on s’habitue peu à peu aux chiffres des Soudanais tombés sous les balles de leur propre armée. Face à la violence inouïe dont font preuve les militaires depuis leur coup d’État, le 25 octobre 2021, l’on a attendu à ce que des voix africaines autorisées s’élèvent pour condamner fermement la forfaiture du général al-Burhan et ses acolytes. En vain. Il est si commode de se réfugier derrière l’alibi de la souveraineté des États. À lire : Le Soudan, coupé du monde, a vécu sa journée la plus meurtrière depuis le putsch Seule la Chilienne Michelle Bachelet, Haut-Commissaire aux droits de l’homme des Nations unies a osé parler de honte. Antony Blinken, le Secrétaire d’ État américain s’est dit « très préoccupé », pendant que l’Afrique faisait semblant de ne rien voir, et de ne rien entendre. C’est, typiquement, le type de couardises derrière laquelle l’on s’abrite, en se croyant à l’abri, protégé. Mais, les conséquences, tôt ou tard, arrivent, qu’il faudra subir. L’Union Africaine n’a pas de troupes et, peut-être, même aucun mandat, pour s’immiscer dans ce qui relève de la politique intérieure d’un État.  Aurait-elle donc le mandat de se taire, pendant que des militaires massacrent des manifestants aux mains nues ? Les Soudanais pensaient avoir fait l’essentiel, en chassant Omar el-Bechir du pouvoir. Ils sauront compter seulement sur eux-mêmes, pour s’extirper de ce traquenard, puisqu’ils semblent prêts à mourir pour leur liberté. Car ils ne veulent plus avoir à subir la loi d’une caste de militaires, dont le seul mérite est de détenir des armes que leur a confiées la nation, pour défendre le territoire. Mais l’Afrique se déshonorerait, en les laissant seuls, face à ces militaires brutaux. C’est à se demander en quoi certaines pratiques politiques, sur le continent africain, se différencient de la raison du plus fort, qui prévaut dans les territoires que contrôlent la maffia, les cartels et tant d’autres organisations criminelles. Le moment est peut-être venu, pour l’Afrique, de s’interroger sérieusement sur la place exagérée que prennent les armées et les militaires, dans la vie de pays qu’ils peinent à défendre, alors qu’ils sont si prompts à s’ériger en justiciers, pour endormir l’opinion, avant de se muer en bourreaux des peuples. En quoi ces militaires de Khartoum seraient plus qualifiés, pour diriger le Soudan, que les enseignants – qui marquent positivement les enfants, de l’école primaire à l’université ? En quoi la propension à ouvrir le feu avant de réfléchir les qualifie davantage que les infirmiers, sages-femmes, médecins, qui soignent et sauvent des vies ?  S'agit-il du fameux « piège sans fin » dont nous parlions sur RFI il y a quelques mois ?  Ce titre, de l’écrivain Olympe Bêly-Quenum, nous rappelle en tout cas qu’il y a des questions simples, que l’Afrique ne doit pas éluder plus longtemps. Elles portent sur le devoir de solidarité les peuples africains doivent, les uns aux autres, et sur le devoir d’assistance que chaque nation africaine doit à tout peuple du continent qui serait en danger d’être asservi. L’indifférence a des conséquences d’autant plus lourdes qu’il s’instaure, aujourd’hui, une jurisprudence du mauvais comportement en politique. Laissez faire ici, vous expose à voir surgir, là, encore pire, surtout avec des capitaines, colonels et autres généraux, pour qui l’uniforme n’est qu’un camouflage, pour prospérer, à l’abri du pouvoir d’État. 
