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Invité Afrique

French, Political, 1 season, 194 episodes, 20 hours, 10 minutes
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Du lundi au vendredi, Christophe Boisbouvier reçoit un acteur de l'actualité africaine, chef d'Etat ou rebelle, footballeur ou avocate... L'invité Afrique, c'est parfois polémique, mais ce n'est jamais langue de bois.
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Report de la présidentielle au Sénégal: «Cela ne repose sur aucune base juridique valable», estime l'universitaire Babacar Gueye

Le président sénégalais Macky Sall a annoncé ce samedi 3 février 2024 après-midi le report sine die de la présidentielle prévue le 25 février prochain. Une décision qu'il a justifiée par la crise actuelle, dont il espère sortir via un dialogue politique. C'est la première fois dans l'histoire du pays qu'une élection est repoussée. Que penser des arguments du chef de l'État ? Que peut-il faire par la suite ? Cette annonce peut-elle calmer ou au contraire tendre davantage la situation politique ? Babacar Gueye est professeur de droit constitutionnel à l'université Cheikh-Anta-Diop et président du Collectif des organisations de la société civile pour les élections.
2/4/20243 minutes, 54 seconds
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Cary Fowler: «Les terres en Afrique sont parmi les plus abîmées et érodées au monde»

Plus de 700 millions de personnes souffrent de la faim aujourd’hui. Selon des chercheurs américains, la demande mondiale en nourriture va augmenter de plus de 50% d'ici à 2050. Comment répondre à la demande, tout en s’adaptant au changement climatique ? Il y a un an, les États-Unis lançaient le programme VACS (Vision pour des cultures et des sols adaptés), qui prône un retour à des cultures traditionnelles. Cary Fowler, envoyé spécial des États-Unis pour la sécurité alimentaire, est l'invité d’Alexandra Brangeon. RFI : Il y a un an, les États-Unis ont lancé le programme VACS, Vision pour des cultures et des sols adaptés. De quoi s’agit-il ?Cary Fowler : Ce programme a pour objectif de travailler sur deux aspects fondamentaux de la sécurité alimentaire : les cultures et les sols. Si vous voulez assurer la sécurité alimentaire de façon durable, il faut que vous ayez une terre fertile et des variétés de plantes adaptées au changement climatique. Ce n’est pas le cas aujourd’hui en Afrique – un continent où les besoins sont parmi les plus importants et qui sera le continent le plus peuplé d'ici à la fin de ce siècle. Les terres en Afrique sont parmi les plus abimées et érodées au monde.Pourquoi cela ?La structure des sols est pauvre et certaines pratiques agricoles tendent à dégrader encore plus ces sols. Il y a de multiples raisons, mais vous ne pouvez pas mettre sur pied une agriculture productive et sur une longue durée avec des sols abimés et érodés. L’autre aspect est qu’il y a énormément de plantes originaires d'Afrique qui sont très nutritives et pourraient améliorer la nutrition et la santé des populations. Aujourd’hui, 40% de la population mondiale n’a pas les moyens d’avoir un repas équilibré. En Afrique, le pourcentage est de 80%. Et pourtant, il y a des plantes incroyables en Afrique. Le fonio, par exemple, qui est une céréale cultivée en Afrique de l’Ouest, et qui contient 10 fois plus de fer que du maïs. Si on pouvait augmenter la productivité, le rendement de ces cultures et les intégrer un peu plus dans le régime alimentaire des populations, on pourrait remédier aux problèmes de carences nutritionnelles et de retard de croissance chez les enfants. Il y a 50 ans, la Banque mondiale, le FMI poussaient au contraire les pays africains à cultiver une seule espèce pour l’exportation. Qu’est-ce qui a changé ?Nous avons tous pris conscience, et surtout les Africains, qu’il faut stimuler la productivité de ces cultures locales, tout en les rendant plus résilientes au climat. Et cela ne peut pas se faire avec de la monoculture. Nous ne disons pas aux agriculteurs africains de ne plus planter les aliments de base qu'ils cultivent habituellement, mais, qu’il faudrait diversifier la culture, avec plus de légumes et de fruits, qui sont indispensables, si nous voulons nous attaquer au problème de carence nutritionnelle. Dans certains pays africains, 20 à 30% des enfants de moins de cinq ans ont un retard de croissance, dont ils souffriront toute leur vie. Vous ne pouvez pas développer une société avec ce genre de handicap.Comment ce programme VACS va-t-il fonctionner ?Aujourd’hui, un certain nombre de scientifiques africains travaillent sur des programmes de recherche nationaux pour améliorer les cultures. Nous voulons soutenir ce travail qui consiste à croiser des plantes, afin d’améliorer leur rendement, leur résilience et réduire les problèmes liés aux maladies et d’animaux nuisibles.Vous parlez de croisement. Vous voulez dire des plantes génétiquement modifiées ?Probablement pas, car la plupart des pays africains n’autorisent pas les semences génétiquement modifiées ; ça coûte très cher. Nous voulons plutôt favoriser le croisement des plantes de façon traditionnelle, comme cela se fait depuis des siècles.Cela veut dire que les fermiers devront acheter ces semences ?Il y aura différents moyens mis en place pour que ces fermiers puissent accéder à ces semences. Des ONG seront impliquées dans le projet. Dans certains cas, ces semences seront mises à disposition gratuitement. Il sera peut-être demandé aux fermiers de mettre de côté une partie des semences récoltées pour être reversée au programme et être redistribuée à d’autres agriculteurs. Il y aura peut-être aussi des petites et moyennes entreprises qui vendront ces semences. Nous voulons valoriser ces produits, que cela devienne un marché plus porteur, ce qui encouragera les fermiers à cultiver ces plantes traditionnelles.Comment allez-vous convaincre ces agriculteurs de cultiver des plantes traditionnelles, après des décennies de monoculture ?Ce qui est intéressant, c’est que les agriculteurs n’ont jamais complètement abandonné ces cultures locales. Si elles ont été cultivées pendant 10 000 ans, c’est bien qu’il y a une raison. Nous voulons aider à ce que ces cultures soient plus rentables, plus compétitives sur le marché et qu’elles reprennent une place plus importante dans le régime alimentaire des gens.Cela fait un an que le programme a été lancé. Quelles ont été les réactions ? La réponse est plutôt positive. Le Fonds international pour le développement agricole des Nations Unies a mis en place une plateforme de financement pour ce projet. Nous avons reçu des fonds du Japon, des Pays-Bas, de la Grande-Bretagne, de la Norvège. Nous sommes ici pour discuter avec la France. Nous avons besoin de soutien politique, financier et technique. La France, par exemple, a des instituts de recherches de pointe qui pourrait aider ce programme.Vous le disiez, besoin de soutien politique, qu’en disent les pays africains que vous avez approchés ?L’Union africaine, elle-même, estime qu’il y a toujours eu un sous-investissement pour ces cultures locales. Mais, je pense que les pays africains réalisent qu’avec les différents problèmes, les retards de croissance infantile et plus généralement les carences nutritionnelles, il faut que les choses changent. Et avec ces plantes locales, ils ont la solution en main. Il y a donc il y a un soutien important pour ce genre d’initiative.
2/2/20244 minutes, 45 seconds
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Présidentielle au Sénégal: Khalifa Sall est sûr qu’il y aura un second tour et qu’il y sera

Parce qu’il revendique 57 ans de militantisme et qu’il a été deux fois maire de Dakar, de 2009 à 2018, Khalifa Sall, le leader de la plate-forme Taxawu Sénégal, se dit certain de se qualifier pour le second tour de la prochaine présidentielle. « Tout le monde sait qu’il y aura second tour, c’est la réalité du moment, et je sais que j’y serai », déclare-t-il à RFI et France 24 dans une interview accordée à Saint-Louis du Sénégal. Et qui sera, selon lui, son adversaire du second tour ? « Peu m’importe celui que j’aurai en face de moi ».  Interrogé sur ses relations distendues, au sein de l’opposition au Sénégal, avec Ousmane Sonko, Khalifa Sall affirme qu’il n’y a pas rupture, mais que chacun suit sa voie. « En juin dernier, j’ai accepté d’aller au dialogue national initié par le président Macky Sall, parce que je crois au dialogue politique. J’ai même accepté de dialoguer quand j’étais en prison. »À la question : « Espérez-vous attirer les électeurs orphelins de Karim Wade ? », Khalifa Sall réplique : « Il ne faut pas avoir un comportement de charognard. On est solidaire de Karim et, pour l’instant, on le soutient dans son combat pour intégrer le dispositif électoral ». RFI & France 24 : Khalifa Sall, vous êtes donc candidat à l'élection présidentielle prévue le 25 février prochain. Vous n'êtes pas seul sur la ligne de départ. Il y a vingt candidats au total, mais manquent à l'appel deux des poids lourds de la politique sénégalaise, à savoir Ousmane Sonko et Karim Wade. Est-ce que ça veut dire que cette élection, avant d'avoir lieu, est d'ores et déjà tronquée ? Khalifa Sall : Merci beaucoup de cette opportunité qui m'est offerte par vos deux organes pour parler aux Sénégalais, à l'Afrique et au monde. Maintenant, vous me dites que nous allons aborder un scrutin tronqué. C'est votre mot. C'est vrai que cette élection est assez particulière. Sa première particularité, c’est que c'est la première fois qu'un chef d'État sortant n'est pas candidat et que c'est lui qui va organiser cette élection. Donc c'est pourquoi nous avons tous espoir que là, cela se passera sans qu'il y ait trop de dommages, sans qu'il y ait trop de contraintes. En tout cas, [Macky Sall] s'est engagé à organiser des élections sereines et sincères. Qu'il manque Karim Wade et Ousmane Sonko, c'est quelque chose de regrettable, parce que ce que nous aurions souhaité, c'est qu'il y ait tout le monde, que tous ceux qui prétendent postuler à servir ce pays puissent le faire à travers ce scrutin. Vous comprenez que c'est quelque chose que nous regrettons pour la vitalité démocratique, pour le jeu démocratique, et nous sommes de tout cœur avec tous les combats qu’ils mènent tous pour pouvoir intégrer le dispositif. La surprise en fait, la vraie surprise du 20 janvier, c'est le rejet de la candidature de Karim Wade dont le parti avait accepté, pourtant, de participer au dialogue national de juin dernier à vos côtés aussi, avec votre parti Taxawu Sénégal. Est-ce que vous pensez, comme Karim Wade, que c'est un coup bas de la part d'Amadou Ba et du parti au pouvoir ? En tout cas, je suis solidaire de Karim. Je le lui ai dit de vive voix, ce qui lui est arrivé est injuste et difficilement acceptable, parce que ça fait deux scrutins de suite qu'il se prépare à prétendre servir son pays et que l'occasion ne lui est pas donnée pour le faire. C'est vrai aussi, j'ai été surpris qu'il ait été recalé pour cette raison-là. La nationalité ? Voilà, la nationalité, parce qu’il avait conscience de la situation et je crois qu'il s'est donné les moyens d'y participer. C'est une manœuvre de qui ? C'est vrai, les accusations fusent, hein ? À chaque fois, il faut trouver les auteurs et je crois que la commission d'enquête parlementaire qu'ils ont initiée pourrait contribuer à élucider ce qu’il s’est passé réellement. Alors cette commission d'enquête, le principe en a été accepté, est-ce que vous êtes solidaire de cette démarche qui a été prise à l'initiative du PDS de Karim Wade et est-ce que cela pourrait entraîner un report de la présidentielle ? Nous sommes solidaires de tous les combats que nos amis, nos frères et nos camarades de lutte mènent pour préserver, protéger leurs droits. Karim doit participer, devait participer à cette élection. Qu'il puisse se battre aujourd'hui est normal et nécessaire et compréhensible. Donc maintenant... La question que vous avez posée, c’est ? Est-ce qu'on va vers un report éventuel de la présidentielle ? Je ne pense pas que ce soit la solution. Tout le monde sait que je suis contre le report. C'est ma position personnelle et on ne reporte pas une élection à 31 jours. Nous sommes à 31 jours du scrutin. Ce serait sur quelle base ? Qu'est-ce qui conduirait, qu'est ce qui justifierait, qu'est ce qui expliquerait un report ? J'aimerais bien en avoir les raisons. Parce que c'est ça le vrai problème, qu'est ce qui le justifierait ? Alors le fait est que la mise à l'écart de Karim Wade fait que les gens qui auraient voté pour lui vont voter pour d'autres. Est-ce que vous espérez profiter de cette situation pour attirer des électeurs potentiels de Karim Wade, notamment ceux qui ne veulent plus du régime en place, et ceux qui ont peur d’Ousmane Sonko ? Karim Wade se bat, il ne faut pas qu'on ait un comportement de charognard. Pour l'instant, il mène un combat. Ce combat, nous en sommes solidaires. Il s'agit pour nous de le soutenir et de l'encourager à se battre. Le moment venu, quand il faudra aller au scrutin et qu'il faudra discuter, ce sera une seconde étape. Mais aujourd'hui, il n'est pas dans nos intentions de parler, d'aller travailler l'électorat de Karim. Pour l'instant, on le soutient et on est à ses côtés pour son combat.Jusqu'au mois de juin dernier, Khalifa Sall, c'est-à-dire jusqu'au dialogue national initié par le président Macky Sall et auquel vous avez accepté de participer, vous étiez dans la coalition d'opposition Yewwi Askan Wi aux côtés d'Ousmane Sonko. Alors pourquoi avez-vous rompu ? Est-ce que c'est pour des raisons idéologiques ou est-ce que c'est tout simplement parce que votre présence au dialogue national était le prix à payer pour être candidat ? D'abord, je voudrais préciser que nous n'avons pas rompu avec Yewwi. Yewwi avait des statuts, des textes de code de conduite et des règles et nous avons été respectueux de ces règles. Il respecte ma position comme je respecte la sienne, parce que pour aller au dialogue, c'est une décision de chaque formation politique de la coalition. On n'a jamais dit, dans le texte de Yewwi, qu'il fallait une décision unanime pour aller au dialogue ou pas. Surtout que pour l'élection présidentielle, chacun a le droit d'être candidat ou non. Donc ce sont des choix que nous avons faits et que nous assumons. Nous avons été au dialogue, pas parce qu'il y avait l'élection présidentielle, mais parce que d'abord, nous croyons au dialogue politique dans ce pays. C'est important. D'abord, j'ai dialogué alors que j'étais en prison, j'ai participé à tous les dialogues alors que j'étais en prison. Je n'étais pas candidat et pourtant j'étais là, j'étais à tous les dialogues. Aujourd'hui, le président nous a conviés à ce dialogue. Nous y sommes allés.Alors ne craignez-vous pas pendant cette élection d'être broyé par la machine électorale du camp présidentiel ? Je vous vois sourire, sans doute parce que vous avez une longue expérience électorale, mais c'est vrai, il y a quand même une machine dans le camp d'en face. Vous êtes en situation de faiblesse, non ? Pas du tout. Pourquoi serions-nous en position de faiblesse ? C'est une élection présidentielle, c'est un problème de personne. Ce sont des hommes et des femmes qui se présentent à nos concitoyens pour solliciter leurs suffrages à travers des projets, des programmes qu'ils vont leur proposer. Il s'agit de crédibilité, il s'agit de compétences, il s'agit de capacité et je suis très bien placé pour être le prochain président de la République du Sénégal. J'y suis préparé, je connais ce pays, je connais l'État et j'ai tous les atouts pour être élu. Je n'ai aucune inquiétude face au pouvoir. Même face à Amadou Ba ? Est-ce que ce n'est pas un adversaire redoutable, le Premier ministre ? Je vous vois à nouveau sourire, pourquoi ? Vous ne le craignez pas ? Il ne faut jamais sous-estimer ses adversaires, jamais, c'est de la politesse, c’est de la correction. Il faut toujours respecter ses adversaires. Mais quand vous parlez d’être broyé ou d'être laminé, je pense que même là, le camp d’en face connait la réalité politique du moment.  Vous qui avez une longue expertise politique, de qui vous vous sentez le plus proche ? De la coalition au pouvoir Benno Bokk Yakaar ou de la coalition d'opposition Yewwi Askan Wi ? Je suis dans l'opposition depuis 24 ans. Je suis le plus ancien opposant depuis que le PS a perdu le pouvoir. Je suis dans l'opposition. J'ai eu tous mes mandats en étant opposant. J'ai été élu et réélu député, j'ai été élu et réélu maire de Dakar, toujours en étant dans l'opposition, je n’ai pas besoin d'aller à Benno [Bokk Yakaar]. Donc je reste dans l'opposition. Je suis lié par les contrats moraux que nous avons signés au niveau de l'opposition, que ce soit dans le F24 et autres, ça m'engage. J'ai apposé ma signature. Alors vous vous battez, comme vous l'avez dit, pour gagner, mais si jamais vous n'y parvenez pas, si jamais, par exemple, vous ne parvenez pas au second tour…Je ne l'envisage même pas.Est-ce que vous pourriez faire une alliance électorale avec peut-être, justement, les gens de Yewwi Askan Wi, puisque vous n'êtes pas de Benno Bokk Yakaar ? Je ne l'envisage pas, je n'envisage pas d’être absent. Je serai au second tour.Il y aura un second tour, pour vous ? Forcément. C'est la réalité politique du moment. Ceux qui vous disent, le premier tour… Bon, vous savez, il n’est pas interdit de rêver. Tout le monde sait qu'il y aura un second tour dans ce scrutin. On n'a jamais eu un scrutin aussi ouvert. Et qui voyez-vous en face de vous au second tour ? Personne et je sais que j'y serai inch’Allah, peu importe celui que j’aurai en face de moi.Venons-en à un sujet, hélas, triste : les jeunes Sénégalais qui partent en pirogue, au péril de leur vie, chercher un avenir meilleur en Europe. Les gouvernements ici et ailleurs, disent que oui, il faut créer des emplois, que les jeunes vont rester, mais on a l'impression que c'est une fatalité. Est-ce qu'à vos yeux c'est une fatalité, ou est-ce que vous avez la solution miracle pour endiguer ce flux ? Ce n'est pas une fatalité. Vous savez ce que me disent les jeunes ? On n'a aucune envie d’aller faire du « Barça ou Barsakh » [« Barcelone ou la mort »], aucune envie. Ils n'ont connu que la terre, l'agriculture, aujourd'hui ils sont laissés à eux-mêmes. Il y a des surfaces, des superficies énormes, qui ne peuvent pas être aménagées ou exploitées. Ces jeunes n'ont pas de terre, ils n'ont pas d'activité, ils n'ont pas de moyens sûrs, qu'est-ce que vous voulez qu'ils fassent ? Il vaut mieux mourir plutôt que de rester dans certaines situations, c'est ça le problème. La question, elle est économique et sociale, la solution sera économique et sociale. Développer ce pays dans son hinterland, faire en sorte que les gens aient les moyens de vivre et de travailler pour garder leur dignité, voilà le problème. Et on n'a pas besoin de vous pour ça. Nous devrions nous-mêmes revoir nos politiques économiques, revoir nos stratégies de développement pour répondre aux aspirations de ces populations qui, parce qu'elles n'ont plus de réponses, préfèrent la mort ou l'exil, plutôt que de rester dans la honte. 
1/31/202412 minutes, 28 seconds
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Patrick Forestier: «en politique internationale, il n'y a que le rapport de force qui compte»

Poutine, Macron et l'Afrique… C'est le thème du livre Poutine contre la France, que vient de publier Patrick Forestier, reporter de guerre, aux éditions du Cherche Midi. La Russie a-t-elle joué un rôle dans la rupture de dimanche dernier entre trois pays du Sahel et la Cédéao ? La Russie va-t-elle évincer les militaires français du Tchad ? Quelle est la responsabilité des hommes politiques français dans le fiasco de la France au Sahel ? Patrick Forestier répond aux questions de Christophe Boisbouvier.  
1/31/20248 minutes, 11 seconds
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Présidentielle au Sénégal: le camp de l'opposant Ousmane Sonko pense gagner

Malgré le rejet de la candidature de l’opposant Ousmane Sonko par le Conseil constitutionnel, son parti Pastef, qui est officiellement dissous, se dit sûr de la victoire, même avec un candidat de substitution qui est aujourd’hui derrière les barreaux. Le 28 janvier, dans une vidéo non datée, Ousmane Sonko, qui est en prison, a désigné son numéro 2, Bassirou Diomaye Faye, comme son remplaçant à la présidentielle du 25 février au Sénégal. Certes, Bassirou Diomaye Faye est, lui aussi, en prison. Mais lui a vu sa candidature validée par le Conseil constitutionnel. Et sur RFI et France 24, Birame Souleye Diop, qui est le vice-président du Pastef et le chef du groupe Pastef à l’Assemblée nationale, affirme aujourd’hui que le candidat-prisonnier Bassirou Diomaye Faye est « tout à fait calibré pour répondre aux attentes des électeurs, car il a rigoureusement travaillé sur le programme politique que nous portons ».Comment faire campagne derrière les barreaux ? Birame Souleye Diop rappelle qu’il y a un précédent célèbre. En août 2018, au Brésil, le prisonnier Lula da Silva s’est présenté à la présidentielle d’octobre. Certes, sa candidature n’a pas été validée à l’époque. Mais quatre ans plus tard, Lula, qui avait été libéré entre-temps, a été élu.Le camp d’Ousmane Sonko ne risque-t-il pas d’être laminé par la machine électorale qui soutient le Premier ministre Amadou Ba, le dauphin du président Macky Sall ? « Pas du tout, réplique Birame Souleye Diop, car Amadou Ba, il ne passe pas dans la rue pour qu’on dise “Amadou Ba”, il passe dans la rue pour entendre “Ousmane Sonko”, il n’a jamais fait de politique, il ne se préoccupe pas de la vie chère et les intentions de vote en notre faveur tournent autour de 71 % ».L’absence de réactions dans la rue après le rejet de la candidature d’Ousmane Sonko ne traduit-elle pas un essoufflement de son camp ? Absolument pas, répond le vice-président du Pastef, car son mouvement « adapte sa stratégie aux circonstances ». Après la stratégie de la rue est venue celle des urnes.RFI & France 24 : Bassirou Diomaye Faye est en prison dans l’attente d’un jugement. Est-ce que vous êtes optimiste quant à sa remise en liberté provisoire, puisque lui, au contraire d’Ousmane Sonko, a le droit d’être candidat, selon le Conseil constitutionnel ? Birame Souleye Diop : Ce qu’il faut savoir, c’est que Bassirou Diomaye Faye a introduit cinq demandes de liberté provisoire qui ont été rejetées. Vous savez, la particularité du projet, c’est que nous tous nous le portons. Il est notre candidat si on le décide. Si le président Ousmane  Sonko décide que c’est autour de lui que nous devons fédérer nos efforts avec les alliés, qu’il soit libre ou pas, le travail se fera. Parce que l’important, c’est de porter un programme politique. L’important, c’est de communiquer sur les réformes que nous sommes en train de porter et lui a travaillé rigoureusement sur le programme politique que nous portons. Aujourd’hui, il est clair et net que monsieur Bassirou Diomaye Faye connaît bien le projet que nous portons, il est tout à fait calibré pour répondre à cette attente.Il y a juste quand même un problème, c’est qu’il est en prison. Est-ce que, s’il reste en prison, il va rester votre candidat ? Comment est-ce qu’on fait campagne, comment est-ce qu’on peut espérer gagner derrière les barreaux ?  Vous n’avez jamais vu un candidat remporter les élections derrière les barreaux ? Je pense que l’histoire politique récente du Brésil montre que Lula a remporté les élections en étant derrière les barreaux. S’il reste en prison, nous battrons campagne pour lui et je vous assure que, dans les pronostics, on est sûrs d’aboutir à la victoire.Le Premier ministre, Amadou Ba, se dit certain de gagner dès le premier tour. Alors il est à la tête, quand même, d’une machine électorale qui est très bien implantée dans le pays. Votre parti à vous est dissous, vos principaux dirigeants sont derrière les barreaux, vous dites que vous êtes sûrs de gagner, mais est-ce que vous ne sous-estimez pas Amadou Ba ? Amadou Ba, il ne passe pas dans la rue pour qu’on dise « Amadou Ba », il passe dans la rue pour entendre « Ousmane Sonko ». Ça, c’est au moins clair. Deuxièmement, il n’y a pas de doute que nous avons la majorité et tout ceci réuni, les intentions de vote tournent autour de 71%. Avec, aujourd’hui, ce que nous avons comme personnalités politiques qui ont rejoint la coalition sur laquelle nous sommes en train de travailler, nous restons convaincus, avec la confiance que le peuple sénégalais qui voulait qu’Ousmane Sonko soit candidat, qu’au soir du 25, la victoire nous reviendra. Amadou Ba n’a jamais fait de politique. Je n’ai jamais entendu Amadou Ba se prononcer sur les questions d’actualité politique. Jamais de ma vie je ne l’ai entendu se préoccuper de la vie chère, ni parler d’inondations ou d’éducation.Alors Birame Souleye Diop, depuis que le président Macky Sall a annoncé, au mois de juillet, qu’il renonçait à solliciter un troisième mandat, la mobilisation populaire en votre faveur semble être en train de s’essouffler. De fait, le rejet de la candidature d’Ousmane Sonko, ce 20 janvier, apparemment n’a pas fait descendre les gens dans la rue. Est-ce qu’en se retirant du jeu, Macky Sall ne vous a pas enlevé votre principal argument de campagne ? En fonction des étapes,il faut saisir les enjeux et s’orienter. Nous avons une grande capacité d’adaptation. Nous avons blanchi sous le harnais,nous avons une machine électorale prête à relever les défis, prête à surveiller les votes, et on va y aller. Voilà pourquoi on a dit : « Vous allez espérer qu’on casse des brindilles, aucune feuille ne tombera. On vous attend dans les urnes, parce que ce sera là l’heure de vérité. C’est le 25 février, il reste trente jours. La victoire sera à nous. »Donc vous avez changé de stratégie, vous êtes passés de la rue aux urnes ? Mais nous avons toujours développé des stratégies en fonction des circonstances, et nous n’arrêterons jamais de le faire. Nous avons blanchi sous le harnais, nous savons ce qu’il se passe.Macky Sall accuse Ousmane Sonko et son entourage de liens avec les milieux islamistes, qu’est-ce que vous lui répondez ? Ce n’est pas la seule accusation. Qu’on l’ait pris pour une histoire de viol et qu’à la fin, comme un pétard mouillé, on dise : non, ce n’est pas ça, c’est de la corruption de la jeunesse. Vous pensez que, si les preuves étaient là pour être administrées, [Macky Sall] trainerait à le faire ? Il n’aurait pas besoin alors de créer la machination d’Adji Sarr, il n’aurait pas besoin de le condamner pour une affaire de diffamation, il n’aurait qu’à apporter les preuves de ce qu’il dit, mais il a échoué à le démontrer. Ce n’est pas la seule accusation. On a dit qu’il est rebelle de la Casamance. On a dit : il mange des sushis la nuit. On a dit… La seule chose qu’on n’a pas dite, c’est qu’il porte une grossesse. Vous comprendrez que tout ceci est voué à l’échec. Dommage pour eux.
1/29/202411 minutes, 45 seconds
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Niagalé Bagayoko: le retrait du Burkina, Mali, Niger de la Cédéao va «entraver la libre circulation des populations»

La nouvelle a fait l'effet d'un coup de tonnerre : trois des quinze pays de la Cédéao ont annoncé dans un communiqué conjoint et simultané qu'ils quittaient l'organisation sous-régionale. Les rapports entre le Niger, le Mali et le Burkina et la Communauté économique ouest-africaine n'ont cessé d'empirer après chaque coup d'État militaire à Niamey, Bamako et Ouagadougou. La rupture semble donc consommée. Analyse avec Niagalé Bagayoko, docteure en Science politique et présidente de l'African Security Sector Network (ASSN).   RFI : Niagalé Bagayoko, le Niger, le Burkina Faso et le Mali, réunis au sein de l'Alliance des États du Sahel (AES), viennent donc d’annoncer vouloir quitter la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao). Ceci dit, est-ce que c'est aussi simple ? Les statuts de l'organisation mentionnent qu'une telle procédure prend au moins un an.  Niagalé Bagayoko : Tout à fait, c'est l'article du traité révisé de la Cédéao, l'article 91 qui prévoit un délai d’un an pour matérialiser le retrait souhaité par l'un des États membres. Bien entendu, vous mentionnez ce cadre de l'AES, mais il faut aussi, je pense que c'est important, se souvenir que la Cédéao est apparue comme un cadre impropre à la gestion des questions, notamment sécuritaires, du Sahel. Lorsque les gouvernements civils, en 2014, de ces mêmes États que sont le Mali, le Niger et le Burkina Faso, ont envisagé de créer une force de trois mille hommes dans le cadre de l'autorité intégrée du Liptako-Gourma, qui reprend exactement les frontières de l'actuelle AES ; donc, c'est là qu'on voit que les dynamiques sont en réalité assez profondes, que la défiance n'a cessé de croître. Et, bien entendu, les positions ensuite adoptées d'un point de vue politique par la Cédéao, à la suite des coups d'État survenus dans les trois pays, n'ont fait que confirmer la défiance, notamment en raison des sanctions très sévères, notamment pour les populations, qui ont été adoptées et ont donc renforcé également la détermination des autorités à se défaire de ces cadres dans les trois pays.  Justement, vous parlez des populations. Qu'est-ce que ce retrait implique concrètement au quotidien, ou impliquerait concrètement au quotidien, pour les populations du Niger, du Burkina Faso et du Mali ?  Moi, il me semble que le premier point à mettre en relief est celui de la libre circulation. Le grand acquis de la Cédéao, depuis sa création, a vraiment été de permettre les déplacements sans autorisation ou nécessité de visa entre les pays membres. Et, il s'agit à la fois à titre individuel, mais pour les acteurs économiques, parce que sont aussi impliquées des questions de droit de douane. C’est un point fondamental, et c'est sans doute sur celui-là que les trois États auront le plus besoin de trouver des stratégies de pédagogie, d'explication. Parce que sur le plan politique, je pense que leurs opinions publiques auront plutôt tendance à soutenir cette décision de retrait. En revanche, lorsqu'elles en mesureront les conséquences économiques, ou à titre individuel, quand leur possibilité de se déplacer dans un espace qui est extrêmement intégré, il pourrait y avoir une plus grande contestation. Donc, je pense qu'il faut vraiment s'apercevoir qu'on est face, à mon avis, à un bouleversement majeur de fond d'un point de vue institutionnel et géostratégique.  Une recomposition majeure, dites-vous, qui se fera sans dommages pour les populations ? Les populations, malheureusement, sont depuis le début de cette crise sahélienne, les premières victimes de toutes les violences qui sont commises par divers acteurs, qu'il s'agisse des groupes djihadistes, qu'il s'agisse des groupes d'autodéfense, qu'il s'agisse de certaines unités des forces armées elles-mêmes, ou qu'il s’agisse de gouvernements qui s'opposent à l'État de droit et à la liberté d'expression. Il y a un recul sans précédent de celles-ci dans les trois États du Sahel depuis quelques années, depuis l'accès au pouvoir des militaires. Mais, on ne peut pas considérer que la situation était absolument idéale et parfaite sous les gouvernements qu'ils ont renversés. Donc, malheureusement, oui, les populations sont aujourd'hui comme hier, au cœur des souffrances de la sous-région.
1/29/20244 minutes, 36 seconds
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Musique: le Nigérien Goumar Almoctar dit «Bombino» électrise les scènes françaises

Poète tamasheq, guitariste virtuose, si discret dans la vie, si puissant sur scène ! Originaire d’Agadez, Bombino chante depuis son enfance l’amour de sa région, l’immense Sahara, de sa communauté. L’artiste, qui est en tournée en Europe, jouait à Paris samedi soir à guichet fermé. Juste avant de monter sur scène, il a accepté avec douceur, tout en pudeur, de répondre à quelques questions. Bombino et sa guitare au micro de Guillaume Thibault.
1/28/20244 minutes, 45 seconds
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Présidentielle au Sénégal: le Premier ministre Amadou Ba «pense être élu dès le premier tour»

À un mois de la présidentielle, c’est un candidat très confiant dans ses chances de victoire qui est sorti de son silence médiatique de ces derniers mois et qui s’est prêté au jeu de l’interview aux micros de RFI et France 24, à la résidence du Premier ministre à Dakar. Amadou Ba, qui a été choisi en septembre dernier comme le candidat de la coalition au pouvoir Benno Bokk Yakaar pour succéder à Macky Sall, estime qu’il a le « privilège d’appartenir à la coalition la plus forte, la plus organisée ». En conséquence, dit-il, « il n’y a pas de doute, de mon point de vue, que nous passerons au premier tour. »Accusé par le candidat Karim Wade d’être l’instigateur du rejet de sa candidature par le Conseil constitutionnel le 20 janvier dernier, il réplique : « Le recours n’a pas été fait par moi et je ne suis pas du tout à la manœuvre ».Est-il par rapport au président actuel Macky Sall le candidat du changement ou de la continuité au Sénégal ? « Je mesure l’ampleur et l’envergure des progrès qui ont été réalisés sous le magistère du président Macky Sall. Maintenant, il m’appartient de travailler à faire encore plus, encore mieux et encore plus vite », répond-il dans une formule qui ressemble fort à un slogan de campagne. Ses priorités ? L’emploi des jeunes, grâce notamment à l’électricité pour tous et à de meilleures routes.À propos des centaines de militants d’opposition pro-Ousmane Sonko qui sont emprisonnés depuis les émeutes de mars 2021 et de juin 2023, le Premier ministre-candidat s’engage, s’il est élu, à « accélérer toutes les procédures judiciaires »et à« réconcilier les Sénégalais ». Sous-entendu : l’éventuel futur président pourrait faire preuve de clémence.Enfin, sur l’avenir du franc CFA, l’ex-ministre des Finances de Macky Sall estime qu’il faut réformer, mais sans tomber dans le « populisme ».
1/26/202412 minutes, 59 seconds
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Médias suspendus en Guinée: «L'idée est de mettre sur "off" toutes les voix dissonantes»

En Guinée, la presse privée est en pleine déliquescence. Depuis plus de deux mois, plusieurs radios et télévisions ont vu leurs ondes brouillées ou leur antenne tout simplement suspendue. Cela fait deux mois que les accès aux réseaux sociaux et aux services d'appels comme WhatsApp sont bloqués. Avec l'arrestation la semaine dernière du secrétaire général du Syndicat des professionnels de la presse de Guinée pour avoir appelé à manifester, plusieurs médias dénoncent une censure généralisée et orchestrée par les autorités de transition. Entretien avec Lamine Guirassy, journaliste, fondateur et PDG du groupe Hadafo Médias. À lire aussiGuinée: l'autorité de régulation des médias et la presse privée se rencontrent sur fond de malaise
1/26/20244 minutes, 51 seconds
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Alexandre Barro Chambrier, vice-Premier ministre: l'objectif est de «remettre le Gabon en ordre de marche»

Au Gabon, à la faveur d’un remaniement ministériel, Alexandre Barro Chambrier vient d’intégrer le gouvernement de transition, quasi cinq mois après le coup d’État qui a renversé le président Ali Bongo. L’opposant, président du Rassemblement pour la patrie et la modernité (RPM), a été bombardé vice-Premier ministre, en charge du Plan et de la prospective. L’économiste de 65 ans a prêté serment lundi 22 janvier et devient donc un des principaux personnages de l’État. Entretien. RFI : Vous étiez en retrait depuis le début de la transition, qu'est-ce qui vous a convaincu de finalement l’intégrer ?Alexandre Barro Chambrier : J'ai pu voir l'importance des réalisations. Nous étions déjà partie prenante au niveau parlementaire. C'est la suite logique. Nous sommes au gouvernement pour apporter notre expertise. L'orientation qui est donnée par le président va dans le bon sens. Nous sommes en train de rattraper le temps perdu. Évidemment, il faut du temps, nous avons 20 mois pour atteindre les objectifs qui ont été assignés.Est-ce que c'est le fait d'obtenir un poste très élevé dans la hiérarchie qui vous a fait prendre cette décision ?Non. Vous savez, j'ai déjà eu le privilège de servir le pays. La question qui se pose, c'est d'être en capacité de contribuer à remettre le Gabon en ordre de marche.Pourquoi acceptez-vous d'entrer dans la transition, alors que bientôt, il y aura un dialogue national ? N'avez-vous pas peur de perdre votre liberté de ton au dialogue et de ne pas pouvoir y peser ?Je suis un homme libre, attaché à la liberté de penser. Ce qui me guide est précédé par la nécessité d'apporter des solutions à notre pays.Vous héritez du ministère de la Planification, dissous sous Ali Bongo, alors que dans le passé, c'était un ministère pilier. Tous les grands projets étaient imaginés, sinon validés par la planification. Aujourd'hui, est-ce comme cela que vous imaginez ce ministère ?Oui, ce ministère doit reprendre la place qu'il n'aurait jamais dû perdre, celle d'avoir la vision à moyen et long terme du pays, de rompre avec l'improvisation et de compléter le dispositif de bonne gouvernance. C'est un ministère-clé pour créer les conditions du retour des investissements privés et une dynamique de croissance.Concernant votre avenir politique, la charte de transition dit que les membres du gouvernement ne peuvent pas se présenter. En y entrant, mettez-vous fin à vos ambitions présidentielles ?Il est plus important pour moi de me concentrer sur la tâche assignée. Nous irons au dialogue national. Nous verrons lorsque ces questions se poseront.En septembre 2023, vous disiez sur RFI que la charte de transition devait être modifiée, notamment concernant les futurs candidats à la présidentielle, puisque les ministres, sénateurs, députés, en théorie, ne peuvent pas se porter candidats. Maintenez-vous ce besoin de modification ?Non, je n'ai jamais parlé de cela. La charte de la transition a été conçue telle qu'elle a été conçue. Au niveau du dialogue, nous verrons quel sera le champ de ce dialogue. Je suis quelqu'un de clair, je n'ai jamais parlé de changer la charte. C'est un autre interlocuteur.Maintenant, vous êtes au gouvernement, allez-vous abandonner la présidence de votre parti ?Il est évident que je dois me concentrer sur ma tâche, mais vous imaginez bien que je ne serai pas très loin.Le chef de l'État et le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) ont lancé un très grand nombre de réformes. Ce n'est pas une situation de transition classique où le pouvoir se concentrerait surtout sur la préparation d'élections. Là, on est dans des réformes en profondeur, ça vous semble un bon choix ?Nous ne pouvons pas laisser le pays pourrir. On a perdu beaucoup de temps à se diviser. Il faut être pragmatique et apporter des solutions aux attentes des populations.Aujourd'hui, la personnalité du président Oligui Nguema est partout : il y a des panneaux publicitaires dans les rues, les médias publics chantent ses louanges, des hauts responsables l'ont même décrit comme un Messie. Ne craignez-vous pas qu'on tombe un peu dans le culte de la personnalité ?On revient tellement de loin... C'est l'expression libre des populations. Il est probable qu’on rentrera dans une normalité, mais il y a une nouvelle espérance. Nous n'avons pas la culture de la déification, c'est un respect mutuel qui nous anime, vis-à-vis du président et de nos militaires qui ont eu le courage de mettre un terme à une situation plus supportable et la page est tournée, on passe à autre chose.Justement, ces militaires, est-ce qu'à la fin de la transition, vous leur demanderez qu'ils retournent dans leur caserne et rendent le pouvoir ? Bon, écoutez, nous avons encore 20 mois. Le moment venu, nous apprécierons. Le temps qui reste, il faut l'utiliser pour des réalisations palpables, des décisions fortes. Tout cela va être discuté dans le cadre du dialogue. À partir de là, on verra plus clair. 
1/25/20249 minutes, 27 seconds
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[Exclusif] Antony Blinken: en Afrique, «on essaie d'être dans un partenariat où on écoute»

Le secrétaire d’État américain Antony Blinken effectue sa quatrième visite de travail en Afrique, depuis le 22 janvier. Une tournée qui le mène au Cap-Vert, au Nigeria, en Angola et en Côte d’Ivoire. Cette visite devrait lui permettre de « mettre le paquet sur l’Afrique », selon ses mots. Dans un contexte où le continent africain diversifie ses partenariats, Washington tente de convaincre avec une démarche basée sur l’écoute. De passage à Abidjan, Antony Blinken donne son point de vue sur les interrogations du moment : insécurité au Sahel, démocratie et partenariats. RFI : La Côte d'Ivoire a des frontières communes avec des pays totalement dépassés par l'insécurité. Je pense au Mali, au Burkina, qu'est-ce que les États-Unis proposent comme type d'aide pour soutenir la Côte d'Ivoire à repousser toutes ces menaces ?Antony Blinken : Il y a tout un programme sécuritaire qui est construit à la base de ce que font déjà les Ivoiriens. Leur programme de sécurité au Nord, qui est basé sur la communauté où il y a maintenant une meilleure entente, une meilleure collaboration entre les forces de sécurité et les citoyens, est la base de tout système sécuritaire qui puisse vraiment fonctionner et répondre aux besoins de ceux qui sont premièrement en danger. Deuxièmement, nous avons un soutien à la fois d'équipement technique et d'information, qui aide les Ivoiriens à faire face aux menaces qui existent.Est-ce que les États-Unis ont l'intention d'aller plus loin dans leur aide, en imaginant d'installer une base militaire dans le Nord, à Korhogo par exemple ?Tout ça, c'est à voir. Pour l'instant, nous nous forçons sur les questions de l'aide concrète qui puisse faire une différence. J'ai pu annoncer lors de ce séjour une aide supplémentaire pour la Côte d'Ivoire, aide à la fois financière, mais aussi en équipement militaire nécessaire pour faire face aux extrémistes.Vous avez annoncé aussi une aide supplémentaire de 45 millions de dollars pour les pays côtiers. À quoi cet argent servira-t-il concrètement ?Ça va se traduire en équipements nécessaires, justement pour faire face aux dangers. Ça va se traduire en technologie. Ça doit se traduire aussi en coopération entre nos divers experts. Et je pense que ça peut faire une différence pour sécuriser les endroits qui sont en danger.Au Sahel, vous étiez l'année dernière au Niger. Entre-temps, il y a eu un coup d'État. Les États-Unis sont toujours présents militairement dans le pays. Mais on sait que la junte a aussi d'autres idées, veut multiplier d'autres partenariats, d'autres offres. Quelle est pour vous, les États-Unis, la ligne rouge à ne pas dépasser ?J'étais effectivement au Niger quelques semaines - enfin quelques mois en tous les cas - avant le coup d'État. J'étais avec le président [Mohamed] Bazoum, quelqu'un qui était un très bon leader pour le Niger et d'ailleurs, il faudrait qu’il soit libéré immédiatement et nous attendons la libération du président Bazoum. Ça, c'est une chose, c'est une exigence, c'est une nécessité pour que le Niger se remette sur la route de la démocratie, qu'il y ait une transition très claire et dans un délai court, pour un retour au système démocratique qui représente le peuple du Niger.Si c'est le cas, nous pouvons agir de la sorte, c'est-à-dire toute la coopération que nous avons suspendue, vu l'action de l’État. Ça, on peut le remettre en jeu. Mais ça dépend entièrement de la démarche du CNSP [Comité national pour le salut du peuple - NDLR]. Est-ce qu'ils remettent le Niger sur la bonne route ? Si c'est le cas, je pense que la communauté internationale, y compris les États-Unis, vont pouvoir répondre derrière de façon positive. Si ce n'est pas le cas, évidemment, la relation entre nous et le Niger - et entre beaucoup d'autres pays que le Niger - sera dans un tout autre état.À lire aussi«Les États-Unis suivent attentivement ce qu’il se passe au Niger parce qu’ils y ont beaucoup investi»Concernant l'idée de réfléchir à d'autres partenaires - notamment à la Russie -, est-ce quelque chose que vous pouvez envisager, comme travailler sur le même terrain avec des partenaires qui n'ont pas la même vision que vous ?Le problème qu'on a vu un peu à travers l'Afrique, dans des pays qui ont décidé de mettre leur sort entre les mains du groupe russe Wagner, par exemple, c'est que la violence, le terrorisme, l'abus des ressources est dans le sillage. On l'a vu à chaque reprise. Et au contraire d’avoir une meilleure sécurité pour les peuples en question, en fait, l'insécurité a été croissante dans chaque pays où, par exemple, le groupe Wagner agit ou agissait. Donc pour nous, ce n'est pas la réponse, tout au contraire. Donc, c'est justement ça notre coopération, nos programmes de sécurité, les investissements que nous faisons, c'est pour donner un autre choix. Et là aussi, je pense que les pays africains doivent, eux aussi, faire le maximum en se soutenant. La Cédéao a un rôle très important à jouer aussi.Justement, la Cédéao fait face à une série de coups d'État depuis l'année dernière. Quelle est l'expertise, ou en tout cas, quel est le soutien que les États-Unis apportent à la Cédéao pour essayer de maintenir la démocratie dans la sous-région ?C'est un soutien diplomatique. Ce qu'on essaie de faire, c'est premièrement s'assurer qu'il y a des réponses africaines aux problèmes de l'Afrique, mais soutenues par les États-Unis. On ne peut pas se substituer aux pays africains. Au contraire, on veut les soutenir et agir ensemble, parce qu’on n'est plus dans un schéma où on pose la question : « Qu'est-ce qu'on peut faire pour l'Afrique ? ». C'est plutôt : « Qu'est-ce qu’on peut faire avec l’Afrique ? ».  Donc on essaie d'avoir de vrais partenariats où on écoute, pour essayer de comprendre ce qui peut réussir dans le défi que nous avons devant nous.La semaine dernière, le chef de la diplomatie chinoise, Wang Yi, était ici à Abidjan pour une visite africaine. Qu'est-ce que les États-Unis proposent de différent par rapport à la Chine à des pays comme la Côte d'Ivoire ? Pour nous, ce n'est pas une question de dire aux amis ou autres : « il faut choisir ». Non, pour nous, le défi est de montrer que nous offrons un bon choix, et puis aux amis et autres de décider. Et par ailleurs, les besoins sont tels qu'il y a de la place pour tout le monde. Nous essayons de soutenir et d’apporter des investissements qui sont une course vers le haut. Avec les meilleures normes, pour qu'il n'y ait pas un poids de dette énorme qu'on ne peut pas défaire.À lire aussiÀ Abidjan, le secrétaire d’État américain Antony Blinken renforce la coopération antiterroriste
1/24/20248 minutes, 21 seconds
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«Il y a une nécessité pour les pays riches de redistribuer les richesses et le pouvoir»