11/20/20213 minutes, 57 seconds
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Frederik de Klerk: imparfait mais utile

Il s'est excusé. En fallait-il davantage ? Peut-être. Mais l'Afrique du Sud en a bien fini avec la Commission Vérité et Réconciliation. Dans ce pays où, depuis le départ du pouvoir de Mandela, le leadership (en particulier de Jacob Zuma) a tant déçu, peut-être faut-il simplement savoir gré à cet homme qui, malgré ses imperfections, a été à l'origine de tout le bouleversement historique qui a permis la Nouvelle Afrique du Sud, juge Jean-Baptiste Placca cette semaine.  Avec la disparition de Frederik de Klerk, l’opinion africaine est plus que jamais divisée sur son action et la place que doit lui concéder l’Histoire. Comment comprendre que les positions soient aussi irréconciliables, entre ceux qui ne voient en lui qu’un pur produit de l’apartheid dans toute sa violence, et ceux pour qui il est, justement, celui qui a démantelé l’apartheid ? Il est toujours plus aisé, des décennies après les événements, de venir expliquer comment il aurait fallu procéder. L’environnement dans lequel est né Frederik de Klerk baignait, depuis le milieu du XVIIe siècle, dans la ségrégation raciale. C’était d’autant plus violent les Blancs vivaient dans la peur d’être envahis par les Noirs. Ils estimaient être chez eux, avec plus de droits que les Noirs, qu’ils avaient trouvés là. Ces derniers se défendaient, quand il le fallait, avec leurs moyens, et le sang a beaucoup coulé. Frederik de Klerk avait 12 ans, lorsque ce système est devenu officiellement un racisme d’État, dans lequel il grandira, prospérera, notamment en politique, au point de finir par accéder à la magistrature suprême, en 1989. Dès l’année suivante, il libère de prison Nelson Mandela, incarcéré depuis vingt-sept ans. Ensemble, ils commencent à démanteler le système d’apartheid. Cette collaboration épargnera au pays l’embrasement et la destruction que tous lui prédisaient. Ce n’est donc pas par les armes que l’on est parvenu à vaincre l’apartheid. Les rares succès remportés, en trente années de lutte, par Umkhonto we Sizwe (MK, la branche militaire de l’ANC) demeurent anecdotiques. Les sanctions économiques ont, par contre, affaibli le régime, avant qu’il ne se saborde, à l’instigation de De Klerk. Chacun peut, après-coup, venir bomber le torse, en prétendant qu’il s’y serait illustré comme résistant. Pour quelques poignées de braves et de héros, combien de poltrons, de complices, peut-être même de « collabos », comme il y en a tant, avec certains régimes peu recommandables, qui sévissent aujourd’hui en Afrique ! Cela dispense-t-il de questionner les zones d’ombre de la vie de De Klerk ? Peut-être pas. Mais, il faut savoir distinguer, dans une longue carrière politique, les actes positifs des faiblesses, le meilleur du moins bon, sans totalement absoudre. Pour ce qui est de la perfection, l’Histoire se chargera de déterminer qui s’en est le plus rapproché. Mais l’apartheid, c’est aussi lorsque des Africains, noirs, écrasent d’autres Noirs, les assignent à un ghetto matériel ou psychologique, parfois avec une férocité qui n’a rien à envier à ce que les tenants de l’apartheid faisaient subir aux Noirs et autres non-Blancs d’Afrique du Sud (et de Namibie). Voilà pourquoi il faut prendre garde à ne pas dénier à Frederik de Klerk le courage d’avoir mis fin, envers et contre les siens, à un système qui l’a vu naître. N’est-ce pas un peu excessif d’assimiler, ainsi, certaines pratiques politiques, en Afrique, à l’apartheid ? L’apartheid privait une majorité de citoyens de leurs droits fondamentaux. Les conséquences sont-elles si différentes, lorsqu’une minorité confisque le pouvoir d’État, monopolise les avantages et les privilèges qui vont avec, marginalise une partie de la population, et exclut de l’essentiel tous ceux qui refuseraient de se soumettre, ne seraient pas du bon parti ou de la bonne région ? C’est une forme insidieuse d’apartheid, que de condamner à une paupérisation sans issue l’immense foule des récalcitrants, en faisant couler, au besoin, le sang, comme au temps glorieux de l’apartheid en Afrique du Sud. Voilà pourquoi on peut être quelque peu circonspect, lorsque ceux qui acceptent ou participent à ces formes insidieuses d’apartheid viennent sommer l’opinion de pendre le cadavre de Frederik de Klerk. 
11/13/20214 minutes, 22 seconds
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Otages des militaires

Près de deux semaines après le coup d’Etat militaire du général al-Burhan au Soudan, Mo Ibrahim, mécène de la démocratie et de la bonne gouvernance en Afrique, Soudanais lui-même, a suggéré, ce 4 novembre sur RFI, quelques pistes pour obliger les putschistes à rétablir le pouvoir civil. Que penser de ces suggestions ? Pour faire échec à la restauration en cours du pouvoir militaire au Soudan, il faudrait, vraiment, que les forces d’inertie internes à la communauté internationale consentent à se soucier davantage du peuple soudanais que de leurs agendas propres. On se demande comment certaines capitales peuvent justifier à ce point le putsch du général al-Burhan. Face aux timides condamnations de principe esquissées par la communauté internationale, la détermination des Soudanais est belle à voir. C’est au moins la preuve que les peuples africains ne se contenteront pas indéfiniment de subir les prédateurs, après les dictateurs, en attendant les imposteurs. Nous contemplons un peuple debout, prêt à mourir – et ce ne sont pas que des mots – pour la liberté, pour l’état de droit, la démocratie et, surtout, pour la fin de la confiscation de son destin par des officiers cupides.  Le Soudan est indépendant depuis 1956. Soixante cinq ans, durant lesquels le pays a été, de fait, dirigé par des militaires pendant soixante et un ans. Si c’est une faillite, alors, elle incombe totalement aux militaires. C’est même une telle faillite que la partie Sud du pays, d’où venaient essentiellement les Soudanais noirs, a fini par faire sécession, pour le pire. Ironie du sort, le nom Soudan, comme on nous l’enseignait naguère, signifie littéralement : « Pays des Noirs » !  Qui ne comprendrait que les Soudanais soient prêts à mourir pour en finir avec un leadership si défaillant ! Mo Ibrahim n’a pas tort, lorsqu’il affirme que ces gens-là ne s’intéressent qu’à l’argent. Si les maîtres du monde croient vraiment aux valeurs pour lesquelles les Soudanais meurent, alors, ils devraient cibler les putschistes dans ce qu’ils chérissent le plus : leur argent. Il a justement précisé qu’ils placent leur argent dans le Golfe, en Turquie, en Malaisie… Si, comme le dit Mo Ibrahim, ils aiment plus encore leur prospérité et leur sécurité personnelles que le pouvoir, alors tracer ces flux financiers et geler leurs avoirs, puis leur mettre la justice internationale aux trousses devrait suffire à stimuler leur zèle à rétablir le pouvoir civil. Quant aux puissances et autres sous-puissances qui prennent parti pour le général putschiste, aujourd’hui, si elles tiennent réellement à leurs intérêts au Soudan, elles ne pourront que se raviser, lorsqu’elles verront s’inverser les rapports de forces. Quelle importance revêt l’échec du putsch au Soudan pour les autres peuples africains ? Les Soudanais ont lutté, vaillamment, et sont morts en nombre, pour chasser le général Omar Hassan el-Béchir du pouvoir, après trente ans de dictature. Lorsqu’ils ont compris que la cause était perdue, les haut-gradés de l’armée se sont invités dans la révolte, épousant les indignations du peuple, juste à temps pour ne pas couler avec Béchir, qu’ils ont destitué, par la force de leur outil de travail, au point d’en tirer le droit de revendiquer une place dans le cockpit, et même le poste de pilotage pour la première étape de la transition. En deux ans et demi, al-Burhan a gagné en assurance, suffisamment pour chasser le Premier ministre, l’emprisonner, et demeurer seul maître à bord. Si les Soudanais parvenaient à l’éjecter, alors, demain, ailleurs en Afrique, les populations sauront ne plus se laisser supplanter par d’autres de leurs concitoyens, fussent-ils en armes.
11/6/20214 minutes, 12 seconds
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L’impunité pour les crimes contre des journalistes demeure

Dans le traitement qu’il fait de l’actualité, le journaliste, en Afrique comme ailleurs, a vocation à rechercher ce qui contribue à faire avancer la société, et même, à l’occasion, à faire œuvre de salubrité publique. Dans trois jours exactement, mardi 2 novembre, on commémorera la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes contre des journalistes. Journée instituée en 2013 par les Nations unies, en hommage à nos confrères Ghislaine Dupont et Claude Verlon, enlevés puis assassinés le 2 novembre 2013 à Kidal, au Mali. Sauf que, huit ans après, l’impunité demeure. Elle demeure, en effet et, pourquoi le nier, nous l’avons en travers de la gorge. Cette résolution, vous en souvenez-vous, exhortait les Etats à prendre des mesures précises pour combattre la culture d’impunité. Bien sûr, l’instruction suit son cours. Mais, huit ans après, nous attendons toujours que la justice passe, pour marquer la fin de cette double impunité. Tuer des journalistes, en Afrique – on ne le dit pas assez – est aussi un crime contre les peuples africains. Car, l’information, la bonne information au service de laquelle étaient Ghislaine Dupont et Claude Verlon, est essentielle, pour sortir ce continent du sous-développement. Hervé Bourges, un de nos maîtres à l’école de journalisme, aimait à répéter que le journaliste africain devait être un agent de développement. Ghislaine Dupont et Claude Verlon n’étaient, certes, pas Africains. Mais, les informations qu’ils recherchaient portaient sur l’Afrique et se destinaient essentiellement aux Africains. Plus tard, dans la vie, nous avons eu à approfondir ensemble avec Hervé