Quelle est la politique de développement pour les pays africains dans un monde et sur un continent en plein bouleversement ? C'est la question que se pose Jean-Luc Stalon. Représentant résident du Programme des Nations unies pour le développement, à Bangui, en Centrafrique, il a assisté, au cours de sa carrière, aux réussites et aux échecs des politiques de développement. Il a consigné ses observations et ses idées dans un livre intitulé La croissance élitiste. RFI : Qu'entendez-vous par le terme de croissance élitiste ?Jean-Luc Stalon : Je me suis rendu compte qu'il était important, pour bien comprendre les inégalités, d'élaborer ce concept de la croissance élitiste, qui est l'ensemble des combinaisons économiques, politiques et sociales qui permettent aux élites de capturer les dividendes de la croissance économique. Quels sont les leviers qui vont leur permettre de conserver leur position de rente et de capturer les richesses.Justement, quels sont ces leviers, quelles sont ces stratégies de capture des richesses ?Il y a des leviers d'ordre économique et financier, par exemple les questions de gestion des finances publiques, la structuration de l'appareil productif, mais il y a également des leviers politiques et institutionnels. On utilise le pouvoir pour renforcer la position des élites, mais il y a également des leviers sociaux. Vous verrez que dans certaines sociétés, les questions de linguistique, par exemple la langue, la religion, sont utilisées pour renforcer la position de domination des élites.Mais c'est également un concept trans-idéologique, parce qu'on observe aujourd'hui, que ce soit dans les zones idéologiques conservatrices ou progressistes, ou même marxistes, indépendamment des idéologies, il y a toujours cette tendance des élites de renforcer leur position et de capturer les richesses.Et c'est également un concept que je définis comme transfrontalier, c'est-à-dire qu'il s'applique à la fois aujourd'hui dans les pays disons du Nord, dans les pays asiatiques, dans les pays africains, on retrouve ce concept dans les pays d'Amérique latine, on le retrouve un peu partout. Ça s'applique avec des degrés différents, mais ça s'applique quand même partout, dans n'importe quel système.Cette captation de la richesse par les élites, vous le disiez, c'est un phénomène mondial, mais est-ce qu'elle n'est pas encore plus prononcée ou encore plus insupportable dans les pays où il n'y a pas de système de redistribution, et où il y a une insatisfaction des besoins de base ?Je voudrais vraiment qu'on regarde ça, surtout dans cette période de turbulence géopolitique. Le premier niveau, c'est qu'il faut vraiment analyser les inégalités à l'échelle du monde. Il y a vraiment une nécessité pour les pays riches de redistribuer les richesses et le pouvoir. Cela se manifeste de plus en plus aujourd'hui, quand on a vu les inégalités qu'il y a pu avoir, par exemple durant la pandémie de la Covid-19, surtout sur la question des vaccins.Lorsqu'on regarde aujourd'hui la question de la réparation des dégâts climatiques, il y a une inégalité très forte. Donc, quand on regarde tout ça, on se rend compte qu'il y a aujourd'hui une nécessité de revoir un peu la gouvernance internationale. Vous regardez aujourd'hui le droit de vote des pays du Sud dans les organisations internationales comme le FMI et la Banque mondiale reste très limité. Mais même quand on regarde aussi, par exemple, le système fiscal international, on se rend compte qu'il est très en défaveur des pays pauvres. Il est beaucoup plus difficile aujourd'hui pour les pays pauvres d'emprunter sur le marché international que les pays riches.Mais en ce qui concerne les pays du Sud, pour corriger ces inégalités, il y a lieu de revoir un petit peu le contrat social avec une population qui est très jeune. Ils sont plus exigeants envers leurs dirigeants. Pour renforcer ce contrat social, on doit se lancer dans une transformation des économies des pays africains pour créer de la richesse, pour créer de la valeur ajoutée.Et le dernier point que j'allais soulever sur la question du contrat social, en particulier en Afrique, c'est toute la grande question du capital humain. Il faut former notre jeunesse, il faut la former dans différents domaines pour qu'on soit équipé pour attaquer le développement - je parle en particulier de l'Afrique - si on veut être au rendez-vous de 2050, de 2100, avec la feuille de route de l'Union africaine, il va falloir accélérer le capital humain.Est-ce que vous avez le sentiment que des leçons ont été tirées de ces échecs et de ces erreurs du passé ? Oui, absolument. On voit quand même aujourd'hui qu'il y a un certain nombre de pays qui font des bonds en avant et commencent à sérieusement transformer leur économie, ne veulent plus dépendre d'économie de rentes et cherchent à s’industrialiser. Par exemple, le Kenya est aujourd'hui le bon élève de la transition énergétique. On voit aussi, il faut le reconnaître, des pays qui font des efforts pour améliorer la gouvernance, avec un renforcement de l'État de droit, avec le renforcement des droits humains, etc. Ceci étant, ce n'est pas homogène, chaque pays a sa trajectoire, chaque pays a ses circonstances. Il y en a qui vont plus vite que d'autres. Mais je pense que globalement, on peut dire aujourd'hui, il y a une dynamique qui est enclenchée, qu'il y a une pression énorme de la part des populations, de cette jeunesse dont je parlais tout à l'heure. Et je pense qu’il y aura de plus en plus de pression dans les décennies à venir parce que les Africains veulent se développer, ils veulent faire un pas qualitatif en avant.
1/23/20244 minutes, 43 seconds
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Papa Fara Diallo: 20 candidats «c’est une bonne nouvelle qui témoigne de la vitalité démocratique au Sénégal»

Ils seront donc vingt à briguer les suffrages des électeurs sénégalais le 25 février prochain. Vingt candidats à l'élection présidentielle. La liste a été rendue publique tard samedi soir par le Conseil constitutionnel. Quels seront les camps en présence, où se placent les lignes de division et quels seront les grands absents de ce scrutin ? Pour en parler, notre invité ce matin est Papa Fara Diallo, maître de conférences en science politique à l'université Gaston Berger de Saint-Louis.
1/22/20244 minutes, 38 seconds
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Victor Osimhen: «Je voulais rencontrer Didier Drogba depuis que je suis enfant»

Le footballeur Victor Osimhen, l’un des meilleurs attaquants du monde, qui a été sacré par la Confédération africaine de football joueur africain de l’année 2023, se trouve actuellement à la CAN dont il est l’une des grandes stars. C’est là que RFI a pu lui remettre enfin le prix Marc-Vivien Foé décerné au meilleur joueur africain de Ligue 1, qu’il avait gagné en 2020 à la fin d’une saison écourtée par le Covid. Il répond aux questions de Christophe Jousset.  RFI : Comment vous sentez-vous avec ce trophée, ce prix Marc-Vivien Foé entre les mains ?  Victor Osimhen : Ça fait du bien. Cela signifie beaucoup pour moi. Je me souviens d'avoir remporté ce prix, mais je n’avais pas pu recevoir le trophée. Je vous remercie d'être venus jusqu'ici pour me le remettre. Je veux adresser un merci tout particulier à mon ancien club, Lille, pour son soutien et son amour. Je pense aussi à mes anciens coéquipiers lillois qui m'ont aidé à obtenir cette récompense historique. Je suis heureux et cela me donne une grande motivation pour continuer à avancer dans ma carrière. Meilleur joueur de Ligue 1 en 2020 et trois ans plus tard, le trophée de la CAF de meilleur joueur africain, vos progrès ont été rapides. Vous vous attendiez à aller aussi vite ?  Oui, je pense que tout ce qui m’arrive est bon. Je pense que je l’ai mérité. J'ai vécu beaucoup d'échecs, beaucoup de déceptions. Beaucoup de gens m’ont laissé de côté, pensant que je ne pourrais jamais réaliser quelque chose de plus grand et devenir le footballeur africain de l’année. Mais pour moi, c'est du travail et de la cohérence, car je donne vraiment tout : de la sueur, du sang et des larmes, pour réaliser mes rêves. Et s’imposer, c’est un énorme défi pour moi. Je ne peux pas mentir.  Ce n'est que le début. C'est seulement une motivation pour continuer à avancer. Et je sais que j’ai vraiment tellement de choses à accomplir. C’est votre première véritable CAN avec le Nigeria – vous avez joué seulement 45 minutes en 2019 -, qu’est-ce que ça fait de jouer et de jouer les premiers rôles ? Ça fait du bien. En 2019, Odion Ighalo était l'attaquant titulaire et c'était important pour moi de pouvoir le regarder et acquérir une certaine expérience. Il me motive. C'est un grand frère pour moi. En 2019, quand j'ai eu ces 45 minutes, ce n'était pas vraiment les bonnes 45 minutes parce que j’étais assez nerveux. C'était la première fois que je jouais dans une compétition comme ça. Mais bien sûr, au fil du temps, j’ai grandi, je me suis amélioré. J'ai eu cette confiance et pour moi, venir ici maintenant en tant qu'attaquant numéro un, et représenter mon pays, c'est un grand honneur. Je suis prêt. Peu importe ce que les gens disent, je m'en fiche. Moi, je suis concentré, avec l’objectif d'aider l'équipe à remporter la CAN. Nous avons encore un long chemin à parcourir. Je suis vraiment prêt à tout donner.  Vous avez battu la Côte d’Ivoire jeudi à Abidjan, c’est le vrai départ du Nigeria dans cette compétition ? Oui, bien sûr, nous avons encore eu un match nul décevant contre la Guinée-équatoriale lors du premier match. On aurait mérité de gagner... Nous avons raté beaucoup d'occasions. Mais ensuite, nous avons battu le pays-hôte. Nous devons continuer. On a un grand respect pour l'équipe ivoirienne, car ils ont beaucoup de joueurs de qualité, capables de leur faire gagner les matches. Mais bien sûr, nous étions déterminés. Je pense que c'était l'un des meilleurs matchs que mes coéquipiers et moi avons jamais joué depuis que je suis arrivé chez les Super Eagles. On a pu voir la passion et la détermination qui étaient les nôtres. Je pense donc que nous méritons la victoire et que nous continuerons à partir de là.  Jeudi, vous avez croisé Didier Drogba au stade, vous lui avez dit Yako (un terme pour affirmer sa compassion en Côte d’Ivoire, dire que l’on est désolé, Ndlr)  ?  (Il rit) Je ne savais même pas qu'il était derrière moi. En fait, c'était avant le match, j’étais prêt à sortir pour l'échauffement et puis j'ai senti quelqu'un me taper dans le dos. Et quand je me suis retourné, j'ai vu que c'était lui. Pour moi, c'était un grand moment. C'était court, mais c'était vraiment un grand moment. C’est quelque chose que je chérirai pour le reste de ma vie, car je voulais rencontrer Didier Drogba depuis que je suis enfant. Et je ne peux pas mentir, j’avais la chair de poule. C’est une grande inspiration pour moi, une grande icône. Et ce qu’il a fait pour le football, l’espoir qu’il a donné aux enfants africains de devenir footballeurs professionnels est vraiment incroyable. C’est vraiment la plus grande légende d'Afrique ! Vous faisiez partie de ces enfants qui regardaient Drogba comme une idole ? Ouais, bien sûr, en grandissant, j'avais ce type qui me disait : j'ai joué avec Didier Drogba, puis il m'appelait chez lui et me montrait ses vidéos sur YouTube et tout ça. Et ça m’a inspiré parce que Drogba et moi, on joue un peu de la même manière, avec presque les mêmes qualités. Je regarde encore des vidéos sur YouTube pour analyser sa manière de jouer et rajouter quelque chose de lui dans mon jeu. Je pense qu’il m’a aidé à devenir le joueur que je suis. Je lui dois une partie de mon succès parce qu’il m’a inspiré et je ne dis pas ça à la légère, il m’inspire vraiment… Il vous reste à jouer contre la Guinée-Bissau au premier tour, c’est assez simple pour les Super Eagles ? La Guinée-Bissau n’a rien d’un adversaire facile, croyez-moi. On les a affrontés en éliminatoires de la CAN, ils sont venus à Abuja pour gagner, et ils l’ont fait. Quand on s’est déplacé chez eux, on a gagné sur un penalty et ils nous avaient posé des problèmes. Ils avaient raté beaucoup d’occasions. C’est une équipe qui ne doit pas être sous-estimée. Aucune équipe ne doit l’être. Regardez ce que fait la Guinée-équatoriale, ce que la Namibie a réussi. Quand vous affrontez ce genre d’équipes, il faut sortir le grand jeu, il faut être fort, et se battre pour gagner. Je pense que le match sera comme celui contre la Guinée-équatoriale ou la Côte d’Ivoire. On sait qu’ils peuvent nous faire mal si on les laisse jouer. Vous diriez que le Nigeria est là pour gagner la CAN maintenant ?  Bien sûr ! Comme toutes les autres nations. On est venus pour gagner depuis que le coach nous a présenté son plan. Il a considéré que la CAN devait être un objectif parce qu’on a la qualité nécessaire. On n’a joué que deux matches, il en reste cinq donc ça ne sera pas facile. La route sera longue, mais on est déterminés à gagner. Le Nigeria, ce n’est pas seulement des attaquants ?  Bien sûr que non ! On a plein de milieux créatifs, notre gardien aussi est très bon et on a une excellente équipe. Alors maintenant qu’on a de bonnes bases, qu’on a battu le pays organisateur, ce qui est une sacrée performance, je pense qu’on va continuer d’aller de l’avant. ► Liens :• CAN 2024• calendrier et résultats• les six groupes de la CAN
1/21/20244 minutes, 14 seconds
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Yasmina Khadra, soutien du journaliste algérien Ihsane El Kadi: «Arrêter quelqu’un pour ses idées, c’est horrible»

En Algérie, voilà plus d'un an que le journaliste Ihsane El Kadi est en prison. Le patron du journal Maghreb Emergent a été condamné en juin dernier à cinq ans de prison ferme officiellement pour « réception de fonds de l'étranger (...) susceptibles de porter atteinte à la sécurité de l'État ». Pour sa libération, de nombreuses personnalités se mobilisent, comme Annie Ernaux, prix Nobel de littérature. Aujourd'hui, trente personnalités algériennes signent un appel. Parmi elles, le célèbre écrivain Yasmina Khadra. RFI : Pourquoi avez-vous signé ce dernier appel en faveur d’Ihsane El Kadi ?Yasmina Khadra : C’est la moindre des choses. Il faut essayer, de temps en temps, de soutenir les gens qui sont dans le désarroi le plus complet. Je ne sais pas ce qu’on lui reproche exactement, mais s’il a été arrêté pour ses idées, ce serait vraiment horrible, parce que quelqu’un qui n’est pas d’accord avec vous n’est pas forcément votre ennemi. Il a seulement une conception du monde qui est différente de la vôtre et c’est tout.À la tête du média Maghreb émergent, Ihsane El Kadi est l’une des grandes figures de la presse indépendante algérienne. On se souvient qu’il a couvert de très près le mouvement Hirak, qui a fait tomber Abdelaziz Bouteflika en 2019. Pourquoi cet acharnement contre lui, à votre avis ?Je n’en sais rien, moi. Je ne l’ai pas rencontré, je ne le connaissais pas personnellement, mais je savais ce qu’il faisait et j’avais beaucoup de respect pour son charisme et pour sa droiture en tant que journaliste. Mais vous savez, en Algérie, maintenant, n’importe qui peut être arrêté pour n’importe quoi, c’est ça qui me chagrine, c’est que je ne comprends pas comment un pays qui a traversé tant de déconvenues, tant de misère, tant de guerres, tant d’horreur puisse encore, aujourd’hui, ne pas comprendre où est son salut. Et le salut, c’est dans l'agir et dans la pensée, le salut est dans les idées, il n’est pas dans la répression, il n’est pas dans la tyrannie. Il y a des façons de travailler avec un peuple : ou on l’élève, ou on le dresse. On élève les grandes races et on dresse les espèces. J’espère qu’un jour, on essaiera d’élever ce peuple.Vous avez cru, d’ailleurs, à une vraie libération en 2019, au moment du mouvement Hirak. Vous avez dit vous-même : « En Algérie, l’heure de vérité a sonné. »Oui, mais quelle vérité malheureusement ? La vérité, elle est là, aujourd’hui. Ce peuple qui s’est réveillé, je le dis depuis le début, il lui fallait un groupe de personnes ou une personne assez charismatique pour incarner les revendications légitimes d’un peuple, mais c’était juste des marches qui n’étaient pas vraiment bien entourées. Et puis, quand il n’y a pas de discipline dans une marche, il y a des infiltrations, c’est comme ça que le Hirak a été torpillé. Au lieu de chercher à aller vers l’essentiel, c’est-à-dire de libérer l’Algérie de toutes les tyrannies, on a commencé à revendiquer des choses alors que ce n’était pas le moment de les revendiquer – par exemple, le séparatisme, l’islamisme, ou je ne sais quoi. Il fallait d’abord se réapproprier l’Algérie et, après, construire une véritable démocratie capable de faire avancer les choses pour le peuple algérien.Alors la mise en prison d’Ihsane El Kadi suscite une émotion internationale, des appels à sa libération ont été lancés par de nombreuses personnalités – aux États-Unis, Noam Chomsky, en Grande-Bretagne, Ken Loach, en France…Il ne faut pas qu’ils interviennent, ces gens-là. Ce n’est pas comme ça qu’ils vont essayer d’intimider l’Algérie. Il faut que les Algériens se prennent en charge, parce qu’il y a des gens qui ne sont pas en odeur de sainteté en Algérie, donc il faut faire très attention. Ce qu’on voudrait, c’est que le président Tebboune puisse nous écouter nous, les Algériens, parce que les hautes sphères algériennes sont tellement susceptibles que, lorsqu’il y a des interventions de certaines personnes ou de certains mouvements ou associations qui ne sont pas tellement appréciés en Algérie, ça peut se retourner contre la personne qu’on essaie de libérer. Donc il faut rester algérien.Et c’est pour ça, Yasmina Khadra, que vous signez cet appel aux côtés de 29 autres personnalités algériennes…Parce que c’était dans l’urgence, autrement, il y aurait eu beaucoup d’autres Algériens qui voudraient se joindre à cette liste, mais je crois que c’est suffisant.Dont, parmi ces personnalités, la grande combattante pour l’indépendance, Louisette Ighilahriz ?Oui, c’est la référence historique, cette dame. Elle n’est pas seulement la grande combattante, c’est la référence historique. C’est l’une des dernières bannières de la guerre de libération en vie. Sa voix doit compter, elle doit compter par respect pour son charisme, pour son engagement, pour son combat de tous les jours, et c’est comme ça, peut-être, qu’il faudrait assagir les hautes sphères algériennes. Il faut qu’elles reprennent conscience des responsabilités face à l’Histoire et face au peuple algérien.Et cette année, Yasmina Khadra, c’est l’année de l’élection présidentielle, c’est au mois de décembre prochain, élection à laquelle sera sans doute candidat Abdelmadjid Tebboune. Est-ce que vous espérez un geste de clémence cette année 2024 ?Moi, je n’aime pas le mot « clémence ». Moi, j’aime plutôt la raison, un geste de raison. La clémence, personne n’est Dieu, on n’est pas là pour attendre, pour quémander la pitié, ou je ne sais quoi. Moi, je veux que les hautes sphères, et surtout le président Tebboune, redeviennent raisonnables. Il a vécu lui aussi tant d’injustice, il a été moqué, il a été écarté, il a été viré, il a été houspillé. À lui, aujourd’hui, de se souvenir de tout ça et de ne pas tomber dans ses propres travers. Il faut qu’il essaie de se libérer lui-même de tout ce qu’il a subi et être président, être dans la raison, être constamment dans la raison. Ce qu’il faut, c’est la raison, la sagesse.
1/19/20247 minutes, 3 seconds
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Sénégal: «Macky Sall, Derrière le masque», un livre-enquête de Madiambal Diagne

Au Sénégal, le premier tour de la présidentielle, c'est le 25 février prochain. Et comme vous le savez, le président Macky Sall ne sera pas candidat. Quel bilan laissera-t-il après douze années au pouvoir ? À Dakar, le patron du journal Le Quotidien, Madiambal Diagne, qui est un confident du chef de l'État, a publié récemment Macky Sall, Derrière le masque, un livre-enquête qui fourmille d'anecdotes. C'est aux éditions du Quotidien. L'auteur essaie notamment de comprendre pourquoi, il y a six mois, Macky Sall a renoncé à briguer un troisième mandat. En ligne de Dakar, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Que restera-t-il, à votre avis, des douze ans de Macky Sall au pouvoir ?Madiambal Diagne : Douze ans d’une transformation assez visible du Sénégal, avec des infrastructures de dernière génération. Douze ans aussi de politique sociale, avec la mise en service de bourses familiales pour les personnes démunies, mais aussi des efforts dans le secteur de la santé. Le Sénégal, en l’espace de quatre ans, a inauguré quelque cinq à six hôpitaux de dernière génération.Oui, ce qu’on voit dans votre livre, c’est que le fils de berger qu’était Macky Sall avait la fibre sociale ? Absolument. C’est une fibre sociale vraiment très marquée, avec une augmentation des pensions de retraite ou bien la mise en place de filets sociaux assez importants. Je crois qu’effectivement, ce fils de berger, avec ses origines modestes, avait peut-être cette sensibilité de la précarité sociale de certaines personnes et a pu faire un effort dans ce sens-là.Les douze ans de Macky Sall ont aussi été marqués par les émeutes meurtrières de 2021 et de 2023, pour la libération de son opposant le plus farouche, Ousmane Sonko. Vous dites que, quand il apprend qu’une jeune femme porte plainte contre Ousmane Sonko pour viol, Macky Sall veut aider son adversaire pour le sortir de ce mauvais pas. Franchement, Madiambal Diagne, on a du mal à vous croire…Oui, ça a surpris beaucoup de Sénégalais, d’ailleurs, cette empathie dont Macky Sall a fait montre au moment de l’annonce de ce scandale de mœurs. Mais dans mon livre, j’évoque cette question en parlant de témoins oculaires qui étaient là, notamment l’ancien ministre de la Justice. C’est vrai, c’est surprenant que le farouche opposant, on cherche à le sauver. Ça, c’est du Macky Sall tout craché, c’est sa personnalité.Mais est-ce que vous ne dites pas cela parce que vous êtes un ami de Macky Sall ? D’ailleurs, vous ne vous en cachez pas.Non, être un ami n’empêche pas d’être un journaliste et moi, je suis un journaliste qui tient à être factuel et à ce que mes propos ou mes écrits ne soient jamais démentis. Et j’ai fait une série de publications ces derniers mois, aucun fait évoqué dans ce livre n’a fait l’objet d’un démenti ou d’une remise en cause. Donc être ami ne veut pas dire ne pas être factuel, ne pas être rigoureux avec soi-même, ne pas dire les choses telles qu’elles sont.Et même si ce que vous dites est vrai, est-ce qu’au bout de quelques jours, quelques semaines, Macky Sall ne voit pas toute l’exploitation politique qu’il peut faire de ce scandale de mœurs en laissant Ousmane Sonko aux mains de la justice après cette plainte pour viol ?Je ne sais pas s’il a laissé délibérément la justice s’occuper de cette affaire de viol, mais je pense, quand même, que c’est l’attitude de vouloir empêcher la justice d’enquêter qui aurait été condamnable.Karim Wade, condamné par la justice, puis Khalifa Sall, condamné par la justice, puis Ousmane Sonko, poursuivi par la justice, est-ce que c’est juste une coïncidence, ou n’est-ce pas tout simplement une ruse de guerre de la part du président sénégalais pour éliminer ses principaux adversaires ?De toute façon, je pense que l’interprétation est libre, que le commentaire est libre. Mais les faits étant entendus, Khalifa Sall, par exemple, a été poursuivi pour prévarication des deniers publics et il n’a pas nié. Ce qui est arrivé à Karim Wade, c’était suite à une procédure déclenchée à l’arrivée de Macky Sall au pouvoir, c’est-à-dire la traque des biens mal acquis. Il y a eu des actes de mal gouvernance qui ont été décriés par toute l’opposition et par toute la société sénégalaise de façon générale, une procédure judiciaire a été ouverte contre Karim Wade.Alors arrive le discours du 3 juillet dernier à la nation sénégalaise, le discours dans lequel Macky Sall annonce qu’il ne va pas briguer un troisième mandat. À votre avis, pourquoi a-t-il pris cette décision ?Moi, j’ai indiqué dans mes deux ouvrages, l’un sur Macky Sall et l’autre sur Amadou Ba, que la décision de ne pas briguer un troisième mandat avait été une ancienne décision, déjà prise et longuement mûrie par Macky Sall. Déjà, par exemple, je rappelle qu’en 2018 ou 2019, j’avais été mis au parfum d’une telle décision.Mais pourquoi ne l’a-t-il pas dit plus tôt ?Il l’aurait dit plus tôt, il n’aurait pas gouverné ce pays. À l’annonce de sa non-candidature, voyez comment son clan s’est déchiré, combien il y a eu de prétentions. Donc je pense que cette ambiance de carnaval, ou de « nuit des petits couteaux », je pense qu’il l’aurait annoncé dès le lendemain de son élection en 2019, peut-être qu’il aurait perdu tout un mandat dans des querelles politiques ou des querelles de parti.Oui mais, Madiambal Diagne, a contrario, on peut dire qu’en tardant jusqu’au mois de juillet dernier, il a compliqué la tâche de son dauphin, Amadou Ba, qui n’a pu disposer alors que de quelques mois pour faire campagne alors que lui-même, Macky Sall, avant son élection de 2012, avait fait campagne pendant deux ans.Je suis d’accord que Macky Sall a eu à faire campagne pendant deux ans avant d’être président de la République. Mais aussi, je parle à un média français, souvenez-vous, Macron a fait campagne pendant six mois pour gagner en 2017. Donc pour moi, le temps qui reste à Amadou Ba est un temps suffisant pour aller à une élection.    
1/18/20247 minutes, 8 seconds
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Présidentielle en RDC: l'opposant Moïse Katumbi «doit accepter et reconnaitre son échec»

« On a fait une campagne d'encerclement géographique et c'est pour cela qu'on a gagné ». Voilà la réponse d'Augustin Kabuya au porte-parole de l'opposant Moïse Katumbi, qui affirmait ce 16 janvier sur RFI, que la République démocratique du Congo venait de vivre « le plus grand braquage électoral de son histoire ». Au Congo, Augustin Kabuya est le secrétaire général du parti au pouvoir UDPS. C'est aussi l'un des stratèges de la campagne que vient de mener Félix Tshisekedi pour sa réélection. Entretien. RFI : « Avec les élections du mois dernier, nous venons de vivre le plus grand braquage électoral de l’histoire du Congo », affirme le porte-parole du candidat Moïse Katumbi. Qu’est-ce que vous lui répondez ?Augustin Kabuya : Je pense qu’un homme sérieux ne peut pas dire ce qu’il a dit. Je ne pense pas que [Moïse] Katumbi ait bien préparé les élections. Mais je peux vous dire que l’Union sacrée a mené une campagne d’encerclement. Quand vous regardez au nord de notre pays, tous les hommes influents de la politique congolaise étaient derrière le candidat numéro 20, son excellence Félix Tshisekedi. Quand vous allez au niveau de l’Est, c’était la même chose. À l’ouest, n’en parlons même pas. Et je peux encore aller plus loin. Même la façon de communiquer. Quand vous regardez les zones linguistiques : au niveau du Nord, le candidat numéro 20, Félix Tshisekedi, avait la facilité de communiquer [dans la langue régionale - NDLR] ; quand vous allez à l’Ouest, il avait cette facilité de communiquer ; à l’Est, c’était la même chose ; au centre n’en parlons pas.Quand vous prenez le candidat Katumbi, il pouvait mieux communiquer au niveau de l’Est, au niveau du Grand-Katanga. Quand il arrivait au niveau du Centre, cela devenait difficile pour lui. Quand il allait au Nord, c’était difficile. À l’Ouest, c’était difficile. Je vous dis que c’était une vaste blague, une comédie. Ils doivent accepter et reconnaître leur échec.La grande crainte de l’opposition maintenant, c’est qu’à présent, au Congo, la communauté kasaïenne s’arroge tous les pouvoirs. Non, c’est faux, archi-faux. Le Premier ministre est originaire du Katanga, le président du Sénat est originaire du Sud-Kivu, le président de l’Assemblée nationale est originaire du Grand-Bandundu et le chef d’État-major général de notre armée est du Katanga. Quand vous allez au niveau de l’Agence nationale de renseignements, le chef de cette agence est originaire du Kongo-Central.Et dans cette affaire, qui a battu campagne pour le président Tshisekedi ? Ce n’était pas seulement le peuple kasaïen ! Quand vous regardez Jean-Pierre Bemba, avec tous les ressortissants du Grand-Équateur, ils ne sont pas du Kasaï ! Quand vous regardez le vice-Premier ministre de l’Économie Vital Kamerhe, il n’est pas du Kasaï ! Mais pourquoi cet argument de faibles ? Ils ont perdu ! La population n’était pas d’accord avec eux, ils doivent accepter leur échec.Aux élections législatives, votre parti UPDS arrive en tête avec 69 sièges, avec un siège pour vous d’ailleurs, Augustin Kabuya. Avec vos partis satellites, vous avez un socle de 140 sièges, mais on est loin des 251 sièges nécessaires à la majorité. Pour cela, il vous faut l’UNC de Vital Kamerhe, l’AFDC de Modeste Bahati, le MLC de Jean-Pierre Bemba, est-ce que vous êtes certains de leur loyauté pour les cinq ans qui viennent ? C’est long, une législature de cinq ans… Monsieur Boisbouvier, je dois vous dire sincèrement que je suis membre du présidium (de l’Union Sacrée). Je connais la loyauté des hommes que vous venez de citer. Ils ont été loyaux, ils ont mouillé le maillot pour la réélection de son excellence Félix-Antoine Tshisekedi. Ce n’est pas aujourd’hui que je vais dire qu’ils ne sont pas loyaux. Ils étaient sur toutes les lignes de front. Ils ont travaillé… La campagne était organisée sur la base des zones géographiques et linguistiques. Et nous avons battu campagne de cette manière. Les résultats sont là.Ceux qui ne voulaient pas appliquer cette méthode n’ont pas apporté quelque chose. Je peux vous dire, quand vous regardez quelqu’un comme Franck Diongo, derrière [Moïse] Katumbi, il est du Kasaï ! Quel a été son apport ? Quand vous regardez Delly Sesanga, originaire du Kasaï et proche de Katumbi, quel a été son apport ? Quand vous regardez d’autres personnes dont j’ignore même le nom… Je peux parler de Matata [Ponyo Mapon] au niveau du Maniema, il a apporté quelque chose [à Katumbi]. Mais c’est tout !Selon la Constitution, le président Félix Tshisekedi vient d’être élu pour un second et dernier mandat. Mais l’opposition affirme que vous préparez un changement de Constitution afin qu’il puisse se présenter en 2028 pour un troisième mandat. Comment réagissez-vous ?Vous regardez cette fameuse opposition, on sait qu’il n’y a pas de sérieux. Ce sont des gens qui, quand ils se réveillent, racontent des choses qui ne sont pas fondées. Quel jour avons-nous envisagé une telle démarche, au cours de quelle réunion ? Les hommes sérieux ne peuvent pas raconter des mensonges comme cela sur la place publique. Ils cherchent à prêter des intentions au chef de l’État qui ne les a même pas pensées ?Donc il n’y aura pas de troisième mandat pour Félix Tshisekedi ?Félix Tshisekedi vient d’une école qui n’est pas n’importe quelle école. Il vient de l’école d’Étienne Tshisekedi, de l’école de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UPDS). Un parti politique qui a une histoire dans notre pays.Et s’il respecte l’école de son père, cela sous-entend qu’il respectera la Constitution et qu’il ne la modifiera pas pour se présenter à un troisième mandat, c’est cela que vous voulez dire ?Oui, voilà, vous êtes allés directement à la conclusion. Félix Tshisekedi, c’est un modèle, il vient d’une école.À lire et à écouter aussiÉlections en RDC: «Nous venons de vivre le plus grand braquage électoral»
1/17/202412 minutes, 31 seconds
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Élections en RDC: «Nous venons de vivre le plus grand braquage électoral»

Pas de boycott de la nouvelle Assemblée nationale de la République démocratique du Congo, annonce Olivier Kamitatu, le directeur de cabinet et porte-parole de Moïse Katumbi. Celui-ci rejette les résultats de la présidentielle du 20 décembre, qui le créditent de 18% des voix, loin derrière les 73% de Félix Tshisekedi. Mais pour autant, Moïse Katumbi ne va pas demander à ses quelque 18 représentants élus députés dans la nouvelle Assemblée de faire la politique de la chaise vide. Son porte-parole est l'invité de Christophe Boisbouvier. RFI : Suite à la présidentielle et aux législatives, vous dénoncez une fraude massive. Mais l’écart de voix entre Félix Tshisekedi et Moïse Katumbi est considérable, plus de 50 points. Qu’est-ce que vous répondez à ceux qui disent que vous êtes de mauvais perdants ? Olivier Kamitatu : Nous leur répondons simplement que nous venons de vivre le plus grand braquage électoral de l’histoire du pays ou même des États modernes. Cela veut dire que personne ne peut dire aujourd’hui, à la date du 20 décembre, combien de bureaux de vote ont été ouverts, combien de machines à voter ont été opérationnelles, combien de bulletins de vote ont été remis à chacun de ces bureaux… Nous ne savons rien de ces élections, si ce n’est qu’elles ont continué pendant 7 jours et pendant 7 nuits, en dehors de tout contrôle ! Et l’on peut même dire que, le soir du 20 décembre, après les 11 heures de vote, Moïse Katumbi était en tête de ces élections. Les machines à voter ont commencé à ronronner à partir du 20 décembre au soir, pendant 7 jours et 7 nuits, sans aucun contrôle.Mais sur le fond, Olivier Kamitatu, est-ce que le candidat Tshisekedi n’a pas réussi, tout de même, à prendre des voix sur le thème : « Je suis Congolais de père et de mère », sous-entendu mon principal adversaire, Moïse Katumbi, ne l’est pas.Effectivement, une partie de la campagne électorale de Félix Tshisekedi, soutenu par son allié Jean-Pierre Bemba, a été faite sur un fond totalement scandaleux de racisme, d’exclusion, de xénophobie… Aux antipodes de ce que nous avons voulu construire à partir du dialogue intercongolais, qui était le vivre-ensemble ! Et d’ailleurs, preuve en est qu’aujourd’hui ce vivre-ensemble a totalement été piétiné, déchiré… Vous voyez des institutions qui sont l’apanage d’une seule communauté kasaïenne qui, en surnombre, occupe toutes les institutions et, demain, occupera probablement l’Assemblée nationale, la « représentation nationale » qui n’a plus rien de nationale, qui devient pratiquement le porte-voix d’une seule communauté.Moïse Katumbi a fait une bonne campagne, mais est-ce que Félix Tshisekedi n’a pas fait, lui aussi, une bonne campagne ?Félix Tshisekedi a fait une campagne sur un fond de racisme, sur un fond de xénophobie. Peut-être n’avons-nous pas mesuré l’impact de cette campagne de populisme… Il n’a jamais parlé de son bilan ! Son seul projet aujourd’hui, c’est de changer la Constitution pour rester au pouvoir. Un quintet de constitutionnalistes aux ordres est en train de travailler… C’est son seul projet !À la suite de l’annonce des résultats de la présidentielle, Moïse Katumbi a appelé à un sursaut citoyen, via des actions pacifiques et démocratiques. De quoi s’agit-il ?D’abord, Moïse Katumbi est profondément attaché à une lutte pacifique et il se joint à cette contestation générale. Aujourd’hui, Moïse Katumbi ne peut pas voyager. Il vit dans une prison à ciel ouvert. Son avion est bloqué, lui-même ne peut pas se rendre là où il devait se rendre tout à fait récemment, et donc son silence, s’il y a silence, ne doit pas être interprété comme un abandon, un acquiescement à la tricherie. Au contraire ! Nous avons aujourd’hui Salomon Idi Kalonda qui est dans une prison militaire, un homme politique ! Nous avons Mike Mukebayi qui est dans une prison à Makala. Nous avons un assassinat dont nous n’avons toujours pas élucidé qui étaient les auteurs, celui de Chérubin Okende. Pendant la campagne électorale, Maître Dido Kakisingi a été tué… Tous ces faits nous montrent que nous sommes entrés dans un processus qui est le fruit d’une énorme fraude électorale, au vu et au su du monde entier.Pour la présidentielle, vous n’avez pas formé de recours devant la Cour Constitutionnelle, mais pour les législatives où, pour l’instant, vous avez remporté quelque 18 sièges, est-ce que vous n’avez pas intérêt à former des recours si cela permet à plusieurs de vos candidats d’être repêchés ?Nous n’avons pas foi dans une justice qui est aux ordres. Il n’y a pas eu de procès-verbaux. Il appartiendra, maintenant, à chacun des candidats qui se sentent lésés et qui disposeraient de leurs preuves… Le parti Ensemble discutera et nous verrons s’il le faut ou non. Parce que ce sont les voix du peuple congolais qu’il faut défendre : si les preuves sont là, eh bien, pourquoi pas. La question reste ouverte, elle n’a pas été tranchée.Donc, pas de boycott à l’Assemblée nationale ?Il n’y aura pas de boycott à l’Assemblée nationale. Nous continuerons à défendre la voix du peuple dans le schéma institutionnel, mais également en dehors des institutions, dans la rue, dans les marches pacifiques, par toutes les actions qui nous permettront de recouvrer notre liberté.Vous n’êtes pas pour la politique de la chaise vide ?La politique de la chaise vide n’a jamais rien rapporté à personne. Moïse Katumbi, c’est un homme de constance républicaine, mais Moïse Katumbi n’accepte pas la tricherie et il ne sera jamais le dindon de la farce.À lire aussiÉlections en RDC: des opposants rejettent les résultats avant même l’annonce officielle
1/16/202412 minutes, 44 seconds
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Industrie: «Il y a un enjeu de travail commun entre les pays africains et européens»

« Venez investir en France. » C’est l’appel que lance le député français Charles Rodwell aux industriels africains, notamment à ceux qui ont développé, en Côte d’Ivoire ou au Nigeria, un savoir-faire technologique pour faire face au réchauffement climatique. Pour Charles Rodwell, plusieurs pays africains ont une avance technologique qui peut profiter à la fois aux Africains et aux Européens. Entretien. RFI : En 20 ans, la France a perdu la moitié de ses parts de marché en Afrique, au profit notamment de l’Allemagne et la Chine, est-ce que c’est un déclin inéluctable ?Charles Rodwell : Je ne crois pas. Je crois que c’est surtout une croissance, une expansion assez extraordinaire des pays du continent africain, avant tout. Si on a réduit nos parts de marché, c’est parce que les parts de ce marché, la croissance de ces pays s’est énormément élargie. Tout de même, depuis 30 ans, la France se désindustrialise, est-ce que ce n’est pas l’une des raisons du déclin de sa position économique en Afrique ?Ce qui est certain, c’est que, pour exporter un produit, il faut d’abord le produire. Et les décisions politiques industrielles qui ont été prises en France sur les quarante dernières années… Et là, c’est sans clivage politique, ce sont des décisions prises par la droite, par la gauche, tous confondus… Ces décisions ont été catastrophiques. L’industrie dans le PIB français est passée de 20 à 10 % du PIB. C’est donc une catastrophe industrielle que l’on a connue, c’est la raison pour d’abord laquelle il faut produire pour les Français, pour notre propre population, mais aussi pour exporter partout dans le monde. Notamment dans les pays du continent africain, avec lesquels nous voulons continuer d’entretenir une relation extrêmement étroite, fondée sur une chose : l’entrepreneuriat et l’économie.Est-ce qu’il y a des secteurs industriels dans lesquels la France peut se redresser dans les prochaines années et mieux exporter vers l’Afrique ?Historiquement, la France et plusieurs pays du continent africain, les « moteurs » de ce continent, entretiennent des relations particulièrement étroites dans des filières comme l’agro-alimentaire, dans des filières comme l’énergie, des filières, comme dans certains pays, je pense au Maroc, de transport, de transport ferroviaire… Il faut qu’on aille beaucoup plus loin tout au long du 21e siècle.Il y a les industriels français qui exportent en Afrique, mais il y a aussi les industriels africains qui peuvent exporter en France. Est-ce qu’il y a des opérateurs économiques africains qui peuvent avoir intérêt à implanter leurs usines en France ?Mais j’en suis absolument convaincu et je vous remercie de notre échange ce matin qui me permet de lancer un appel à ces différents investisseurs et à ces différents chefs d’entreprises du continent africain, notamment de l’Afrique francophone, mais de l’Afrique en général : « Venez investir en France ! » La passion que j’ai pour plusieurs pays du continent africain vient du fait que j’y ai vécu, au Maroc, en Côte d’Ivoire. Je me suis rendu à de nombreuses reprises dans un très grand nombre de pays du Maghreb et d’Afrique sub-saharienne, notamment francophone. Quand je vivais dans les pays que j’ai mentionnés, il est évident de se rendre compte de l’avance technologique sur un certain nombre de sujets, sur des sujets auquel ces pays ont été confrontés avant nous. Je pense à un enjeu par exemple : dans le BTP (Bâtiment-Travaux Publics), les champions industriels du BTP africain ont développé des usages, des technologies qui sont parfaitement adaptés au réchauffement climatique, parfaitement adaptés à une hausse sans précédent des températures à laquelle nombre de ces pays ont été confrontés il y a plusieurs années et à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui. Ce savoir-faire technologique, ce savoir-faire industriel, porté par des champions nationaux, mais aussi des champions continentaux en Afrique, eh bien, nous, le message que nous pouvons leur lancer, c’est de venir investir en France pour y produire et pour partager avec nous leur savoir-faire.Vous pensez à quel champion africain du BTP en particulier ?Ils sont extrêmement nombreux. Quand on voit le savoir-faire au Maroc, en Côte d’Ivoire, des pays comme le Nigéria qui sont en pleine expansion économique, les pays comme le Ghana qui ont développé depuis très longtemps des usages et des technologies dans le domaine… Vraiment, je leur lance un appel général : sollicitez-nous et venez investir en France !Vous vous félicitez, dans un rapport récent, que la France soit devenue la nation la plus attractive pour les investissements en Europe ? Mais, à quoi ça sert, Charles Rodwell, si c’est pour augmenter les importations en France et si c’est pour creuser encore plus le déficit de la balance commerciale française, qui dépasse les 100 milliards d’euros par an ?En renforçant l’attractivité française, notre objectif, c’est tout l’inverse. C’est d’amener des investisseurs, des entrepreneurs, des industriels du monde entier, notamment du continent africain, à venir investir pour produire en France. Parce que, quand vous venez produire en France, vous avez accès à un marché qui est important, le marché français. Vous avez aussi accès à un marché important qui est le marché européen. Plus vous produisez sur le sol national, moins vous avez besoin d’importer : c’est tout l’enjeu du lien vers l’investissement dans notre pays. Oui, la France est l’un des pays les plus attractifs en Europe aujourd’hui, le premier depuis quatre ans. C’est la raison pour laquelle, en tant que député français, je crois vraiment qu’il y a un enjeu fondamental de travail commun entre les pays africains et les pays européens pour bâtir notre indépendance et notre sécurité économique au 21e siècle.
1/15/20249 minutes, 24 seconds
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Côte d'Ivoire: «On tient les stades de foot pour des cathédrales des temps modernes»

À Abidjan, la galerie La Rotonde des Arts a décidé, comme une dizaine d’autres de la capitale économique ivoirienne, de profiter de la CAN de football pour inviter les supporters et les milliers de visiteurs présents à voir aussi de l’art contemporain. Ces expositions se tiennent pendant la CAN dans le cadre de la « Abidjan Art Week ». Art et foot ne sont pas si éloignés, selon le directeur de la galerie Yacouba Konaté.
1/14/20244 minutes, 18 seconds
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CAN 2024: «C'est tout un peuple qui se sent ambassadeur de l'organisation de cette CAN»

Samedi 13 décembre sera donné le coup d'envoi de la 34ᵉ édition de la Coupe d'Afrique des nations masculine de football (CAN 2024). À un peu plus de 24h du match d'ouverture à Abidjan qui opposera la Côte d'Ivoire à la Guinée-Bissau, les Ivoiriens se disent prêts et impatients d'accueillir le continent. À l'image du président du Comite d'organisation local, le Cocan, François Amichia, qui est l'invité de RFI. RFI : François Amichia, est-ce que le président du Comité d'organisation de la Coupe d'Afrique des nations (Cocan) que vous êtes est serein ? François Amichia : Serein, mais, j’ajouterai, pas inquiet mais un peu dans l’angoisse. L’angoisse d’une cérémonie d’ouverture que nous souhaitons totalement réussie, une cérémonie d’ouverture inédite, une cérémonie d’ouverture exceptionnelle. Donc, jusqu’à samedi soir, avant le premier match, il y a un petit brin d’inquiétude.Le pays joue gros dans cette affaire.La Côte d’Ivoire, depuis 2012, est dans une phase ascendante au niveau économique, avec une bonne croissance annuelle. Donc l’organisation de cette 34e édition permet à la Côte d’Ivoire de démontrer sa vitalité économique, mais de montrer également que le sport a joué son rôle de rassembleur, son rôle de réconciliateur. C’est tout un peuple qui se met derrière ces Éléphants  [surnom des joueurs de l'équipe nationale ivoirienne, NDLR], c’est tout un peuple qui se sent ambassadeur de l’organisation de cette CAN. Donc, il y a l’enjeu sportif, mais il y a ce que le pays a connu depuis une dizaine d’années, que nous souhaitons montrer à tous nos amis, à tous ceux qui vont effectuer le déplacement.Parce qu’une CAN, d’autant plus à 24 équipes, ça coûte cher pour un pays, aujourd’hui.Ce n’est pas un investissement perdu. Ce que nous aurions dû faire en dix ans, en quinze ans, nous l’avons fait en quatre ans, cinq ans. Mais après, c’est la gestion de l’héritage. Et le Comité d’organisation de la Coupe d’Afrique des nations, le Cocan, a déjà pensé à cela. Au mois de juin dernier, nous avons organisé un séminaire sur l’héritage, nous avons fait venir des experts et des compétences d’Afrique, mais également d’Europe, pour que l’on sache quelles propositions nous faisons au gouvernement afin qu’au lendemain du 11 février [date de la finale de la CAN 2024, NDLR], toutes ces infrastructures, et également tout le capital humain que nous avons formé pour l’occasion, [nous sachions] comment pérenniser cela, comment cela peut aider, également, les autres pays africains qui auraient à organiser ce grand type d’événement sportif.« Akwaba, soyez les bienvenus », c’est l’accueil, la CAN de l’accueil. Ça, c’est une chose. « La plus belle des CAN », c’est martelé partout, y compris par les Ivoiriens. Ça, c’est autre chose. La CAN de l’hospitalité. Quand vous voyez aujourd’hui dans le monde les problèmes que pose l’immigration, quand vous voyez dans le monde les problèmes que pose la gestion des flux des populations, nous, en Côte d’Ivoire, peuple hospitalier, pays d’accueil nous disons : la CAN de l’hospitalité. Et la CAN de l’hospitalité, ce n’est pas seulement l’accueil, c’est le respect de l’autre, c’est la tolérance, c’est l’acceptation de la diversité, c’est de faire de la diversité une richesse, et c’est ce que nous souhaitons. Et ce rendez-vous que nous organisons, ce n’est pas un rendez-vous pour nous seuls, c’est un rendez-vous pour toute la jeunesse africaine, c’est le rendez-vous du rassemblement de tous les amoureux du football. Donc, l’hospitalité est à toute essence. Et nous avons dénommé notre mascotte Akwaba, parce que chez nous, Akwaba, c’est « bienvenue », et « bienvenue », c’est : nous vous ouvrons nos bras. Vous arrivez en Côte d’Ivoire et vous n’êtes plus originaire de quelque part, vous êtes ivoirien.Mais vous pouvez rester comme le président qui aura organisé la plus belle des CAN, c’est ce que, encore une fois, vous martelez. Quelle pression au moment de débuter « la plus belle des CAN » ?La plus belle des CAN, nous en sommes sur le chemin. Quand vous avez près de 5 200 demandes d’accréditations, alors qu’à la dernière édition, on en était à 2 000 ; quand, au moment où vont s’ouvrir les jeux du Proche-Orient et de l’Asie [la Coupe d’Asie des nations de football, organisée du 12 janvier au 10 février 2024, NDLR], ils en sont à 22 diffuseurs, vous êtes à 77 diffuseurs ; quand dans les rues, vous voyez tout le monde paré des couleurs du drapeau national ou du pagne de la compétition ; quand vous voyez le nombre de demandes de visas ; quand vous voyez le nombre de spectateurs attendus ; vous dites : la meilleure des CAN, elle est déjà là.Il y a la pression sur les Éléphants. Il n’y a pas de CAN réussie dans un pays si sa sélection ne va pas au bout du tournoi.Nous avons deux étoiles [symbole sur un maillot d'une victoire dans un grand tournoi, NDLR]. Nous espérons avoir la troisième étoile, le 11 février 2024. Et je crois que l’équipe nationale se donne les moyens : le choix d’un entraîneur qui est un entraîneur formateur [le Français Jean-Louis Gasset, NDLR] ; la sélection des joueurs qui sont les meilleurs dans leur club et qui évoluent pour la plupart en Europe dans de grands clubs ; et puis, on a vu lors des derniers matches la prestation des Éléphants. Aujourd’hui, les gens ne viennent pas pour disputer un match contre les Ivoiriens, contre les Éléphants, ils ont la crainte des Éléphants. Comment affronter les Éléphants ? Et je crois qu’il y a un avantage psychologique qui devrait profiter à notre équipe nationale, parce que le rêve de tous les Ivoiriens, c’est qu’au soir du 11 février, nous puissions soulever le trophée et le remettre au président Alassane Ouattara.► Côte d'Ivoire-Guinée-Bissau, coup d'envoi donc de cette 34ᵉ CAN, demain samedi à 20h TU à Abidjan. À suivre en direct et en intégralité sur RFI.► Notre dossier CAN 2024►https://www.rfi.fr/fr/tag/les-groupes-de-la-can-2024/ 
1/12/20244 minutes, 38 seconds
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Gambie: «Tout ce qui est dit dans ce procès (en Suisse) pourrait permettre de poursuivre Yahya Jammeh»

L'ancien dictateur gambien Yahya Jammeh, qui a dirigé son pays avec férocité pendant 22 ans, doit suivre de très près le procès qui s'est ouvert ce lundi en Suisse de la Guinée équatoriale où il est réfugié. C'est son ancien ministre de l'Intérieur, Ousman Sonko, qui est jugé pour crimes contre l'humanité au nom de la justice universelle. Et pour sa défense, l'ancien ministre se défausse de plus en plus sur lui. Yahya Jammeh répondra-t-il un jour de ses crimes ? Benoît Meystre, conseiller juridique pour l'ONG Trial International qui est à l'origine du procès actuel en Suisse, est notre invité. RFI : Pour sa défense, l’ancien ministre de l’Intérieur de Yahya Jammeh affirme qu’il n’avait aucun pouvoir opérationnel et que son rôle était purement politique, qu’est-ce que vous en pensez ? Benoit Meystre : C’est effectivement ce qu’il exprime durant ces premiers jours d’audition. Nous pensons que le dossier, qui est dans les mains du ministère public de la Confédération helvétique et du tribunal, dit autre chose. Il y a quand même des pièces au dossier, il y a des actes de violences sexuelles qui se seraient déroulés au début des années 2000, ensuite des actes de torture qui se seraient déroulés en 2006 et puis d’autres actes de torture en 2016. Chaque plaignant est là pour présenter des faits dont ils ont été chacun et chacune victimes.Pour sa défense, Ousman Sonko affirme notamment que les juges suisses n’ont pas le droit d’examiner les crimes commis en Gambie avant 2011, car ce n’est qu’en 2011 que la Suisse s’est reconnue une compétence universelle…Alors c’est effectivement un point très important, qui a été discuté dès le premier jour du procès lundi. Les juges ont répondu à cette contestation en expliquant qu’a priori leur compétence était donnée, y compris pour les faits qui se sont déroulés avant 2011. Il est précisé aussi que la jurisprudence suisse reconnait déjà cette compétence, donc d’un point de vue juridique, pas de problème.Ce procès d’Ousman Sonko doit durer un mois, le verdict doit être connu au mois de mars, mais, au-delà de cet ancien ministre gambien de l’Intérieur, est-ce que la responsabilité criminelle de l’ancien président Yahya Jammeh lui-même ne va pas être évoquée lors de ce procès ? Ce n’est effectivement pas Yahya Jammeh qui est actuellement jugé, c’est Ousman Sonko, l’ancien ministre de l’Intérieur. Cela dit, on écoute avec intérêt le témoignage d’Ousman Sonko. Lorsque la parole lui est donnée, il renvoie assez régulièrement la responsabilité également à Yahya Jammeh, ce qui est effectivement très important pour, nous l’espérons, une future poursuite de l’ancien président.Oui, c’est-à-dire que l’accusé a tendance à se défausser sur l’ancien président ?Voilà, il explique notamment que la National intelligence agency – donc les services de renseignements gambiens, là où se déroulaient la plupart des actes de torture – n’était pas sous sa propre responsabilité, mais tombait sous la responsabilité du président. C’est effectivement un argument pour se défausser, qui est contredit, encore une fois, par les éléments du dossier qui montrent que, tant le président qu’Ousman Sonko, que d’autres hauts responsables, collaboraient, discutaient ensemble des attaques à mener sur la population civile.Et ce procès va peut-être permettre de prendre connaissance de nouveaux éléments à charge contre l’ancien président Yahya Jammeh ? Exactement. Tout ce qui est dit dans le cadre de ce procès en Suisse, bien sûr, fait l’objet de procès-verbaux qui pourront être utilisés dans le cadre d’autres poursuites, que ce soit contre l’ancien président ou d’autres personnes suspectées d’avoir commis des crimes en bande.Alors depuis 2017, Yahya Jammeh est réfugié en Guinée équatoriale et, depuis cette date, plusieurs organisations de défense des droits de l’Homme, dont Human rights watch et la vôtre, Trial international, multiplient les démarches auprès du président Obiang Nguema pour qu’il livre l’ancien président gambien à la justice, mais ça ne marche pas. Est-ce que vous n’êtes pas découragé ? Je pense que la réponse est assez simple : jamais personne ne sera découragé. La société civile gambienne mène un combat acharné, effectivement, que l’on soutient depuis de nombreuses années. On garde tout espoir que Yahya Jammeh puisse un jour être extradé. Tout cela prendra du temps, c’est sûr, mais l’espoir est tout à fait intact.L’actuel président gambien, Adama Barrow, évoque la possibilité de la mise en place à Banjul d’un tribunal hybride, qu’en est-il ? Oui, c’est vrai et c’est ce qu’on attend de pied ferme, c’est une annonce qui a été faite depuis un certain temps déjà par le président gambien actuel et par les autorités gambiennes. Là encore, tout ça prend beaucoup de temps à se mettre en place, ça demande des moyens financiers importants, mais on encourage les autorités gambiennes à aller au plus vite de l’avant dans la création d’un tel tribunal, effectivement.Un tribunal mixte, à la fois gambien et international ? Oui, absolument, ça permettrait justement la poursuite de l’ancien président pour des crimes internationaux qui n’étaient pas compris dans le droit gambien jusque-là.Mais le problème, Benoit Meystre, c’est qu’il n’y a aucun accord d’extradition entre la Gambie et la Guinée équatoriale… C’est une bonne question. Ce qu’il est intéressant de voir, c’est que et la Gambie et la Guinée équatoriale ont ratifié des textes internationaux importants, telle que la Convention contre la torture, laquelle oblige soit à poursuivre la personne, soit à l’extrader. Donc, en ce sens, les autorités équato-guinéennes ont l’obligation de soit procéder à la poursuite, soit extrader Yahya Jammeh en Gambie. Donc la justice est en route et nous sommes très contents pour les victimes qui se battent pour obtenir justice.
1/11/20247 minutes, 32 seconds
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Accord Somaliland-Éthiopie: «Les organisations ou pays qui hésitent sur la reconnaissance attendent la réaction de l'UA»

Une base navale sur l'océan Indien en échange de la reconnaissance de son indépendance... C'est le marché que le Somaliland espère conclure avec l'Éthiopie. Mais depuis l'annonce, le 1ᵉʳ janvier dernier, d'un accord qui irait dans ce sens, la Somalie proteste avec véhémence et reçoit le soutien de nombreux acteurs de la communauté internationale, qui dénoncent une « tentative de sécession » de la part du Somaliland. Cet accord maritime va-t-il tomber à l'eau ? Pas sûr, répond Robert Wiren, qui a publié chez Karthala Somaliland, pays en quarantaine. RFI : Pourquoi l’Éthiopie recherche un nouvel accès à la mer, alors qu’elle a déjà accès au port de Djibouti ?Robert Wiren : Parce que, pour le moment, elle n’a que l’accès de Djibouti qui a, de ce fait, un genre de monopole sur le transit des exportations et des importations éthiopiennes. Et cela coûte relativement cher à l’Éthiopie – plus d’un milliard de dollars par an – pour ces frais de transit.Alors, dans l’entourage du Premier ministre éthiopien, on affirme que cet accord va sécuriser l’accès à la mer pour l’Éthiopie et qu’il permettra à ce pays de disposer d’une base militaire. Est-ce à dire que l’Éthiopie va reconstruire une marine de guerre, comme au temps où l’occupation de l’Érythrée lui donnait accès à la mer Rouge ?Oui, il en est d’ailleurs question depuis plusieurs mois, bien avant cet accord, puisqu’il y a même eu des contacts avec le gouvernement français pour une coopération afin d’aider l’Éthiopie à redémarrer une marine militaire. Ça, c’est évidemment l’élément politique nouveau qui montrerait, de la part de l’Éthiopie, qu’elle veut développer son rôle de puissance régionale en n’étant pas absente du théâtre de la mer Rouge, qui est une zone chaude en ce moment.Du côté d’Hargeisa, on affirme que l’Éthiopie va formellement reconnaitre la république du Somaliland, mais est-ce que les autorités d’Hargeisa ne vont pas un peu vite en besogne ?Oui, j’ai l’impression que c’est un vœu pieu, c’est-à-dire que, depuis que le Somaliland a repris son indépendance, il essaie d’obtenir une reconnaissance, déjà auprès de l’Union africaine. Donc là, cet accord lui laisse espérer une reconnaissance formelle qui, pour le moment, n’a pas été confirmée par Addis-Abeba qui est prudente, parce que Addis-Abeba est le siège de l’Union africaine et qu’à l’intérieur de cette Union, il n’y a pas consensus.Pour empêcher toute sécession du Somaliland, les autorités de Mogadiscio ont réagi avec une extrême fermeté. Est-ce que, sur le plan du droit international, les arguments de Mogadiscio sont très forts, ou pas ?En fait, il y a eu deux entités en 1960 qui ont eu leur indépendance, le Somaliland et l’ex-Somalie italienne.Parce que le Somaliland n’était pas une colonie italienne, mais une colonie britannique…Voilà, un protectorat britannique. Et donc, dans le désir des Somalis de s’unir, il y a eu une union volontaire, mais dès 1969, il y a eu un coup d’État du général Siad Barre, un coup d’État militaire…À Mogadiscio…Voilà, qui a en fait annulé les arrangements constitutionnels de 1960. Donc, on peut dire que, pour le Somaliland, l’union a déjà été rompue par Mogadiscio.À lire aussiAccord Somaliland-Éthiopie: le président de la Somalie poursuit sa contre-offensive diplomatique en ÉgypteDonc sur le plan historique ?Sur le plan historique, ça ne s’apparente pas vraiment à une sécession, parce que la définition de la sécession, c’est une région qui appartient à un pays qui veut s’en séparer. Or, là, il y avait deux entités indépendantes qui se sont unies et cette union a foiré, si j’ose dire. Et en Afrique, il y a eu des unions qui ont foiré – il y a eu le Mali, entre le Sénégal et ce qu’est devenu le Mali actuel, il y avait deux entités qui ont été acceptées une fois que la fédération a été dissoute, en 1960.Mais vous ne pensez pas que, tout de même, cette mobilisation internationale derrière Mogadiscio, ces manifestations de soutien à Mogadiscio, ne vont pas obliger l’Éthiopie à renoncer à son accord avec le Somaliland ?Déjà, lorsqu’en 2016 il y a eu l’accord avec Dubaï pour le port de Berbera au Somaliland, Mogadiscio avait déjà poussé des hauts cris. Ensuite, en 2018, un partenariat a été annoncé en termes de distribution des actions du port de Berbera, dont 19% seraient revenues à l’Éthiopie. De la même façon, Mogadiscio a protesté et les choses ont continué sans qu’il n’y ait de réactions, disons, physiques.Parce que la Somalie n’a pas les moyens militaires d’intervenir au Somaliland ?Non, la Somalie a d’autres problèmes à régler parce que, depuis des années, elle est soumise à des attaques des shebabs qui commettent des attentats très graves, souvent en pleine capitale, à Mogadiscio.À lire aussiSomaliland: son envoyée spéciale défend «un accord d'amitié avec l’Éthiopie qui va aider l'économie de la région»
1/10/202411 minutes, 12 seconds
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Droits des femmes: «On sera là avec elles, main dans la main afin qu'elles ne soient plus jamais seules»

Après la Bangladaise Taslima Nasreen et la Franco-Rwandaise Scholastique Mukasonga, c'est l'Ivoirienne Marie-Paule Djegue Okri qui reçoit ce mardi à Paris le prix Simone-de-Beauvoir pour la liberté des femmes. Il y a quatre ans, cette étudiante en agronomie à Abidjan a participé à la fondation de la Ligue ivoirienne des Droits des Femmes. Aujourd'hui, elle se revendique comme afro-féministe et se bat notamment pour l'autonomie des femmes en milieu rural. Comment lutter contre une société patriarcale ? La lauréate répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Il y a quatre ans, vous avez fondé avec d’autres femmes la Ligue ivoirienne des droits des femmes, pourquoi cette initiative ? Marie-Paule Djegue Okri : La Ligue répond, en fait, à une mauvaise politique – désolée de le dire. En Côte d’Ivoire, les femmes sont toujours en proie à la société patriarcale, donc aux violences sexistes et sexuelles, à la non-représentativité des femmes en politique. Et donc la Ligue est une réponse à tous ces manquements.L’un de vos principaux combats, c’est la défense des femmes victimes de viol, mais beaucoup de femmes hésitent à porter plainte. À celles qui nous écoutent, quels conseils pouvez-vous leur donner ? Déjà, il faut comprendre que ces femmes-là vivent dans des sociétés qui les tiennent pour co-responsables de l’acte qu’elles ont subi. Déjà, la première question qu’on leur posera : « Comment vous étiez habillée ? », « Pourquoi vous étiez avec cet homme ? », et donc là, on essaie de leur faire partager la responsabilité de cet acte barbare. Donc, déjà, il faudrait qu’elles sachent qu’elles ne sont pas responsables de ce qui leur arrive, et c’est comme ça qu’elles vont prendre la pleine connaissance de devoir porter plainte. Et en portant plainte, elles aident ainsi à sortir la gangrène de la société. Moi, je leur dis là, tout de suite, que la Ligue est là pour les accompagner, peu importent les difficultés qu’elles auront à rencontrer, on sera là avec elles, main dans la main, afin qu’elles ne soient plus jamais seules.Et il ne faut pas avoir honte d’avoir été violée…Effectivement, il ne faut pas avoir honte. Celui qui doit avoir honte, c’est le violeur, c’est lui le criminel.Et dans la famille, il ne faut pas que la jeune femme qui a été violée soit l’objet d’ostracisme, c’est ça ? Effectivement, les femmes violées sont très stigmatisées parce que, malheureusement, on ne parle pas de leur dignité, on ne parle pas de leur santé physique et mentale, on ne parle que de l’honneur de la famille. C’est-à-dire qu’on oublie même la dame qui est là, qui a subi une violence et on parle de l’honneur de la famille qui a été bafoué. On s’en fout, malheureusement, de la personne en face, donc quand on arrivera à penser que les victimes sont des êtres humains, on évitera de mettre en avant l’honneur de la famille lorsqu’il y a un viol.Là, vous en parlez au futur, ça veut dire qu’aujourd’hui, ça n’est toujours pas le cas ? Non, malheureusement. Et donc, pour les personnes en face, le viol, c’est quelque chose d’assez banal, parce que pour eux, une femme, c’est un réceptacle qui est là pour, entre autres, accueillir un pénis. Donc même si elle a été violée, même si c’est malgré elle qu’elle a accueilli un pénis, on s’en fout, ça peut passer. Ils ne voient pas le danger et les conséquences liées à cet acte-là, parce que c’est un crime, et en plus de la santé physique, on a des IST, des infections sexuellement transmissibles, et des MST, des maladies sexuellement transmissibles, que la victime pourra contracter. Il y a une certaine banalisation de ce crime, ce qui fait que les gens en face se disent que bon, ça peut passer, c’est juste un viol et une femme peut vivre avec, peut survivre avec.Le consentement de la femme, on s’en fiche ?Effectivement, le consentement, c’est la chose qu’on nous nie beaucoup dans notre société.Aujourd’hui, Marie-Paule Djegue Okri, vous êtes la lauréate du prix Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes, parce que vous luttez contre les violences faites aux femmes, mais aussi parce que vous militez pour les femmes en milieu rural, afin qu’elles deviennent autonomes du point de vue financier. Quels sont les problèmes particuliers auxquels elles sont confrontées ? Le problème de ces femmes-là, c’est l’accès à l’éducation. C’est quelque chose qui est vraiment très présent en milieu rural, parce que là, on a des femmes qui, dès qu’elles naissent, sont éduquées, sont amenées à penser mariage. Et donc on ne voit pas l’importance de les amener à l’école, parce qu’on se dit qu’elles vont finir mariées, et donc ces femmes-là ne sont pas scolarisées. Maintenant, les choses commencent à changer avec les revendications, les actions des ONG, et donc je me dis que, dans quelques années, on parlera de ce chiffre-là au rabais [48% des femmes ivoiriennes sont illettrées].Marie-Paule Djegue Okri, vous êtes une actrice de la société civile, mais la politique, est-ce que vous y pensez ? Oui, effectivement, j’y pense. La politique, c’est la gestion de la cité et moi, je prends part à la gestion de la cité, et là, je prévois de me présenter aux élections législatives de 2026.Au sein d’un nouveau parti ou dans un parti déjà existant ? (Rires). En indépendante. Je veux surtout être députée pour proposer de belles lois, parce que, depuis qu’on a nos députés, la seule loi qu’ils ont eue à nous proposer dernièrement, c’est une loi sur la polygamie, donc je veux aller en politique pour proposer mieux, voilà.
1/9/20248 minutes, 59 seconds
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Burundi: avec l'attaque du 20 décembre, «le groupe rebelle RED-Tabara affirme qu'il est toujours actif»

Au Burundi, les autorités ont annoncé une attaque, le 20 décembre 2023, du groupe rebelle RED-Tabara, sur un poste frontière avec la République démocratique du Congo. Le bilan est de 20 morts dont de nombreux civils. Né au début des années 2010, le groupe conteste la légitimité du pouvoir en place au Burundi, mais il s'était fait oublier depuis quelques années, explique Thierry Vircoulon, chercheur associé au Centre Afrique Subsaharienne de l’Institut français des relations internationales (Ifri). RFI : Avant d'évoquer les événements de ces derniers jours, est-ce que l'on peut revenir sur l'origine des RED-Tabara ? C'est un groupe qui est né au début des années 2010 et qui est actif militairement depuis 2015.Thierry Vircoulon : C'est un groupe d'opposition armé burundais qui est né après la crise de 2015 et qui s'est installé au Sud-Kivu, en République démocratique du Congo, à la frontière du Burundi. Et donc, ce groupe a mené des attaques contre les forces burundaises pendant un certain nombre d'années après 2015, mais on peut dire que depuis 2021, il n'avait pas conduit d'action contre l'armée burundaise significative. Leurs revendications, quelles sont-elles ? C'est un groupe d'opposition armé burundais, donc son objectif c'est de mettre fin au régime du CNDD-FDD au Burundi, et de permettre évidemment le retour à tous ceux qui sont partis en exil après la crise de 2015. Mais, ça reste maintenant, si je puis dire, un mouvement qui était un peu un mouvement fantôme qui avait disparu des écrans radar, sa dernière action militaire significative contre l'armée burundaise datant de 2021. Les RED-Tabara ont donc attaqué ce 20 décembre des positions militaires burundaises faisant une vingtaine de morts, des militaires mais également des civils, qui étaient pris entre les deux feux. Pourquoi y a-t-il cette résurgence offensive ? C'était devenu un peu un groupe armé fantôme et cette attaque, qui a eu lieu juste avant Noël, avait un peu une fonction symbolique et sert à rappeler que ce groupe existe toujours, parce que on pouvait en douter. Donc, premièrement, son objectif c'est celui-là, c'est de réaffirmer qu'ils sont toujours actifs, militairement parlant. Ils ont attaqué ce poste frontière, ce qui se faisait assez fréquemment à partir de la RDC. Et puis, ça s'inscrit aussi dans un contexte régional un peu plus large, c'est-à-dire qu’on voit aussi qu'il y a une dégradation des relations entre Bujumbura et Kigali, après une embellie, si je puis dire, il y a quelques années des relations entre Kigali et Bujumbura. Avec la crise du M23 en RDC, on a vu ces relations se tendre de nouveau. Donc, on peut aussi considérer que cette attaque fait partie de de cette dynamique régionale, le RED-Tabara ayant été dans le passé soutenu par Kigali. À ce sujet, Évariste Ndayishimiye le président Burundais, accuse Kigali d'être derrière ces attaques, notamment cette dernière attaque. Est-ce qu'il y a des éléments objectifs qui permettent de telles informations, est-ce qu'il y a des financements ? Est-ce qu'il y a des équipements en armes ? Non, pour le moment il n’y a pas de d'éléments objectifs, mais, comme je le disais à ses débuts, le RED-Tabara a en effet été soutenu par Kigali, donc cette accusation était évidemment assez logique, mais pour le moment il n’y a pas de d'éléments de preuve. On estime que les effectifs des RED-Tabara sont entre 500 et 800 hommes, ce qui paraît assez faible numériquement. Qu'est-ce qui explique que les forces burundaises ne réussissent pas à circonscrire ce groupe ?Ce groupe est installé au Sud-Kivu depuis des années, comme d'autres rebelles burundais avant lui, comme les FNL par exemple, il s'est enraciné au Sud-Kivu. Là-bas, il bénéficie d'un certain nombre de complicités et d'alliances, et donc, il est évidemment très difficile – même si l'armée burundaise est présente au Sud-Kivu depuis un certain temps – d'éradiquer ce genre de groupe. On voit bien que tous les groupes armés qui sont dans l'est de la RDC n'ont pas été éradiqués, donc celui-ci est dans une situation assez classique, on peut le dire. Face à une relative inefficacité des forces burundaises d'une part, des rebelles RED-Tabara qui ne sont pas non plus pléthoriques de l’autre part, on se dit que ce conflit risque de durer encore longtemps entre deux forces qui n'arrivent pas à se neutraliser l'une l'autre. Ça fait des années que les rebelles burundais sont installés au Sud-Kivu. Je disais qu’avant les RED-Tabara, il y avait les FNL qui étaient en situation similaire, donc on a affaire à des guérillas de basse intensité qui n'ont pas, en effet, la capacité de bousculer le régime burundais, mais qui peuvent mener des attaques épisodiques. Et, en effet, on est dans une situation de guérilla de basse intensité. Le RED-Tabara a mené une attaque, mais il n'en avait plus mené depuis longtemps, donc on a comme ça des résurgences en fonction des circonstances, et on va voir si le RED-Tabara mène d'autres actions militaires après celle-ci. C'est ce n'est pas non plus certain.À lire aussiBurundi: 20 morts dans une attaque revendiquée par les RED-Tabara
1/8/20244 minutes, 44 seconds
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Médiation des femmes dans les conflits: «L'Afrique, c'est une histoire de matriarcat»

Fin décembre, Fatou Sow Sarr, commissaire de la Cédéao pour le Développement humain et les affaires sociales, a conduit un atelier de réflexion au sujet de la médiation des femmes dans les crises en Afrique de l'Ouest. Ce travail de témoignage et de collecte de méthodes est destiné, à terme, à être soumis aux chefs d'État de la Cédéao - majoritairement des hommes - pour qu'ils l'appliquent et fasse progresser la place des femmes principales victimes des conflits dans ces médiations. Entretien.
1/7/20244 minutes, 19 seconds
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Élections en RDC: «Nous avons besoin d'une opposition qui participe au jeu démocratique»

En RDC, le processus électoral se poursuit, on attend les résultats de certains des scrutins qui se sont tenus à partir du 20 décembre : législatives, provinciales et municipales partielles. Pour la présidentielle, la Cour constitutionnelle doit encore arbitrer des recours contre la réélection du président sortant. Selon les chiffres provisoires, Félix Tshisekedi l’emporte avec plus de 73% des suffrages. Une large victoire sur laquelle revient son directeur de campagne, Jacquemain Shabani.  RFI : Jacquemain Shabani, vous êtes le directeur de campagne du président Félix Tshisekedi. Selon les résultats provisoires, il remporte cette élection. Alors comment expliquez-vous cette victoire ?  Jacquemain Shabani : Le président Félix Tshisekedi a eu un bilan à présenter au peuple congolais, aux électeurs. Je crois qu’ils l'ont perçu très positivement. Deuxièmement, elle s'explique aussi par la campagne qu’il a mené. Il faut arriver à considérer que sur les 26 candidats inscrits, 19 qui sont partis en campagne, il est le seul à avoir réussi en 27 jours d'ailleurs, à faire les 26 provinces, 53 meetings. Et je crois que le score qu'il a fait à ces élections, 73%, c'est la photographie de tout cela.  On a vu, notamment sur la deuxième partie de la campagne, la montée d'un discours très souverainiste, voire nationaliste. C'est ça qui a convaincu les électeurs ? Ce que vous appelez nationaliste, je crois que vous faites allusion aux réalités principalement du pays. Il ne faut pas qu'on oublie que nous sommes allés aux élections pendant que la République démocratique est agressée, est en guerre. Il y a des terroristes qui attaquent ce pays, des mercenaires avec en tête Paul Kagame et le Rwanda. Donc c'est une thématique qui intéresse tous les Congolais, les électeurs et les non-électeurs. Malheureusement, pour d'autres candidats, ils n'ont même pas réussi à l’aborder, et les électeurs ont compris cela, ils en ont fait aussi un intérêt particulier.  Une partie de l'opposition ne reconnaît pas ces résultats provisoires. Ils n'ont pas fait de requête pour autant, ils appellent à user de l'article 64 de la Constitution et appellent finalement les Congolais à contester. Qu'est-ce que vous avez envie de leur répondre ? C’est d'une certaine manière, on pourrait dire politiquement correct, mais c'est quelque peu malheureux sur le plan républicain. Vous avez accepté de participer à un scrutin, vous ne l'avez pas gagné, il aurait été plus digne pour eux et j'espère qu'ils vont se rattraper pour venir participer à la construction de ce pays. Nous sommes tous ensemble en train de construire une démocratie dans une jeune nation qui est la République démocratique du Congo. Est-ce qu'aujourd'hui il y a des initiatives pour tendre cette main à cette partie de l'opposition ?  Déjà, le message que le président Félix Tshisekedi a prononcé le 31 décembre est une initiative considérable. Il faudrait que tout le monde puisse la saisir pour l'intérêt de notre pays, mais je connais très bien notre classe politique, notre nation même. Je sais que les initiatives vont se multiplier dans ce sens-là. L'opposition, dans une république, a sa place. Elle a son rôle à jouer, un rôle non négligeable, et nous avons besoin d'avoir une opposition qui participe au jeu démocratique.  Il va falloir maintenant attendre de connaître la majorité et de connaître de quoi sera composé le Parlement congolais. Les résultats des législatives se font un peu attendre. On nous les annonçait pour le 3 janvier, on ne les a toujours pas. Qu'est ce qui peut expliquer ce retard ?  J'estime que la Céni [Commission électorale nationale indépendante, NDLR] doit avoir eu des petites difficultés dans son exercice de compilation de ces résultats, mais il nous a été fait savoir que dans les prochains jours, ici très proches, les résultats seront connus. Effectivement, nous tous nous les attendons pour permettre à ce que les institutions de la République soient mises en place dans les délais les plus brefs possibles.  La Céni a reconnu elle-même des irrégularités, elle dit que ça va toucher les résultats des élections législatives, qu'il risque même d'y avoir des annulations. En tout cas, elle a mis en place une commission pour arbitrer ces irrégularités. Comment expliquer que ces irrégularités, elles, ne concernent finalement que les scrutins législatifs et locaux et pas la présidentielle, alors que tout le monde votait en même temps ?  C'est la Céni qui organise les élections, elle en a la responsabilité constitutionnelle. Elle nous a informé de la mise en place de cette commission. Nous attendons tous les résolutions de cette commission. Pour mon compte, j'estime que tout ce qui est considéré comme irrégularité devrait faire l'objet de sanctions. Maintenant, c'est la Céni qui détermine quelles sont ces irrégularités et qu'est-ce que ça a eu comme impact sur les différents quatre scrutins qu'elle a organisés. À lire aussiPrésidentielle 2023 en RDC: un candidat conteste devant la Cour constitutionnelle la victoire de Félix Tshisekedi
1/5/20246 minutes, 43 seconds
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Série «African Empires»: «Ce projet a à cœur de raconter l'histoire de l'Afrique précoloniale»

« Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire », disait le président français Nicolas Sarkozy le 26 juillet 2007 à Dakar. C’est notamment en réponse à ce discours très polémique que vient de sortir la série African Empires (Empires africains en français), qui part à la découverte de l’histoire africaine d’avant la colonisation. De la princesse Yennenga à Shaka Zulu, TV5 Monde et Canal Plus Afrique nous font connaître au plus près les bâtisseurs de l’Afrique précoloniale. Entretien avec le réalisateur Askia Traoré, auteur de l’épisode consacré au conquérant ouest-africain Soundiata Keïta. RFI : Askia Traoré, pourquoi proposez-vous cette immersion dans le Mali du 13e siècle ?Askia Traoré : Alors, ce projet est né du producteur Sébastien Onomo, qui avait à cœur de raconter l'histoire de l'Afrique précoloniale. Et donc, il nous a proposé à plusieurs réalisateurs – on est quatre – de faire une série sur quatre empires différents qui ont existé en Afrique précoloniale. Moi, j'ai été chargé de faire celui de l'empire du Mali et de raconter la vie de Soundiata Keïta.Et pour donner de la profondeur à votre récit, vous faites décrypter l'histoire de Soundiata Keïta par des historiens et des griots maliens. Pourquoi ce choix, au risque peut-être d'alourdir un petit peu le récit, non ?Le choix, il était important parce que, par rapport à l'histoire de l'Afrique précoloniale, il n’existe pas vraiment de source écrite. Il en existe quelques-unes avec les textes arabes qui ont été créés un peu plus tard, mais sur la création de l'empire du Mali, toute cette histoire a été racontée de manière orale, tout simplement. Donc, il me tenait à cœur de donner aussi la parole à un des plus grands griots connus au Mali, qui raconte aussi cette histoire, Bakary Soumano.L’historienne Sylvia Serbin, qu'on voit également dans votre film, fait la remarque qu'il y a une grande misogynie dans l'historiographie sur le continent africain. Est-ce que c'est pour cela que justement, en contrepoint, deux des quatre épisodes de votre série sont consacrés à deux grandes femmes de l'histoire africaine, la reine de Koush, dans l'actuel Soudan, et la princesse Yennenga, dans l'actuel Burkina ?Oui, c'était très important finalement de se réapproprier l'histoire. On est en 2024 et il est important en 2024 de faire découvrir à la jeune population, à la jeune génération que l'histoire – mais même dans toutes les cultures, en fait – a été aussi portée par des figures féminines, pas que des figures masculines comme on a appris.Et avec ces quatre épisodes, vous mettez un coup de projecteur sur l'histoire africaine avant la colonisation. C'est un choix délibéré, j'imagine ? Oui, c'est un choix délibéré parce qu’il y a eu le fameux discours et la fameuse phrase de l’ancien président en France, Nicolas Sarkozy, qui disait que l'Afrique n'était pas entrée dans l'histoire. Donc, c'était pour mettre un coup de projecteur, pour raconter en fait à la nouvelle génération que, dans tous les pays du monde entier, que ce soit en Amérique latine, que ce soit en Asie et donc en Afrique, il y a eu des grandes civilisations. Il y a eu de l'histoire, il y a eu des empires, il y a eu des États sophistiqués.Et justement, vous rappelez que le fondateur de l'Empire Mandé, Soundiata Keïta, a fait promulguer dès le 13e siècle la charte du Mandé qui proclamait l'interdiction de l'esclavage et le caractère inaliénable de l'être humain. C'est vrai, parce que je me suis rendu compte que beaucoup de gens ne connaissaient pas cette charte ou ce serment des chasseurs. Cette constitution a été promulguée en 1232 et donc il est arrivé à un moment où il a interdit l'esclavage, il a essayé de chercher une concorde pour son empire, l'empire du Mandé. Donc, c'était très important de mettre le point dessus, qu’il n’y a pas que des constitutions en Occident.500 ans avant la Déclaration des droits de l'homme en France, il y a cette charte du Mandé en Afrique de l’Ouest.Oui, ce qui est bien maintenant, c’est que la charte du Mandé a été reconnue comme patrimoine mondial de l'Unesco. Mais il a fallu du temps et je me rends compte que, même en Occident et même chez nos compatriotes sur le continent, peu de gens connaissent cette charte du Mandé. Donc, c'était important d'en parler dans le film. Toute la deuxième partie du film, de ce documentaire, traite de la charte du Mandé et de son importance.Askia Traoré, vous vivez en France mais, pour tourner ce film, vous êtes allé au Mali. Et justement, dans certains pays sahéliens comme le Mali, l'année 2023 a été marquée par de nombreuses polémiques anti-françaises. Est-ce que vous pensez, comme un certain nombre de sahéliens, qu'il faut rompre tout lien avec la France ? Alors non, je ne pense pas, parce qu'on a une histoire commune finalement, qui a été éprouvante, la colonisation, l'esclavage, etc. Mais je pense qu'actuellement, ce qui est bien pour la nouvelle génération, c'est essayer d'aller de l'avant finalement, parce qu’il y a énormément d'afro-descendants qui vivent en France, donc on en fait quoi ? Ils sont français aussi, mais leur culture, leurs parents, leurs grands-parents viennent d'Afrique, donc c'est important de garder ce lien. On ne va pas couper un lien comme ça. L'histoire fait qu'on est tous ensemble et il faut essayer d'avancer.Et pour 2024, quels sont les vœux que vous formez ? Ce que je souhaite, c'est que la nouvelle génération sur le continent, qu'elle prenne les choses en main, tout simplement. Parce que je suis sûr que la nouvelle génération, elle a comme ça une envie de créer des choses. Elle a envie d'exister, elle a envie d'avancer, finalement, et de vivre simplement. Et donc je leur souhaite du courage et je suis avec eux.À lire aussiLa série «African Empires» part à la découverte de l'histoire africaine d'avant la colonisation  
1/4/20246 minutes, 15 seconds
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Sonia Le Gouriellec: «L'accord Éthiopie-Somaliland ajoute beaucoup d'incertitudes au plan régional»