Bourges `la portée qu’il donnait au terme « développement ». Au-delà du bien-être économique des populations, le développement, dans son esprit, incluait aussi la soif de connaissance des peuples, leur besoin d’instruction, d’éducation, de liberté, de justice, bref d’état de droit, de démocratie, de bonne gouvernance, comme on dirait aujourd’hui. Comment le journaliste, dont la mission est d’informer, se mue-t-il en agent de développement ? Informer, ici, ne peut se réduire à rapporter les faits à l’état brut : l’actualité politique, sportive, les faits divers, les petits potins, « gossips » et autres commérages… Ce journalisme-là peut aussi bien être dévolu au petit télégraphiste. Dans le traitement qu’il fait de l’actualité, le journaliste doit aussi rechercher ce qui contribue à faire avancer la société. Parfois, c’est simplement par l’angle de traitement qu’il choisit qu’il sert le développement. Une enquête plus poussée, et le traitement de l’actualité, dans la presse, à la radio ou à la télévision, devient utile. Même dans les pays dits développés, le journaliste a, implicitement, une vocation du même type. Sans vouloir faire de la publicité à quelque titre que ce soit, imaginez combien de fois, depuis plus d’un siècle, Le Canard Enchaîné, par ses seules enquêtes, a fait œuvre de salubrité publique, en France ! Les évolutions induites par ses enquêtes en font un précieux agent de développement de l’état de droit et de la démocratie. Nous ne parlons, ici, que de journalisme. Pas des réseaux sociaux et autres plateformes sur lesquelles les approximations et la désinformation ont table ouverte. Il reste encore de la place, beaucoup de place pour le journalisme, qui offre une information fiable à ceux qui voudraient évoluer dans la vie avec un minimum de solidité... … Il n’empêche que les journalistes sont souvent tués parce qu’ils gênent les hommes de pouvoir. Oui. Surtout ceux qui trichent avec leurs engagements constitutionnels vis-à-vis de leurs peuples. Mais les journalistes ne sont pas là pour servir la volonté d’un pouvoir, ou accompagner les caprices d’un potentat. Sauf à n’être que des griots serviles. Les journalistes ne devraient pas davantage être là pour agresser inutilement les dirigeants, démolir tout ce qui se construit ou se fondre dans la peau d’une opposition vindicative. Car alors, ils ne seraient que des détracteurs stériles, peu crédibles.
10/30/20214 minutes, 13 seconds
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La tentation de la superficialité

Comment expliquer la place de plus en plus importante que prennent la « tchatche », l'agressivité (réelle ou feinte), dans des réunions, sommets ou spectacles comme le récent « Sommet Afrique-France » de Montpellier, au point de pouvoir devenir déterminants dans des coups de pouce du destin, au moins en politique ? Pendant ce temps, aux États-Unis… Ils ne sont ni bloggeurs ni « influençeuses », n’ont pas de la « tchatche » à revendre. Ils travaillent juste pour le gouvernement des États-Unis, sans jamais être vraiment à la Une des journaux. Que viennent donc chercher les Américains Robert Malley et Adéwale Adéyemo dans cet édito ? Ils sont, certes, Américains, mais aussi Africains, et leur parcours semble édifiant, au regard de ce qu’affichaient certains jeunes Français d’origine africaine, il y a peu, à Montpellier. Robert Malley est à Paris, depuis hier, vendredi 22 octobre 2021, pour discuter avec l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni de la relance des pourparlers avec Téhéran. Car il est l’émissaire du gouvernement américain pour l’Iran. En 2015 déjà, Robert Malley était le négociateur américain des accords sur le nucléaire iranien, conclus entre l’Iran et ces trois pays européens, alliés aux États-Unis. Mais Donald Trump s’en était retiré unilatéralement, en 2018.  Robert est le fils de Simon Malley, Égyptien, que certains auditeurs ont connu, comme fondateur du magazine Afrique-Asie. Sous Valéry Giscard d’Estaing, Simon Malley avait été expulsé de France, à cause de l’hostilité de ses écrits et de son magazine à la politique africaine de la France et, plus généralement, au colonialisme occidental.  Robert Malley avait alors à peine 17 ans, lorsque sa famille retourne s’installer aux États-Unis. Il fait des études de droit et de sciences politiques, plutôt brillantes, à Berkeley, à Yale, Oxford. Effectue des stages auprès de deux des plus éminents juristes de la Cour suprême des États-Unis. Puis dans les années 90, il devient un conseiller de premier plan de Bill Clinton à la Maison Blanche.  Et « Wally » Adeyemo, alors ? Adewale Adeyemo est un patronyme yoruba, et « Wally », juste un diminutif, à l’américaine. Il est né, en 1981, à Ibadan, troisième ville du Nigeria, d’un père enseignant, et d’une mère infirmière. Juriste lui aussi, également formé à Yale, et avocat, lui aussi. En 2004, Adewale Adeyemo devient, à 23 ans, un des directeurs de campagne de John Kerry, et se fait remarquer pour son aisance intellectuelle et son calme désarmant. C’est lors de cette même présidentielle que John Kerry offre à un jeune sénateur noir de l’Illinois, nommé Barack Hussein Obama, la chance de sa vie, en lui confiant le privilège de prononcer le discours d’ouverture, lors de son investiture comme candidat du parti démocrate.  