C’est une déflagration dans la Corne de l’Afrique. L’Éthiopie et le Somaliland, une république sécessionniste de la Somalie depuis 1991, ont annoncé la signature d’un protocole d’accord. Le texte autorise Addis Abeba à louer une bande de terre de 20 km le long de la côte au Somaliland, garantissant son accès à la mer, tandis que Hargeisa affirme qu’Addis Abeba va reconnaître son indépendance. La Somalie n’a pas caché sa colère, rappelant son ambassadeur en Éthiopie. Décryptage avec Sonia Le Gouriellec, chercheuse, spécialiste de la région. RFI : Est-ce que la réaction de la Somalie vous surprend ?Sonia Le Gouriellec : Alors non, la réaction de Mogadiscio, finalement, était assez attendue. Elle est très ferme et je vous rappelle que la Somalie ne reconnaît pas le Somaliland comme un territoire indépendant. Mais, il y a déjà des contrats qui ont été signés, notamment en 2018, lorsque DP World, qui a dû quitter Djibouti suite à la nationalisation du port de Djibouti, s’est installé à Berbera et a signé un accord avec le Somaliland. Déjà, à l’époque, la Somalie avait déclaré que cet accord était nul et non avenu et avait fait des recours auprès de plusieurs organisations internationales, sans que ça n’ait beaucoup d’effets pour le moment.La Somalie vient de réagir, mais d’autres voisins pourraient aussi avoir leur mot à dire, non ?Djibouti pourrait à long terme s’inquiéter sur les retombées sur ses activités portuaires de ce nouveau concurrent, puisque 95% à 98% du fret éthiopien passe par Djibouti. Mais effectivement, les entreprises éthiopiennes se plaignent de tarifs portuaires trop élevés, des coûts trop importants des transports, donc Abiy Ahmed, qui voulait libéraliser son économie, avait montré l’importance d’un nouvel accès. J’imagine que l’Égypte va également réagir puisqu’elle voit arriver du coup en mer Rouge un nouveau concurrent, et il y a beaucoup de concurrence et de compétition entre l’Égypte et l’Éthiopie qui n’ont toujours pas trouvé d’accord sur le grand barrage sur le Nil bleu. Et l’Égypte a de plus en plus de navires en mer Rouge, donc voir arriver potentiellement une nouvelle puissance maritime, ça peut être inquiétant effectivement pour l’Égypte. Et se posent plein d’autres questions : qui va former la marine de l’Éthiopie ? Les forces navales auraient dû, normalement, être formées par la France - en tout cas, j’imagine que ça a été au cœur des discussions quand Abiy Ahmed et Macron se sont rencontrés en juin dernier.Donc cet accord semble lancer une nouvelle période de turbulences dans la Corne de l’Afrique, d’autant plus si, au final, l’Éthiopie reconnaît officiellement le Somaliland, c’est ça ?Tout à fait. Si on en sait un peu plus et que finalement, il y a une reconnaissance de l’indépendance du Somaliland, il y a des conséquences pour la Corne de l’Afrique qui sont énormes. Déjà, ça fait un État de plus dans la région. Je vous rappelle qu’en une vingtaine d’années, c’est une région qui a connu la reconnaissance de l’Érythrée, la reconnaissance du Soudan du Sud et là, on aurait un nouvel État. C’est vraiment un enjeu fort pour le Somaliland. Toute sa politique étrangère est basée sur cette demande de reconnaissance. Pour les États occidentaux, il est hors de question de faire du néo-colonialisme et de reconnaître cette indépendance. Pour l’Union africaine, les frontières sont intangibles et il n’est pas question de reconnaître ce pays. Donc c’était aux voisins de l’Éthiopie de le faire, et en particulier à la Somalie et au Somaliland de trouver un accord ensemble. Donc là, l’Éthiopie arrive « avec ses gros sabots ». Est-ce que c’est une provocation de la part d’Abiy Ahmed pour obtenir un accord de la Somalie, juste pour avoir cette présence sans reconnaissance derrière ? Est-ce que c’est un moyen pour Abiy Ahmed de focaliser l’attention des élites, de remobiliser sur le nationalisme éthiopien, sur les problèmes économiques, et donc comme une solution aux difficultés économiques ? C’est plus de questions que de réponses pour l’instant. Mais effectivement, ce serait un sacré tremblement de terre dans la Corne de l’Afrique.Pour autant, sur ce point précis de la reconnaissance, les Éthiopiens restent assez discrets on dirait…Pour l’instant, c’est surtout le Somaliland qui parle d’une reconnaissance. Du côté éthiopien, on a une déclaration plus prudente. Tous les autres voisins pensent plutôt que c’est une déflagration et que ça risque de créer du conflit. Dans un sens, même s’il n’y a pas de reconnaissance formelle, comme le disait mon collègue Alexandre Hory, la conclusion même d’un contrat est une forme de reconnaissance.Est-ce que c’est, selon vous, un accord gagnant-gagnant pour l’Éthiopie et le Somaliland, comme l’a dit l’ancien ambassadeur américain, Tibor Nagy ?C’est une solution économique que trouverait l’Éthiopie pour diversifier ses accès à la mer, ça répondrait aux attentes des entreprises éthiopiennes. Mais d’un point de vue politique, je ne pense pas que ce soit gagnant-gagnant pour tout le reste de la région, et tout simplement, aussi, pour le Somaliland. Au Somaliland, on se bat encore militairement pour l’indépendance du pays, mais pour certains groupes, pour rester aussi dans la République de Somalie.L’Éthiopie est prise dans une série de crises, à la fois intérieures mais aussi extérieures, avec l’Égypte ou encore le Soudan. On a l’impression qu’Abiy Ahmed joue un jeu dangereux avec cet accord, non ?Très certainement. Son positionnement sur la mer Rouge s’est avéré très agressif, puisque c’était devenu la revendication d’un droit historique, quelque chose d’existentiel d’avoir cet accès à la mer pour le développement du pays et en même temps, un appel à la coopération, à la complémentarité régionale, etc. Donc on est toujours dans une ambiguïté, d’autant que les relations avec l’Érythrée sont de nouveau tendues - les troupes érythréennes ne se sont pas retirées du Tigré. Les relations avec les groupes les plus nationalistes ont lancé un nouveau conflit. En région Oromo, vous avez également des conflits. Bref, l’Éthiopie est en train de véritablement d’exploser. On a une situation politique catastrophique, on a une situation humanitaire catastrophique, et ça rajoute beaucoup d’incertitudes également au niveau régional
1/3/20245 minutes
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Tchad: «Cette entrée au gouvernement (de Masra) est un tournant majeur pour les Transformateurs et la transition»

Succès Masra a été nommé Premier ministre du Tchad ce lundi par décret du président de la transition. Celui qui était un des plus farouches adversaires du pouvoir va diriger le gouvernement chargé de mener le pays aux élections d'ici à la fin octobre. Le leader des Transformateurs n'a jamais fait mystère de son objectif d'y participer. Cette nomination est-elle une surprise ? La cogestion de la transition avec Mahamat Idriss Déby est-elle possible ? François Mazet s'entretient avec Remadji Hoinathy, chercheur à l'ISS (International security studies) basé à Ndjamena. RFI : Succès Masra à la primature, est-ce que ça vous surprend ?Remadji Hoinathy : Je pense que plus tôt, dans l’année 2023 ou en 2022, cela aurait beaucoup surpris, mais depuis l’accord de Kinshasa, je pense que c’était une possibilité plus ou moins ouverte. La facilitation de Félix Tshisekedi a permis au minimum aux deux parties de recommencer à discuter - donc possibilité pour les Transformateurs de rentrer, avec un engagement de contribuer pacifiquement au débat politique. Et depuis ce retour, je pense qu’il y avait une certaine accalmie qui rendait possibles les discussions en vue éventuellement d’une nomination comme Premier ministre.Pourquoi a-t-il accepté, selon vous ? Lisant un peu le contexte politique, je me dis certainement que pour les Transformateurs, accéder à ce poste représenterait une possibilité pour eux de se préparer aux échéances à venir, en termes de prendre aussi place - comme les autres partis qui ont été dans la transition - au sein de la machine politique, au sein de l’administration publique, et entrer dans les rouages pour éventuellement se positionner pour les échéances à venir. La question reste simplement : auront-ils les coudées franches pour le faire ?Ce que vous voulez dire, c’est que Succès Masra ne fait pas mystère de ses ambitions présidentielles et que pour lui, c’est un moyen de surveiller au plus près la mise en place du cadre des élections ? Ce serait une des raisons principales qui expliquerait cette acceptation du poste de Premier ministre. Parce qu’au-delà du discours politique et officiel, je pense qu’il ne faudra pas oublier, justement, que c’est un parti avec un agenda politique clair.Alors il va former un attelage avec le président de la transition, est-ce que ça ne pose pas question quand même ? Ils ont le même âge, la même ambition, est-ce que ça peut tenir ? C’est une excellente question. Je pense que ça va tenir le temps que ça devra tenir. Ça va tenir le temps que les agendas ne s'opposent pas de manière trop frontale et je pense que justement, le premier examen de passage sera la liste du gouvernement qui va sortir. C’est à travers cette liste qu’on verra effectivement jusqu’où les Transformateurs ont eu les coudées franches en termes de modeler leur gouvernement : qu’il ne soit pas simplement un gouvernement, comme on l’a vu par le passé, totalement dominé par l’entourage du président de la transition ou bien de l’ancien parti au pouvoir.Les adversaires de la transition disent que Succès Masra se retrouve au service de l’élection de Mahamat Idriss Déby, qu’il en devient le complice. Pensez-vous qu’il risque de se faire rouler dans la farine ? C’est une éventualité qui est ouverte et je pense que cette position des adversaires de la transition n’est pas basée sur du vide, [mais] sur la lecture de la scène politique tchadienne au cours des années. Prenez tous les Premiers ministres qu’il y a eu dans ce pays, lisez leur parcours et lisez, effectivement, quelles capacités réelles ont-ils eu en tant que Premier ministre sur le gouvernement qu’ils ont dirigé et sur la conduite des affaires au quotidien. Je pense que c’est ça qui [amène] à penser la plupart des acteurs et l’opinion publique en général que s’allier avec un gouvernement que l’on a combattu ne laisse pas beaucoup de possibilités en tant qu’opposant pour maintenir son agenda d’opposant. Je pense que cette entrée au gouvernement représente un autre examen de passage pour les Transformateurs. Comment vont-ils convaincre l’opinion publique qu’ils vont dans ce gouvernement, non pas pour se faire avaler comme tous les autres Premiers ministres, qu’ils vont dans ce gouvernement avec une réelle capacité de faire bouger les choses, de les changer de l’intérieur, comme le politicien tchadien aime à le dire ? Cette entrée au gouvernement représente un tournant majeur, aussi bien pour la transition tchadienne que pour l’avenir des Transformateurs. Et les jours à venir nous en diront plus.Pour Mahamat Idriss Déby, en revanche, c’est une très bonne opération en termes d’image ? Oui, je pense qu’en termes d’image, c’est une très bonne opération, parce que ça vient, dans une certaine mesure, combler certaines critiques quant à l’incapacité des autorités de transition à tendre la main, à rester sur l’agenda de base de cette transition qui est l’inclusivité, la réconciliation. D’un point de vue communication et d’image politique, c’est un gain pour le président de la transition, aussi bien pour son propre camp que pour les partenaires à l’extérieur qui le regardent. En revanche, je pense que pour les partis d’opposition en dehors des Transformateurs, ça ne change pas grand-chose en termes d’image.
1/2/20249 minutes, 16 seconds
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Roukiata Ouédraogo: avec la loi immigration en France, «On se tire une balle dans le pied»

Notre Invitée Afrique de ce dimanche 31 décembre 2023 nous emmène au Burkina Faso. Humoriste, actrice, conteuse, Roukiata Ouédraogo est également romancière et publie, dans quelques semaines, son second roman, Un espoir rêvé. Une boule d’énergie, un sourire ravageur et une identité bien tranchée, notamment sur les questions de migrations. C’est avec elle que nous terminons cette année 2023. RFI : Dans notre monde violent, marqué par des conflits un petit peu partout, qu’est-ce qui, en ce moment, vous fait du bien et pourrait justement apporter un peu de bonheur à nos auditeurs ? Roukiata Ouédraogo : Quand je regarde mon fils, cette innocence, cette joie de vivre, ça me redonne le moral. Mon fils est assez particulier, il a trois ans et demi mais il a parfois des expressions qui nous scient mon mari et moi. Le matin, par exemple, quand il se lève, souvent il nous dit : « Maman, papa, je suis content de vous voir. » Tu te dis : voilà, je vis, j’ai le droit de vivre et j’ai le droit d’espérer pour ce petit, un vrai bonheur. Moi, ça me donne envie de me battre encore et d’espérer surtout.Vous publiez Un espoir rêvé, votre second roman, dans quelques semaines, qu’est-ce que vous racontez dans cet ouvrage ?Un espoir rêvé, c’est l’histoire de deux adolescents, Ella et Lamine, qui se rencontrent dans un camp de déplacés au Burkina. Et Lamine, certain que son avenir est ailleurs, propose à Ella de partir avec lui, mais Ella ne peut pas se résoudre à quitter sa famille Mossi. Ce livre, j’y ai mis vraiment tout mon cœur, j’y ai mis mes tripes et beaucoup d’espoir aussi. C’est un cri du cœur, c’est un hommage, une ode à toutes ces personnes qui quittent leur pays, qui fuient la guerre, la dictature et toute forme de violence pour un avenir meilleur. Et ça fait écho aujourd’hui, parce qu’en fait, la loi sur l’immigration est tombée il n’y a pas si longtemps que cela, mais il me semble qu’elle ne répond ni aux besoins démocratiques de la France, ni à ses besoins de main d’œuvre, ni à son besoin d’activité intellectuelle et culturelle. C’est une loi qui muselle en fait les gens. Moi, je pense qu’on se tire une balle dans le pied. Voilà.  Vous avez publié récemment cette phrase : « On est tous habités par la peur. La peur de l’autre, la peur de faire le premier pas, la peur de donner, la peur de recevoir aussi et par peur de se regarder en face, on finit tous par indexer l’autre » …Effectivement, c’est l’autre qui devient le bouc émissaire, c’est l’autre qui devient la chose pas bonne, alors que c’est faux, alors qu’il ne faut pas s’arrêter à cette peur-là. Et effectivement, je convoque Audre Lorde dans mon spectacle, qui est militante, qui s’est battue pour beaucoup de choses. Comme je vous le disais, cette loi est alimentée par de purs fantasmes, comme cette histoire du « grand remplacement ». Je ne peux pas comprendre qu’on ne puisse pas tendre la main à quelqu’un. Je ne peux pas comprendre qu’on s’arrête à la couleur de quelqu’un, juste à sa couleur de peau. Je pense que dans chaque être humain, il y a une part d’humanité, et quand quelqu’un va quelque part, il appelle toute une culture avec lui et on a besoin du métissage. Moi, je me suis enrichie de la culture française, j’ai aussi la culture burkinabè en moi, la culture africaine, et ces deux-là sont quelque chose de précieux pour moi, je me nourris de ça.Vous avez grandi dans les années 80, est-ce que vous vous considérez de la génération Sankara ? On avait une chanson avant d’entrer en classe et pendant la fête de l’indépendance des « pionniers » : « Oser lutter, savoir vaincre. Vive la révolution ! En avant pour la révolution ! La patrie ou la mort, nous vaincrons ! » Ça, c’est quelque chose qui m’a marquée. Il était avant-gardiste. Aujourd’hui, on parle de féminisme, Thomas Sankara avait compris depuis longtemps que la femme était le pilier d’une famille, la femme était le socle. Il incarnait beaucoup de valeurs que je partage aujourd’hui, bien sûr.Et justement, dans votre double-identité, si je vous demandais de choisir une chanson, vous prendriez quel côté ? Ce serait une chanson française ou une chanson du pays, du Burkina Faso ? (Rires) J’aime beaucoup la musique de chez moi, j’aime beaucoup la musique française aussi. J’aimerais bien une musique festive. J’opterais plus pour Victor Démé parce que c’est beaucoup plus de choses pour moi, ça signifie beaucoup plus pour moi. Victor Démé, « Mousso ».Parfois, au pays, les doyens terminent souvent leur causerie avec un dicton. Comment terminer notre causerie aujourd’hui ? Un dicton ? Houlala… Alors… « Il ne faut pas essayer de fuir la bave de la hyène pour se retrouver dans les griffes du lion ». C’est à la société française, en fait, que je dis ça. (Rires). En essayant de fuir, il ne faut pas tomber dans les griffes du lion (rires).
12/31/20234 minutes, 36 seconds
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Amzat Boukari-Yabara: «Cheikh Anta Diop s'est intéressé à la viabilité d'une indépendance africaine à long terme»

Le 29 décembre 1923 naissait l'un des grands intellectuels de l'histoire africaine : le Sénégalais Cheikh Anta Diop. Cent ans plus tard, de nombreux hommages lui sont rendus. La Revue d'Histoire Contemporaine de l'Afrique (RHCA) publie ainsi, dans son dernier numéro, un dossier consacré à ce penseur (disponible en accès libre sur Internet). Entretien avec l'un de ses coordinateurs, l'historien Amzat Boukari-Yabara, interrogé par Laurent Correau. Le dossier de la Revue d'Histoire Contemporaine de l'Afrique est disponible ici.Quels sont les idées et les travaux par lesquels Cheikh Anta Diop a marqué l’histoire de la pensée au XXe siècle ?Amzat Boukari-Yabara : Cheikh Anta Diop a marqué l’histoire de la pensée, notamment l’histoire africaine, en montrant en fait la continuité historique de l’histoire de l’Afrique. « Nations nègres et cultures », qui est publié en 1954, est présenté par Aimé Césaire comme le livre le plus brillant et audacieux qu’un intellectuel noir n’a jamais écrit. En 1966, il aura le prix de l’auteur noir le plus important de l’histoire du XXe siècle [lors du premier Festival mondial des arts nègres de Dakar]. C’est vraiment un historien qui a touché aux enjeux de langues, aux enjeux de sciences, aux enjeux de décolonisation des savoirs, avec une dimension visionnaire qui fait que, lorsqu’on célèbre son centenaire, on interroge effectivement l’actualité de sa pensée.Ce qui est impressionnant dans cette figure de Cheikh Anta Diop, c’est l’ampleur de tous les savoirs qu’il a réussi à embrasser. Vous l’évoquiez à l’instant, il est parvenu à travailler sur les sciences dites dures, sur des sciences sociales très différentes : la linguistique, l’archéologie, etc… Oui. Il fait partie des rares penseurs africains, ou même mondiaux, qui sont eux-mêmes une sorte d’institution. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien que son nom a été donné à l’université de Dakar. Il a cette formation de littéraire, de scientifique, qui est aussi connectée à la nécessité, notamment dans le cadre de ses travaux sur l’Égypte, de maîtriser les enjeux de datation au carbone 14. Donc, c’est effectivement quelqu’un qui a travaillé avec des physiciens, qui a travaillé sur la question du nucléaire, mais en lien toujours avec la nécessité de se doter d’outils pour produire une histoire de l’Afrique qui soit décolonisée et indépendante.Et quelle place Cheikh Anta Diop occupe-t-il dans la pensée panafricaniste ?Cheikh Anta Diop occupe une place assez particulière parce qu’il ne s’inscrit pas dans les fameux pères de l’indépendance africaine. C’est quelqu’un qui s’intéressait beaucoup plus à la prospective qu’à l’invective, à l’anticipation qu’à l’activisme. Et donc c’est vraiment quelqu’un qui a pensé l’Afrique dans le temps long. Son ouvrage sur « Les Fondements économiques et culturels d'un État fédéral » pose déjà l’Afrique du XXIe siècle. Et c’est également quelqu’un qui s’est intéressé, non pas à la lutte de décolonisation en tant que telle, mais à la condition de viabilité d’une indépendance africaine.Ce qui est peut-être moins connu dans l’œuvre de Cheikh Anta Diop, c’est qu’il pense très tôt l’idée d’une renaissance africaine. Il est aussi visionnaire sur la place qu’une langue locale, comme le wolof, est amenée à prendre au Sénégal…Effectivement, il est de ceux qui estiment que la renaissance africaine adviendra lorsqu’on saura faire de nos langues africaines des langues de sciences. Et dans son engagement politique parallèle donc à ses travaux scientifiques, il nous a expliqué la nécessité d’une scolarité obligatoire jusqu’à 15 ans et d’une alphabétisation dans les langues nationales qui seront ensuite diffusées dans les administrations. Donc, il parlait effectivement de l’outil linguistique comme moteur de la libération du génie africain.Et c’est donc aussi un acteur politique de son pays, le Sénégal, un acteur politique opposé au président Léopold Sédar Senghor. Finalement, les années Cheikh Anta Diop nous montrent la part d’ombre aussi des années Senghor [de 1960 à 1980]…Effectivement, Cheikh Anta Diop a créé plusieurs partis politiques -le Bloc des masses sénégalaises, le Front national sénégalais, le Rassemblement national démocratique-, qui ont tous subi la censure du régime de Léopold Sédar Senghor. Cheikh Anta Diop était un opposant farouche à Léopold Sédar Senghor. Et cette période a été marquée par une répression de toute forme d’opposition intellectuelle, politique ou syndicale vis-à-vis de la politique de Léopold Sédar Senghor, qui était directement liée à la préservation des intérêts français.Cent ans après sa naissance, quelles sont les idées de Cheikh Anta Diop qui continuent à irriguer la pensée des intellectuels contemporains ?La première idée, c’est que l’histoire est vraiment le moteur du changement social. Donc, il n’y a pas de déterminisme dans les travaux de Cheikh Anta Diop. Il montre qu’à partir du moment où l’on prend conscience de ses responsabilités, on peut faire changer l’histoire. Donc, ça c’est un premier élément important. Le deuxième élément, c’est la question des modes de gouvernance. On est dans une période où il y a beaucoup de bouleversements en Afrique de l’Ouest et on est un peu à la recherche de systèmes qui permettraient justement de mieux répondre aux enjeux des sociétés africaines. Et c’est en cela qu’il a une actualité très importante. Il y a un troisième élément, je pense, qu’il faut souligner, c’est la question du transfert de technologies. Lorsque le laboratoire de datation au carbone 14 est installé à l’Ifan [Institut fondamental d'Afrique noire] de Dakar, c’est le premier grand transfert de technologies d’un pays du « Nord » vers un pays du « Sud », parce que cette question est essentielle, notamment au niveau des universités africaines qui ont besoin de se doter de tous les outils pour réellement compétir au niveau scientifique et au niveau international.À lire aussiSénégal: le monde célèbre l’historien et scientifique Cheikh Anta Diop lors de son centenaire
12/29/20234 minutes, 39 seconds
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Jean-Bruno Tagne: Pour Samuel Eto'o, la présidence de la République du Cameroun serait «une ambition légitime»

Samuel Eto'o répond-il aux attentes de ses millions de supporters depuis qu'il a été élu président de la Fédération camerounaise de football (Fécafoot) en décembre 2021 ? Pour son ancien directeur de campagne, le journaliste camerounais Jean-Bruno Tagne, la réponse est non. Il critique sévèrement l'ancien triple vainqueur de la Ligue des champions. Mais il reconnaît que Samuel Eto'o est populaire et qu'il peut nourrir un jour des ambitions politiques.  RFI : Le premier reproche que vous faites à Samuel Eto’o, c’est de ne pas avoir amélioré les performances des Lions indomptables. Mais est-ce qu’il n’a tout de même pas réussi à les qualifier pour la Coupe du monde du Qatar au terme d’un match héroïque, comme vous l’écrivez vous-même, contre l’Algérie en mars 2022 ?Jean-Bruno Tagne : Oui. Effectivement, le Cameroun s’est qualifié in extremis pour la Coupe du monde au Qatar, grâce à ce match héroïque contre l’Algérie, il faut le reconnaître. On peut le mettre au crédit de Samuel Eto’o qui venait quand même de changer le sélectionneur dans des conditions assez terribles. Il fallait avoir l’audace de Samuel Eto’o pour oser pareille chose. Par contre, lorsqu’on est allé à la Coupe du monde, Samuel Eto’o a fanfaronné partout pendant des mois qu’il allait au Qatar pour ramener pas moins que le trophée de cette Coupe du monde. Et au final, on ne revient même pas sorti du premier tour. Je pense que cela a été un échec.Autre reproche vis-à-vis de Samuel Eto’o, ce que vous appelez son éventuelle implication dans des matchs truqués pour favoriser la montée de certains clubs en première division du championnat camerounais. Et vous rappelez à juste titre qu’en août dernier, la Confédération africaine de football (CAF) a ouvert une enquête sur « certains comportements inappropriés présumés » de la part de Samuel Eto’o. Mais pour l’instant, à part la diffusion sur les réseaux sociaux d’une conversation téléphonique de janvier dernier entre Samuel Eto’o et le président d’un club de deuxième division, il n’y a pas grand-chose pour étayer ce soupçon ?C’est une conversation téléphonique assez compromettante. Si vous avez un acteur de football qui a ce type d’échanges avec le président de la fédération, c’est assez suffisant pour jeter un soupçon sur la nature des rapports qui peuvent exister entre le président et cette personne-là. Donc, ce ne sont pas des fantasmes. Il y a des faits. Et on est un peu surpris par le temps que cela prend pour la CAF d’essayer soit de disculper totalement Samuel Eto’o, c’est possible, soit de constater qu’effectivement il y a des faits sérieux qui l’impliquent dans des affaires de matchs truqués. Et puis, on prend les mesures qui s’imposent. De toutes les façons, il est important de tirer cette affaire au clair. On ne peut pas continuer comme si de rien n’était. Le public ne demande qu’à savoir.Dans votre livre, vous racontez les coulisses de la campagne de Samuel Eto’o pour être élu à la tête de la Fécafoot il y a deux ans, et notamment l’audience que lui a accordée le directeur de cabinet civil à la présidence camerounaise, Samuel Mvondo Ayolo. Vous révélez qu’au cours de cet entretien, le directeur de cabinet lui a demandé s’il était vrai, comme le disait la rumeur, qu’il visait à terme la présidence de la République du Cameroun, et si c’était vrai que la Fécafoot n’était pour lui qu’un tremplin. Vous racontez que Samuel Eto’o a nié farouchement. Est-ce que vous pensez que le président de la Fédération camerounaise de football nourrit l’ambition de devenir un jour le George Weah [footballeur international devenu président de la République du Liberia] du Cameroun ? Ce serait une ambition légitime, bien que je n’en ai pas parlé avec lui, mais la réalité est effectivement que, quand Samuel Eto’o a été candidat à la Fédération camerounaise de football, il a fait le choix d’une campagne populaire qui tranchait un peu avec ce qui se faisait jusque-là dans une élection à la Fédération camerounaise de football, dont le corps électoral ne constitue même pas 100 personnes. Donc, c’était vraiment une campagne très populaire comme si c’était une élection nationale. Et du coup, cela a fait naître au sein de l’opinion, et surtout au sein d’un certain nombre de pontes du pouvoir, une certaine inquiétude, parce qu’il faut le reconnaître, Samuel Eto‘o est très populaire. Il l’est un peu moins aujourd’hui parce que, depuis ces deux dernières années, il s’est sérieusement démonétisé auprès de l’opinion camerounaise. Mais à l’époque, il était au sommet de sa gloire. Et je raconte dans le livre qu’il faudrait également que, dans ce pays, on arrête de criminaliser l’ambition. Samuel Eto’o est un Camerounais et c’est tout à fait légitime si jamais il voulait briguer le fauteuil présidentiel, qui n’est pas la chasse gardée de qui que ce soit.Et si demain les Lions indomptables gagnent une Coupe d’Afrique des nations, qui sait si Samuel Eto’o ne pourra pas nourrir des ambitions politiques, non ?Ce serait très bien pour lui, encore faudrait-il que les Lions indomptables gagnent d’abord, et je pense qu’une victoire du Cameroun à la Coupe d’Afrique des nations en Côte d’Ivoire pourrait permettre à Samuel Eto’o d’avoir un peu de répit parce qu’en ce moment, il est au cœur de la tourmente.►Jean-Bruno Tagne est l'auteur du livre L'Arnaque aux Éditions du Schabel.À lire aussiCameroun: un journaliste sort un livre pour dénoncer les agissements de Samuel Eto’o à la Fécafoot
12/28/202312 minutes, 14 seconds
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Ahmedou Ould Abdallah: «La reconnaissance de la marocanité du Sahara occidental par le Mali n'est pas à exclure»

Le dossier du Sahara occidental connaît quelques remous. Il faut dire que le torchon brûle entre le Mali et l'Algérie depuis que l'Algérie a reçu, il y a dix jours, des rebelles touaregs du Nord-Mali. Le Mali a rappelé son ambassadeur en poste à Alger. L'Algérie a fait de même. En ligne de Nouakchott, Ahmedou Ould Abdallah, l'ancien ministre mauritanien des Affaires étrangères, préside une société de conseil, le Centre 4S (Stratégie, Sécurité, Sahel, Sahara). Il livre son analyse. RFI : À l’origine de ce coup de colère des Maliens, il y a l’invitation des rebelles touaregs et de l’imam Mahmoud Dicko à Alger. Mahmoud Dicko a même été reçu par le président Abdelmadjid Tebboune en personne. Pourquoi ce double geste de la part des Algériens ?Ahmedou Ould Abdallah : Il me semble qu’Alger peut-être pensait qu’ayant contribué aux négociations des accords de paix, les tout derniers, il était nécessaire de faire un sondage auprès des principales parties prenantes au conflit. Naturellement, l’usage est de consulter le gouvernement officiel du pays. Je pense que cela a été fait. Si ce n’est pas le cas, ce sont les Maliens qui le savent.Depuis quelques mois, les autorités maliennes mettent dans le même sac les rebelles touaregs du Cadre stratégique permanent (CSP) et les jihadistes du Groupe de soutien à l'Islam et aux musulmans (Jnim) d’ Iyad Ag Ghaly. Ce n’est pas le cas des autorités algériennes, la preuve cette invitation du CSP à Alger. Est-ce que ce n’est pas cela qui fâche le plus les autorités maliennes ?Les autorités maliennes sont fâchées, mais le Mali a connu beaucoup de crises internes. Tous les accords, qu’ils soient de Tamanrasset dans les années 1990 [6 janvier 1991] ou avant, ont été réalisés par l’intermédiaire de la diplomatie et de l’influence algérienne. Mais ceci étant, cela n’exclut pas le rôle du Maroc. Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), l’ancien président, me disait que, dès la montée violente du terrorisme, le Maroc a créé un institut pour former les imams, pour encourager l’islam pacifique et modéré, ce que beaucoup de Maliens, et pas seulement des Maliens, mais des gens de la région, ont apprécié, pensant que le terrorisme venait au contraire d’autres parties du Maghreb en passant par le Sahara, qui effectivement est difficile à contrôler.Cette brouille entre Bamako et Alger est tombée la semaine dernière, au moment où le ministre malien des Affaires étrangères se rendait à Marrakech pour participer à une conférence régionale entre le Maroc et 4 pays sahéliens -le Mali, le Burkina, le Niger, le Tchad-, en vue de resserrer les liens économiques entre le Maroc et le Sahel. Est-ce que le Mali pourrait retirer sa reconnaissance de la République arabe sahraouie démocratique et basculer dans le camp du Maroc ?Ce que je sais, c’est que, sous le général Moussa Traoré [1969-1991], le Mali a reconnu la RASD, le République arabe sahraouie démocratique. Le président IBK m’a toujours dit son souci de vouloir reconnaître la marocanité, comme on dit, du Sahara, mais il ne voulait pas gêner un partenaire algérien qui est très important dans la lutte contre le terrorisme. Beaucoup de Maliens pensent la même chose. Ils ont une frontière commune avec l’Algérie. Donc, il y a ce poids. Mais d’un autre côté, le poids de l’histoire des relations humaines fait qu’il y a une grande sympathie pour les positions du Maroc, que les Maliens ont toujours connu à travers les caravanes qui partaient du Maroc vers le Mali, en particulier Gao, Tombouctou, bien avant la présence européenne, la colonisation, et les échanges non seulement d’or, de sel, et les routes des pèlerinages, tout passait par le Maroc à travers le Sahara.Donc, d’un côté, il y a le poids de l’histoire qui rapproche le Mali du Maroc, mais de l’autre, il y a le poids de la géographie qui rapproche le Mali de l’Algérie, car il y a une frontière commune entre le Mali et l’Algérie. Ce qui n’est pas le cas entre le Mali et le Maroc…Oui. Je me souviens parfaitement de IBK me disant, après son élection [en 2013], son désir de reconnaître la marocanité du Sahara, mais qu’il ne voulait pas, en période de tensions, offenser ou se mettre à dos Alger. Je sais que, pour des tas de raisons, de nombreux Maliens, exceptées quelques populations du Nord qui sont liées par le commerce ou des problèmes humains à l’Algérie, et la plupart des officiels maliens que je connais souhaitent que ce dossier du Sahara soit clos avec une reconnaissance, sinon de la marocanité du Sahara, du moins pas d’activités qui la met en cause. Donc, oui, je pense que cette reconnaissance de la marocanité du Sahara n’est pas à exclure.À lire aussiSahara occidental: les Nations unies appellent le Maroc à libérer des prisonniers sahraouis 
12/27/20237 minutes, 20 seconds
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Jérôme Tubiana: «L'ampleur du conflit au Darfour est plutôt similaire géographiquement à celle d'il y a 20 ans»

L'inquiétude va croissant sur l'évolution de la situation au Darfour. Les civils de cette région de l'ouest du Soudan sont victimes de la lutte de pouvoir qui oppose les généraux Mohamed Hamdan Daglo, dit « Hemetti », et Abdel Fattah al-Burhan. Il y a vingt ans, les États-Unis avaient qualifié les massacres dans cette région de génocide. Ce à quoi on assiste actuellement est-il réellement similaire à ce qui s’est passé en 2003 ? Réponse de Jérôme Tubiana, conseiller de l'ONG Médecins sans frontières (MSF) sur les questions de réfugiés et spécialiste du Soudan.
12/26/20237 minutes, 2 seconds
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Mgr Houngbedji, archevêque de Cotonou: «Le dialogue interreligieux produit son effet»

Monseigneur Roger Houngbedji, archevêque de Cotonou au Bénin, est en ce 25 décembre, jour de la fête de Noël, où les catholiques célèbrent la naissance de Jésus-Christ à Bethléem, le grand invité Afrique de RFI.  RFI : Quel est votre message de Noël, cette année ?Monseigneur Houngbedji : Mon premier message, c’est un message de paix, telle que nous y invite, d’ailleurs, la parole de Dieu de ce jour. Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la Terre aux hommes qu’il aime. C’est parce que Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils, et en naissant dans notre histoire, le bien le plus précieux qu’il nous apporte est effectivement la paix. Et c’est en aimant Dieu comme il nous aime que nous pouvons réellement faire régner cette paix sur notre Terre.Il y a aussi beaucoup de violences au Sahel, et notamment à la frontière Nord de votre pays…Bien sûr.Comment pouvez-vous faire face à cela ? Est-ce que votre appel au dialogue est suffisant ? Est-ce qu’il ne faut pas trouver quelque chose d’autre ? Le dialogue, ça demande que nous puissions nous asseoir et donc créer, quand même, ces lieux de rencontre entre les confessions religieuses, ce que nous essayons de faire dans notre pays actuellement au Bénin. Il y a des rencontres qui se font assez périodiquement entre les confessions religieuses, surtout lorsque ça va mal dans le pays, pour qu’on puisse voir quelles actions communes nous pouvons mener pour pacifier les situations. Je crois que ce dialogue interreligieux, ça produit quand même son effet, quand on voit que des confessions religieuses peuvent se retrouver et essayer de réfléchir ensemble sur quelles actions communes elles peuvent se mobiliser. Ça impacte aussi la vie des autres communautés religieuses.Alors, depuis la conférence nationale de Cotonou de février 1990, qui était présidée par l’un de vos prédécesseurs, Monseigneur de Souza, l’Église catholique est très impliquée dans la politique béninoise. Que faites-vous aujourd’hui dans ce sens ? L’Église, ça, je dois le dire, ne fait pas de la politique politicienne. Ce n’est pas son rôle. Tout ce qu’elle essaie de faire, c’est comment entreprendre un dialogue, et donc, lorsque le bien-être de la population, reposant sur les valeurs fondamentales des droits de l’Homme, est en danger, je crois que l’Église a le devoir, c’est sa mission prophétique, d’être la voix des sans-voix et doit toujours tirer la sonnette d’alarme. Et donc, elle essaie autant que possible de garder un contact avec le pouvoir en place, autant que les agendas le permettent, pour essayer d’échanger un peu sur les situations qui prévalent dans la société.Et dans vos contacts avec le pouvoir en place, est-ce que vous évoquez la situation des opposants Reckya Madougou et Joël Aïvo, qui sont en prison ? Oui, on essaie de l’évoquer… On a aussi essayé ces derniers temps de revenir, mais c’est le problème des agendas qui ne le permettent pas très souvent. Donc, nous sommes toujours dans l’attente, mais on ne baisse pas la garde. On essaie de prendre les contacts que nous pouvons pour attirer quand même l’attention sur les actions que nous pouvons mener pour sauvegarder réellement la paix.L’un des événements de ces derniers jours, c’est la déclaration doctrinale du 18 décembre dernier, au Vatican, à Rome, déclaration par laquelle le pape autorise la bénédiction des couples de même sexe, donc, des homosexuels. Quelle est votre réaction ? Bon, je dois dire qu’avant la sortie de cette déclaration, la Conférence épiscopale du Bénin avait déjà publié une déclaration sur la question de l’homosexualité, attirant l’attention sur les inquiétudes de cette orientation et la responsabilité que cela exige de l’Église. Je crois que la position de l’Église du Bénin ne change pas et je me garde tout de même de porter un jugement sur la dernière déclaration du Saint-Siège du 18 décembre dernier, ceci en tenant compte d’un message que nous avons reçu hier du Sceam, le Symposium des conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar, exigeant que la question soit davantage approfondie et examinée au niveau de chaque continent, avant de sortir une voix qui serait une voix commune de toute l’Église d’Afrique. Donc, c’est une question qui est assez délicate, qui exige que nous puissions l’examiner de près, pour voir quelle position nous pouvons prendre.Mais vous manifestez votre inquiétude par rapport à ce que vous appelez cette orientation ? Oui, par rapport à cette orientation, il y a des inquiétudes, bien sûr, des inquiétudes qui se basent justement sur les Saintes Écritures, sur la doctrine de l’Église, sur les traditions que l’Église a toujours gardées depuis les origines, jusqu’à ce jour, donc cela ne change pas. Cela ne change pas ma position de ce point de vue.Et vous attendez une position commune de toutes les Églises catholiques du continent africain et de Madagascar ? Oui, parce que nous ne voulons pas avoir des voix discordantes, allant dans tous les sens. Et c’est la raison pour laquelle le président du Sceam a demandé que nous puissions avoir une voix commune.
12/25/20237 minutes, 30 seconds
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Jowee Omicil: «Le Bwa Kayiman c’est l’insurrection, le moyen où le peuple noir s’est réuni pour trouver sa liberté»

Notre invité ce dimanche 24 décembre est un virtuose. Saxophone, clarinette, trompette, Jowee Omicil est un multi-instrumentiste originaire d’Haïti. L’artiste vient de sortir son dernier disque Spiritual Healing: Bwa Kayiman Freedom Suite, une référence, une quête pour revenir, raconter en musique la révolution des esclaves en 1791 en Haïti, révolution qui va en entraîner d’autres. Ce disque, c'est aussi de nombreuses références à l’Afrique, au Sénégal, à la Guinée où Jowee Omicil est venu chercher ses racines musicales. Un entretien sonore avec Guillaume Thibault.  
12/24/20234 minutes, 30 seconds
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William Bourdon: «Plus les libertés publiques reculent, plus les lanceurs d'alertes seront indispensables»

Il est l'avocat emblématique des affaires de biens mal acquis. William Bourdon publie Sur le fil de la défense, aux éditions du Cherche-Midi, un livre dans lequel il raconte ses quarante années de combat contre l'argent sale et pour la transparence financière, notamment en Afrique centrale. Le fondateur de l'ONG Sherpa se revendique comme un avocat de gauche. Mais est-il pour autant un idéologue et un justicier ? Et que répond-il à ceux qui l'accusent d'être financé par le milliardaire américain George Soros ? L'avocat parisien répond sans détours aux questions de RFI. RFI : Ce qu’on voit dans votre livre, c’est que vous n’êtes pas un justicier jusqu’au-boutiste. Vous reconnaissez qu’il vous est arrivé de conclure des arrangements avec de grands groupes industriels, par exemple avec Areva, au Niger et au Gabon, en échange de la création d’observatoires de santé sur chaque site minier. Vous dites même que cela a fâché l’ONG Survie, qui a rompu avec vous à l’époque…William Bourdon : Alors, il y a deux accords. Il y a cet accord que j’ai passé en 2005, dont je suis très fier, qui est l’accord avec le groupe Total, qui a abondé un compte dédié d’une somme de plus de cinq millions d’euros. C’était sans précédent. C’était inédit. Ça a changé la vie de milliers de réfugiés birmans à la frontière…En Birmanie ? En Birmanie. Donc il ne s’agit pas du tout de mettre ses convictions dans son mouchoir, mais quand on est mandatés par des centaines de personnes pour qu’il y ait des modalités d’indemnisation, qu’est-ce qu’il faut ? Continuer sous la flotte à taper le macadam place de la République [à Paris] et dénoncer Total, les crimes contre l’humanité, etc., etc. ? Ou bien trouver des solutions pratiques ? Moi, j’ai considéré que respecter mon mandat, c’était de trouver une solution pratique. Quant à l’accord avec Areva, j’en suis également très fier, ça a changé la vie, je le sais pour avoir été sur place. Ce n’est pas du tout aussi parfait qu’on l’aurait souhaité, mais a été mis en place un système de veille sanitaire des travailleurs, des anciens travailleurs, sur le site d’Arlit au Niger et sur un site du Gabon. Survie a résilié toute relation avec moi sur une base idéologique, qui était : on ne doit pas négocier avec un géant du nucléaire. Je reste très fier de ce que j’ai fait et j’ai été salué par des chefs touaregs à Arlit qui m’ont dit : « Bravo William pour ce que tu as fait. »Et aujourd’hui, quatre mois après la chute de la dynastie Bongo, est-ce que vous pensez qu’une partie des biens mal acquis par la famille Bongo pourrait être récupérée par l’État gabonais ? Si les nouvelles autorités gabonaises – elles n’ont pas besoin de moi, je les y invite – font une demande de commission rogatoire vers le juge français, en disant : « Nous voulons établir une coopération, nous mettons à la disposition du juge français Serge Tournaire toutes les archives des finances publiques qui lui permettront de tracer plus facilement un certain nombre de flux et de détournement d’argent public. Nous voulons être partie prenante des mécanismes de restitution », bienvenue messieurs, allez-y.Un reproche que l’on vous fait souvent en Afrique, William Bourdon, c’est le double standard. Pourquoi vous traquez le patrimoine du Congolais Denis Sassou-Nguesso, ou de l’Équato-Guinéen, Teodoro Obiang Nguema, et pas le patrimoine du Saoudien, Mohammed ben Salmane, ou du Qatari, Hamad al-Thani ? Évidemment, il y a les pays du Golfe. Tout le monde y pense. Sur les monarchies du Golfe, il y a une vraie difficulté, qui est une difficulté institutionnelle, qui est la confusion entre le patrimoine privé et le patrimoine d’État, liée à la logique dynastique de ces régimes. Donc il y a une espèce d’institutionnalisation des biens mal acquis, presque constitutionnelle. C’est un élément de complexité qui n’est pas forcément un obstacle insurmontable, c’est certainement un chantier qui devrait s’ouvrir dès que possible.Maître Bourdon, comme vous l’écrivez, on vous a accusé d’être un agent du milliardaire américain George Soros, vous dites ne l’avoir jamais rencontré, mais est-ce qu’il vous a aidé financièrement ?Ça a été une des premières attaques lorsque j’ai commencé les premières procédures. Sherpa est financée par Soros. Alors, on a reçu il y a vingt ans, dix-huit ans, je ne sais plus, quinze ou vingt mille euros pour un projet en Afrique, on a utilisé... Enfin bon, voilà.De la part d’une des fondations de Soros ? Oui, voilà. Soros n’est pas un ami. Je ne lui ai jamais parlé, je l’ai croisé très fugitivement dans une conférence. Il a été d’un altruisme incroyable au moment de la chute du mur de Berlin [en 1989], il faut s’en souvenir, toute la société civile post-chute du Mur a pu se structurer grâce à lui. On peut discuter des choix de la politique de Soros. Il y a eu un papier dans Valeurs actuelles, il y a quelques années, où Soros était caricaturé, dans une logique parfaitement antisémite.Oui, parce qu’il est juif Hongrois d’origine. Parfaitement antisémite, donc le seul sentiment qui s’impose, c’est la nausée.Donc, il vous a donné une fois vingt mille euros ? Oui, je crois, dans mon souvenir, oui… Ou peut-être sur un autre projet… Je ne me souviens plus. Mais enfin, à supposer que… Quel est le sujet ? Il n’y a aucun sujet. Une grande fondation philanthropique, voilà… Mais on a toujours été très vigilants.William Bourdon, vous êtes pour beaucoup dans la création de Pplaaf, la plate-forme des lanceurs d’alerte africains. Au niveau mondial, est-ce que ces lanceurs d’alerte, dont le plus célèbre [Edward Snowden] est protégé aujourd’hui par Vladimir Poutine, ne sont pas cantonnés en Afrique et en Occident ? Et est-ce qu’à l’heure de la guerre en Ukraine, ils n’affaiblissent pas le camp des démocraties face aux grandes autocraties, comme la Russie et la Chine ? Alors les lanceurs d’alerte, ça a été aussi une grande affaire que j’ai embrassée à la fin des années 90. Plus les libertés publiques reculent, plus les lanceurs d’alerte seront indispensables. Avec, évidemment, cette difficulté qui est que plus les régimes se durcissent, plus [les lanceurs d’alerte] sont en danger. Et c’est pour cela qu’un jour, il faudra une grande convention internationale de protection des lanceurs d’alerte, mais on en est loin pour l’instant.Mais ces lanceurs d’alerte, ils sont beaucoup plus à Genève ou à Kinshasa qu’à Pékin ou à Moscou…Peut-être qu’il y aura un jour un grand lanceur d’alerte de Pékin, peut-être qu’il y aura un jour un grand lanceur d’alerte qui sera à l’origine de Qatar papers, de Dubaï papers, de Poutine papers, qui a aussi beaucoup d’avoirs à l’étranger. Alors évidemment, les risques étant beaucoup plus élevés, l’anonymat s’impose d’autant plus, c’est proportionnel.
12/22/202318 minutes, 16 seconds
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Guillaume Soto-Mayor: «L’État islamique au Sahel crée une nouvelle génération de combattants»

Les chercheurs malien Boubacar Ba et français Guillaume Soto-Mayor, spécialistes des mouvements jihadistes au Sahel, ont publié le mois dernier (novembre 2023) une étude intitulée « Guerre générationnelle au Sahel : les lionceaux du califat et la dynamique d’insurrection violente au sein de la province de l’État islamique au Sahel ». Une étude réalisée pour le CRTG Working Group, organisation de recherche spécialisée sur le recrutement des enfants soldats à travers le monde. Conduite entre mars et octobre dernier, cette étude révèle notamment l’utilisation par les jihadistes de l’EIS d’enfants et d’adolescents. Comment sont-ils recrutés ? Quel sort leur est-il réservé ? Plus globalement, quelle stratégie pour l’EIS dans cette période de reconfiguration des conflits au Sahel ? Guillaume Soto-Mayor est l’invité Afrique matin de David Baché.   RFI : Votre étude est fondée sur les communications officielles de l’État islamique au Sahel (EIS)–écrites, audio ou vidéo–et surtout, sur des dizaines d’entretiens avec des anciens enfants soldats, des recruteurs, des cadres dirigeants de l’État islamique. C’est assez exceptionnel. Comment avez-vous eu accès à eux ?Guillaume Soto-Mayor : Nous avons eu accès, avec Boubacar Ba, à ces différentes personnes via des intermédiaires du Gourma, de la région de Ménaka ou du Nord du Burkina Faso, originaires des mêmes régions que ces différents combattants avec lesquels nous avons donc pu entrer en contact et qui nous permettent d’avoir des témoignages reflétant véritablement la vision interne de l’État islamique au Sahel.Vous décrivez l’État islamique au Sahel comme principale force de gouvernance sur un vaste territoire, allant de la région de Tillabéri au Niger à celles de Ménaka et Gao au Mali, avec des centaines de villages sous leur domination. Concrètement, pour les habitants, cela veut dire quoi ? Au quotidien ?La première chose, c’est évidemment un projet de société, qui leur est imposé, d’une extrême violence, avec une vision absolutiste du monde, une vision de l’État islamique assez classique, comme on a pu le voir en Syrie ou en Irak. De l’autre côté, c’est aussi une offre d’encadrement des jeunes, c’est une offre également de régulation des flux transhumants, c’est une offre de gouvernance des différents territoires sur lesquels ils sont présents.Vous écrivez aussi : « La population vit dans la peur constante d’être qualifiée de traître ou d’informateur »…Tout à fait, c’est cette dimension totalisante : « Vous êtes avec nous ou contre nous », il n’y a aucun entre-deux. Donc effectivement, il y a une pression constante sur les populations de contribuer à l’effort de guerre, de montrer une validation de la manière de faire de l’État islamique et de ses règles.Vous décrivez le rôle central des enfants dans la stratégie de l’État islamique au Sahel qui compterait, c’est ce que l’on apprend dans votre étude, plusieurs centaines d’enfants et d’adolescents dans ses rangs ?Oui, c’est ce que notre étude révèle ,effectivement. Ce sont des enfants qui, il faut le rappeler, sont victimes véritablement de l’endoctrinement, de la manipulation, quelques fois du recrutement forcé, des kidnappings de l’État islamique. Il y a un nombre très important d’enfants actuellement présents dans des markaz, dans des centres d’enseignement contrôlés, ou proches del’État islamique au Sahel.Ces enfants, ils viennent d’où? Ils sont recrutés comment ?Ces enfants viennent à la fois de différentes régions de présence de l’État islamique, mais viennent également d’au-delà, de différentes régions du Niger, ils viennent de plusieurs régions du Nord duBurkina Faso ou du Mali. Il y a une tradition de kidnappings, de recrutements forcés de l’État islamique et de recrutements, quelques fois, qui se font également par l’attrait financier et par l’encadrement proposé ou la sécurisation proposée par l’État islamique.Vous avez parlé des markaz, les centres d’apprentissage. En quoi consiste l’enseignement qui est dispensé à ces enfants ?Ces enfants apprennent à la fois les différentes sciences islamiques – la sunna, la charia, l’histoire et la vie du prophète et de ses compagnons – et ils apprennent également à remplir différents rôles en soutien aux actions de l’État islamique au Sahel, facilitant leurs opérations. Ils peuvent être à la fois différents aides ménagers, des cuisiniers, ils peuvent apprendre différentes techniques de renseignement, de combat, de propagande, et donc ils pourront être utilisés par le groupe dans le quotidien.Pourtant, parmi ceux qui combattent l’État islamique au Sahel–les groupes armés locaux comme le MSA, les armées nationales malienne, nigérienne, burkinabè, ou auparavant l’armée française–aucun n’a spécialement indiqué la présence, face à eux, d’enfants ?Il y a eu l’attaque de Solhan, au Burkina Faso en 2021,dans laquelle à la fois l’armée burkinabè et puis à l’époque les Nations unies, avaient dénoncé la présence en très grand nombre d’enfants. Il y a ici peut-être une problématique autour de la définition de ce que sont des enfants : un jeune adolescent est parfois appelé un jeune adulte alors qu’en réalité, il est encore un enfant. Ce sont donc des victimes qui sont particulièrement vulnérables à l’endoctrinement de l’État islamique, et qui constituent donc une potentielle génération future au service de l’État islamique et de ses ambitions pour la région.Dans la même logique, vous avez aussi recueilli des témoignages sur la politique des mariages forcés…Oui, absolument. Il y a une logique ici de l’État islamique d’ancrage dans différents territoires, d’utilisation des femmes comme esclaves sexuelles, quelques fois comme esclaves tout court. Les familles de ces jeunes femmes reçoivent très souvent des pressions très importantes, des menaces de mort répétées de la part de l’État islamique, pour offrir leurs jeunes filles à des combattants et qu’elles remplissent leur supposé devoir de venir mettre au monde une nouvelle génération de combattants. Ces femmes, ces jeunes filles, doivent également être protégées de toute urgence.La rivalité entre le groupe État islamique et Al Qaeda est féroce, dans le monde, y compris au Sahel. Après la prise par l’armée malienne et Wagner, le mois dernier, de Kidal, qui était jusqu’ici tenue par les rebelles du CSP, et avec cette nouvelle Alliance des États du Sahel Mali-Niger-Burkina, est-ce que les deux rivaux, Aqmi et l’EIS, pourraient, par opportunité, se rapprocher ? C’est ce qu’il semble déjà se passer. Il y a une accalmie constatée par tous les acteurs sur le terrain qui semble indiquer une intention réciproque de concentrer les efforts sur les armées malienne, nigérienne ou burkinabè. Effectivement, l’affrontement des deux groupes les affaiblissait,et il semble qu’ils aient pour l’instant trouvé opportun de négocier une trêve ou, en tout cas, une forme de cessez-le-feu déjà actif.Iyad Ag Ghaly, dans sa dernière vidéo diffusée le 12 décembre dernier, lance un appel à la mobilisation dans toute la région, mais il ne s’adresse pas directement, pas nommément, à l’EIS…Absolument. Il n’y aura pas, à mon sens, d’alliance de long terme entre les deux groupes. Il y a une trêve de circonstance, qui est due à la présence d’ennemis communs, à la fois des armées du Sahel et du groupe paramilitaire Wagner. Pour l’instant, il y a une convergence d’intérêts à ne pas perdre de ressources financières ou militaires dans un combat entre groupes jihadistes. Mais l’adresse d’Iyad Ag Ghalyse fait aux populations locales, elle ne se fait pas à l’État islamique pour qu’il rejoigne le Jnim d’une quelconque manière que ce soit.
12/21/20236 minutes, 5 seconds
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Maroc-Israël: la relation bilatérale est basée «sur des fondamentaux qui sont solides»

En décembre 2020, le Maroc rétablissait ses relations avec Israël dans le cadre d'accords de coopération connus sous le nom d'« Accords d'Abraham », rapprochement aujourd'hui mis à l'épreuve par la guerre à Gaza et vivement dénoncé par la société civile. Comment les autorités gèrent-elles ces tensions ? Quelles répercussions ont-elles sur l'application de ces accords ? Entretien avec le journaliste Jamal Amiar. RFI : L’application des Accords d’Abraham a-t-elle été gelée par les autorités marocaines après le déclenchement par Israël de la guerre contre Gaza ?Jamal Amiar : Non. On ne peut pas dire que ces relations ont été gelées. Ce qu’on peut dire, c’est que maintenant, il y a moins de choses au niveau bilatéral qui se passent au vu de la guerre régionale là-bas entre Israéliens et Palestiniens. Quelques jours encore après l’attaque du 7 octobre et le déclenchement des représailles israéliennes, il y a eu la signature d’accords ici au Maroc entre les ministres marocain et israélien de l’Agriculture. Donc, non, il n’y a pas de gel et s’il se passe des choses au niveau bilatéral, on ne va pas beaucoup en parler vu l’atmosphère de guerre. Cela étant, ce que j’ai pu apprendre au cours de ces dernières semaines, c’est que les choses qui étaient en cours avant le 7 octobre continuent d’être discutées, continuent d’être négociées, notamment tout ce qui est en rapport avec l’économie, les affaires et les investissements.Donc trois ans après, la communication est beaucoup plus discrète, mais les Accords d’Abraham continuent à être appliqués entre Israël et le Maroc ?Tout à fait. Ils continuent d’être appliqués bien sûr.Mais quel bilan peut-on faire justement trois ans après de ce que ces accords ont permis ?Ces accords en trois ans ont permis une véritable accélération de la coopération bilatérale dans tous les domaines : l’économie, le sécuritaire, le militaire, le touristique, les nouvelles technologies, l’agriculture. Il y a des projets de coopération au niveau de l’industrie militaire, pour la fabrication de drones par exemple. Il y a des investissements dans le tourisme. Il y a des « joint-ventures » au niveau des nouvelles technologies. Il y a des accords d’échanges universitaires très importants entre une douzaine d’universités israéliennes et marocaines, des échanges culturels très importants. La première fois que le grand théâtre Habima de Tel Aviv a joué dans un pays arabe, c’était à Rabat l’an dernier.Donc, ce qui a changé dans l’application de ces accords depuis l’attaque du Hamas du 7 octobre, c’est a priori plus de discrétion ?Oui. On va dire plus de discrétion, un certain attentisme. Mais ces relations sont solides et sont basées sur des fondamentaux qui sont solides.À quel point l’attaque du Hamas le 7 octobre et la guerre déclarée contre Gaza par Israël ont-elles réveillé la cause palestinienne au Maroc ?La cause palestinienne au Maroc a toujours été importante dans le sens où, à chaque fois qu’il y a des affrontements sérieux en Cisjordanie ou bien entre les forces israéliennes et le Hamas ou le Jihad islamique, il y a toujours eu des réactions. Il y en a eu bien avant le 7 octobre par exemple en 2023. Il y en a eu en mars avec un fameux communiqué du parti du PJD [parti de la justice et du développement]. Il y a eu régulièrement des rassemblements de protestation contre la normalisation. Mais là, il est vrai que ce qui se passe depuis le 7 octobre est d’une autre dimension. Ça a créé depuis le 7 octobre la tenue de plusieurs manifestations chaque semaine dans de nombreuses villes marocaines, c’est-à-dire qu’il n’y a pas une manifestation par ville par semaine, il y en a deux ou trois. Et il est clair que la cause palestinienne est centrale comme ailleurs. Regardez ce qui se passe aux États-Unis, regardez ce qui se passe à Londres.Quelles sont les forces sociales et politiques au Maroc qui s’efforcent de tirer profit de cette nouvelle crise israélo-palestinienne ?Clairement, les islamistes d’abord. Puis le PJD parce qu’il est en chute libre, il a perdu beaucoup de ses députés. Et il a regretté que le Premier ministre du PJD ait été le Premier ministre qui a signé les accords de rétablissement des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël. Puis, Al Adl Wal Ihsane [justice et bienfaisance, mouvement islamiste marocain non reconnu, mais toléré, NDLR] qui essaie aussi de mobiliser là-dessus.Est-ce qu’elles y parviennent ? Est-ce qu’elles rencontrent un certain écho ?Oui, elles rencontrent un certain écho. Ce qu’on peut dire, c’est que les manifestations regroupées au début dans les grandes villes comme Rabat ou Casablanca, 150 000 personnes. Cela fait dix semaines que la guerre continue, que les manifestations sont convoquées. Et aujourd’hui, on a des chiffes qui sont beaucoup plus bas.Au moment de la signature des Accords d’Abraham, les autorités de Rabat envisageaient de mettre en avant les points de jonction, une culture commune judéo-marocaine. Est-ce qui vient de se passer met cette démarche en péril ?Il y a un risque. Il ne faut pas se le cacher parce que cette guerre raidit les appréciations que l’on peut avoir de l’autre. Donc, oui, l’impact est réel et sur le Maroc, il y a des gens qui réfléchissent déjà à ça parce que, ici, il y a un héritage judéo-musulman qui est très important, qui a été revalorisé depuis une vingtaine d’années d’un patrimoine culturel. Ce sont des atouts qu’il s’agit de ne pas perdre, mais ça va dépendre de la façon dont les choses vont se terminer sur le terrain.À écouter aussiGaza: au Maroc, de nombreuses voix s'élèvent pour remettre en cause la normalisation avec Israël *Jamal Amiar est l'auteur de l’ouvrage Le Maroc, Israël et les Juifs marocains.
12/20/20234 minutes, 34 seconds
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Côte d'Ivoire: «C’est Tidjane Thiam qui fait le plus rêver au PDCI» (Sylvain N’Guessan)

En Côte d'Ivoire, l'opposant Tidjane Thiam a subi une déconvenue. Le 16 décembre, l'ancien directeur général du Credit Suisse comptait être élu président du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) et ainsi devenir le successeur du défunt Henri Konan Bédié. Mais le congrès du parti a été suspendu sur décision de justice. L'un de ses principaux adversaires, Kakou Guikahué, peut espérer revenir dans la course. Qui va l'emporter ? Entretien avec l'analyste politique Sylvain N'Guessan, qui vient de publier La sécurité économique de la Côte d'Ivoire face au terrorisme. Est-ce que le bureau politique du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) peut décider d’ouvrir un nouvel appel à candidature ou pas ?Sylvain N’Guessan : À mon avis, ce serait la moindre des choses pour un retour au calme au sein du PDCI. Monsieur Maurice Kakou Guikahué dit que son dossier a été rejeté parce qu’il était sous contrôle judiciaire. À partir du moment où il n’est plus sous contrôle judiciaire, il serait intéressant qu’il y ait un nouvel appel à candidature de sorte qu’ils puissent débrouiller ce dossier et que les élections puissent être tenues dans un climat social apaisé.Oui, car pour l’instant, il n’y a que deux candidats : l’ancien ministre du Plan Tidjane Thiam et le maire de Cocody Jean-Marc Yacé. Donc, pour vous, dans l’intérêt d’un retour au calme au sein du parti, il faudrait que Maurice Kakou Guikahué puisse aussi concourir ?Ce serait tout à fait normal que Maurice Kakou Guikahué puisse concourir et que les électeurs, les congressistes choisissent qui va diriger le PDCI après le 8e Congrès.Pour beaucoup d’observateurs, l’ancien directeur général du Credit Suisse Tidjane Thiam partait favori pour le Congrès de samedi dernier, le 16 décembre. Est-ce que le report de ce Congrès à plus tard est un revers politique pour lui ou pas ?Je ne pense pas. Monsieur Tidjane Thiam... Depuis ce vendredi, il est plutôt question dans tous les échanges du PDCI de ce nouveau candidat qui essaierait de réveiller le PDCI, qui suscite la curiosité, qui est l’objet des échanges. Je pense que ce report permet à monsieur Tidjane Thiam de se faire connaître dans les localités lointaines, ce qui compte énormément pour l’élection présidentielle à venir.Et en cas de duel entre Tidjane Thiam et Maurice Kakou Guikahué, lequel a le plus de chance, selon vous, auprès des congressistes ?Je pense que monsieur Tidjane Thiam part largement favori.Et pour quelles raisons ?D’abord, sa personnalité, le parcours de Tidjane Thiam. Je parle de son parcours professionnel, qui ne laisse personne indifférent. J’ai vu l’effet des trois discours prononcés, j’ai vu ses sorties à Cocody et Yamoussoukro, il y a longtemps qu’on n’a pas vu un tel PDCI. Monsieur Tidjane Thiam a les atouts qu’il faut pour être le futur président du PDCI-RDA [Parti démocratique de Côte d'Ivoire-Rassemblement démocratique africain].Mais Maurice Kakou Guikahué, n’est-il pas le secrétaire exécutif du parti depuis de nombreuses années ? N’a-t-il pas tenu la boutique lors des dernières années de vie de Henri Konan Bédié ?Il a tenu la boutique, il a fait ce qu’il peut. Malheureusement, le PDCI est resté dans l’opposition depuis 1999. Cela amène certains à se dire qu’il serait temps de renouveler l’équipe si le PDCI veut revenir au pouvoir. Et dans une telle optique, monsieur Tidjane Thiam incarnerait ce renouveau capable de faire avancer le PDCI, de ramener le PDCI au pouvoir en Côte d’Ivoire.Est-ce que le pouvoir ivoirien n’est pas tenté de multiplier les obstacles sur la route de Tidjane Thiam. Et est-ce que le pouvoir ivoirien est pour quelque chose dans la décision de justice de vendredi dernier qui a reporté ce Congrès ?Plus ou moins, je vois des grandes familles qui aspirent à des rôles majeurs. C’est une crise interne au PDCI, comme le disait le maire Jean-Marc Yacé : « Le ver est dans le fruit ». Le PDCI devra résoudre en interne ses divisions, ses querelles, de sorte d’être plus uni à l’interne. Et vous pensez à quelles grandes familles en particulier ? La familles Konan Banny par exemple ?Les familles Konan Banny, Yacé, Bombet, Guikahué et ceux qui ont été leurs parrains. C’est un peu tout ça.Et ce sont des rivalités qui affaiblissent ou qui renforcent la candidature de Tidjane Thiam ?Je pense qu’il va sortir renforcé. C’est un peu notre Dallas à l’ivoirienne. L’enjeu du pouvoir à venir va les amener à se retrouver autour d’une table pour décider d’une voie commune.Est-ce qu’à votre avis, le candidat PDCI quel qu’il soit aura une chance à la présidentielle de 2025 ?Je pense que monsieur Tidjane Thiam fait plus rêver. Il fait rêver les nouveaux majeurs, les indécis et même ceux des principaux partis d’opposition que sont le PPA-CI [Parti des peuples africains – Côte d'Ivoire], le Cojep [Congrès panafricain pour la justice et l'égalité des peuples], le MGC [Mouvement des générations capables] de madame Simone Ehivet [Gbagbo]. Monsieur Tidjane Thiam fait plus rêver. D’abord, il a été absent pendant un long moment. Donc, il est un peu difficile de lui imputer des responsabilités dans la longue crise. Il fait un peu visage neutre. Il est plus facile pour lui d’être le candidat de l’opposition dans un éventuel second tour face au candidat du RHDP [Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix].À lire aussiCôte d'Ivoire: des interrogations après la suspension du congrès du PDCI   
12/19/20238 minutes, 35 seconds
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«Si la Cédéao veut consolider la démocratie, les chefs d'État ne doivent pas faire plus de deux mandats»

La limitation du nombre de mandats présidentiels est cruciale pour la stabilité de l'Afrique de l'Ouest et la Cédéao doit donc s'investir de manière plus franche dans la lutte contre les manipulations destinées à maintenir des chefs d'État au pouvoir. C'est le message qui est au cœur du dernier rapport de l'organisation africaine Tournons la Page. L'étude propose des recommandations pour protéger la démocratie dans les pays africains, explique David Dosseh, coordonnateur de Tournons la Page pour le Togo.
12/18/20234 minutes, 18 seconds
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Culture: «Les artistes sont les premiers à pouvoir parler de ce qui se passe dans leur pays»

Quel est le lien entre les Malgaches Dizzy Brains, le Sud-africain DJ Mujava, le label ougandais Nyege-Nyege ou encore le Nigérian Keziah Jones ? Tous ces artistes du continent africain ont été découverts au festival des Trans Musicales de Rennes dans l’ouest de la France. La semaine passée, c’était la 45e édition de cet événement. Membre fondateur du festival et programmateur des « Trans », Jean-Louis Brossard cherche depuis plus de quatre décennies des pépites sonores du monde entier, un humaniste, militant qui se bat pour que la musique se fasse entendre. À écouter aussiLes Trans Musicales dans un autre monde avec les Sénégalais de Ndox Electrique
12/17/20234 minutes, 31 seconds
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Culture: «Les artistes sont les premiers à pouvoir parler de ce qui se passe dans leur pays»

Quel est le lien entre les Malgaches Dizzy Brains, le Sud-africain DJ Mujava, le label ougandais Nyege-Nyege ou encore le Nigérian Keziah Jones ? Tous ces artistes du continent africain ont été découverts au festival des Trans Musicales de Rennes dans l’ouest de la France. La semaine passée, c’était la 45e édition de cet événement. Membre fondateur du festival et programmateur des « Trans », Jean-Louis Brossard cherche depuis plus de quatre décennies des pépites sonores du monde entier, un humaniste, militant qui se bat pour que la musique se fasse entendre. À écouter aussiLes Trans Musicales dans un autre monde avec les Sénégalais de Ndox Electrique
12/17/20234 minutes, 31 seconds
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Tony Bolamba: «Je porte le projet de l’austérité afin de faire renaitre l’équité dans mon pays.»

Toute cette semaine, Radio France Internationale donne la parole aux candidats à l’élection présidentielle congolaise. Quels sont leurs projets, quelle est leur ambition ? Tony Bolamba est consultant, c’est un ancien gouverneur de l'Equateur. Il défend un programme basé sur la redistribution, afin de remobiliser les fonctionnaires et de favoriser l’émergence d’une classe moyenne. RFI : Pourquoi êtes-vous candidat à la prochaine élection présidentielle ?Tony Bolamba : Je suis candidat parce que je dois redonner à mon pays tout ce qu’il m’a donné, tout ce qu’il a fait de moi, et j’ai un projet pour mon peuple. Je fus gouverneur de la province de l’Équateur, raison pour laquelle les plans que j’avais pour l’Équateur sur l’austérité, je souhaiterais amener ça au niveau national afin de créer l’équilibre social et de lutter contre l’injustice sociale. Qu’est-ce qui vous choque le plus à l’heure actuelle dans la société congolaise ? C’est le manque d’équité, parce que moi, je trouve inadmissible qu’un député national puisse percevoir 20 000 dollars américains, un sénateur, 50 000 dollars américains. Et ce qui me choque, ce sont les incompréhensions entre toute la classe politique, oubliant que nous n’avons qu’un seul point commun, qui est la RDC. Les injures ont remplacé un vrai projet social pour notre population.C’est ce projet que vous voulez porter ? Je porte le projet de l’austérité afin de faire renaitre l’équité dans mon pays. Si le peuple nous accorde sa confiance, nous commencerons d’abord par diminuer les salaires de toutes les institutions qui perçoivent de 20 000 à 50 000, voire 100 000 dollars américains le mois, et redistribuerons à ceux de nos fonctionnaires et autres employés qui n’ont pas de gros salaires. Si on augmente les salaires des enseignants, ils auront un devoir de résultats : améliorer l’enseignement. On redistribue aux militaires, ils auront un devoir de résultats : protéger le pays. On améliorera les professeurs, les médecins et ainsi de suite. Donc tout ce que nous prendrons à ceux qui ont des salaires, des rémunérations faramineuses, nous les redistribuerons à ceux qui n’en ont pas pour créer une classe moyenne et créer l’équilibre social et l’équité.Qu’est-ce que cette classe moyenne permettrait en République démocratique du Congo, selon vous ? La classe moyenne permettra la consommation, la consommation permettra l’appel aux nouveaux investissements, la classe moyenne permettra l’équilibre familial, parce qu’aujourd’hui, le tissu familial est détruit suite à la pauvreté, raison pour laquelle il faudrait absolument faire renaître cette classe moyenne.Au-delà de ce plan d’austérité, y a-t-il un autre point important de votre programme ? Mon programme ne sera basé que sur le plan d’austérité parce que tout part de l’inégalité sociale et de l’injustice sociale dans notre pays. Aujourd’hui, on parle des groupes armés, on parle des différents maux qui rongent notre pays, tout est dû à la pauvreté. Donc dès que nous mettrons ce plan en application, je pense que nous allons diminuer petit à petit tous les maux qui rongent notre pays.
12/15/20232 minutes, 21 seconds
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Georges Buse Falay: «Je suis le défenseur de la majorité silencieuse congolaise qui est dans une totale détérioration de vie»

Georges Buse Falay, ancien directeur de cabinet de l'ex-président Laurent-Désiré Kabila, est candidat à l'élection présidentielle du 20 décembre prochain, en République démocratique du Congo. À quelques jours des élections générales en RDC, RFI donne la parole aux candidats. Georges Buse Falay répond aux questions de Laurent Correau. RFI : Pourquoi êtes-vous candidat à la prochaine élection présidentielle ?Georges Buse Falay : Je suis candidat à l’élection présidentielle pour un but unique : être le défenseur de la majorité silencieuse congolaise qui est dans une totale détérioration de vie, sanitaire, alimentaire, sécurité physique. Il y a un besoin urgent à l’intérieur du pays de décourager le tribalisme. Mais je vous dis, la cause réelle du tribalisme, c’est la pauvreté. Parce que dans une société pauvre, les gens se replient sur leur famille et sur leur tribu. Avec le développement envisagé d’une économie forte et prospère, avec la collaboration de l’Europe et d’autres choses bien entendu, en changeant les mentalités dans la négociation, nous visons une répartition équitable des ressources dans le respect mutuel. Et là, je crois que nous allons sécuriser le Congo par rapport à ce qui se passe en Afrique de l’Ouest. Nous ne voulons pas de coup d’État, nous ne voulons pas un anti-européanisme qui n’a plus de place dans le monde moderne.Selon vous, quels devraient être les chantiers prioritaires du prochain président ?Restaurer la paix à l’Est de la RDC en attaquant la cause de ce qui se passe de ce côté-là de notre pays. Et cette cause, on sait que ce sont les multinationales qui font tout pour brouiller les cartes et piller les richesses du Congo, qui sèment la panique depuis plus de vingt ans en causant des millions de morts pour lesquels le monde civilisé n’a pas l’air de payer l’attention comme il le fait en Ukraine ou en Israël. La deuxième priorité, mettre fin immédiatement au coulage des recettes de l’État, l’argent qui sort par des voies irrégulières, afin de maximiser toutes les catégories de recettes financières publiques.Pour vous, la lutte contre la corruption est donc un dossier essentiel auquel doit s’attaquer le prochain président ?Le dossier central, inévitable, c’est celui-là : comment faire à très court terme pour mettre en place un audit qui ne va pas durer longtemps pour restructurer la Banque centrale, restructurer les douanes, restructurer les entreprises des économistes et les entreprises publiques qui sont des portefeuilles de l’État. De là, proviendra cet argent qui doit arriver à destination à la Caisse centrale. J’ai l’expérience à la Gécamines [Société générale des carrières et des mines] où j’ai travaillé pendant 22 ans. Nous avons restructuré la Gécamines à l’époque pour résoudre ce genre de problèmes. On peut restructurer ces grandes entités, très vite mettre en place des gens compétents. Très vite, trois mois après, les coulages sont stoppés.
12/15/20232 minutes, 24 seconds
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Erik Nyindu: «Au Congo, la dynamique de la campagne électorale est du côté de Félix Tshisekedi»

« Au Congo, la dynamique de la campagne électorale, elle est du côté de Félix Tshisekedi », affirme sur RFI son porte-parole, Erik Nyindu. « La dynamique en faveur de l'opposant Moïse Katumbi, ce n'est qu'un leurre ». Que fera le président-candidat Tshisekedi pour les salaires des fonctionnaires civils et militaires s'il est élu pour un deuxième mandat ? Cinq jours avant la présidentielle de mercredi prochain, son porte-parole répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Erik Nyindu, quelle est la réalisation dont le président Tshisekedi peut être le plus fier depuis son arrivée au pouvoir ? Erik Nyindu : C’est la mise en place d’une disposition de la Constitution qui est la gratuité de l’enseignement primaire. C’était dans la Constitution de 2006, mais aucun des pouvoirs en place, jusqu’à présent, n’avait osé le faire, n’avait eu le courage de le faire. C’est ça la particularité du président Tshisekedi, c’est qu’il a eu le courage et la volonté politique de le faire, il a mis ça en place. Il y a près de cinq millions de jeunes enfants qui ont repris le chemin de l’école, qui n’auraient pas pu le faire autrement parce que leurs parents n’avaient pas les moyens de payer des études. C’est quelque chose de très important, ça donne un bagage à ces enfants pour pouvoir avancer et se débrouiller dans la vie.Plusieurs candidats de l’opposition affirment que cette gratuité est factice, car les enseignants sont tellement mal payés qu’ils sont obligés de rançonner les parents d'élèves…Ce n’est pas vrai. Ça, c’est un discours de l’opposition qui veut s’opposer à tout. Cette mesure a été une mesure difficile à mettre en place, elle se concrétise de plus en plus et sur toute l’étendue du pays. Il y a des mesures d’accompagnement. Notamment, il y a eu une mécanisation de plus de 100 000 professeurs, donc ça veut dire que leur salaire a été payé de façon bancarisée. On a augmenté aussi le salaire des professeurs, qui atteint aujourd’hui entre 300 et 400 dollars le mois. Et puis, surtout, la construction d’écoles : près de 7 000 écoles sont en chantier, dont près de 80% sont déjà construites, et ça permettra aux enfants de pouvoir y accéder dès la rentrée scolaire de 2024.L’un des problèmes, actuellement, dans votre pays, c’est l’inflation : + 22% en un an, dit le FMI. Comment comptez-vous arrêter la chute du franc congolais par rapport au dollar ?D’abord, il faut dire que ce problème d’inflation est un problème mondial, donc le Congo subit, comme le reste du monde, l’inflation. Une inflation qui, au Congo, est moins forte que celle de plusieurs autres pays africains. Le président, dans son projet politique pour le second mandat - si les Congolais lui font confiance pour le réélire -, a justement décidé de réduire l’impact de l’envolée des prix, notamment les prix des denrées de première nécessité, notamment le carburant, les produits alimentaires. Et aussi, par rapport au taux de change, en accentuant l’efficacité de la dépense publique : mieux dépenser, moins de dépenses de l’État et de meilleures dépenses qui sont bien ciblées, en espérant aussi que la conjoncture mondiale va s’améliorer.Félix Tshisekedi dit vouloir faire du Congo l’Allemagne de l’Afrique, mais dans un pays comme le vôtre où seulement, selon la Banque mondiale, 20% de la population a accès à l'électricité, est-ce que cela ne risque pas d’être un slogan sans lendemain ?Non, ce n’est pas un slogan. Qu’est-ce que c’est, l’Allemagne aujourd’hui ? C’est le moteur de l’économie européenne, un grand pays qui, surtout, a une tradition industrielle. Eh bien, c’est ce qu’on veut faire du Congo, un pays industriel, et pour pouvoir faire des usines, des manufactures, qui vont pouvoir employer la jeunesse congolaise, eh bien vous avez raison, il faut de l’énergie. Alors, il faut comprendre que durant le mandat du président Tshisekedi, on est passés, en 2020, de 12 460 gigawatts produits dans le pays à, en 2022, 15 287 gigawatts, c’est-à-dire une augmentation. On a eu une situation qui était catastrophique à l’arrivée du président Tshisekedi et on travaille là-dessus. Et, notamment, on a mis en place l’ARE, l’Agence de régulation de l’électricité, qui permet justement d’assainir ce secteur. Cette libéralisation va donner toute son efficacité, notamment avec des projets qu’on appelle off-grid, c’est-à-dire des projets hors réseau, des petites centrales hydro-électriques dans les territoires, des petites centrales photovoltaïques dans les territoires, qui vont permettre d’éclairer le Congo et de fournir de l’électricité pour l’industrialisation du pays.Pour redresser la situation militaire dans l’Est du pays, il faut remotiver les militaires, il faut augmenter leur solde - cent dollars par mois, ça ne suffit pas -, disent plusieurs candidats de l’opposition. Qu’est-ce que vous en pensez ? Je pense qu’il faut voir ce problème de façon globale. Ce n’est pas simplement une question de solde. D’abord, je voudrais dire une chose, aucun président, de toute l’histoire du Congo, n’a autant investi dans l’armée congolaise. À son arrivée, le président trouve une armée faite de bric et de broc, pratiquement en décomposition. Qu’est-ce qu’il fait ? Il lance une réforme, il augmente le budget global de la défense, qui passe à 10,4% dans le budget 2023, tout en sachant que, globalement, on augmentait le budget du pays - on est passés de 4 milliards en 2019 à 16 milliards en 2023. Il fallait le faire et c’est le président Tshisekedi qui a permis de le faire. Donc à partir de là, une loi de programmation militaire a été votée cette année, elle est en train d’être mise en application, cela permet justement d’augmenter encore plus la solde des militaires, d’améliorer le social des militaires. Deux grands hôpitaux, par exemple, à Kinshasa, l’hôpital du camp Tshatshi et l’hôpital du camp Kokolo, ont été rénovés, modernisés, ce qui permet aux militaires et à leur famille de se faire soigner là-bas gratuitement, ce qui permet de redonner de la dignité à nos soldats. Dernière mesure, la loi sur la réserve armée, qui permet à près de 40 000 jeunes Congolais, qui ont répondu à l’appel de la patrie, d’être formés aujourd’hui et d’accompagner, justement, l’armée dans son rôle de défense de la patrie.Dans l’opposition, plusieurs candidats pointent la très forte disparité entre les députés congolais, qui gagnent quelque 25 000 dollars par mois, et les nombreux fonctionnaires civils et militaires, qui ne gagneraient qu’entre 80 et 100 dollars par mois. Ils crient à l’injustice. Qu’est-ce que vous répondez ? Tout ce que je dis, c’est que dans le projet du président, il y a une mesure d’harmonisation des salaires de la fonction publique, notamment parce qu’il veut augmenter le pouvoir d’achat des Congolais. Pour ce qui est du salaire des députés, c’est quelque chose qui sera décidé au sein du Parlement. Si, effectivement, il faut baisser le salaire des députés, ça sera décidé ainsi et ce sera fait. Mais le poujadisme, le populisme, qui consistent à pointer du doigt le salaire des députés sans voir le reste, si on peut dire, de l’équation, c’est un discours populiste d’une opposition qui n’a pas d’idées.Pour mieux dénoncer le soutien du Rwanda aux rebelles du M23, le président Tshisekedi n’hésite pas à comparer le président Kagame à Hitler. Est-ce que ce n’est pas une comparaison excessive ? Ce sont des propos qui sont conformes à la réalité. Hitler en son temps, vous le savez très bien, a eu des visées expansionnistes qui ont conduit à une guerre mondiale. Monsieur Kagame a des visées expansionnistes sur le Congo qui peuvent conduire à une guerre mondiale africaine, et c’est pour cela que l’on dit que le président Kagame a une mauvaise politique, et on appelle la communauté internationale à le sanctionner pour que la paix revienne au sein de l’Afrique centrale.Il y a un mois, sur RFI et France 24, Félix Tshisekedi a déclaré : « Je n’ai pas peur de l’opposition, qu’elle soit unie ou pas », mais le ralliement de quatre candidats à Moïse Katumbi, l’affluence aux meetings de ce dernier, est-ce que ce ne sont pas autant d’indices qui montrent qu’il y a dans l’opposition une dynamique pour le candidat Katumbi ? Je crois qu’il y a un leurre, un leurre, d’ailleurs, qui est un piège pour les médias, et vous êtes tombé dans ce piège, monsieur Boisbouvier. D’abord, un, l’affluence aux meetings de Katumbi, c’est une affluence feinte, ils trafiquent leurs images. La réelle affluence se trouve aux meetings du candidat numéro 20, Félix Tshisekedi. Regardez, renseignez-vous et vous verrez que la population vient nombreuse, même au Katanga, là où certains prétendaient que c’était un fief de Katumbi. Le président a fait le plein, on n’avait jamais vu ça. Ça, c’est une première chose. La deuxième chose, le ralliement. C’est quelque chose qui avait déjà été préparé depuis longtemps, donc ils sont en train de feuilletonner ce ralliement pour pouvoir créer une sorte de faux buzz dans les médias, et en fait, ce sont des ralliements d’individus, ce sont des stratégies individuelles, de Sesanga, de Matata, de Diongo. Alors que, dans notre camp, les soutiens du président Félix Tshisekedi sont de véritables ténors politiques : il a monsieur Bemba, il a monsieur Kamerhe, il a monsieur Bahati, il a monsieur Mboso, il a la jeune génération avec le Premier ministre Sama Lukonde, et là, ce sont des partis politiques, des mouvements reconnus comme ayant une véritable assise dans le pays qui ont désigné Tshisekedi comme le candidat. Donc, Tshisekedi est un candidat indépendant, mais soutenu par les militants de l’UDPS, du MLC, de l’AFDC, de l’UNC et d’autres partis qui le soutiennent. Vous le voyez, la dynamique est différente. Nous, c’est une dynamique collective, qui porte un candidat, alors que chez Katumbi, ce sont des ralliements individuels qui ne donneront rien en fin de course.En vue de l’élection de ce mercredi 20 décembre, beaucoup d’opposants n’ont pas confiance dans la neutralité de la Céni, la Commission électorale. Ils encouragent leurs partisans à rester devant chacun des bureaux de vote, jusqu’à l’affichage des résultats. Qu’est-ce que vous en pensez ? (Rires) Je pense que c’est une bonne chose, mais nous, nous ferons la même chose. Je pense que la vigilance populaire est une bonne chose et nous ferons la même chose chez nous. Le président a donné le mot d’ordre à ses militants, à ses électeurs, de rester devant les bureaux de vote. Nous devons surveiller ça parce que nous savons qu’il y a une stratégie, qui a déjà commencé de la part de l’opposition, de dénoncer les résultats, quels que soient ces résultats. Sachant qu’ils vont certainement perdre cette élection, ils commencent déjà à préparer un discours de contestation pour pouvoir créer l’instabilité dans le pays. Nous refusons ça, parce que la démocratie congolaise, c’est quelque chose de fragile, c’est quelque chose de précieux, à laquelle nous tenons. Mais d’un autre côté, je dirais qu’il faut faire confiance à la Céni. La Céni est une instance indépendante, avec à sa tête Denis Kadima qui est l’un des experts mondialement connus de la gestion des processus électoraux. Il n’est pas seul. Il a une équipe de professionnels. Il y a des représentants de l’opposition au sein de la Céni. Il y aura aussi une vingtaine de missions d’observation. Donc, de ce point de vue, ce seront des élections sous surveillance, des élections transparentes, justes et crédibles.
12/15/20238 minutes, 55 seconds
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Loli Nkema Liloo Bokonzi: «Un chef d’État doit s’entourer de collaborateurs réellement soucieux de servir le pays»