Il assumera diverses fonctions, avant d’être nommé, en décembre 2020, secrétaire-adjoint au Trésor dans l’Administration Biden. À 39 ans, il devient le « numéro deux » du ministère américain des Finances. Et ce jeune homme à l’éternel sourire d’enfant peut, à tout moment, désormais, devenir « numéro un », lui, qui a pour devise personnelle ceci : « Donner une chance aux gens, quand ils en ont le plus besoin ». Pourquoi parler d’eux, aujourd’hui ? Vous vous souvenez peut-être du sourire satisfait du chef de l’État français, lorsque, présentant la ministre déléguée Élisabeth Moreno, à l’assistance de la plénière du fameux sommet de Montpellier, le 8 octobre 2021, il a rappelé que, lors de la rencontre organisée à l’Élysée, en juillet 2019, avec la diaspora africaine, Madame Moreno le défiait exactement comme le faisait, ce 8 octobre, la Malienne Adam Dicko. « Elle était alors "ma Adam Dicko" », a-t-il précisé, avec une pointe d’ironie. Une remarque ponctuée d’applaudissements, comme, du reste, chaque clash, chaque sortie osée contre Emmanuel Macron, lors de ce « sommet » que certains Africains qualifient de spectacle sans conséquence. La place de la « tchatche », dans un tel spectacle, et le coup de pouce du destin que peut constituer si facilement une agressivité, réelle ou feinte, laisse rêveur, au regard de ce qui fait émerger et propulse au plus haut sommet, aux États-Unis, un Obama, un Adeyemo, un Malley, tous repérés, à un âge qui était plus ou moins celui des jeunes présents à Montpellier.  À moins que l’on ne considère tout cela comme un progrès, étant donné que dans la France de Foccart, il n’en fallait pas tant, pour briser à tout jamais une carrière, même dans l’administration de son propre pays. 
10/23/20214 minutes, 12 seconds
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Au Mali, la perspective d’un report des élections

  Après son collègue qui faisait valoir, en septembre, qu’il valait mieux des élections reportées que des élections bâclées, c’est le ministre malien des Affaires étrangères qui a laissé entendre, cette semaine, que l’échéance de février 2022 pourrait ne pas se tenir, en raison de la situation sécuritaire. La perspective d’un report des élections, au Mali, n’est-elle pas désormais une certitude ? Étant donné le seuil de tolérance que l’Afrique de l’Ouest affiche par rapport aux coups d’État, on se demande en quoi la tenue des élections, dix-huit mois après le premier putsch, ou quelques années après le second, revêt une quelconque importance. Et pourquoi il a fallu aux dirigeants maliens procéder par approches successives, pour arriver à ce que suspectaient, depuis des mois, ceux des opposants qui ne participent pas à la conduite de cette transition. Quant aux tiraillements avec les partenaires extérieurs, ils sont quelque peu surfaits et, avec le soutien de leurs concitoyens, ils peuvent toujours ignorer ces diktats que déplore le ministre.  Comment comprendre le calme imperturbable qu’affichent les putschistes guinéens, à qui aucun partenaire extérieur n’ose d’ailleurs, adresser quelque diktat que ce soit. Leurs décisions tombent au compte-gouttes, et lorsqu’elle ne les applaudit pas, la population les accueille avec une indifférence bienveillante, qui disqualifie, d’office, tout diktat extérieur. Putschistes ou dirigeants élus à la régulière, il faut vraiment inspirer confiance à ses concitoyens, pour jouir de la liberté de le faire porter vers le meilleur. Prolonger la transition n’est donc pas tabou ?   En quoi le serait-ce, sur un continent où l’on accorde dix-huit mois renouvelables à certains, douze à d’autres, et six aux Guinéens ? En vérité, si l’on considère chaque État avec ses insuffisances, la Cédéao n’a qu’une légitimité limitée, pour déclencher le chronomètre, lorsqu’un autre peuple, se relevant d’un échec, s’essaie à rebâtir son destin.  La confiance que vous inspirez à votre peuple est la voie royale de la liberté, face aux diktats de vos partenaires. Mais la liberté, c’est aussi être prêt à vivre des privations, à souffrir, lorsque les maîtres des diktats croient vous tenir par leur aide. Si l’exemple ghanéen est si emblématique de ce qu’un putschiste structuré et lucide peut réussir, c’est aussi parce que Jerry Rawlings a su faire accepter aux Ghanéens les privations, comme prix de la liberté. C’est ainsi qu’un peuple se réhabilite, par rapport à sa propre histoire.   Mais une bonne transition est aussi affaire de contenu ! Dans la mesure où elle doit mettre en place toutes les institutions prévues par la Constitution, de telle sorte que le président, élu en dernier, n’aie pas les moyens -même s’il en a la tentation-, de minimiser l’importance des contre-pouvoirs, en les privant de moyens, ou en les faisant chapeauter par des hommes à lui.  Après un coup d’État, une bonne transition doit concevoir une Constitution qui colmate toutes les brèches par lesquelles le président déchu a pu s’engouffrer pour travestir les textes et soumettre les institutions ou les adapter à son aversion pour les contre-pouvoirs. Les institutions qui équilibrent les pouvoirs du chef de l’État sont essentielles, et doivent être dotées des moyens de leur indépendance. L’ossature de la maison de l’état de droit et de la démocratie est construite pour tous, et il n’appartient pas au président de la République d’en casser les murs. Rawlings a mis onze ans pour bâtir celle de son pays.  Et tout le monde n’est pas Jerry Rawlings Exact. Mais la seule excuse qu’un militaire puisse avoir de prendre le pouvoir est de réhabiliter une nation en péril. Et c’est à ses actes, à son attitude, à la clairvoyance de son leadership, que son peuple décidera s’il peut lui faire confiance ou pas. Mais la confiance, encore une fois, ne s’arrache ni ne s’achète. On l’inspire.