Les Congolais sont appelés aux urnes le 20 décembre prochain pour des élections générales et d'ici là, RFI donne la parole aux différents candidats au scrutin présidentiel. Loli Nkema Liloo Bokonzi est homme d’affaires et candidat indépendant. RFI : Pourquoi êtes-vous candidat à la prochaine élection présidentielle ?Nkema Liloo Bokonzi Loli : Je suis candidat à la présidence de la République pour apporter des solutions concrètes aux problèmes que traverse le pays, des problèmes qui n’ont que trop duré. C’est-à-dire l’insécurité, le chômage, la corruption principalement. Et tant d’autres problèmes.Quels devraient être, selon vous, les chantiers prioritaires du prochain chef de l’État ?Selon moi, naturellement, c’est la sécurité, comme priorité des priorités. Ensuite, l’agriculture pour relancer solidement notre économie et notamment lutter contre la famine et l’insécurité alimentaire. L’éducation et la santé, les infrastructures (transports, voies de télécommunications...) et enfin la prise en charge de la jeunesse et l’entrepreneuriat.Comment est-ce que vous vous y prendriez pour les mener à bien si vous étiez élu ?Pour réussir son programme et son mandat, la priorité, en matière de gestion, est d’abord de bien s’entourer. Un chef d’État doit s’entourer de collaborateurs réellement soucieux de servir le pays, des collaborateurs compétents et dévoués à la tâche. Ça, c’est la première chose. Et l’autre aspect, c’est de lutter sans ambages contre la corruption qui est devenue chez nous un fléau et qui est nuisible à la bonne marche du pays.Mais concrètement, qu’est-ce que vous allez faire ?Écoutez, nous devons d’abord commencer avec ce que nous avons, naturellement. Et, au-delà de cela, nous allons lever des fonds, ce que, moi, j’appelle des fonds d’investissement, tant dans le public que dans le privé, pour stimuler l’économie, stimuler le budget.Et pour la question de l’insécurité à l’est du pays par exemple, qu’est-ce que vous allez faire ?Le seul moyen de le faire, c’est de réformer l’appareil sécuritaire : l’armée, la police... Les outiller pour leur donner des conditions de travail et des salaires dignes de ce nom. Naturellement, la réforme prendra un certain temps, mais il y a des mesures urgentes que nous devons prendre. C’est-à-dire, il faut disponibiliser les fonds qu’il faut, les intelligences qu’il faut, avoir une diplomatie agissante, qui va nous permettre d’être unis, d’abord au niveau de la région et de l’Afrique, pour pouvoir éradiquer ce problème. Nous allons nécessairement mettre en place des partenariats et des accords, mais qui doivent être sincères. Il n’y a pas d’autres moyens en dehors de cela.
12/14/20232 minutes, 26 seconds
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Marie-Josée Ifoku: «Notre vision: donner naissance à une nouvelle république»

Toute cette semaine, RFI donne la parole aux candidats à la présidentielle du 20 décembre prochain en République Démocratique du Congo. Marie-Josée Ifoku est originaire de la province de la Tshuapa, dont elle a été vice-gouverneure et gouverneure. Déjà candidate en 2018, elle revient dans la course à la présidentielle pour, dit-elle, créer une rupture avec le système de prédation dont sont victimes les Congolais. RFI : Pourquoi êtes-vous candidate à la prochaine élection présidentielle ?Marie-Josée Ifoku : Je brigue la magistrature suprême pour la simple et bonne raison que j’ai fait un constat amer, c’est que le pays est mourant et qu’il fallait prendre le courage de l’enterrer nous-mêmes et de donner naissance à une nouvelle république puisque nous avons constaté que, depuis que nous sommes nés État indépendant du Congo (nom donné au pays quand il était considéré comme « propriété du roi des Belges » entre 1885 à 1908), en passant par l’Indépendance jusqu’à aujourd’hui, la classe politique s’est transformée en prédateurs. C’est cela qui détruit tout et c’est cela qui empêche le pays d’aller de l’avant.Alors quels devraient être, selon vous, les chantiers prioritaires du prochain chef de l’État ?Ayant constaté, justement, que la classe politique est malade, nous, nous avons mis en exergue l’Homme congolais. C’est notre plus grand chantier. La première ressource que le Congo a, c’est le Congolais. Donc, nous voulons travailler au niveau de l’éducation, l’éducation classique, l’éducation en termes d’éthique, l’éducation professionnelle, métiers... Nous voulons redonner la valeur à l’Homme congolais et ce n’est qu’à travers l’éducation. Le plus grand chantier, pour nous, ça sera l’Homme congolais, de 0 à 77 ans. Travailler à 360 degrés sur l’Homme congolais. Comme cela, nous aurons toutes les chances d’avoir une nouvelle classe politique.Et sur ce sujet prioritaire, comment comptez-vous vous y prendre ?Tout un programme est mis en place pour nous à travers, d’abord, je vous ai dit, l’éducation classique. Nous voulons changer complètement l’éducation classique. Il va falloir que, quand un Congolais a fini ses études, de manière culturelle, il maîtrise au moins deux langues nationales. Et ensuite avoir un programme qui lui permet directement de travailler avec ces richesses naturelles. Tout le programme, que ça soit au niveau secondaire jusqu’à l’université, visera à avoir beaucoup d’ingénieurs au Congo puisque nous avons trop de richesses pour ne pas pouvoir manipuler ces richesses-là et laisser les autres le faire. Nous devons produire des Congolais qui ont la capacité de le faire. Il y a un programme au niveau de l’infrastructure de base d’abord, qui est l’éducation, donc la construction des écoles, la construction des universités... Sans parler de l’infrastructure de base de manière générale pour permettre au pays d’aller de l’avant, je parle de l’électricité, de l’eau potable, des routes pour pouvoir relier les provinces... je parle aussi de la construction des écoles. Et ces écoles vont fonctionner de manière classique dans l’avant-midi et dans l’après-midi. Ça deviendra toute une machine pour permettre aux adultes ou à d’autres jeunes qui n’ont pas pu aller à l’école de retourner à l’école et leur apprendre des métiers, leur apprendre l’éthique, leur apprendre à aimer leur pays, leur apprendre aussi le patriotisme... Donc, c’est à travers ces structures-là que nous allons pouvoir permettre aux Congolais d’être instruits, d’être éduqués, d’être renouvelés dans leur intelligence afin de nous permettre de donner naissance à une nouvelle république. Parce que c’est cela notre vision : donner naissance à une nouvelle république.
12/14/20232 minutes, 26 seconds
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Noël Tshiani: «Redonner au Congo un nouveau leadership capable de mettre le pays au travail et sur la voie du développement accéléré»

Toute cette semaine, RFI donne la parole aux candidats à la magistrature suprême en République démocratique du Congo. Quelles sont leurs ambitions, quel est leur projet ? Noël Tshiani est originaire de la province du Lomami. Il est candidat pour la 2ᵉ fois. Sa force, dit-il, c'est son expérience professionnelle. Il a notamment été directeur à la Banque mondiale. RFI : Pourquoi êtes-vous candidat à la prochaine élection présidentielle ?Noël Tshiani : Je brigue la magistrature suprême de la République démocratique du Congo (RDC), mon pays, pour transformer la vie de nos compatriotes, qui ont trop souffert de la mauvaise gouvernance depuis l’accession du pays à l’indépendance. Pourquoi mauvaise gouvernance ? Parce que le Congo a été dirigé par des leaders qui n’étaient pas préparés, qui n’avaient pas d’éducation, qui n’avaient pas d’expérience professionnelle, qui n’avaient pas le niveau d’intégrité suffisant et qui manquaient de vision.RFI : Selon vous, quels devraient être les chantiers prioritaires du prochain chef de l’État ?Les chantiers prioritaires sont connus de tout le monde ! D’abord, le rétablissement de la paix et de la sécurité sur l’ensemble du territoire national. La fourniture des services publics de base, c’est-à-dire l’eau, l’électricité, l’accès à l’éducation de qualité et l’accession aux soins de qualité. Mais au-delà de cela, la construction des infrastructures. La RDC, c’est un grand pays, toutes les infrastructures sont délabrées : les routes, les autoroutes, les chemins de fer... Et aussi nourrir la population, arriver à réaliser ce que j’appelle l’autosuffisance alimentaire. Ces choses-là sont très importantes. Mais au-delà de cela, nous devons rétablir la bonne gouvernance, le fonctionnement normal de la justice et surtout la refondation de l’État. Parce que l’État congolais n’existe que de nom aujourd’hui.Et sur ces principaux chantiers prioritaires, comment comptez-vous vous y prendre ? Qu'avez-vous à apporter ?Après avoir été directeur-résident de la Banque mondiale à Washington, j’ai géré des programmes de développement dans plusieurs pays. J’apporte ici une expérience qu’aucun autre candidat n’a. En tant qu’ancien fonctionnaire international, j’ai une vision plus large des choses. Une vision de ce qui se passe dans d’autres pays. J’ai utilisé cela pour préparer une vision de développement que l’on appelle le « plan Marshall de Noël Tshiani pour la reconstruction et le développement de la RDC » qui, s'il est mis en œuvre, va nous permettre de régler chacun des défis de développement que j’ai énumérés tout à l’heure.Par conséquent, avec mon éducation, mon expérience, le niveau d’intégrité qu’il faut parce qu’il y a beaucoup de corruption dans mon pays... Je suis l’un des rares candidats qui porte des gants blancs, parce que jamais corrompu, jamais trempé dans la mauvaise gouvernance, jamais trempé dans les détournements de fonds publics ou la prédation des ressources naturelles. Et surtout, je n’ai pas de sang sur les mains, pour n’avoir jamais été dans les rebellions meurtrières. Je pense que j’apporte le renouveau qu’il faut pour redonner au Congo un nouveau leadership capable de mettre le pays au travail et sur la voie du développement accéléré.
12/14/20233 minutes
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Justin Mudekereza Bisimwa: «la précarité dans laquelle vit le peuple congolais m’a beaucoup interpellé»

Toute cette semaine, Radio France Internationale donne la parole aux candidats à la prochaine élection présidentielle en République Démocratique du Congo. Justin Mudekereza Bisimwa est le président national du Mouvement d’élites pour la démocratie et le vrai changement (MDVC). Originaire du Sud-Kivu, il est également le dirigeant d’une société privée, ADEC Ltd. RFI : Pourquoi êtes-vous candidat à la prochaine élection présidentielle ?Justin Mudekereza Basimwa : Je suis candidat pour trois raisons : la première raison, c’est que la précarité dans laquelle vit le peuple congolais m’a beaucoup interpellé. La deuxième raison, c’est que le président de la République, monsieur Félix Tshisekedi a, à un moment donné, reconnu que les projets qui sont financés par le gouvernement n’aboutissent pas. Il y a trop de détournements, il y a trop de corruption. Et il a reconnu que c’est un problème de pilotage. La troisième raison, c’est la situation de sécurité dans notre pays : il faut que je puisse juguler cette question avec, bien entendu, le peuple congolais qui pourra me faire confiance.RFI : Selon vous, quels devraient être les chantiers prioritaires du prochain président ?Il y a tout d’abord la question de la sécurité de notre pays. Vous savez très bien que notre pays est agressé par le Rwanda et d’autres forces mafieuses. Je me dis que ça doit être la première priorité parce que, en tant qu’acteur de développement, je ne (pense) pas (qu')un développement puisse être possible lorsqu’il y a cette insécurité devenue grandissante. Le grand chantier suivant sera le social du peuple congolais. Aujourd’hui, on nous parle d’un budget de 16 milliards de dollars du gouvernement congolais. Mais je pense que ce sont des chiffres farfelus parce que, quand vous voyez, si vous avez déjà été ici à Kinshasa par exemple ou dans d’autres provinces, vous ne pouvez penser que nous avons un budget de plus de 5 milliards de dollars.Quelles seraient vos solutions dans le domaine sécuritaire et du social ?Pour le domaine sécuritaire d’abord, je vais investir des moyens conséquents dans l’armée pour qu’elle soit dissuasive. Et nous pourrons aussi nous efforcer d’utiliser la diplomatie : causer avec ceux qui nous agressent, ce n’est pas mauvais. Et sur la question du social du peuple congolais, nous allons créer des emplois pour que le Congolais puisse travailler du 1er au 31 et avoir son salaire décent. On va aussi créer des logements sociaux, à bon prix bien sûr, pour que le Congolais puisse s’en procurer tout en travaillant. Et, petit à petit, chaque Congolais qui a un emploi pourra se procurer une maison où il peut vivre de manière saine avec sa famille.
12/14/20235 minutes, 44 seconds
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Moïse Katumbi: «Le vrai opposant au président Tshisekedi, c'est la population congolaise»

« Le vrai opposant au président Tshisekedi, c'est la population congolaise », affirme le candidat Moïse Katumbi sur RFI. À une semaine de l'élection présidentielle, ce poids lourd de l'opposition congolaise répond à ceux qui l'accusent d'avoir utilisé dans le passé un passeport zambien. Il réagit aussi au président de la Céni qui promet des élections transparentes. En ligne de Kinshasa, le leader du parti « Ensemble pour la République » répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Vous promettez de mettre fin à la guerre qui sévit à l’Est depuis trente ans, mais si vous êtes élu, qu’est-ce que vous ferez de mieux que Félix Tshisekedi pour redresser la situation militaire ? Moïse Katumbi : Vous savez, d’abord, j’ai un programme pour redresser la situation militaire, parce que monsieur Tshisekedi a oublié l’armée. L’armée est très mal payée. Nos militaires ne sont pas motivés, si un militaire touche moins de cent dollars. Pour moi, on doit résoudre ce problème de salaire. On doit équiper l’armée. Nous avons de très bons militaires, mais très mal payés, donc démotivés.Et si vous êtes élu, vous allez augmenter la solde des militaires de combien ? Si je suis élu, je vais augmenter leur salaire et [celui des] fonctionnaires de l’État et [de] tout le monde, parce que l’argent est là. Pour le moment, vous voyez que nos députés à nous touchent plus ou moins 25 000 dollars par mois et qu’un militaire touche moins de cent dollars, donc ça démotive nos militaires. Au lieu d’aller chercher des mercenaires qui nous coûtent plus de 9 000 dollars par mois alors que le militaire touche moins de cent dollars, c’est un problème. Je n’ai pas les chiffres en tête, mais les militaires seront bien rémunérés.Le président Tshisekedi compare son homologue rwandais, Paul Kagame, à Hitler et l’expansionnisme du Rwanda à celui de l’Allemagne nazie. Est-ce que vous êtes d’accord avec cette comparaison ? Vous savez, moi, je crois que le plus important pour nous, [c’est d’avoir] une très bonne armée. Si notre armée est respectée, les pays voisins vont aussi nous respecter, parce que, pour le moment, le problème, c’est quoi ? Nous avons un président qui pleure chaque jour, ce n’est pas en pleurant ou en attaquant qui que ce soit – Kagame ou un autre – que… Il faut passer à l’action. Si quelqu’un me provoque, je dois me défendre. Donc pour moi, ce qui est important, c’est d’avoir une efficacité, donc l’armée doit agir. On ne doit pas pleurer et dire : c’est de la faute de l’autre. Non. On a tellement pleuré et pleuré qu’on ne nous respecte plus.Si vous êtes élu, vous promettez la fin de la pauvreté, mais justement, Moïse Katumbi, la gratuité de l’école primaire, est-ce que ce n’est pas à mettre à l’actif de Félix Tshisekedi sur le chemin de la lutte contre la pauvreté ? Monsieur Boisbouvier, la gratuité n’existe pas. Comment voulez-vous… Je vous donne l’exemple de la ville de Kinshasa : le salaire d’un enseignant, c’est 247 000 francs, c’est, plus ou moins, 85 dollars. Le loyer d’un enseignant est de 80 dollars, donc il lui reste cinq dollars, donc cette gratuité n’existe pas. Les enfants sont chassés de l’école et on est encore en train de rançonner le parent, et tous ces enfants sont chassés de l’école. Partout où je suis passé pendant la campagne, j’ai posé la question de savoir si la gratuité existait réellement au Congo. Elle n’existe pas. Elle existe dans le discours de monsieur Tshisekedi, mais en réalité, sur le terrain, il n’y a pas de gratuité.Moïse Katumbi, sur le terrain, quelles seront les premières mesures sociales que vous prendrez si vous êtes élu ? D’abord, je vais diminuer le train de vie de l’État, je vais augmenter les salaires des fonctionnaires – donc les enseignants et les militaires – et surtout, je vais lutter contre l’impunité parce que, pour le moment, l’État de droit n’existe plus dans le pays. Et aussi et surtout, pour le social, j’ai un plan pour l’Est du Congo, parce que la province de l’Ituri et celle du Nord-Kivu ont beaucoup souffert. J’ai un plan de cinq milliards de dollars que je vais introduire dans les deux provinces, et vous allez voir par quelles recettes de l’État : je vais augmenter les recettes de l’État pour stabiliser le dollar, diminuer le taux du dollar dans notre pays, parce qu’aujourd’hui, c’est invivable quand le dollar est à 2 800 [francs]. Quand monsieur Tshisekedi a pris le pouvoir, le dollar était à 1 400 [francs], aujourd’hui, c’est le double, donc c’est très difficile pour le pauvre fonctionnaire de l’État, pour la population congolaise, de continuer comme ça. Donc, monsieur Tshisekedi n’a pas de bilan. Moi, quand je serai président de la République, je vais aussi donner de l’électricité à la population, parce que, pour avoir une économie forte – nous avons le barrage d’Inga, nous avons plusieurs centrales hydro-électriques –, on ne peut pas développer le pays s’il n’y a pas d’électricité. J’ai une population qui n’a pas d’eau potable, je vais donner de l’eau potable à la population. Donc, j’ai tout un programme.Moïse Katumbi, vous dites que vous êtes un gestionnaire expérimenté, mais que répondez-vous à Félix Tshisekedi qui a déclaré il y a un mois, c’était sur RFI et France 24, que, quand vous étiez le gouverneur du Katanga, vous n’avez jamais pensé à construire un aéroport international à Kolwezi, la capitale mondiale du cobalt ?(Rires). Ce que je répondrais à monsieur Tshisekedi, c’est qu’il ne connait pas son pays. Qu’il aille dans les archives – et monsieur Boisbouvier, vous pouvez regarder –, j’ai trouvé la piste de Kolwezi, la longueur de la piste était de 1,3 kilomètres, j’ai moi-même agrandi cette piste à 2 500 mètres – les images existent –, donc j’ai fait la piste, j’ai fait la route de Kolwezi jusqu’à Kasumbalesa, j’ai posé plus de vingt-neuf ponts. Donc la piste de Kolwezi, c’est moi. Et il y avait des avions qui atterrissaient directement d’Afrique du Sud. Donc il ne connait pas le pays, c’est un mensonge.Depuis votre entrée en lice, Moïse Katumbi, vous avez bénéficié du désistement de quatre candidats, dont Matata Ponyo et Delly Sesanga, mais il reste plus de vingt candidats. Du coup, dans cette élection à un seul tour, est-ce que le sortant, Félix Tshisekedi, ne part pas favori ? Mais vous savez, le candidat le plus faible aujourd’hui, c’est Félix Tshisekedi. Regardez mes images comparées aux images de Félix Tshisekedi. Moi, j’ai des candidats qui m’ont rejoint, des candidats très valables, qui sont venus parce qu’ils savent que nous devons reconstruire ensemble le Congo. Donc pour moi, que ce soit quand on était partis en 2018 à Genève, Tshisekedi était parti avec Kamerhe, Martin Fayulu était resté avec nous, Kabila était avec d’autres, donc dans notre camp, nous sommes les gagnants, et nous allons gagner ces élections parce qu’il y a un rejet de la population vis-à-vis de monsieur Tshisekedi. Le vrai opposant de monsieur Tshisekedi aujourd’hui, c’est la population congolaise, parce qu’il n’a pas de bilan, il n’a rien fait. Aujourd’hui, il continue de s’attaquer à moi, soi-disant que j’étais le candidat de l’étranger, parce qu’il n’a pas un bilan à présenter à la population. Quand il dit – je l’avais suivi sur RFI – qu’il a augmenté la desserte en électricité de 20 %, c’est très faux. Les chiffres de la Banque mondiale existent. En 2018, quand il prend le pouvoir, on était à 17,8 % et on est à 20 % [aujourd’hui], donc il a augmenté la desserte en électricité de 2 %.Mais tout de même, Moïse Katumbi, le refus du docteur Mukwege de se désister pour vous, est-ce que ce n’est pas un motif de déception ? Non, ce n’est pas un motif de déception. Le docteur Mukwege est candidat, je respecte tous les candidats. Moi, je sais que je suis en train de faire ma campagne, il est en train de faire sa campagne. Les images ne trompent pas, donc je suis sûr et certain que je vais gagner les élections avec mon équipe.Selon plusieurs sources, à l’époque où vous étiez privé de votre passeport congolais, vous avez utilisé un passeport zambien pour voyager. Est-ce que vous ne risquez pas d’apparaitre, comme disent Félix Tshisekedi et Jean-Pierre Bemba, comme un candidat de l’étranger ? Vous savez, c’est un débat de caniveau, je n’ai jamais pris le passeport zambien, j’ai la lettre du ministre de l’Intérieur de la Zambie qui est sur internet, qui a même été réceptionnée par la Cour constitutionnelle. Est-ce que le passeport de Katumbi, c’est ça le bilan de monsieur Tshisekedi ? C’est un débat de caniveau. Je n’ai jamais eu de passeport zambien, je n’ai jamais voyagé avec un passeport zambien, donc cette histoire, c’est un mensonge. Monsieur Bemba lui-même, son père était portugais, il a de la famille portugaise. Moi, je ne vais pas renier mon père à cause de la politique.Le 20 décembre, le président de la Céni, la Commission électorale, Denis Kadima, promet que les élections seront transparentes, est-ce que vous lui faites confiance ? Vous savez, nous espérons que monsieur Kadima va respecter sa parole. Pour avoir la paix dans ce pays, il faut avoir de très bonnes élections. S’il y a de mauvaises élections, ça va diviser le pays. Partout où je passe, je demande à tous nos partisans, à toute la population congolaise, de dormir au bureau de vote jusqu’à la fin du dépouillement et de compter les voix bureau de vote par bureau de vote. On n’acceptera pas d’autres résultats, ce seront les résultats qui seront affichés sur chaque bureau de vote. 
12/14/20238 minutes, 9 seconds
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Tchad: «Une partie du pays est aujourd'hui vent debout et réclame le fédéralisme»

Les Tchadiens votent ce dimanche 17 décembre pour un référendum constitutionnel. La soumission de cette nouvelle Constitution aux électeurs est l'une des étapes du processus de retour à l'ordre constitutionnel. Que prévoit le nouveau texte ? Quels sont les débats qui l'entourent ? Quelles sont les positions en présence ? À quelques jours du referendum, le point avec Ousmane Houzibé, enseignant de droit constitutionnel à l'Ecole Nationale d'Administration de N'Djamena. RFI : Qu’est-ce que le projet de Constitution prévoit par rapport à la nature de l’État tchadien ? Ousmane Houzibé : La nature de l’État proposée actuellement par le gouvernement dans le texte en projet pour le référendum du 17 décembre 2023 est la forme unitaire de l’État. La question de l’État fédéral est un vieux débat depuis la conférence nationale souveraine de 1993 où on a trouvé le compromis entre deux Tchad : une partie réclame un Tchad fédéral et une autre, un Tchad unitaire. Ce débat du fédéralisme est revenu dans le Dialogue national inclusif. La question ne pouvant être tranchée par les délégués réunis au Dialogue, le Dialogue a renvoyé de manière souveraine la question au peuple tchadien, afin qu’il tranche ce choix sur la forme de l’État. Finalement, le gouvernement a fait un seul choix et ne soumet pas deux textes dans l’isoloir : il propose un État unitaire décentralisé. Une partie du Tchad est aujourd’hui vent debout et réclame le fédéralisme.Est-ce que cette question de la nature fédérale ou unitaire de l’État est le seul point qui fait débat, qui fait polémique, actuellement au Tchad ? Ou est-ce qu’il y a d’autres points qui sont débattus à l’heure actuelle ? Effectivement, il y a plusieurs points qui entraînent un débat. D’abord, le premier, c’est la création de la Conorec, Commission nationale d’organisation du référendum, création unilatérale du gouvernement qui n’associe aucune formation politique, ce qui fait qu’aujourd’hui, il y a un doute, et l’opinion publique au Tchad ne se cache pas pour dire qu’on ne peut pas être juge et partie. Un autre point qui suscite des débats, c’est le fait que les textes n’ont pas été rédigés par des juristes constitutionnalistes aguerris, ce qui, également, crée des polémiques entre les Tchadiens. Le troisième, et peut-être dernier point, c’est le fait que des partis politiques qui prônent le fédéralisme estiment que leur point de vue n’est pas pris en compte.Dans ce texte constitutionnel, quelles sont les dispositions qui apportent des changements par rapport à la précédente Constitution ? Ce texte reprend presque toutes les dispositions de l’ancienne Constitution, celle du 31 mars 1996, donc sur le plan juridique, on pourrait considérer que c’est une réactualisation d’une des constitutions que le Tchad a eues et qui est une des meilleures constitutions d’ailleurs. Donc les dispositions ont été reprises, améliorées, pour être proposées aux Tchadiens. L’autre aspect qu’on pourrait remarquer, c’est peut-être l’évolution de l’âge à la candidature à la magistrature suprême qui passe de 45 à 35 ans. C’est une innovation à ce niveau. Cela permet à Mahamat Idriss Déby d’être candidat, tout comme au docteur Succès Masra d’être candidat. La jeunesse pourra les départager dans les urnes.Quelles sont les nouveautés qui sont contenues dans le titre XVII du projet de nouvelle Constitution qui porte sur l’Ange, l’Agence nationale de gestion des élections ?  L’Ange, l’Agence nationale de gestion des élections, remplace simplement l’ancienne Commission électorale nationale indépendante, la Céni. Mais sinon, en termes d’innovation, il n’y a aucune différence avec celle de la Constitution du 31 mars 1996.Quels sont les arguments des partisans du « oui » à ce référendum ?Les partisans du « oui » prônent d’abord l’unité nationale et la cohésion sociale entre les Tchadiens. Pour eux, le Tchad doit rester un et indivisible. Toute idée contraire, c’est-à-dire le fédéralisme que prônent certains Tchadiens, peut être source de divisions, dans la mesure où le Tchad n’est pas suffisamment outillé ou aguerri pour accepter une gestion sur le plan fédéral. Ça, c’est l’argument fondamental du camp du « oui ».Et quels sont les arguments de leurs adversaires, les partisans du « non » ? Pour les partisans du « non », il n’y a pas d’autres alternatives que d’aller vers un Tchad fédéral. Seul le fédéralisme peut prôner l’égalité des chances entre les citoyens et peut-être restaurer une justice, une équité et la redistribution des ressources dans tout le Tchad.Dans ce débat, on a aussi ceux qui défendent le principe de l’abstention, pourquoi défendent-ils l’abstention ? Pour eux, ce référendum constitutionnel est truqué d’avance, à cause de la création unilatérale de la Conorec par le gouvernement. Pour eux, il faut reprendre le processus quitte à repousser le calendrier et impliquer tous les systèmes partisans dans la création d’un organe indépendant et impartial afin de jouer pleinement son rôle dans l’organisation du référendum constitutionnel et la suite des futurs scrutins présidentiel et législatif à venir.
12/13/20234 minutes, 37 seconds
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Rex Kazadi Kanda: «Le problème numéro un au Congo, c’est la sécurité»

Les électeurs de République Démocratique doivent aller aux urnes le 20 décembre prochain. Toute cette semaine, RFI donne la parole aux candidats à l’élection présidentielle. Parmi eux, Rex Kazadi Kanda, ancien soutien de l’UDPS (Union pour la démocratie et le progrès social). Il se présente comme candidat indépendant, et promet de résoudre les enjeux cruciaux de la RDC avec un programme axé sur la sécurité, la diplomatie et le développement social et économique. RFI : Pourquoi êtes-vous candidat à la prochaine élection présidentielle ?Rex Kazadi Kanda : J’ai vu l’incompétence de la classe politique congolaise. J’ai vu qu’il y avait un manque de volonté de transformer la possibilité que nous avons eu après le changement en 2018... On a quitté une dictature, je pensais que nous avions la possibilité avec le président actuel d’un nouvel élan, étant donné que nous avons soutenu l’UDPS pendant plusieurs années de luttes. Et nous avons pensé que, arrivé au pouvoir, l’UDPS changerait réellement la vie des Congolais. Bon. Nous nous sommes aperçus que rien ne changeait. Au bout de 5 ans, la situation s’est aggravée... Donc, il était temps pour moi de prendre mes responsabilités, en tant que Congolais. J’ai quitté la vie d’activiste pour mettre le costume du politique et présenter un projet sur lequel j’espère l’adhésion de la population congolaise.RFI : Selon vous, quels devraient être les chantiers prioritaires du prochain chef de l’État ?Écoutez, dans mon programme, le chantier numéro un en République démocratique du Congo, le problème numéro un au Congo, c’est la sécurité. Nous avons un pays qui a perdu presque 9 millions de personnes dans l’indifférence mondiale. Nous avons un pays où l’on tue, où l’on viole, matin, midi et soir. Nous avons un pays où une partie des Congolais ne pourront pas voter, pour la simple et unique raison que le pays est occupé. Nous avons un pays où les militaires se battent quasiment sans moyens. Nous avons un pays où le chef de l’État, au lieu de s’organiser et organiser l’armée congolaise, préfère payer des mercenaires étrangers pour sous-traiter la sécurité des biens et des personnes dans ce pays.Et justement, sur ces sujets, comment est-ce que vous comptez vous y prendre ?Si je suis élu, ma première préoccupation, ça sera d’auditer notre armée, savoir ce qui ne fonctionne pas, rééquiper notre armée. Et puis derrière cela, nous avons une population de 100 millions d’habitants. Il faut mobiliser les Congolais. Il y aura une mobilisation massive pour que notre armée monte en puissance en termes d’hommes, en termes d’équipements, voire d’abord à l’intérieur de notre pays, faire face aux groupes armés. L’État doit reprendre sa place sur l’ensemble du territoire. Donc, la priorité, c’est de donner les moyens, en tout cas d’utiliser les moyens que nous avons aujourd’hui pour faire une armée de métier, une armée sérieuse, une armée digne de défendre les Congolais. Derrière cela, de mettre aussi une police capable, en augmentant les salaires de nos fonctionnaires.
12/12/20232 minutes, 16 seconds
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Floribert Anzuluni: «La quasi-totalité de la classe politique a pris le pays en otage depuis trop longtemps»

Toute cette semaine, RFI donne la parole aux candidats à la magistrature suprême en République Démocratique du Congo. Quelles sont leurs ambitions, quel est leur projet ? Floribert Anzuluni est l’ancien coordinateur du mouvement citoyen Filimbi. Président du parti Alternative citoyenne et candidat désigné par la société civile, il dénonce le système de prédation entretenu, selon lui, par la classe politique congolaise. RFI : Pourquoi êtes-vous candidat à la prochaine élection présidentielle ?Floribert Anzuluni : D’abord, c’est une initiative, il est important de le préciser, qui est collective, qui est portée par des acteurs issus de la société civile et de l’engagement citoyen qui ont décidé de prendre un engagement politique partisan pour mettre fin au système de gouvernance que nous appelons « prédateur », qui malheureusement est incarné par la quasi-totalité de la classe politique qui a pris le pays en otage depuis trop longtemps et qui est à la base de la quasi-faillite du pays aujourd’hui. J’ai été mis en avant à travers un processus assez inédit de primaires citoyennes organisées par un réseau d’organisations de la société civile, primaires publiques pour une fois avec des débats publics et à l’issue de ce processus, j’ai été désigné candidat président alternatif.Selon vous, quels devraient être le ou les chantiers prioritaires du prochain chef de l’État ?Pour nous, les chantiers prioritaires sont à trois niveaux. Le premier niveau, c’est la question sécuritaire. On en parle, il n’y a pas de solution parce qu’il n’y a pas de volonté, et il n’y a véritablement pas de compréhension suffisante. Prioritairement la question de l’Est, mais également d’autres questions d’insécurité à travers le pays. Et la deuxième question, c’est la question de la gouvernance. C’est ce que nous, nous appelons justement le système de prédation, le système de gestion prédateur. C’est ce système qui empêche en réalité le pays de se développer parce que les ressources qui doivent être mises à disposition pour investir, pour reconstruire le pays, sont détournées par un petit groupe de personnes. Et ça, il faut y mettre un terme véritablement en dehors des slogans. Et le troisième segment, très clairement, c'est ce que nous, nous appelons l’économie au service du social. Il faut qu’on mette en place un contexte économique qui permette non pas simplement de surexploiter les quelques entreprises qui existent, mais de mettre un cadre qui va permettre de multiplier les entreprises, principalement des PME locales, qui va leur permettre de créer de l’emploi, augmenter l’assiette fiscale et en bout de ligne, régler les problèmes sociaux des citoyens.Et sur ces sujets, comment comptez-vous vous y prendre ?Sur la question sécuritaire aujourd’hui, la première des difficultés, c’est qu’une bonne partie des personnes qui sont à l’origine et qui ont été impliquées et qui sont à la base des questions sécuritaires, malheureusement sont actives politiquement. Nous avons eu des brassages, des mixages où finalement des personnes, des hommes, qui pour une partie d’entre eux n’étaient pas des militaires, n’étaient pas formés, n’ont pas les règles et puis, ensuite, ne sont pas bien traitées parce que les conditions sociales et formations des policiers ou militaires et à l’intérieur du renseignement ne sont pas bons, ce sont ces mêmes personnes qui doivent résoudre le problème. Ce n’est pas possible. Pour nous, il faut « un nettoyage » de l’espace du système de défense et de sécurité. Il faut extraire toutes les personnes qui ont commis des actes qui nécessitent qu’ils soient extraits, il faut renforcer ceux qui vont rester, mettre en place ces conditions pour que ces agents soient dans de bonnes conditions. Et ensuite, reconstruire l’armée. Pour nous, c’est minimum 5 ans pour avoir une armée au minimum opérationnelle, je dirais, et c’est possible.
12/12/20232 minutes, 26 seconds
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Théodore Ngoy: «L’argent est dans les poches des prédateurs nationaux et internationaux»

Toute cette semaine, RFI donne la parole aux candidats à la magistrature suprême en République Démocratique du Congo. Quelles sont leurs ambitions, quel est leur projet ? Parmi eux, Théodore Ngoy, universitaire, politologue, juriste et pasteur. Il est originaire du Haut Katanga. Candidat indépendant, il veut « restaurer la justice » pour élever la RDC. RFI : Pourquoi êtes-vous candidat à la prochaine élection présidentielle ?Théodore Ngoy : Il faut un homme honnête, intègre, qui va mettre fin à la corruption, au détournement de fonds, qui va mettre fin à l’occupation du pays. Un homme indépendant d’esprit, compétent, moralement préparé, à travers les difficultés de la vie, pour pouvoir prendre les décisions qui s’imposent. Parce que le problème au Congo, depuis la conférence de Berlin (conférence de Berlin sur la colonisation de novembre 1884 à février 1885), on nous impose des gardiens des intérêts des autres. Il nous faut un homme qui soit le gardien des intérêts des Congolais et qui va réaliser les programmes qui permettent immédiatement aux Congolais de prendre le contrôle de leur richesse immense, multiforme et multidimensionnelle.Alors, selon vous, quels devraient être les chantiers prioritaires du prochain chef de l’État ?Il faut travailler sur l’Homme. Il faut réformer l’Homme, le citoyen, le militaire, le policier pour lui inculquer des valeurs de justice, de respect, de bien-public, l’intérêt général, le combat pour la patrie, pour la souveraineté, pour la défense, la protection de nos frontières... D’abord cela, ensuite, prioritairement, il faut désenclaver le pays, il faut permettre aux Congolais de se nourrir et nous avons de la nourriture partout, il faut donc des routes, des dessertes agricoles... Alors, je pense que ce qui ferait du bien au Congo, c’est d’abord refaire les voies ferroviaires, les voies lacustres, les voies maritimes, les voies routières pour amener la nourriture aux Congolais, mais aussi l’exporter. Ça va faire du bien à l’économie, ça va faire du bien au panier de la ménagère. Je pense que c’est par là qu’il faut commencer et tout le reste va suivre.Alors justement, sur ces chantiers prioritaires, comment est-ce que vous comptez vous y prendre ?L’argent est dans les poches des prédateurs nationaux et internationaux. Le Congo est un coffre-fort de ressources pour le monde occidental et il y a ici des Congolais qui s’associent aux prédateurs internationaux. Et cela a pris de l’ampleur à l’ombre du génocide rwandais. On a créé une insécurité pour pouvoir exploiter nos ressources sans rien payer ! Je vais mettre la main sur toutes ces voies de sortie de notre argent qui va dans les poches de gens à l’intérieur et à l’extérieur. Puis le mettre au service de l’accès à l’eau, l’accès à l’électricité, l’accès à un emploi, à un salaire décent. Il faut absolument mettre la main sur leurs ressources. C’est cela qui va me permettre de travailler sur les routes et sur les autres projets.
12/12/20232 minutes, 28 seconds
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Jean-Claude Baende: «Je suis le candidat de la paix et le candidat du pain»

Toute cette semaine, RFI donne la parole aux candidats à la magistrature suprême en République Démocratique du Congo. Quelles sont leurs ambitions, quel est leur projet ? Jean-Claude Baende, ancien gouverneur de l'ex-province de l'Équateur, résume les maux qui minent la société congolaise en deux mots. Il vient donner, dit-il, « la paix et le pain » aux Congolais. RFI : Pourquoi êtes-vous candidat à la prochaine élection présidentielle en RDC ?Jean-Claude Baende : Le Congolais dans sa vie de chaque jour veut qu’il y ait la paix dans notre pays, à l’Est, dans le Kwamouth, un peu partout où il y a des conflits tribaux. Le Congolais veut aujourd’hui manger à sa faim. Le Congolais veut aujourd’hui pouvoir scolariser ses enfants dans de meilleures conditions, qu’il y ait des structures de santé de bonne qualité, etc. Et le Congolais dans cette quête d’une bonne vie exprime le besoin d’être considéré, d’être écouté par les acteurs politiques. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé d’être candidat à la présidence de la République.Quels devraient être, selon vous, les chantiers prioritaires du prochain chef de l’État de la RDC ?Je suis le candidat de la paix et le candidat du pain. Les deux concepts nous ouvrent la voie vers le développement de notre pays. La priorité pour moi aujourd’hui, c’est remettre la paix dans notre pays. Le Congolais aujourd’hui vit dans une situation où le pays est divisé. Il y a des familles entières qui se sont déplacées et qui ont quitté leur milieu naturel et on ne peut pas continuer avec cette partition tacite du pays où il y a une partie qui est occupée par les factions rebelles et une autre partie qui est dirigée par le gouvernement central. Nous voulons la réunification de notre pays et ce sera la priorité.Comment vous vous y prendriez pour faire face à ce défi ?Nous savons que l’ennemi numéro 1 de la RDC, c’est le Rwanda. L’ennemi numéro 2 de la RDC, c’est l’Ouganda. Cela fait deux pays qui malheureusement protègent les ennemis de la République pour qu’ils puissent continuer à déstabiliser la partie est de notre pays. Je pense qu’on ne peut pas toujours continuer à tendre la main vers les armées étrangères. Dans le cas d’une coopération pour la formation militaire, oui, on pourra tendre la main vers nos partenaires traditionnels pour qu’ils puissent nous accompagner dans les réformes que nous allons imposer au niveau de nos forces armées. Dans l’immédiat, une fois que nous allons identifier les vrais militaires qui servent loyalement le pays, nous allons essayer de dégager une unité combattante qui sera au front pendant ce temps-là. Nous allons commencer maintenant le recrutement et la formation de jeunes gens qui seront prêts à aller au combat et qui n’auront comme souci que de défendre la patrie.
12/12/20232 minutes, 28 seconds
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Pasteur Aggrey Ngalasi Kurisimi: «Devenir président de la République, c’est de l’apostolat»

RFI donne la parole toute cette semaine aux candidats à la présidentielle du 20 décembre prochain en République Démocratique du Congo et leur donne l’occasion de présenter leur projet et leurs ambitions. Le pasteur Aggrey Ngalasi Kurisimi a 69 ans. Il est médecin retraité. Il présente une candidature inspirée par ses convictions religieuses. Pasteur Aggrey : Je voudrais être un instrument de la gestion « autrement » de notre nation, faire les choses en toute intégrité, honnêteté, loyauté et amour de la patrie. C’est cette grâce-là qui m’a conduit à déposer ma candidature en tant que candidat à la présidence de la République.RFI : Selon vous, quels devraient être les chantiers prioritaires du prochain président ? C’est très important que le social soit privilégié, que la sécurité, ensuite, nous pousse à jouir de tous les bienfaits… et nous voulons que la droiture puisse être l’élément principal de notre gestion afin, qu’étant un pays très riche, il y ait une répartition équitable des richesses du pays jusqu’au plus petit peuple de notre nation.Vous évoquiez à l’instant le social, que souhaiteriez-vous faire concrètement en matière sociale ? Par exemple, il faut que chacun arrive à une auto-suffisance alimentaire, à pouvoir travailler et recevoir le salaire de son travail minimum. Dans le domaine de la santé, les soins primaires doivent être assurés sur toute l’étendue de la République, et cela est possible et nous allons le faire.Mais concrètement, comment est-ce que vous vous y prendriez pour obtenir ce résultat ?  Il nous faut des moyens financiers. Le Congo est dans un état d’urgence sanitaire.Où trouver, selon vous, les moyens nécessaires pour cette politique ? Les moyens, nous les trouverons. Un peu de bonne volonté et d’honnêteté dans un pays si riche, et quand c’est bien canalisé par les recettes, on assurera les soins de santé primaire de tout le monde. C’est un aspect primordial, parce que nous estimons que devenir président de la République, c’est de l’apostolat, et lorsqu’on parle de l’apostolat, ça sous-entend – et moi, en tant que pasteur – que nous devons servir et non se servir. Nous savons que cela est possible s’il y a une bonne justice, mais aussi un civisme, de l’amour pour ce peuple.
12/12/20232 minutes, 20 seconds
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Denis Mukwege: «Notre projet de société prévoit de mettre fin à la guerre, fin à la faim et fin aux vices»

Toute cette semaine, RFI donne la parole aux candidats à la présidentielle du 20 décembre prochain en République Démocratique du Congo. Parmi eux, Denis Mukwege, prix Nobel de la paix en 2018. Âgé de 68 ans, le célèbre médecin a été surnommé « l’homme qui répare les femmes » pour les soins prodigués aux femmes congolaises victimes de viols et de mutilations sexuelles dans l’est du pays. Il se présente en tant que candidat indépendant avec l’ambition de « réparer » le Congo. RFI : Pourquoi êtes-vous candidat à la prochaine élection présidentielle ?Docteur Denis Mukwege : Pendant plus de 20 ans, j’ai mené des plaidoyers en faveur de la paix, surtout lutter contre l’impunité dans la région où malheureusement le corps des femmes a été utilisé comme champ de bataille. Et malgré tout ce que nous avons essayé de faire pour ramener la paix, nous avons trouvé des obstacles. En fin de compte, on nous ramène toujours à ce que ça soit les hautes autorités de notre pays qui puissent répondre à ces atrocités. Cela n’a pas été fait. Donc, au lieu de continuer à demander aux autres, j’ai décidé de prendre cette décision, qui est difficile, mais nous avons franchi cette étape.Quels devraient être les chantiers prioritaires du prochain chef de l’État de la RDC ?Je viens de le dire. Je crois que notre priorité, c’est de rétablir la paix en République démocratique du Congo. Il n’y a aucun projet de développement qui peut se faire dans ce pays tant qu’on aura des groupes armés des pays étrangers qui sèment la mort ici à l’est du Congo.Comment allez-vous vous y prendre pour y faire face si vous êtes élu ?Notre projet de société prévoit de mettre fin à la guerre, fin à la faim et fin aux vices. Nous allons réformer le secteur de la sécurité. Dans un pays comme la République démocratique du Congo – depuis 1996, quand nous avions été envahis, agressés – l'armée en République démocratique du Congo a été constituée par un mixage, brassage de groupes armés et, en évidence, on voit très bien que ces groupes n’arrivent pas à travailler ensemble comme un corps d’armée. Notre première réaction sera de réformer le secteur de la sécurité pour avoir une armée qui est capable de sécuriser nos frontières, de garantir l’intégrité territoriale de la République démocratique du Congo. Pour imposer la paix, nous allons avoir recours à une mission internationale d’imposition de la paix, pas de maintien de la paix, mais d’imposition de la paix. Et pour ça, nous avons les expériences des missions qui ont imposé la paix dans d’autres pays, et même en République démocratique du Congo, le cas de l’Ituri, c’est un cas parlant. Et une fois qu’on aura cette stabilité, effectivement, nous avons un programme de développement que nous allons pouvoir mettre en place.Une des critiques qu’on vous fait souvent est de ne pas avoir de base électorale. Est-ce que ce n’est pas un handicap pour vous ? On verra ça le 20 décembre. Je suis déjà en pleine campagne et je suis satisfait de la mobilisation. Partout où nous passons, nous voyons que la population nous écoute avec attention et la population accueille notre projet de société. Donc, je laisse à ceux qui prétendent qu’on n’a pas de base continuer à croire à ça. Partout où je suis passé, la population est derrière le projet de société que nous avons présenté.Mais si vous gagnez les élections, avec quelle majorité allez-vous diriger ?Cette majorité peut se constituer sur la base de ces députés qui vont adhérer à notre vision. Et avant même qu’on soit élus, on a déjà à plusieurs députés qui font notre campagne alors qu’ils sont dans des partis politiques traditionnels. Et cela montre très bien qu’il y a beaucoup de Congolais, pas seulement des Congolais, même des politiciens, qui croient à notre projet de société.Nous sommes à quelque trois semaines du début de la campagne électorale en RDC, est-ce que vous ne regrettez pas de vous être lancé dans l’arène politique ?Pas du tout. Pour moi, c’est une question de responsabilité. Cela fait trente ans, c’est depuis 1993 d’ailleurs, que les troubles ont commencé à l’est du Congo. Et donc, je ne pouvais pas rester indifférent. Et à mon humble avis, les Congolais vont comprendre, que la lutte que nous menons depuis vingt ans pour ramener la paix et la justice en République démocratique du Congo, mérite leur soutien à ce suffrage universel pour se choisir un président qui voit dans la même direction que le peuple congolais.
12/12/20234 minutes, 35 seconds
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Constant Mutamba: «Je veux rompre avec les antivaleurs des gestions du passé»

Les Congolais sont appelés aux urnes le 20 décembre prochain pour des élections générales et d'ici là, RFI donne la parole aux différents candidats au scrutin présidentiel. Avec son slogan « Rupture 2023 », le plus jeune des vingt-six candidats à l'élection présidentielle promet de mettre en place des mesures ambitieuses pour son pays. RFI : Pourquoi êtes-vous candidat ?Constant Mutamba : Je suis candidat à l’élection présidentielle de décembre prochain pour rompre avec les antivaleurs des gestions du passé, rompre avec les vieux et anciens visages politiques, rompre avec les mêmes idées et les mêmes projets politiques, rompre avec l’insécurité à l’est du pays, rompre avec la faim, le chômage, rompre avec le délabrement de nos routes, bref rompre avec les maux qui rongent la société congolaise.Selon vous, quels devraient être les chantiers prioritaires du prochain chef de l’État ?C’est la sécurité qui sera mon premier chantier prioritaire. Je vais mettre en place une unité spéciale chargée du rétablissement de la paix non seulement dans la partie est du pays, mais aussi et surtout sur l’ensemble du pays. Le deuxième chantier prioritaire sera les mines. Il va falloir transformer nos minerais localement afin que nous puissions leur donner de la valeur ajoutée, qui pourra contribuer à la création d’emplois, à la stabilité de notre économie. Troisième chantier prioritaire pour nous, ça va être l’éducation. Nous allons faire en sorte de remettre en selle la fonction enseignante. Quatrième chantier, ça va être la santé. Nous mettrons en place le système de santé intégré qui permettra de prendre en charge gratuitement des millions et des millions de nos compatriotes. Nous allons également prioriser le chantier justice. Il faudrait de manière urgente mettre en place un parquet économique et financier spécial qui aura pour mission de traquer tous les délinquants économiques et financiers. Nous allons également créer un tribunal spécial contre la corruption afin de pouvoir lutter efficacement contre toute sorte de malversations, toute forme de détournement et d’antivaleur de gestion.Comment est-ce que vous comptez vous y prendre ?Nous allons mobiliser suffisamment de moyens à travers les réformes que nous apporterons dans les secteurs des finances publiques. Nous allons mettre en place une politique de maximisation des recettes, de collectes des recettes publiques qui puisse permettre de renflouer davantage les caisses de l’État. Nous allons également faire en sorte que la dépense publique soit efficace, ceci en mettant fin à toute forme d’interférence dans la chaine des recettes publiques. Ceci nous permettra de mobiliser suffisamment de recettes qui nous permettront de financer tous les projets que nous comptons réaliser une fois élu président de la République.
12/11/20232 minutes, 29 seconds
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Joëlle Bile: «Mon slogan, c’est la République des valeurs»

Plus que quelques jours pour convaincre ! Les électeurs de République démocratique du Congo sont appelés aux urnes le 20 décembre prochain et d’ici là, les candidats à l’élection présidentielle battent campagne. RFI leur donne la parole toute cette semaine. La candidate indépendante Joëlle Bile déroule un programme qui insiste sur la méritocratie et la solidarité. RFI : Pourquoi êtes-vous candidate à la prochaine élection présidentielle ?Joëlle Bile : J’ai décidé de briguer la magistrature suprême en RDC parce que je suis désolée, navrée et triste de voir dans quelles conditions mes compatriotes vivent. Le chaos est profond, l’insécurité est grandissante, les injustices sociales sont légion. Et à côté de cela, la corruption, le népotisme, le clientélisme ne disent plus leur nom. Je me suis dit qu’il est temps de quitter le confort de la critique et de passer effectivement de l’autre côté de la rive et de pouvoir me mettre au service de mon peuple.Quels devraient être, selon vous, les chantiers prioritaires du prochain chef de l’État ?Les priorités sont énormes. Tout est prioritaire en RDC. Mais c’est sûr qu’au-delà de relever le niveau de vie de la population en mettant un accent particulier sur le relèvement des besoins sociaux de base, j’aimerais moi vous parler beaucoup plus de tout ce qui touche au recensement. Vous savez qu’il est difficile aujourd’hui de prévoir quelque plan de développement ou de croissance pour la RDC étant donné que nous ne savons même pas combien nous sommes. Nous ne savons pas qui est Congolais dans la société et il est difficile d’établir quelque plan que ce soit. Donc, au-delà de tout ce qui sera fait en termes de sécurité que ce soit la sécurité intérieure, mais aussi tout ce qui est criminalité urbaine, je mettrai un accent particulier sur le recensement de la population pour donner à mes compatriotes une pièce d’identité qu’ils n’ont pas, qui leur permet de pouvoir voyager et de vaquer à leurs occupations, et pour faire en sorte que nous soyons dignes d’appartenir à la République démocratique du Congo.Et sur ces sujets prioritaires, comment comptez-vous vous y prendre ?Je militerai pour que la réduction du train de vie des institutions soit effective, que la mise en place ou la mise en œuvre, l’application des textes soit la première des choses, parce que mon slogan, c’est la République des valeurs. Je pense que la RDC est appelée à revenir à la norme, à revenir à la normalité parce que nous fonctionnons un peu comme si on y allait à l’aveuglette. Il est réellement temps de s’arrêter, de remettre chaque chose sur les rails, que ces textes soient définitivement appliqués et que ces autorités-là justement lorsqu’elles ne respectent pas ce pourquoi nous les avons placées au devant, elles soient traduites devant la justice. À partir de ce moment-là, avec la corruption qui doit être complètement abolie, on arrivera à un moment donné à remettre effectivement les choses sur les rails.
12/11/20232 minutes, 21 seconds
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Adolphe Muzito: «Je suis candidat pour libérer mon pays»

La campagne des élections générales prévues le 20 décembre prochain entre dans sa dernière ligne droite en République démocratique du Congo. Toute cette semaine, RFI donne la parole aux candidats au scrutin présidentiel et les interroge sur leur projet. L’ancien Premier ministre Adolphe Muzito part à la conquête des suffrages sous la bannière de son parti politique « Nouvel Élan ». Il accorde une importance particulière aux dossiers de la défense et de la sécurité. RFI : Pourquoi êtes-vous candidat à la prochaine élection présidentielle ? Adolphe Muzito : Je suis candidat pour libérer mon pays sous occupation rwandaise à l’est de la République, libérer mon pays aussi de l’exploitation dont il est l’objet de la part de la communauté internationale et de la part des multinationales, actuellement à l’est du pays, mais même à l’Ouest, mais libérer les Congolais de la pauvreté, du chômage. Voilà principalement ce qui est le cheval de bataille de ma candidature au niveau de la présidentielle.Quels devraient être les chantiers prioritaires du prochain chef de l’État congolais ?Le chantier prioritaire d’abord, c’est le chantier de la défense et de la sécurité. Sur le plan interne, il y a beaucoup d’insécurité du fait de jeunes gens qui s’attaquent aux citoyens, aussi bien dans la ville de Kinshasa qu’à l’intérieur du pays du fait du chômage et de la pauvreté. Il faut beaucoup de sécurité sur le plan intérieur, mais aussi donner du travail à ces jeunes. Ensuite, la sécurité extérieure. Notre pays à l’est est sous occupation rwandaise. Il faut préparer la guerre et il faut amener le pays à être en position diplomatique telle que le Rwanda puisse comprendre que si véritablement, il ne se retire pas, le Congo va l’attaquer pour se défendre. Le deuxième chantier, c’est celui des infrastructures. Le Congo a un retard de 5 ans à rattraper dont 20 000 kilomètres de routes nationales et 30-35 000 kilomètres de routes provinciales. Il y a aussi 5 à 6000 kilomètres de chemins de fer à rattraper, parce que depuis le départ des Belges, on n’a plus réhabilité ces chemins de fer… des ports, des aéroports, faire l’adduction d’eau, etc. en faveur de la population. Il faut ajouter les routes de desserte agricole pour relancer l’agriculture qui aujourd’hui est le parent pauvre dans un pays qui a la terre nécessaire pour donner à manger à son peuple.Comment allez-vous réaliser ce programme si vous êtes élu ?J’ai fixé un cap de 300 milliards de dollars pour les dix années à venir, parce que le Congo ne peut pas se construire en 5 ans comme beaucoup de candidats à la présidence de la République semblent le dire dans le cadre de leur programme. Il faut dix ans en augmentant la croissance du pays jusqu’à deux chiffres, en commençant par 7 ou 8%, nous pouvons passer d’un pays aujourd’hui à 50 milliards à un pays de 100 milliards à l’horizon de la décennie. Et donc, nous devons répartir ces ressources entre les provinces et l’État pour que les provinces participent à la construction du pays, notamment en ce qui concerne les infrastructures.
12/11/20232 minutes, 25 seconds
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Patrick Majondo Mwamba: «Notre priorité, c’est de pouvoir dynamiser la jeunesse congolaise à travers l’éducation et la formation»

Toute cette semaine, RFI donne la parole aux candidats à l’élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC) et leur permet de dérouler leur programme de campagne. Après avoir défendu ses couleurs sur les stades de football américain, Patrick Majondo Mwamba s’est lancé dans la course à la magistrature suprême. À la tête du mouvement Notre Congo, notre fierté (UCCO), il affirme son ambition pour la jeunesse congolaise. RFI : Pourquoi êtes-vous candidat à l’élection présidentielle ?Patrice Majondo Mwamba : Très simplement, je suis un Congolais concerné, concerné parce que mon pays, le Congo, joue un rôle extrêmement important et majeur pour l’écosystème mondial. Aujourd’hui, le Congo a un rôle très important pour tout ce qui est climat et tout ce qui est ressources naturelles. Plus que jamais, le Congo a besoin de retrouver son identité. Et cette identité congolaise ne peut être trouvée que par sa jeunesse… La République démocratique du Congo a aujourd’hui une démographie avec une population de plus ou moins 60 à 70% de Congolais qui ont entre l’âge de 25 et 30 ans. Pour moi, les jeunes Congolais sont les oubliés. C’est une démographie qui, jusqu’à ce point-ci, n’a jamais eu un rôle important à jouer et on attend très fortement à changer cette compréhension.Selon vous, quels devraient être les chantiers prioritaires du prochain président ?Aujourd’hui, le premier chantier qui sera la priorité pour notre mouvement « Notre Congo, notre fierté » (Ucco), c’est la jeunesse, c’est de pouvoir créer justement une dynamique, une plateforme qui va dynamiser la jeunesse congolaise à travers l’éducation et surtout la formation, que ce soit la formation au point de vue infrastructurel, mais aussi au point de vue agricole, comme ils disent en anglais « Food security ». L’autre priorité, qui est très importante aujourd’hui, c’est de pouvoir créer une certaine compréhension pour apaiser les malentendus qu’on a aujourd’hui au point de vue sécuritaire. On a un problème qui persiste depuis un peu plus de deux décennies à l’est du Congo. Et je pense, autant que mes partisans et notre mouvement, qu’il est temps de pouvoir s’asseoir à la table avec les protagonistes du sujet et de trouver une solution ensemble.Dans ces deux domaines, comment comptez-vous agir ? En investissant davantage ?On est convaincus qu’on est capable de trouver déjà les capacités économiques pour créer ces multitudes de centres de formation… parce qu’on a besoin de construire le Congo et non pas le reconstruire. Dans l’économie, dans le budget actuel que le Congo a, il y a les capacités économiques qui nous permettront de pouvoir construire des centres de formation sur l’étendue des 26 provinces, ce qui permettrait déjà une certaine dynamisation pour la jeunesse congolaise. Et au point de vue sécuritaire, il faut pouvoir s’asseoir à la table et trouver comment mettre en œuvre les solutions qu’on connait, parce que comme je dis, les problèmes, on les vit, les solutions, je pense qu’on les a déjà depuis plusieurs années. Mais comment « implémenter » ces solutions ? Je pense que c’est là que le grand challenge se fait… comme il est de droit, à l’africaine, entre frères et sœurs. Ça, c'est très important.
12/11/20232 minutes, 24 seconds
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Henock Ngila: «Je priorise l’économie, je veux libérer les champs»

Toute cette semaine, RFI donne la parole aux candidats à la magistrature suprême en République démocratique du Congo (RDC). Quelles sont leurs ambitions, quel est leur projet ? Henock Ngila est le candidat du parti Démocratie universelle et inclusive (DUI). Il se présente comme « Léopard, Écrivain, Apôtre ». RFI : Pourquoi êtes-vous candidat ?Henock Ngila : Après avoir vu pendant des années la souffrance de ce peuple qui a un pays très riche et qui reste toujours dans la précarité, j’ai compris qu’il y a une mauvaise gouvernance. Le manque de leadership, de « legacy ». C’est une matière dont je dispose. J’ai trouvé, avec les idées que j’ai, que je pourrais aider mon pays.Quels devraient être selon vous les principaux chantiers, les chantiers prioritaires du prochain chef de l’État ?Dans un pays, il y a l’économie et la politique. Je priorise l’économie. Mais dans le cas du Congo, il y a un problème de sécurité qui est en train de détruire le pays. Donc, je veux non seulement travailler sur l’économie pour donner plus de moyens à la sécurité, mais m’atteler beaucoup à la sécurité.Comment vous y prendriez-vous si vous êtes élu ?Je vais commencer par l’économie. Nous avons une économie linéaire aujourd’hui qui n’aide pas le pays. Il faut une économie circulaire. Je veux libérer les champs, c’est-à-dire déclarer l’espace « green » pour permettre aux investisseurs de venir investir dans le pays. Ils ne vont pas payer l’impôt ni les taxes. Je veux créer des banques locales pour permettre à la population d’avoir accès au financement. Et avec cette formule, je veux industrialiser l’agriculture, l’élevage et la pêcherie. Et le pays a un problème de routes. Pour construire les routes, je prends l’exemple de la France qui a des autoroutes, mais les routes ne sont pas construites par le gouvernement français. Ce sont des investisseurs privés qui ont construit et ils récupèrent l’argent par le péage. Cela est un exemple simple pour pousser à développer notre pays.Et sur la question de l’insécurité ? Comment allez-vous agir ?D’abord, nous avons un grand pays qui n’a pas assez de services de sécurité. Nous allons beaucoup augmenter les services de sécurité dans l’armée, dans la police, à court et long terme. Le côté Est surtout est le côté qui a beaucoup de problèmes. Je vais faire appel aux anciens de la FAZ [forces armées zaïroises, Zaïre ancien Congo], l’armée du temps de Mobutu, pour gonfler l’effectif que nous avons aujourd’hui. Avec cette armée, je sais que nous ferons beaucoup de bonnes choses. Et nous allons calmer le problème qu’eux ont déjà connu, eux étaient à la base de la paix qui était à l’est du pays.
12/11/20232 minutes, 22 seconds
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Martin Fayulu: «Ce n’est ni l’argent, ni la tricherie qui doivent voter»

La campagne électorale des élections générales en République démocratique du Congo entre dans sa dernière ligne droite. Les Congolais sont appelés aux urnes le 20 décembre prochain et d'ici là, RFI donne la parole aux différents candidats au scrutin présidentiel. Pour ouvrir cette séquence politique, nous écoutons ce lundi 11 décembre 2023 Martin Fayulu, qui était arrivé deuxième selon les chiffres officiels de l'élection présidentielle de 2018. Il avait à l'époque revendiqué la victoire à ce scrutin. Quels sont les thèmes sur lesquels il bat campagne, comment voit-il le scrutin à venir ? RFI : Quel bilan faites-vous du mandat de Félix Tshisekedi à la tête du pays ?Martin Fayulu : Totalement négatif. Monsieur Félix Tshisekedi a exacerbé la situation sécuritaire au Congo. Il est parti s’allier à Paul Kagame qui l’a amené à l’EAC, East African Community [Communauté de l'Afrique de l'Est], avec à la clé une partie de notre pays, le Masisi et le Rutshuru, qui aujourd’hui sont sous administration rwandaise avec ses supplétifs du M23. Deuxièmement, monsieur Félix Tshisekedi a rendu le pays beaucoup plus corruptible. Son gouvernement s’est distingué par le vol et la corruption. Il a fait le projet des 100 jours, 660 millions de dollars disparus. Avec son ami Vital Kamerhe, il a eu un projet de 57 millions de dollars de maisons préfabriquées, disparus. Non, monsieur Félix Tshisekedi a usurpé le pouvoir du peuple congolais en 2018 et, aujourd’hui, voilà l’état dans lequel il a mis le Congo. Le Congo s’est totalement affaibli et est devenu la risée du monde.Quel sera votre chantier prioritaire si vous êtes élu ?Mon chantier prioritaire, c’est d’abord les préalables, les fondations d’un édifice, c’est-à-dire l’intégrité territoriale et la pacification totale du pays. L’État de droit et la légitimité du pouvoir. Troisièmement, la cohésion nationale, c’est essentiel pour nous. Et quatrièmement, la gouvernance intègre, c’est-à-dire la tolérance zéro corruption. Monsieur, madame, vous volez, votre place est en prison. Pas simplement en prison, on fait une enquête sur vous, sur tout ce que vous avez et si vous n’arrivez pas à les justifier, on vous retire tout. Ça, ce sont les prérequis, les préalables pour avoir un pays normal.Concernant maintenant la situation dans l’est de la République démocratique du Congo, comment peut-on ramener la paix et la stabilité dans cette partie du pays ?Nous allons avoir une armée aguerrie, formée, entraînée, équipée. Nous allons construire des camps militaires, surtout dans les provinces de l’Est. Et puis le patriotisme… nous allons éduquer la population congolaise avec les cours d’alphabétisation, d’éducation civique pour dire que nous sommes un et indivisible, nous sommes un peuple uni avec nos diversités. Et nous allons dire à l’ONU, l’organisation des Nations unies, qu’elle doit extirper les éléments des FDLR [Forces démocratiques de libération du Rwanda] du Congo – ils sont 1 500 ou 2 000, je ne sais pas – et les amener loin du Congo. Nous allons demander aussi aux Nations unies d’éloigner de notre pays les ADF ougandais [Forces démocratiques alliées]. Et dire à monsieur Paul Kagame et à monsieur Yoweri Museveni que le Congo n’est pas un pays à prendre.Quel regard portez-vous sur la façon dont le scrutin du 20 décembre est organisé ?Chaotique. Le scrutin est organisé dans le sens de faire élire par la fraude monsieur Félix Tshisekedi. Il a mis en place une Cour constitutionnelle acquise totalement à sa cause. Il a mis en place une commission électorale à lui et il a fait adopter à l’Assemblée nationale une loi électorale favorable à lui. Mais nous sommes là, nous veillons. Nous sommes candidats à ces élections, pas pour accompagner monsieur Félix Tshisekedi ou monsieur Denis Kadima, les deux dans leurs forfaitures, mais c’est pour surveiller et donner aux Congolais la vérité des urnes. Et c’est cela que je dis à tous les Congolais que je vois : vous devez voter pour celui ou celle qui doit résoudre les problèmes du Congo. Ce n’est pas l’argent qui doit voter, ce n’est pas la tricherie qui doit voter, mais c’est la personne qui est capable d’articuler un programme, capable de défendre ce programme, capable de défendre les intérêts du Congo sous le ciel international, et non des marionnettes qui veulent le pouvoir pour le pouvoir.
12/11/20234 minutes, 30 seconds
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Festival Ciné droit libre au Burkina Faso: «Réfléchir sur les liens entre corruption et terrorisme»

Depuis le samedi 9 et jusqu’au 16 décembre se tient, à Ouagadougou, la 17ᵉ édition deCiné droit libre. C’est un festival qui est symbolique, au Burkina Faso et plus largement en Afrique de l'Ouest, de la volonté de défendre les droits humains et la liberté d'expression, à travers des projections de films sur ces thèmes, et qui sont généralement suivis de débats passionnés et passionnants. Le coordinateur et directeur de ce festival, Abdoulaye Diallo, est l’invité de RFI.  ► Le festival Ciné droit libre, jusqu'au 16 décembre 2023 à Ouagadougou, au Goethe Institut et au centre Jean-Paul-Zoungrana, pour regarder des films et débattre sur la liberté d'expression et les droits humains.
12/10/20234 minutes, 29 seconds
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Guinée-Bissau: «Il y a une tentative de coup d'État institutionnel envers l'Assemblée nationale»

En Guinée-Bissau, le bras de fer se poursuit entre le Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC) et le président Umaro Sissoco Embalo. Le chef de l'État accuse le chef du parlement, Domingos Simoes Pereira, d'être directement impliqué dans ce qu'il décrit comme une tentative de coup d'État. Réponse de l'intéressé ce vendredi sur RFI. Domingos Simoes Pereira accuse le président d'avoir cherché un prétexte pour dissoudre l'Assemblée et il rejette cette décision de dissolution.  RFI: Le président Umaro Sissoco Embalo affirme que vous êtes personnellement derrière ce qu’il a qualifié de « tentative de coup d’État ». Que lui répondez-vous ?Domingos Simoes Pereira : Personne ne croit à cela, d’abord parce que j’étais en réunion avec trois autres éléments à ma maison quand on a appris que les deux ministres sont arrêtés. Et j’ai continué en compagnie de ces éléments jusqu’au moment où l'information est arrivée, qu’il y a eu un coup de force pour les libérer. Mais ce qui est aussi étonnant : aller prendre deux éléments qui sont arrêtés pour les transférer à la garde nationale, comment cela peut représenter une tentative de coup d’État, comment ? Comme je l’ai dit depuis le début, monsieur Emballo avait besoin d’un cadre d’anormalité pour justifier sa dissolution de l’Assemblée.Pour vous, il n’y a pas eu de tentative de coup d’État à la fin de la semaine dernière ?Il n’y a pas eu de tentative de coup d’État. C’est maintenant qu’on a même une tentative de coup d’État institutionnel envers l’Assemblée nationale populaire. Quand vous regardez notre Constitution, il est clair que le président n’a pas la compétence de dissoudre l’Assemblée nationale populaire.Sur cette question, le président Umaro Sissoco Embalo affirme que dans un cas où l’implication de l’Assemblée est établie, il a le droit de prendre une telle mesure de dissolution du Parlement…D’abord, où cela est-il écrit ? À quelle disposition de la Constitution fait-il référence ? Tous les constitutionnalistes qui connaissent notre Constitution soit en Guinée-Bissau, soit au Portugal, soit au Cap-Vert, sont en train de répéter exactement la même chose : C’est une violation flagrante et qui ne correspond qu’à l’intérêt politique de monsieur Emballo de charger l’Assemblée nationale populaire parce que c’est Domingos [Simoes Pereira] le président de l’Assemblée, donc il faut de toute manière l’empêcher d’être candidat dans l’élection présidentielle qui doit se tenir l’année prochaine.Est-ce que vous entendez vous et le Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC) faire obstacle d’une manière ou d’une autre à la dissolution du Parlement ?Il n’y a pas de dissolution. Non, il a fait un arrêté dans lequel il propose de dissoudre le Parlement. Le Parlement est là. Ce n’est pas l’arrêté qui dissout le Parlement. Aujourd’hui, la garde prétorienne empêche les députés d’accéder à l’Assemblée. Donc, il faut trouver un autre moyen pour qu’on puisse continuer à travailler. Et on va le faire.Ce que vous dites, c’est que la décision du président de dissoudre le Parlement n’a pas de valeur juridique ?Oui, car elle n’est pas en accord avec la Constitution, article 8.Donc pour vous, cette dissolution est nulle et non avenue ?Cela n’existe même pas. Ce n’est pas une question de nullité. Elle n’existe pas.Est-ce que pour vous, on est potentiellement au début d’une nouvelle crise politique majeure en Guinée-Bissau ?S’il y a ce risque, c’est un risque qui a été provoqué. On a un président de la République qui est intéressé à ce qu’on soit encore une fois dans une situation de crise alors qu’on vivait un moment d’espoir. Les Bissau-Guinéens étaient convaincus que c’était la bonne fois... les choses marchaient bien... Donc, le président était le seul intéressé à créer ce cadre de déstabilisation, à se donner la compétence de dissoudre le Parlement. Heureusement, notre Constitution ne lui donne pas cette compétence.Comment peut-on sortir de cette crise, selon vous ?Il ne faut pas contraindre les institutions au silence. Laissons l’Assemblée nationale populaire travailler. Le président sait déjà qui est coupable, il a dissout le Parlement, il va former un gouvernement de son initiative. Ce n’est pas ça la définition de la démocratie.La communauté internationale reste pour l’instant très prudente sur la crise actuelle. Qu'attendez-vous d’elle aujourd’hui ?La communauté internationale a un devoir envers la Guinée-Bissau parce qu’elle accompagne la situation interne, elle sait que nos institutions restent faibles. Et le sommet des chefs d’État qui va se produire ce dimanche à Abuja sera une opportunité que les chefs d’État auront pour demander que les institutions soient rétablies, pour que la normalité institutionnelle puisse fonctionner. 
12/8/20234 minutes, 27 seconds
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Enrôlements forcés jugés illégaux au Burkina Faso: une «victoire morale pour la société civile»

Le tribunal administratif de Ouagadougou a rendu une décision importante ce 6 décembre au sujet des enrôlements forcés de figures de la société civile dans la lutte anti-jihadiste, que l'on appelle les « réquisitions ». Le tribunal a déclaré illégal l'ordre de réquisition des plaignants et a demandé à ce que son exécution soit suspendue. Quelle est la portée de cette décision ? Quels sont les points qui continuent à mobiliser les adversaires de ces réquisitions ? Entretien avec Ousmane Diallo, chercheur sur le Sahel à Amnesty international. RFI : Ousmane Diallo, à quel point la décision du tribunal administratif de Ouagadougou a-t-elle un caractère inédit ?Ousmane Diallo : Depuis le décret de mobilisation générale et de mise en garde, c’est la première fois qu’un tribunal donne raison aux acteurs de la société civile en disant que cet ordre de réquisition-là viole leur liberté. On a vu plusieurs acteurs de la société civile être réquisitionnés et envoyés au front. En septembre, c’était le cas du docteur Arouna Louré qui avait été réquisitionné pour un mois juste après sa critique de la réponse des autorités à l’attaque à Koumbri, dans le nord au Burkina. Au mois de mars, c’était Boukary Ouédraogo, de L’Appel de Kaya, un mouvement de la société civile, qui était aussi enrôlé de force comme VDP [volontaires pour la défense de la patrie, NDLR], et qui a été envoyé dans les centres d’entraînement. Et pour la liste qui a été annoncée le 4 novembre, donc qui concernait les 12 figures de la société civile, plusieurs de ces figures-là s’étaient cachées en attendant la décision de la justice burkinabè. Je pense que c’est une forte victoire morale pour tous les acteurs de la société civile et des syndicats qui étaient arbitrairement ciblés par ce décret de mobilisation et de mise en garde. Aujourd’hui, le jugement du tribunal leur donne raison sur le fond.Combien de personnes sont concernées par cette décision ? Est-ce que c’est l’ensemble des réquisitionnés qui vont bénéficier de cette décision ou seulement pour l’instant, un petit nombre de personnes ?En fait, cette décision portait sur trois personnes : Issaka Lingani [directeur du journal L’Opinion, NDLR], Bassirou Badjo et Rasmané Zinaba [tous deux membres du Balai Citoyen, NDLR]. Mais je pense qu’au-delà de ces trois personnes, d’autres recours vont avoir lieu pour contester cette tentative d’intimidation et de harcèlement des autorités burkinabè contre des acteurs de la société civile.Cela n’est donc pas la dernière bataille dans cette question des réquisitions. Quelles sont les autres batailles qui s’annoncent ?Il y a d’autres batailles qui s’annoncent sur la transparence de ces réquisitions. Les réquisitions qui sont contestées et qui sont connues sont celles qui ont été dénoncées publiquement par leurs sujets. Mais jusqu’ici, depuis le début de l’application de ce décret, on ne sait pas combien de personnes ont été réquisitionnées au Burkina Faso, on ne sait pas pour combien de temps, on ne sait pas sur quels critères se basent les demandes de réquisitions. Le décret de promulgation qui se base sur une loi de 1994 dit que les réquisitions sont pour fin de défense nationale et que sont réquisitionnables les personnes âgées de 18 ans et aptes au service militaire. Si c’est un décret qui s’applique à toute la population burkinabè, on peut se demander pourquoi cela cible quelques personnes spécifiques qui sont connues pour leur indépendance, pour leur liberté d’action et d’opinion, et pourquoi les autorités ne font pas ce qu’elles ont fait pour leur campagne de recrutement des volontaires pour réquisitionner les populations de manière générale et sélectionner ceux qui sont aptes au service militaire.Vous voulez dire que le caractère sélectif des réquisitions offre prise à une contestation juridique ?Oui, le caractère sélectif offre prise à une contestation juridique et c’est ce qui a déjà été enclenché par cette procédure et par ce jugement-là. Maintenant, il y a d’autres éléments, c’est-à-dire il faut qu’il y ait des données claires sur le processus qui amène à ces réquisitions, sur le nombre de personnes qui ont été réquisitionnées depuis la mise en application de ce décret de mobilisation générale et de mise en garde, mais aussi sur le fait que certaines des personnes qui étaient réquisitionnées initialement pour un mois ont fait trois mois. Et on ne sait toujours pas où elles se trouvent et dans quel état.Des photos de certaines personnes ayant été réquisitionnées ont été diffusées sur les réseaux sociaux. Est-ce que tout cela participe d’une stratégie réfléchie concernant ces activistes ?Oui. Clairement. Et je pense que c’est malheureusement l’un des souhaits des autorités. On peut le voir avec le cas du docteur Daouda Diallo [défenseur des droits de l'homme, NDLR], qui a été enlevé à Ouagadougou vendredi dernier [1er décembre, NDLR]. Et dès ce lundi, on pouvait voir par exemple des photos de lui en tenue militaire, débrayé, au fond d’un véhicule, manifestement sans son consentement. Donc, il y a vraiment une volonté de punir les voix indépendantes au Burkina Faso. Il y a un message qui dit : si vous êtes trop critiques de nos choix en termes de réponse à l’insécurité, vous n’avez qu’à aller au front, et on va voir si vous allez faire mieux.À lire aussiBurkina Faso: un tribunal juge illégales les réquisitions militaires de certaines personnalités
12/7/20234 minutes, 23 seconds
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Guinée-Bissau: «Ce qui s'est passé ne ressemble pas du tout à un coup d'État»

La Guinée-Bissau connait depuis la fin de la semaine dernière un nouvel épisode de crise. Des militaires sont allés chercher des ministres dans les locaux de la police... Le président Umaro Sissoco Embalo parle de « tentative de coup d'État » et a décidé de dissoudre l'Assemblée nationale... Mais que s'est-il réellement passé ces derniers jours à Bissau ? Le pouvoir a-t-il été menacé par des militaires ou le chef de l'État bissau-guinéen profite-t-il des derniers événements pour tenter de reprendre le dessus face à son opposition ? Décryptage avec notre invité, Vincent Foucher, chercheur au CNRS et spécialiste de la Guinée-Bissau. RFI : Le président bissau-guinéen affirme que les affrontements de jeudi dernier étaient une tentative de coup d’État de la garde nationale. Est-ce qu’on a des raisons de penser qu’il s’agissait effectivement de cela ?Vincent Foucher : Dans le contexte actuel en Afrique de l’Ouest, on a vite tendance à mettre l’étiquette « coup d’État » sur les adversaires ; ça permet de gagner de la légitimité, de simplifier et d’expliquer de manière percutante une situation, d’essayer d’attirer de la sympathie. En l'occurrence, ce qui s’est passé ne ressemble pas du tout à un coup d’État. C’est la garde nationale qui s’est rendue à la police judiciaire pour libérer deux membres du gouvernement sous investigation pour des allégations de détournement. Il n’y a pas vraiment eu plus que cela. Il n’y a pas eu de tentative par la garde nationale de prendre le pouvoir, de prendre le Palais, de prendre la radio, enfin tout ce qu’on attend dans des situations de coup d’État. Par ailleurs, la garde nationale n’est pas vraiment en position de lutter contre l’armée qui est beaucoup plus puissante.Est-ce que du coup, Vincent Foucher, ce qui se joue actuellement, ça n’est pas plutôt un nouvel épisode du long bras de fer engagé par le président Embalo avec le parti PAIGC, un bras de fer qui le contraint à l’heure actuelle à une cohabitation avec le Premier ministre, Geraldo Martins ?Oui, absolument, c’est essentiellement de ça dont il s’agit. L’arrestation des ministres qui avait été ordonnée par le procureur de la République, lui-même nommé par le président, ressemble à un coup dans la longue partie d’échec jouée entre le PAIGC, qui contrôle le gouvernement et l’Assemblée nationale, et le président de la République, qui est issu d’un autre parti. Dans une constitution comme la constitution bissau-guinéenne où on est dans un régime mixte, ni présidentialiste ni parlementaire, structurellement, on a cette tension entre le président et le Premier ministre. C’est quelque chose d’ailleurs qui existait avant la prise de fonction de Embalo en 2019.Umaro Sissoco Embalo a décidé de dissoudre le Parlement, ce que le président de ce Parlement, Domingos Simoes Pereira, adversaire de longue date du président Embalo, qualifie de coup d’État constitutionnel. Est-ce que les textes donnent raison à l’un ou à l’autre ?La Constitution est très claire dans son article 94 : l’Assemblée nationale ne peut pas être dissoute durant les douze premiers mois suivant son élection, et là on en est à huit mois. Donc voilà, le texte constitutionnel est clair. Maintenant, la justice constitutionnelle elle-même est très politique en Guinée-Bissau, elle peut être soumise à des pressions, donc le jeu est sans doute ouvert.Est-ce que le risque, Vincent Foucher, ça n’est pas qu’une nouvelle fois, l’armée fasse intrusion dans le jeu politique bissau-guinéen pour arbitrer le conflit en cours ?C’est exactement cela qu’il se passe. En Guinée-Bissau, depuis le coup d’État de 2012, l’armée a compris qu’assumer directement le pouvoir c’était très compliqué pour elle, et au fond, elle exerce une influence, en mettant son poids derrière tel ou tel acteur politique et en se ménageant comme cela des marges de manœuvre. On a vu l’armée intervenir régulièrement en faveur d'Embalo à des moments clé - en 2019, au moment où son élection était très contestée. Et puis, cette fois-ci encore, elle est intervenue contre la garde nationale pour reprendre les deux membres du gouvernement et les remettre en détention. Tout est là, c’est-à-dire qu’on a une armée qui exerce une influence indirecte très importante. Les tentatives de réformes de l’armée bissau-guinéenne, qui est une armée qui, pour des tas de raisons, est compliquée - c’est une armée très âgée, avec une structure déséquilibrée, avec beaucoup de gens en haut et peu de gens en bas dans les rangs, des problèmes de formation, des problèmes de représentativité… toutes les tentatives pour réformer l’armée jusqu’à présent ont échoué. L’armée fait en sorte que le pouvoir en place ne touche pas à ses intérêts, à ses structures.Est-ce qu’une incursion violente de l’armée dans ce qui est en train de se passer est une hypothèse envisageable ?Il me semble que ce n’est pas la trajectoire de l’armée bissau-guinéenne de ces dernières années. Encore une fois, le coup d’État de 2012 a été un moment d’apprentissage et l’armée a compris qu’elle avait plus à gagner à défendre ses intérêts de loin, ne pas assumer directement le pouvoir. Maintenant, on peut imaginer des choses. L’armée elle-même d’ailleurs est traversée par des luttes factionnelles, elle n’est pas du tout un acteur totalement unifié. On peut aussi imaginer des jeux de ce point de vue-là.Que sait-on des affinités politiques de cette armée ? Est-ce qu’elles sont plutôt au PAIGC et au gouvernement d’un côté, ou à la présidence de l’autre ? Ou est-ce que cette armée est divisée ?Parmi les pouvoirs dont le président bénéficie et qui lui donnent un levier particulier, il a un rôle particulier dans la désignation des chefs militaires et donc, évidemment, ça lui donne une influence sur l’armée. Et puis, au-delà de ça, il y a une forme d’alliance un peu structurelle entre l’armée et Embalo qui n’est pas nouvelle. On a vu d’ailleurs Embalo prendre la parole ces derniers jours portant la tenue militaire - lui-même a eu un petit parcours dans l’armée, il en est sorti général, tout de même - on a donc une vieille association.
12/6/20234 minutes, 41 seconds
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Niger: «Je pense que les gens demandent trop de choses contradictoires à Mahamadou Issoufou»

Au Niger, depuis le 26 juillet dernier, certains acteurs suspectent l’ancien président Mahamadou Issoufou d’avoir joué un rôle trouble dans le coup d’État qui a renversé le président Mohamed Bazoum. La semaine dernière sur nos antennes, Moussa Tchangari, le secrétaire général de l'association Alternative Espaces Citoyens, l’accusait même d’être « très lié » à ce putsch. Des accusations que rejette son entourage. Pourquoi Mahamadou Issoufou n’a-t-il pas condamné fermement la prise de pouvoir du général Tiani ? Pour quelle raison est-il aussi discret depuis le coup d’État ? L’ancien député du PNDS Ghousmane Abdoulmoumoune, proche de Mahamadou Issoufou, répond aux questions de RFI.  RFI : Que répondez-vous à ceux qui accusent Mahamadou Issoufou d’être lié au coup d’État du 26 juillet ? Ghousmane Abdoulmoumoune : Je pense que c’est certainement des personnes qui ignorent totalement qui est Mahamadou Issoufou et quels sont les rapports que Mahamadou Issoufou avait avec le pouvoir de l’ancien président Mohamed Bazoum. Nous, nous savons très bien quels rapports le président Issoufou avait avec le gouvernement de Bazoum. Nous savons très bien que le président Issoufou, à partir de la date où Bazoum a été investi, s’est totalement retiré de la gestion de la chose publique. Issoufou n’a jamais rien demandé au président Mohamed Bazoum. Tout ce qu’il a fait, il l’a fait parce qu’il jugeait que c’était bon pour lui.Ce qui a semé le trouble, c’est le silence de Mahamadou Issoufou juste après le coup d’État. Il s’exprime une première fois sur les réseaux sociaux quatre jours après le putsch, puis trois semaines après, dans la presse. Mais, sans jamais condamner la prise de pouvoir du général Tiani.Quand il a parlé, il l’a fait dans des termes qu’il a jugé appropriés.Mais il ne condamne pas ouvertement la prise de pouvoir du général Tiani ?Oui, je dis qu’il l’a fait dans des termes appropriés parce qu’il s’était engagé dans une action de négociations. Il ne pouvait pas être juge et partie. En condamnant automatiquement les militaires, il se met en posture de belligérance et donc, ça a une explication. Ce qu’il s’est passé, c’est que juste après le coup d’État, le cabinet - ou l’entourage de Bazoum - est entré dans une communication hostile contre le président Issoufou pour ses relations, pour ses liens qui ne sont pas du tout avérés, de toute façon, avec le général Tiani.On rappelle qu’il a longtemps été proche, et qu’il l’est peut-être encore, du général Tiani. C’est lui qui l’a nommé à la tête de sa garde présidentielle en 2011.Ils n’avaient que des rapports professionnels. De toute façon, c’est un militaire. S’il l’a nommé, c’est vrai, c’est qu’il avait confiance en lui. Mais après qu’il est parti de la présidence, c’était fini, il n’y avait plus aucun rapport entre eux. Donc je pense que les gens demandent trop à Issoufou, en même temps des choses contradictoires. On demandait à Issoufou de se retirer, de ne plus s’intéresser à la gestion de l’État, et en même temps, on lui demande de jouer le premier rôle pour jouer le pompier, mais ce n’est pas juste.Mais Ghousmane Abdoulmoumoune, pourquoi la parole de Mahamadou Issoufou est-elle toujours aussi rare aujourd’hui ? Je précise que nous lui avons proposé de s’exprimer sur nos antennes mais qu’il n’a pas souhaité répondre à nos questions.Je n’ai pas d’explications à cela. Mais je comprends que le président de la République, depuis que ces événements sont advenus, communique très peu, et je pense qu’il a de bonnes raisons de le faire. Les termes que les gens voudront qu’il utilise, il ne peut pas les utiliser parce qu’il se mettra dans une posture où il ne peut pas être utile à la résolution de la situation. Je vous le répète, c’est une méthode de travail qu’il a adoptée et nous avons confiance que ça va porter ses fruits.Quel rapport entretient-il aujourd’hui avec le général Tiani ?Je pense que le chef de l’État actuel, le général Tiani, le respecte et l’écoute bien. Mais il y a certaines choses, certainement, qui sont en train d’être faites pour lever toutes les inquiétudes et vraiment passer un accord qui permettra de libérer ou de mettre le président Bazoum dans une situation plus confortable.Quels pourraient être les termes de cette sortie de crise que vous évoquez ?Je pense que nous avons une amorce de solution de la Cédéao, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest. Nous avons entendu cette semaine une évolution de leur situation, qu’ils ne cherchent plus à restaurer le président Bazoum dans ses fonctions, et qu’on peut tourner la page et avancer dans la transition. Je pense que c’est une solution, ou plutôt un début de solution, si on ne demande plus à ce que l’ancien président Bazoum soit rétabli dans ses fonctions de président. Je pense qu’on peut trouver une solution, puisque de toute façon, tout le monde sait que ce n’est pas quelque chose qui est envisageable.Donc ça voudrait dire, si on vous entend bien, qu’on pourrait arriver dans les prochains jours, les prochaines semaines, à une sortie de crise entre la Cédéao et les autorités nigériennes ?Nous sommes sûrs qu’il y aura une solution entre eux puisque la Cédéao se réunira dans une poignée de jours. Certainement à l’issue de ce sommet, une solution à la crise va sortir. Le président Issoufou y travaille. Je pense que le tout va aboutir à un accord vraiment incessamment.
12/5/20234 minutes, 13 seconds
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Première greffe de rein au Sénégal: «Nous n'avons fait que combler un retard», estime le professeur Babacar Diao