10/16/20214 minutes, 10 seconds
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Emmanuel Macron à la conquête de talents africains

À une jeune Malienne qui lui opposait fermement ses arguments, lors du sommet Afrique-France de Montpellier, ce 8 octobre 2021, le chef de l'Etat français a fait observer qu'Elisabeth Moreno, désormais « sa » ministre, l'affrontait de manière identique, lors d'une rencontre avec la diaspora africaine en juillet 2019, en présence du président Nana Akuffo-Addo du Ghana. Si l’on veut sincèrement que l’Afrique finisse par s’en sortir un jour, ne faudrait-il pas lui laisser un peu de ses talents ? Le 28e Sommet Afrique-France s’est donc tenu, ce 8 octobre, à Montpellier, en l’absence des chefs d’Etat africains, mais avec le président Macron, qui avait convié plus de 2 500 Africains ou Franco-Africains. Un président français bousculé par certains des onze participants choisis pour lui donner le change, dans une séance de questions-réponses. Peut-on dire que le pari est réussi ? Au regard des objectifs qu’il poursuivait, il doit sans doute être satisfait. Mais, si vous avez-suivi « l’édition spéciale », sur RFI, peu après la fin des travaux, vous avez entendu les analyses, posées, de certains des participants qui étaient intervenus, durant la plénière. Deux d’entre eux disaient n’avoir pas reçu de réponses satisfaisantes à leurs questions, et se demandaient si le flou n’était pas délibéré. L’un d’eux s’est même avancé à suggérer qu’il doutait de la sincérité de tout cet exercice, puis il a conclu qu’il espérait n’avoir pas été instrumentalisé. S’il est une crainte que les organisateurs ne doivent pas minimiser, c’est que des jeunes gens comme celui-là rentrent chez eux avec un tel doute, et que leurs parents et amis, qui leur avaient dit de se méfier, les accueillent avec un : « on t’avait prévenu que tu te ferais avoir ! ». tous ne rentrent jamais unanimement satisfaits d’un tel rassemblement L’on aurait tort de faire comme s’ils étaient allés à un congrès de parti ou à un meeting politique. La plupart voulaient croire qu’ils peuvent faire enfin confiance à une France dont certains d’entre eux se méfiaient héréditairement. Ce serait une erreur de les prendre pour une foule que l’on aurait retournée. D’autant que, comme beaucoup parmi eux l’ont répété, leurs proches vivent cette excursion comme une trahison. La suite doit absolument leur donner raison d’y avoir cru. Sinon, d’autres incompréhensions suivront, et les anciennes grandiront. Pour le reste, ce sommet, qui a porté toutes sortes de dénominations à travers le temps : « Sommet franco-africain », Conférence au Sommet des chefs d’Etat de France et d’Afrique… est pratiquement une marque déposée, une appellation contrôlée. Soustrayez-en les chefs d’Etat africains, et cela devient autre chose, ne serait-ce qu’en raison de ce que l’on appelle, en droit, le parallélisme des formes. Sur un tout autre sujet, Emmanuel Macron lui-même a répondu qu’il devait bien traiter avec ceux qui étaient aux commandes des Etats africains. Parce que ses interlocuteurs de Montpellier ne lui seraient d’aucun secours s’il devait obtenir une autorisation de survol quelque part pour les avions de l’armée française. Qu’ils tiennent les Etats par la grâce d’un coup d’Etat ou au nom d’un troisième mandat, ils comptent, même si on ne les prend pas comme partenaires. Et puis, dans la mesure où certains, comme l’a reconnu le président Macron, sont parfaitement honorables, on ne peut laisser leur place à table à la société civile, sans risquer d’autres psychodrames. Finalement, rien ne vous a donc surpris agréablement dans cette rencontre ? Agréablement, peut-être pas. Mais il n’est pas banal de voir Achille Mbembe en « cheville ouvrière », comme on l’a qualifié, d’un sommet Afrique-France. On n’est pas obligé d’applaudir. Mais, si les chefs d’Etat africains ne se sont pas aperçus, depuis près de quatre décennies, de ce que vaut Achille Mbembe, que voulez-vous que nous y fassions ? S’il avait eu à choisir entre la France et un Etat africain, le choix, nous en sommes convaincus, n’aurait fait l’ombre d’aucun doute. Il faut juste espérer que la France, après les footballeurs et tant d’autres sportifs, ne va pas jeter son dévolu sur l’intelligentsia africaine. Si l’on veut sincèrement que l’Afrique finisse par s’en sortir un jour, il faudra lui laisser un peu de ses talents.
10/9/20214 minutes, 15 seconds
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Les chefs d’États et les putschistes

À la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies, le président Muhammadu Buhari du Nigeria a déclaré, en fin de semaine dernière [vendredi 24 septembre], que les acquis démocratiques de ces dernières décennies, en Afrique de l’Ouest, s’effritaient peu à peu, avec le retour des coups d’État, dont certains sont motivés par les changements unilatéraux de Constitution, initiés pour supprimer la limitation des mandats. Ce discours de franchise n’est-il pas admirable ? Admirable, peut-être. Mais, dans la suite de ce petit paragraphe de son discours, l’admirable et le déplorable s’enchevêtrent quelque peu. L’Afrique de l’Ouest, à une petite exception près, était, jusqu’à il y a peu, presque plaisante à voir, à la différence du troublant tableau que présente l’Afrique centrale, où cinq chefs d’Etat totalisaient, avant la mort du maréchal Déby, plus de deux cents ans au pouvoir. Les constats du président Buhari sont justes : entre les manipulations douteuses des Constitutions, la propension de certains politiciens à recourir à la rue pour se faire la courte échelle vers un pouvoir qu’ils peinent à conquérir dans les urnes, tous les ingrédients sont réunis pour rendre le terreau fertile à des putschistes en puissance qui, sans broncher, assistaient, au garde-à-vous, aux excès des privilégiés du pouvoir. Ces signaux d’alerte ont-ils pu échapper au président Buhari ?  Non ! Comme les plus sérieux de ses pairs, il savait et pouvait agir, intervenir pour empêcher ces putschs prévisibles. Et tous invoqueront la souveraineté des Etats, pour justifier d’avoir laissé faire. Mais de quelle souveraineté s’agit-il, lorsque les défaillances de ces Etats sur des pans entiers de leurs frontières, laissent le champ libre aux jihadistes, parfois sur plus d’un millier de kilomètres, pour frapper, quand ils veulent, chez le voisin ? C’est de responsabilité qu’il s’agit, ici. Il ne sert à rien d’aller tenir à l’Onu un langage de vérité, si l’on n’a pas été capable de prévenir un homologue qui s’égarait. Alpha Condé devrait leur en vouloir de l’avoir laisser couler à pic !  Et lorsque le président Buhari réaffirme le soutien du Nigeria aux décisions prises par la CEDEAO et l’Union Africaine contre les putschistes, l’on se demande ce que peuvent bien peser ces décisions qu’ignorent superbement les putschistes.  Le plus préoccupant est que ce leadership vacillant est tout de même celui de la première puissance africaine, qui rêve d’occuper au Conseil de Sécurité de l’Onu, un éventuel siège permanent dévolu à l’Afrique. Le Nigeria a pourtant bien assumé son leadership, par le passé…  Oui ! Mais, le leadership d’une nation n’est pas gravé de manière immuable dans le marbre. Le Nigeria a perdu beaucoup de son influence ces dernières années, et cela date de bien avant l’accession du président Buhari au pouvoir. Il faut se mettre à rebâtir, et ne pas donner l’impression de seulement gérer les affaires courantes, sans aucune initiative du niveau, audacieux, de celle qui a permis, en 1975, la création de la CEDEAO.  Que manque-t-il, pour un leadership efficient en Afrique de l’Ouest ?  D’abord, des dirigeants d’envergure, au diapason des aspirations réelles de leurs peuples. Il faut une masse critique d’Etats et de dirigeants crédibles, sérieux, suffisamment fermes, pour dissuader les velléités putschistes d’hommes en armes qui se sentent suffisamment libres de renverser des chefs d’Etat élus, sous des prétextes parfois aussi approximatifs que leurs discours.  Il est temps de traiter et les causes et les conséquences. Ne pas tolérer les retouches de convenance d’une Constitution pour s’octroyer un troisième mandat, puis venir ensuite condamner un putsch qui en résulterait. C’est une question de crédibilité, vis-à-vis des citoyens qui subissent des dirigeants parfois indignes et arrogants. 
10/2/20214 minutes, 10 seconds
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Souveraineté contre Souveraineité

Qui donc protègera le peuple, si l'armée privée russe Wagner doit « former l'armée malienne et protéger les dirigeants ? » Wagner ! Ce nom a résonné, cette semaine, jusque dans le Palais de verre de Manhattan, où la France a, en quelque sorte, « mondialisé » l’émoi, à propos de l’accord en vue entre les autorités maliennes et l’armée privée de mercenaires russes. Mais, à Bamako, beaucoup s’insurgent contre ce qu’ils considèrent comme une atteinte à leur souveraineté. Les dirigeants maliens n’ont-ils pas raison, après tout, de décider de ce qu’ils estiment être dans leur intérêt ? Si le colonel Goïta trouve que s’offrir les services de cette armée privée russe sert les intérêts du Mali, évidemment qu’il a raison, et même le devoir de le faire. D’ailleurs, si personne n’a pu l’empêcher de prendre le pouvoir, par deux fois, à Bamako, qui donc pourrait l’empêcher d’engager son pays dans la voie qu’il désire ? C’est cela, la souveraineté, en effet. Mais l’indépendance d’un pays se proclame un jour, puis s’assume, ensuite. Le besoin de rappeler que l’on est indépendant trahit souvent le fait que l’on a soi-même oublié d’assumer ladite indépendance. Jamais l’on n’entend les Cap-verdiens répéter qu’ils sont une nation indépendante. Pas plus que les Botswanais, les Namibiens, les Ghanéens… C’est à la manière dont les dirigeants conduisent leur pays que l’on réalise à quel point ils assument leur souveraineté. Pourquoi, alors, cette décision souveraine du Mali gêne-t-elle tant la France, et même l’Europe ? Sans doute parce que solliciter des mercenaires, pour un État souverain, n’est pas un acte banal, sans conséquences. Il est évident que les dirigeants français ne peuvent pas imaginer leur armée côtoyant des mercenaires, au Mali. Eux qui ont été échaudés, et à qui il a fallu un bon quart de siècle, pour expier le fait d’avoir collaboré, au Rwanda, avec une armée régulière qui deviendra, ensuite, génocidaire… C’est donc le droit souverain de la France de prévenir qu’elle laissera le Mali face à son destin, plutôt que de se retrouver du même côté que des mercenaires. Si la France ne peut empêcher les autorités de la transition malienne d’inviter des mercenaires à leur table, elle a le droit de prévenir qu’elle ne saurait rester. Qu’ils agissent en groupes organisés ou à titre individuel, les mercenaires sont, par définition, des soldats peu fiables, dont on se méfie, car vous ne savez jamais où se situe leur loyauté. Ils peuvent, d’un jour à l’autre, se retourner contre vous, se vendre à vos pires adversaires, et même à vos ennemis, dès lors que ceux-ci paient davantage. Le colonel Assimi Goïta a peut-être un besoin urgent de mercenaires, pour libérer son pays du terrorisme et des djihadistes ? Il se trouve que nous avons tous lu que la mission de ce millier de mercenaires russes sera de « former l’armée malienne et protéger les dirigeants ! » Des mercenaires pour transmettre leur savoir à l’armée régulière, soit ! Mais que signifie : « Protéger les dirigeants » ? Qui donc protègera les Maliens ? Peut-être faut-il leur rappeler cet extrait de l’hymne de l’Empire du Wassoulou, dans lequel le peuple, interpelant l’Almamy Samory Touré, dit ceci : « Si tu ne peux organiser, diriger et défendre le pays de tes pères, fais appel aux hommes plus valeureux ». Nulle part, dans l’histoire de l’Afrique indépendante, les mercenaires n’ont laissé un souvenir impérissable. Au contraire, ils ont presque toujours retourné leurs armes contre les peuples qu’ils étaient venus défendre. Biafra, Katanga, Comores. Sans parler de la milice privée de Jean-Pierre Bemba, dont les exactions, en Centrafrique, ont été passées par pertes et profits. Qu’il soit Jaune, Noir ou Blanc, le bon mercenaire n’existe définitivement pas ! Les Maliens, tôt ou tard, auront à le constater, hélas ! En toute souveraineté !
9/25/20214 minutes, 9 seconds