C’était une grande première au Sénégal. Il y a une semaine (les 26 et 27 novembre dernier) le corps médical sénégalais, appuyé par des spécialistes turcs, a réalisé avec succès les trois premières transplantations rénales du pays. Réalisées grâce à la collaboration du CHU Le Dantec de Dakar et de l’hôpital militaire de Ouakam, ces opérations suscitent l’espoir chez les personnes atteintes d’insuffisance rénale, environ 5 % de la population et pour qui, la maladie est un fardeau physique autant que financier. Le professeur Babacar Diao, chirurgien urologue à l’hôpital militaire de Ouakam a coordonné ce travail d’équipe, est notre invité. RFI : D’un point de vue médical, c’est une opération compliquée à faire une greffe de rein ?Babacar Diao : La greffe de rein, sur le plan technique, n’est pas compliquée, mais c’est l’organisation qui est derrière la greffe de rein, la rigueur qu’il faut mettre dans cette organisation, le fait de pouvoir travailler en équipe. Plusieurs personnes vont intervenir et il ne doit pas y avoir de maillons faibles dans cette chaine. Ce qui rend la greffe difficile en Afrique, c’est que nous, Africains, n’avions pas la culture d’avoir certaines organisations en milieu hospitalier. Il faut éviter les va-et-vient. Ici, la culture africaine, c’est que si vous avez un malade quelque part, toute la famille peut venir dire "Bonjour". Ici, ce n’est pas possible, donc c’est cette organisation-là qu’il fallait mettre en place et qui n’est pas habituelle chez nous, c’est ça qui était difficile. Je pense que pour ces premières greffes, nos équipes ont vu comment on doit travailler dans le cadre de la greffe et je pense qu’ils l’ont compris. Mais sur le plan technique, nous faisions déjà des interventions beaucoup plus complexes pour les cancers du rein ou les reins détruits.C’est un acte médical qui est encore peu pratiqué sur le continent, les greffes, pourquoi ?En Afrique, pourquoi ce n’est pas encore pratiqué dans plusieurs pays de la sous-région ? C’est que pour aller vers la greffe rénale, il faut l’encadrer, il faut des textes pour éviter le trafic d’organes et ça, c’est très important. Je pense que le pari qu’on a gagné au Sénégal, c’est d’avoir mis en place des textes solides. Il y a une loi, il y a un décret d’application, il y a des arrêtés, il y a un organe central qu’on appelle le Conseil national du don et de la transplantation. Si un hôpital veut greffer, l’hôpital dépose sa candidature et on lui envoie des évaluateurs. C’est après évaluation de ses ressources humaines, de son infrastructure et de ses équipements que l’hôpital peut avoir l’agrément. C’est ce qui nous protège et cette loi au Sénégal n’autorise que le donneur vivant apparenté, c’est pour éviter aussi que le don de rein soit monnayé.Le fait que seules les transplantations soient possibles à partir de donneurs vivants apparentés, est-ce que ça ne limite pas beaucoup les possibilités de greffe ?C’est vrai que pour avoir plus de reins, il faut aller vers le donneur cadavérique, mais sur le plan éthique, si vous n’avez pas ce qu’il faut dans les service d’urgence ou de réanimations pour sauver le patient, pensez-vous que les parents vont accepter sur le plan éthique de le transférer vers une infrastructure hyper-équipée pour lui prendre ses organes ? Je pense que ce n’est pas éthique. Pour aller vers le don d’organes venant de cadavres, il faut d’abord mettre aux normes nos services de réanimation et d’urgence et prendre en charge financièrement les personnes qui arrivent aux urgences.Qu’est-ce que ça représente cette réussite médicale pour le Sénégal ?Je pense que c’est une bonne chose pour le Sénégal. Comme je l’ai dit à tous les membres de l’équipe quand je les ai félicités, nous n’avons pas fait quelque chose d’extraordinaire, non, mais nous avons fait quelque chose de bien pour nos populations. Nous avons essayé de combler un retard. En Europe, les gens transplantent depuis plus d’un siècle donc il nous faut rattraper ce retard-là. C’est tout ce que nous avons fait. Nous n’avons pas innové donc je trouve que c’est une excellente chose de pousser son État à aller vers ce que j’appelle la souveraineté sanitaire, c’est-à-dire prendre en charge tous ses patients au pays.Pour avoir un ordre d’idée, au Sénégal, il y a une problématique importante autour des maladies du rein ? Il y a beaucoup de patients ?Il y a des milliers de patients qui sont sur les listes d’attente pour entrer en dialyse. Pour vous donner une idée, il n’y a pas suffisamment de postes de dialyse pour tous les malades. Il y a des milliers de malades qui attendent pour entrer en dialyse, donc la transplantation, c’est une excellente chose, parce qu’un malade transplanté avant qu’il n’entre en dialyse, le greffon a une meilleure survie, il y a moins de complications dessus. Si nous parvenons à trouver une solution pour la subvention de la greffe de rein au Sénégal, cela règlera beaucoup de problèmes.Vous parlez de subvention de l’État, car la greffe coûte cher ?Oui c’est une intervention très onéreuse, les frais se situent autour de 13 millions de francs CFA par patients. Mais vous savez, au Sénégal, on a la chance de ne pas demander trop aux populations en termes de soin. Par exemple, avec le cancer de la prostate, pour le même résultat final au Sénégal vous payez 20 fois moins cher au Sénégal qu’en France ou aux États-Unis. Je pense que si on réfléchit bien, on pourra trouver une astuce avec les autorités pour pouvoir prendre en charge ces patients insuffisants rénaux chroniques pour la transplantation à des coûts acceptables, soit par l’État du Sénégal, soit par les assurances.Le fait que vous ayez réussi cette greffe au Sénégal, est-ce que ça aura une répercussion pour d’autres pays du continent, selon vous ?Oui, je pense qu’il y aura des répercussions en Afrique subsaharienne parce que nous avons des collègues de la sous-région du Burkina, de la Guinée, qui étaient en train de travailler sur des programmes de transplantation. Le fait que le Sénégal ait pu réaliser trois greffes pourra aider à aller plus vite parce que je pense que nous n’hésiterons pas à voyager, et à aller dans ces pays-là, voir où est-ce qu’ils en sont pour partager avec eux ce que nous avons mis en place, aussi bien dans le domaine des textes que dans le domaine de la mise en œuvre de nos programmes de transplantation.Est-ce que cela dit quelque chose que ça soit une équipe turque qui vous a accompagné dans cette première transplantation, plutôt qu’une équipe française ou américaine ?Vous savez, un scientifique, il travaille avec celui qui lui offre le plus de possibilités. J’ai été formé en France, et j’aurais aimé pouvoir emmener mes équipes se faire former en France comme moi, mais il est plus facile pour moi d’obtenir un visa turc que d’obtenir un visa français. Pour mes assistants, pour les envoyer en stage, il leur est plus facile d’obtenir un visa turc que d’obtenir un visa français. Vous voyez, ça crée des difficultés et on ne peut pas être là à attendre parce que la médecine est universelle. Maintenant, si l’accès devient difficile, on va vers le pays qui nous facilite le plus la chose.
12/4/20234 minutes, 29 seconds
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L’humoriste Edgar-Yves au Théâtre des Mathurins à Paris: « Avoir une parole libre ! »

Edgar-Yves est à l’affiche au Théâtre des Mathurins à Paris. L'humoriste est l’une des figures montantes du stand-up actuellement en France. Français et Béninois, Edgar-Yves est le fils d’un ex-ministre béninois. Un père qu’il n’épargne pas vraiment dans l’un de ses sketchs. D’ailleurs, son humour au vitriol et sa double nationalité lui permettent un discours redoutable à propos des travers des sociétés françaises et africaines. RFI : Votre papa a été ministre des Affaires étrangères en 1995, il a été ambassadeur ici en France et un peu partout en Europe au début des années 2000. À quel moment vous êtes-vous rendu compte qu’il faisait partie des maillons de la chaîne de la corruption et de la prévarication en Afrique ?Edgar-Yves : Moi, en fait, j’étais gamin, après j’ai grandi, je me suis mis à faire du stand-up, et puis un jour, on m’a dit : « Faites attention, quand on tape votre nom sur Google on tombe sur un mec qui est dans des affaires louches ». Je me suis dit : « Bon, il doit parler de mon père à tous les coups ! »  Et je vais sur Google et je tombe sur une histoire de corruption dans laquelle mon père aurait soi-disant trempé, et ça m’a inspiré pour mes sketchs, ni plus ni moins. Voilà, c’est ça l’histoire.Et comment on ose en faire un sketch quand on est le fils de son père et de dire que son père a trempé dans des affaires louches ?  Je suis né naturellement irrévérencieux et je pense que cette irrévérence ne fait que croître avec le temps. Moi, je ne me soucie pas vraiment de ce que les gens pensent. Quand je fais mon travail, je le fais et j’essaie de le faire le mieux possible, de divertir les gens en passant mon message. Après, comment les gens le reçoivent ? Ma famille y compris, c’est leur problème, pas le mien.En matière de corruption, il y a un sketch qui vous a rendu célèbre : vous parlez d’un certain homme d’affaires français qui a obtenu des contrats portuaires moyennant justement : corruption, on parle de Vincent Bolloré, on parle d’Alpha Condé en Guinée Conakry. Là aussi, à quel moment vous vous êtes dit : tiens, il faut que je parle de ça et que j’en parle de telle manière ?J’ai commencé par le sketch sur la corruption en mettant mon père en cause et après, j’ai voulu pousser le délire, je me suis dit : attends, allons au bout parce que là, je parle de moi, ça fait rire les gens, il y a une vraie situation avec la Françafrique qu’on pourrait évoquer durant les sketchs. Et si on peut rire en s’éduquant, si on peut rire en dénonçant, vas-y, on le fait. Moi, c’est ce qui m’a donné envie de faire de l’humour et je sais que quiconque embrasse la dimension socio-politique du métier d’humoriste a des chances de marquer son époque.Ce sketch, il a été censuré sur C8 et Comédie. Là aussi, ce sont des chaines qui appartiennent à Vincent Bolloré. Ça a ajouté à la notoriété de ce sketch et de vous-même, en tant que comique ?Oui, ça a ajouté à ma légende personnelle déjà, parce que moi, j’aime bien faire chier les gens et là, j’étais sûr que c’était fait au plus haut point possible, donc, j’étais plutôt content de moi, de pouvoir me regarder dans la glace le soir, de ne pas avoir honte de mon comportement, de ne pas me dire : putain, pourquoi t’as baissé la tête et courbé l’échine alors que là, tu n’aurais pas dû le faire ? Ça a fait un tollé parce que du coup, beaucoup de gens se sont emparés du sujet et ça m’a rendu plus visible, c’est sûr.Ça vous inspire quoi d’être censuré en 2023, ici, en France, pour un « simple sketch » ?Ça m’inspire qu’il faut arrêter de nous dire qu’en Afrique, on a du progrès à faire sur le plan du respect des libertés individuelles. A priori, on est tous le Congolais de quelqu’un, ici aussi. En France aussi, si tu vas dans une émission et que tu dis un truc qui n’est pas prévu, on te coupe. Ça marche aussi comme ça en France. Donc la conception de la liberté est à deux vitesses sans doute et assez relative, et on a envie de dire à l’Europe de balayer devant leur porte avant de faire le gendarme du monde ! Voilà ce que cela m’inspire.En même temps, là je m’adresse plutôt au comique béninois, vous feriez des sketchs, alors peut-être pas au Bénin, mais dans un pays africain, en vous en prenant à des hommes de pouvoir en Afrique, est-ce que vous auriez aussi cette même liberté de ton et la liberté de circuler ?La réponse est non. Mais nous, au moins, en Afrique, on a le mérite de ne pas se faire passer pour ce qu’on n’est pas !! (rires). Bah oui mon gars ! Nous on ne dit pas qu’on est des lumières tu vois ce que je veux dire ?!? Parce que quand tu dis que tu es propre, on a tendance à regarder à la loupe s’il n’y a pas une tache sur le jean. Bon ben, sur le jean européen, il y en a deux, trois, quatre des taches, je te le dis, donc il faut arrêter de se faire passer pour ce qu’on n’est pas, tout le monde doit faire de son mieux et essayer de progresser. Et a priori, l’Europe n’est pas le phare du monde.Vos sketchs, on les voit partout sur les réseaux sociaux donc on les voit aussi en Afrique, à Cotonou ou à Ouidah. C’est quoi les retours que vous avez ?Les gens sont contents de voir un gamin de chez eux dire ce que je dis. Ils m’encouragent, ils me soutiennent, ils me donnent beaucoup de force et pour moi, c’est un vrai carburant, parce que vu le discours que je tiens, je ne serai mis en avant ni par les instances politiques, ni par les médias, ni par les médias français. C’est compliqué un discours comme le mien à la télévision, et on le sait très très bien en fait, à part les hypocrites, les menteurs, les voleurs, les tricheurs. Sur quelle émission de TF1 ou de M6 je pourrais dire ce que je suis en train de te dire là ?Il n’y a pas que TF1 et M6 dans le paysage médiatique français…Non, c’est vrai ! Mais si tu prends les médias principaux, les mainstreams, sur lequel d’entre eux je pourrais dire ce que je dis là ?On choisit ses médias en fonction de ce qu’on a envie d’entendre…Exactement ! donc moi, je choisis les médias en fonction de ce que je peux dire et c’est ce que je suis en train de faire, voilà pourquoi je suis à RFI, pourquoi je passe sur Blast, sur plein de médias indépendants, c’est pour avoir une parole libre. Les gens sont contents que je dise ce que je dis, ils me donnent de la force et ça me suffit. Moi, je n’ai besoin que de moi et des gens, je n’ai besoin de la validation de personne d’autre.► L'humoriste Edgar-Yves est au théâtre des Mathurins à Paris jusqu’au 31 décembre 2023.
12/3/20234 minutes, 49 seconds
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Centrafrique: «Nous voulons être une troisième voix», dit l'ex-Premier ministre Henri-Marie Dondra

En Centrafrique, Henri-Marie Dondra a récemment effectué son retour sur le devant de la scène politique. Silencieux depuis de longs mois, l’ancien Premier ministre de Faustin-Archange Touadéra, qui fut également son ministre des Finances de 2016 à 2021, vient de lancer sa propre formation politique, Unir. A-t-il ainsi l’ambition de se présenter à la présidentielle de 2025 ? Son parti présentera-t-il des candidats aux élections locales de l’an prochain ? RFI : Henri-Marie Dondra, après 21 mois de silence, vous étés de retour dans le jeu politique avec ce parti que vous venez de lancer, Unir (Unité républicaine). Pourquoi revenir maintenant sur le devant de la scène ?Henri-Marie Dondra : Si vous regardez bien mon parcours, vous constaterez que j’ai toujours, depuis mon jeune âge, participer à l’animation de la vie publique de mon pays. Ne faisant plus partie de mon ancienne famille politique, j’ai voulu poursuivre mon engagement politique à travers cette nouvelle formation qui, à mon avis, cadre avec les idéaux que j’ai toujours défendus, notamment la promotion de la paix, la justice sociale, la démocratie, l’inclusion, et être aussi une force de proposition pour le pays.Mais pourquoi revenir maintenant ?J’ai dû prendre le temps. Après 6 ans passés auprès du président de la République qui m’a fait l’honneur d‘ailleurs de me nommer ministre, puis Premier ministre, il fallait réfléchir. Et nous avons jugé que le temps était venu pour que je revienne sur la scène politique.Le parti Unir sera-t-il votre rampe de lancement pour l’élection présidentielle de 2025 ?(Rires) Non, non. Je ne pense pas. Pour l’instant, nous essayons d’implanter d’abord les organes de notre parti et notre première ambition n’est pas forcément d’être candidat aux élections présidentielles, parce que tout simplement, il y a beaucoup de priorités pour l’instant. En ce qui nous concerne, les questions de précarité, les questions de survie de nos compatriotes et nous devons déjà tout faire pour animer cette vie politique. Je pense que la question pour l’instant n’est pas d’actualité.La scène politique centrafricaine est très polarisée. Où vous situez-vous précisément aujourd’hui ?Nous, nous voulons être précisément au centre. Nous avons constaté que les deux extrémités ne se parlaient plus, et nous voulons être une troisième voie. Nous n’avons pas forcément vocation à faire de l’opposition systématique : accepter ce qui peut être acceptable venant du gouvernement, réfuter ce qui ne va pas. Notre culture, c’est déjà l’apaisement, la modération, c’est le rassemblement.Cela veut dire qu’aujourd’hui, vous parlez avec tout le monde à la fois avec le pouvoir et aussi avec l’opposition ?Oui, nous parlons avec l’opposition, nous parlons avec le pouvoir et nous voulons que cela soit ainsi. Je suis un homme assez tolérant. Et donc, j’estime pour ma part que pour construire un pays, on a besoin de tout le monde.Votre parti participera-t-il aux élections locales prévues l’an prochain ?C’est notre ambition. Je pense que la question sera débattue avec les membres du bureau politique. Mais je crois que c’est l’une des ambitions du parti et que nous allons tout faire pour justement participer, notamment à ces élections locales.Le président Faustin-Archange Touadéra s’est tourné vers de nouveaux partenaires comme la Russie et le Rwanda. Que pensez-vous de ces alliances ?Je crois qu’en tant que pays souverain, nous devrions en principe développer la coopération avec tous les pays du monde. Moi, je pense à la France, à la Fédération de Russie, la République populaire de Chine, les relations dans le cadre de la coopération Sud-Sud, les États-Unis... Donc, pour moi, qu’il s’agisse du Rwanda ou de la Russie, c’est davantage une ouverture dans le cadre de la coopération avec ces pays-là, puisque la République centrafricaine est un État souverain. Bien évidemment, ces rapports-là doivent être des rapports gagnant-gagnant, que ces rapports ne viennent pas permettre une forme de domination par rapport à notre nation et il faut assurer que la nation ne soit pas lésée dans le cadre de ces rapports-là.Vous estimez qu’aujourd’hui, la nation centrafricaine est lésée dans certains de ses rapports ?Je ne le dis pas puisque je ne suis pas aux commandes pour mieux apprécier. Mais j’estime pour ma part que nos dirigeants doivent veiller à ce que les rapports ne puissent pas léser nos populations.Les États-Unis font aujourd’hui pression pour que les autorités centrafricaines se détournent de Wagner. Craignez-vous une nouvelle déstabilisation du pays ?J’estime que les autorités ont suffisamment la maitrise de cette question pour pouvoir mieux discuter avec les États-Unis. Maintenant, je rappelle que la coopération avec la fédération de la Russie a permis quand même au président de la République de développer une autre forme de coopération qui vraiment a permis de stabiliser le pays pendant que le pays a connu quelques problèmes de sécurité.Donc, si demain, vous-même vous reveniez aux affaires, est-ce que vous reverriez ces accords de partenariat-là ou est-ce que vous vous étendriez à d’autres pays ?Je vous ai déjà dit que pour l’instant, cela n’est pas une priorité pour moi en ce qui concerne bien évidemment les questions liées à l’élection présidentielle à venir. Donc, si cela devait arriver, en son temps, ces discussions pourraient être soulevées.
12/1/20234 minutes, 39 seconds
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Gabon: «Brice Oligui Nguema est notre messie car il a changé de régime sans effusion de sang»

Au Gabon, voilà trois mois jour pour jour que le régime d'Ali Bongo est tombé et que le général Oligui Nguema conduit une transition en vue d'élections libres promises en août 2025. Jean-François Ndongou préside l'Assemblée nationale de transition, dont les 98 députés ont tous été nommés par le nouveau chef de l'État. Que pense-t-il des dispositions de la Charte qui interdisent à tous les acteurs de cette transition d'être candidats en 2025 ? Entretien. À écouter aussiGabon: «Beaucoup considèrent que le coup d’État du 30 août est un coup de liberté»
11/30/202310 minutes, 47 seconds
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Commission mixte sur la colonisation: «Il faut davantage de moyens» pour les historiens français et algériens

La commission d’historiens français et algériens s’est réunie la semaine dernière pour la première fois à Constantine en Algérie. Cette commission, créée en août 2022 par les présidents Tebboune et Macron, a pour but de faire la lumière sur le passé commun des deux pays, du début de la colonisation à la fin de la guerre d’indépendance. À l’occasion de cette réunion, les dix historiens ont notamment proposé la restitution à l’Algérie des biens de l’émir Abdelkader, héros de la résistance à la colonisation française. Entretien avec l’historien Benjamin Stora, co-président de cette commission. À lire aussiAlgérie: la commission mixte d'historiens sur la colonisation s'accorde sur plusieurs points
11/29/20234 minutes, 39 seconds
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Présidentielle à Madagascar: «Rajoelina débute un nouveau mandat sans qu'on lui demande de comptes»

À Madagascar, le président Andry Rajoelina a été officiellement réélu dès le premier tour, avec près de 59% des suffrages exprimés. Quel bilan tirer de ce scrutin du 16 novembre ? Quelques jours avant la présidentielle, avec son collègue Juvence Ramasy, l'économiste Olivier Vallée a publié dans la revue Le Grand Continent, une tribune où il s'est interrogé sur la possibilité d'un coup d'État institutionnel de la part du président sortant. En donnant la priorité aux attaques personnelles, il constate que l'opposition n'a peut-être pas choisi la bonne stratégie. À lire aussiVictoire annoncée d'Andry Rajoelina à Madagascar: la population dans l'attente, l'opposition réfléchit à la suite
11/28/20234 minutes, 34 seconds
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Niger: «Le président Bazoum n’a pas eu le soutien de son propre camp» affirme Moussa Tchangari

Au Niger, il y a quatre mois, le général Abdourahamane Tiani et les militaires se sont installés au pouvoir, renversant le président Mohamed Bazoum. Le 23 novembre, le chef de la junte a effectué sa première sortie à l’étranger, se rendant successivement à Bamako où il a rencontré le colonel Assimi Goïta et à Ouagadougou où il s’est entretenu avec le capitaine Ibrahim Traoré. Ces trois pays ont mis sur pied il y a deux mois l’Alliance des États du Sahel, qu’ils souhaitent désormais rendre opérationnelle. Quatre mois après le coup d’État, où en est le Niger qui vit toujours sous sanctions de la Cédéao ? Comment analyser aujourd’hui le coup d’État du 26 juillet dernier ? Qu’est-ce qui a provoqué la chute du président Bazoum ? Pour tenter de comprendre, RFI reçoit Moussa Tchangari, Secrétaire général de l'association Alternative Espaces Citoyens, un mouvement de la société civile nigérienne. RFI : Moussa Tchangari, quel regard portez-vous sur l’évolution de la situation au Niger depuis quatre mois ?Moussa Tchangari : Depuis les événements du 26 juillet, on peut dire que la situation est plutôt difficile dans le pays. Sur le plan social, économique, on peut dire qu’elle se dégrade, surtout sous l’effet des sanctions de la Cédéao et aussi des sanctions prises par d’autres organismes qui ont coupé leurs appuis, etc., au pays. Ça se ressent sérieusement dans le quotidien des Nigériens, donc la situation est difficile de ce point de vue, mais également sur le plan sécuritaire, la situation semble devenue encore plus compliquée qu’elle ne l’était avant les événements.Dans un texte que vous avez récemment publié, vous tentez d’analyser la prise de pouvoir par les militaires. D’abord, vous estimez que c’est le principe même de la démocratie qui est mis en cause par une partie de la population ?Absolument. Vous savez, beaucoup de gens sont déçus par notre processus de démocratisation qui, effectivement, n’a pas permis de faire de très grandes avancées, notamment sur le plan social, même sur le plan économique à certains égards, parce que des millions de gens sont parfois confrontés à des difficultés, même pour manger. Des secteurs sociaux, tels que l’éducation, la santé, etc., n’ont pas connu vraiment d’avancées significatives durant toutes ces années-là de la démocratisation. Et donc, beaucoup de gens jugeant le bilan des années de démocratisation plutôt mitigé, voire décevant, sur le plan social, pensent que c’est peut-être le moment de sortir de cela et d’entrer dans l’ère des régimes militaires, des régimes autoritaires.Sur le plan politique, vous estimez que le président Bazoum a tenté d’améliorer la gouvernance du pays et de privilégier le dialogue avec les acteurs politiques et sociaux, mais il s’est heurté, dites-vous, à de nombreuses résistances, à commencer par celles de son propre camp…Absolument. Tout le monde reconnait qu’il a essayé, quand même, de décrisper un peu le climat politique et social dans le pays. Il l’a fait de bonne foi, il l’a fait de façon assez volontariste. Mais il n’avait pas, naturellement, le soutien de son propre camp. Et du reste, c’est quand même son propre camp qui a orchestré le coup d’État qui l’a renversé, donc c’est la preuve que cette politique de décrispation n’était pas perçue comme nécessaire, comme la politique qu’il fallait mener par une partie de son propre camp.Quand vous parlez de son propre camp, vous pensez forcément à Mahamadou Issoufou avec qui vous êtes assez sévère dans ce texte…Oui, de notoriété publique, je pense que tout le monde a compris maintenant qu’il est certainement très lié à ce coup d’État-là - s’il n’en est pas l’instigateur. C’est ce que beaucoup de gens pensent. La position qu’il a adoptée, et qu’il continue d’adopter, montre quelque part qu’il est très lié à cela. C’est un secret de polichinelle son implication dans ce qui est en train de se passer.La junte militaire ne s’est pas clairement démarquée de Mahamadou Issoufou, est-ce que ce positionnement ne risque pas de la fragiliser à terme ?C’est évident que beaucoup de gens qui soutiennent la junte, c’est dans l’espoir de voir que le système incarné par Issoufou ne va pas perdurer. Mais bon, on voit bien que la junte n’a pas l’air de prendre ses distances véritablement par rapport à lui et donc ça va probablement lui coûter cher, parce que beaucoup de gens ne peuvent pas continuer à soutenir la junte s’ils sentent qu’elle a partie liée avec l’ancien président.Les Nigériens attendent beaucoup de la mise en exploitation de leurs ressources pétrolières. De ce point de vue, quel est le défi des nouvelles autorités, selon vous ?Ce n’est pas seulement des nouvelles autorités, c’est le défi de tout le pays. En fait, tout le monde espère que ces ressources seront exploitées de façon à améliorer la vie de tout le monde. On sait que ces revenus-là suscitent aussi des convoitises et selon certaines informations, c’est aussi la gestion future de ces revenus qui a été un élément de friction, semble-t-il, entre le président Bazoum et son prédécesseur, qui avait d’ailleurs placé son fils pour gérer ce secteur-là. Donc, le défi serait de tout faire pour que ces ressources-là profitent davantage aux populations qu’à une certaine élite.
11/27/20234 minutes, 29 seconds
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Dr Charles Shey Wiysonge (OMS): ces vaccinations sont «une étape historique» dans la lutte antipaludique en Afrique

Annoncées en octobre 2021 par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), les premières livraisons du vaccin antipaludique (RTS, S) ont démarré le 21 novembre. Plus de 330.000 doses du vaccin ont ainsi été livrées au Cameroun après une phase pilote au Ghana, au Kenya et au Malawi. Une étape clé qui prépare le terrain pour une vaccination à grande échelle sur le continent. Pour le docteur Charles Shey Wiysonge, chargé de l'immunisation au bureau régional de l'OMS, cette tournée de vaccinations marque « une étape historique » dans la lutte contre le paludisme. Il est l'invité de Christina Okello. RFI : Quelle est la spécificité du vaccin RTS,S ?Charles Shey Wiysonge : Il s’agit du premier vaccin antipaludique recommandé par l’OMS pour prévenir le paludisme chez les enfants. Le vaccin agit contre le Plasmodium falciparum qui est le parasite du paludisme le plus meurtrier dans le monde et celui qui est le plus présent en Afrique. Les recommandations de l’OMS concernant ce vaccin antipaludique reposent sur les résultats du programme pilote de mise en œuvre du vaccin qui a été conduit dans trois pays, au Ghana, Kenya et Malawi.Le Cameroun n'avait pas participé au programme pilote de vaccination, pourquoi a-t-il été choisi pour recevoir les premières doses ?Le Cameroun, et d’autres pays, vont recevoir la livraison dans les prochaines semaines, ce sont les premiers pays qui ont soumis une demande de soutien à Gavi, l’Alliance du vaccin. Puisque la forte demande a dépassé l’offre disponible, on a limité l’allocation de stocks parce qu’on a environ 18 millions de doses, donc avec 28 pays, c’était difficile. Donc il y en a un quart qui a été développé avant que les pays ne fassent la demande.Quelle est la situation du paludisme au Cameroun, et ailleurs ?Dans les pays comme le Cameroun, le Nigeria, c’est vraiment un grand problème de santé publique. Il y a au moins 10% de la population qui est atteinte du paludisme.Quelle est l'importance de ce vaccin pour la lutte contre le paludisme ? C’est une étape très importante parce que le vaccin est très efficace pour réduire le nombre de cas de paludisme causé par le Plasmodium falciparum chez les jeunes enfants et il réduit les formes graves. Après l’introduction du vaccin dans le programme pilote, on a constaté une baisse très remarquable du nombre d’enfants hospitalisés et une diminution du nombre de décès chez les enfants d’environ 13%. Donc c’est vraiment important.Quelle est l'efficacité du vaccin RTS,S compte tenu de la résistance du paludisme aux médicaments ?Il y a une résistance seulement quand quelqu’un a déjà le paludisme. On a vu qu’après trois doses de ce vaccin, il y a une diminution de 75% des cas de paludisme pendant la première année. C’est vrai que l’efficacité diminue, c’est pour cela qu’on recommande qu’un an après la troisième dose, il faut en donner une quatrième, et aussi un an après ça, il en faut une cinquième. Qui peut prendre le vaccin RTS,S ?On recommande quatre doses aux enfants à partir de l’âge de cinq mois. Par exemple, au Cameroun, le calendrier vaccinal prévoit qu’il y ait quatre doses, à six mois, à sept mois, à neuf mois et à vingt-quatre mois d’âge. C’est seulement pour les enfants.Le mois dernier, l'OMS a donné son feu vert à l'utilisation pour les enfants d'un deuxième vaccin antipaludique, le R21, quelle est la différence avec le vaccin RTS,S ?Il n’y a pas de différence, les deux vaccins agissent de la même manière. Mais pour le premier vaccin, il y a seulement, environ, dix-huit millions de doses qui seront disponibles d’ici 2025. Ce n’est pas suffisant. Au moins vingt-huit pays d’Afrique envisagent d’introduire ces vaccins contre le paludisme dans leur programme de vaccination d’enfants. Mais ce qui est aussi important, c’est que l’autre vaccin, le fabriquant a dit qu’ils vont produire beaucoup plus de doses que dix-huit millions, donc d’ici la fin de l’année prochaine, on n’aura pas de problèmes de stocks limités.Après le Cameroun, quels sont les prochains pays destinataires du vaccin?Après le Cameroun, il y aura le Burkina Faso, le Liberia, il y aura le Niger et la Sierra Leone. D’après les nouvelles qu’on a, le gouvernement du Cameroun prévoit de commencer la campagne de vaccination le 12 décembre. Quand va démarrer la vaccination à grande échelle sur le continent ?Chaque pays a son calendrier. Par exemple, le Cameroun va commencer en décembre. Il y a d’autres pays, comme le Burkina Faso, il y a le Burundi, il y a la RDC, on prévoit qu’il y aura cinq pays entre janvier et juin, parce qu’on pense que l’autre vaccin R21 sera disponible à partir de juin. Donc on pense qu’il y aura un peu plus de pays après juin.Et que signifie pour l'Afrique cette vaccination à grande échelle ?Chaque année, il y a autour de 500 000 enfants qui meurent dans le monde et la plupart, 95%, sont en Afrique. Si on a un vaccin, il va diminuer ce taux de mortalité. On a vu la réduction du taux de mortalité au Ghana, au Kenya, au Malawi, autour de 13%. Vous imaginez, un taux de réduction de 13% de la mortalité ? Et il y a une diminution des cas de paludisme de 75%. Donc c’est un grand atout pour la lutte contre le paludisme, je pense que c’est un moment historique pour l’Afrique et pour la vaccination en général.
11/26/20234 minutes, 50 seconds
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Bergès Mietté: au Togo, «Il est peu probable que les élections se tiennent selon le calendrier constitutionnel»

Au Togo, le mandat des députés expire le 31 décembre, mais pour l'instant aucune date n'est fixée pour les prochaines législatives. Va-t-on vers un report des élections ? Si oui, pourquoi ? L’analyse de Bergès Mietté, chercheur associé au laboratoire pluridisciplinaire « Les Afriques dans le monde », à Sciences Po Bordeaux, dans le sud-ouest de la France.
11/24/20236 minutes, 28 seconds
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Liberia: «Le président Weah n'a pas pu produire les résultats, il a déçu», estime Mathias Hounkpè

Le Liberia s’apprête à tourner une page : celle des années George Weah. L’ancien footballeur, largement élu président en 2017, a été battu d’un cheveu la semaine dernière, lors du second tour de la présidentielle, par un vieux routier de la politique libérienne : Joseph Boakai, 78 ans, qui a été durant douze ans le vice-président d’Ellen Johnson Sirleaf. Vaincu en 2017 par George Weah, Joseph Boakai a donc pris sa revanche. Comment analyser ce résultat ? George Weah a-t-il fait les frais d’un bilan jugé par certains très décevant ? Et quel avenir désormais pour le pays ? Mathias Hounkpè, directeur pays de la Fondation internationale pour les systèmes électoraux (IFES) au Mali, est notre invité.  RFI : Joseph Boakai a été déclaré lundi vainqueur de l’élection présidentielle avec 50,64% des voix, une victoire à l’arraché. Mais dès vendredi, avant même la proclamation des résultats, George Weah avait reconnu sa défaite. C’est là un geste très rare ?Mathias Hounkpè : Disons que c’est un geste assez rare lorsque vous êtes en Afrique subsaharienne et en Afrique de l’Ouest, et donc je pense qu’il faut saluer le président sortant George Weah pour avoir posé cet acte qui a réduit de façon considérable les risques de protestation ou les tensions dans le pays, surtout lorsqu’on sait que les résultats de la présidentielle étaient très serrés.Les soutiens les plus radicaux de George Weah appelaient l’ex-chef de l’État à contester les résultats du scrutin. Lundi, à Monrovia, une voiture a foncé sur une foule de partisans du vainqueur, faisant plusieurs morts. Avec ce résultat très serré, un peu plus de 20 000 voix d’écart, doit-on craindre une montée en tension dans le pays, selon vous ?Je pense que ça dépendra en partie de la manière dont le nouveau président, donc le président Boakai, va gérer le pays. Parce que lorsqu’on hérite d’un pays aussi divisé, il faut d’abord attendre et voir les résultats des élections au niveau du Sénat et de l’équivalent de l’Assemblée nationale, la première chambre, pour voir si à ce niveau également les chambres ne seront pas pratiquement divisées en deux parce que ça, ça peut rendre la gouvernance politique même difficile. Et ensuite, le nouveau président, comme je le disais, aura la responsabilité de réunir le pays. Et lorsque vous écoutez le discours de Weah où il a concédé la victoire au nouveau président, l’un des défis sur lequel il a attiré son attention, c’est justement la nécessité d’unir le pays. Joseph Boakai a donc pris sa revanche sur George Weah, après son revers de 2017. George Weah a-t-il fait les frais de son bilan, jugé décevant par certains, voire même très décevant ?Oui, à mon avis, la raison fondamentale, c’est vraiment que George Weah n’a pas eu de résultats, et ceci pour diverses sortes de raisons. En-dehors de quelques secteurs, par exemple les infrastructures, un peu quand même dans le domaine de l’emploi, je crois que le président Weah n’a pas pu vraiment produire des résultats, a déçu et aussi a adopté des comportements qui donnaient le sentiment que s’occuper des préoccupations des citoyens n’était pas vraiment sa première préoccupation. Par exemple, lorsqu’on l’a vu passer une dizaine de jours pendant la Coupe du monde [de football au Qatar en 2022] pour aller regarder les matchs, on a vu que dans le pays, il était devenu comme un prêtre qui animait des messes, il a construit une maison de composition en musique, etc. Donc je pense que les citoyens ont eu le sentiment à un moment donné que le président Weah n’avait pas vraiment à cœur leurs préoccupations.Vous diriez que ce sont ses résultats en matière de lutte contre la pauvreté et contre la corruption qui lui ont coûté l’élection ?Oui, surtout la lutte contre la corruption. Je pense que Weah n’a pu rien faire contre ça. Vous vous rappelez que dans ce pays, il y a deux ou trois juges de l’équivalent de la Cour des comptes qui ont été tués, simplement parce que l’équivalent de la Cour des comptes était sur un dossier qui était très sensible. Donc je pense que non seulement il n’a pas réussi mais il n’a même pas laissé la marge aux institutions mises en place pour aider la lutte contre la corruption. De mon point de vue, c’est l’un des grands défis auxquels le nouveau président aura à se confronter.Pour gagner, Joseph Boakai a bénéficié du soutien du très influent Prince Johnson. Or, ce sénateur est un ancien chef de guerre accusé de nombreux meurtres pendant la guerre civile. Est-ce à dire que le Liberia ne va jamais juger ses bourreaux des années 90 ?Je pense que ça va être très difficile pour lui et pour le Liberia, parce que j’ai le sentiment, en ce qui me concerne, que l’un des prix pour obtenir la stabilité dans le pays c’est aussi de savoir gérer cet aspect de leur histoire et essayer d’éviter de rechercher nécessairement à sanctionner, à punir, etc. Ce n’est pas surprenant que Prince Johnson continue d’être dans l’espace politique, comme Charles Taylor à travers son parti politique. Donc, je pense qu’ils ont peut-être décidé de s’accommoder de ça, afin de garantir la stabilité et éviter encore des facteurs qui pourraient contribuer à raviver les plaies qui peut-être avec le temps sont en train de se cicatriser.
11/23/20234 minutes, 35 seconds
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Laurence Ndong, ministre gabonaise: «Il y a mieux à faire que de supputer sur la candidature du général Nguema»

Au Gabon, les autorités militaires, qui ont pris le pouvoir le 30 août, ont annoncé la semaine dernière que la prochaine présidentielle pourrait se tenir en août 2025. Mais ce calendrier est-il ferme et définitif ? Et le chef de la transition, le général Oligui Nguema, a t il l'intention de se présenter à cette future élection ? Du temps du régime d'Ali Bongo, Laurence Ndong était une figure de l'opposition au sein de la diaspora gabonaise en France. Aujourd'hui, elle est ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement gabonais. De passage à Paris, elle répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
11/22/202313 minutes, 17 seconds
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Algérie: «Nadir Larbaoui va devoir restaurer la confiance des citoyens sur le pouvoir d'achat»

En Algérie, Abdelmadjid Tebboune a changé de Premier ministre le 11 novembre. Nadir Larbaoui a remplacé à Aymen Benabderrahmane qui était en poste depuis juin 2021. Discret, ce dernier était la cible de critiques à peine voilées de la part du chef de l’État. Son successeur est un ancien diplomate, âgé de 74 ans, proche d’Abdelmadjid Tebboune. Il était jusque-là son directeur de cabinet au palais El-Mouradia. Ce revirement ministériel intervient à treize mois de l’élection présidentielle. Comment analyser ce changement ? Entretien avec Dalia Ghanem, analyste à l'European Union Institute for Security Studies (EUISS).
11/21/20234 minutes, 10 seconds
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Vagondo Diomandé, ministre ivoirien: «Guillaume Soro peut rentrer en Côte d'Ivoire quand il veut»

À l'occasion de sa visite en France et notamment au salon Milipol, le ministre ivoirien de l'Intérieur et de la sécurité Vagondo Diomandé est l'invité de RFI. Il réagit à l'organisation de la CAN de football en Côte d'Ivoire qui doit débuter en janvier 2024, au voisinage parfois compliqué avec le Burkina Faso. Vagondo Diomandé évoque aussi le cas Guillaume Soro condamné par la justice ivoirienne, en exil mais qui fait part de son souhait de rentrer dans son pays. À lire aussiCôte d'Ivoire: l'ancien Premier ministre Guillaume Soro annonce mettre «fin» à son exil
11/20/20234 minutes, 28 seconds
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Burkina Faso: «La culture et le cinéma sont des armes de construction massives»

Ouagadougou est décidément la place forte du cinéma ouest-africain. On connaissait déjà le Fespaco qui se tient tous les deux ans dans la capitale burkinabè. Et depuis ce samedi 18 novembre, se tient la deuxième édition de Ouaga côté court, un festival de courts métrages internationaux qui attend tous les Ouagalais jusqu’au 25 novembre. Entretien avec l’actrice et réalisatrice Irène Tassembedo qui organise le festival. À lire aussiLe cinéma tunisien triomphe au Fespaco 2023
11/19/20236 minutes, 20 seconds
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RDC: «Je n’ai aucune leçon à recevoir de la part de [l'opposant] Moïse Katumbi», affirme le président-candidat Félix Tshisekedi

Le président-candidat en République démocratique du Congo Félix Tshisekedi accorde une interview exclusive à RFI et France 24. Il affirme que les financements pour la tenue de l’élection présidentielle du 20 décembre prochain seront assurés et que les délais seront respectés. Il se dit confiant, estimant que son bilan parle pour lui, et se refuse à commenter les discussions en cours au sein de l’opposition. Il commente l’arrestation du correspondant de Jeune Afrique, Stanis Bujakera. Pour la première fois, il admet que les tensions sécuritaires au Nord-Kivu empêcheront la tenue du scrutin dans le Rutshuru et le Masisi et accuse une nouvelle fois le président rwandais Paul Kagame d’être le véritable chef du M23. Félix Tshisekedi répond aux questions de Christophe Boisbouvier de RFI et de Marc Perelman de France 24.  France 24 : Monsieur le Président, les élections sont bientôt, elles sont prévues le 20 décembre. On a entendu beaucoup de rumeurs sur un possible glissement. Est-ce que ce scrutin se tiendra bien le 20 décembre en temps et en heure ? Et deuxièmement, est-ce que le financement est là ? On a entendu le président de la Commission électorale dire qu’il manquait 300 millions de dollars.  Félix Tshisekedi : Je crois que c’est plutôt à lui qu’il faut poser la question. Mais à ce stade, nous, le gouvernement, nous n’avons encore reçu aucune indication selon laquelle il n’y aurait pas d’élections. Tout porte à croire que ça va se passer le 20 [décembre], et j’en veux pour preuve encore sa dernière déclaration, lorsque tous les candidats ont répondu à l’invitation de la Céni pour signer le code de bonne conduite et faire les derniers réglages, on va dire. Pour ces élections, jusque-là, il n’y a pas de problèmes. Maintenant, ce qu’il reste à faire, évidemment les 300 millions il ne faut pas penser qu’ils viendront d’un coup, ce sera étalé jusqu’à la période électorale. Et en ce moment, ce que je sais, c’est que le gouvernement est attelé à des discussions avec la Céni pour trouver les voies et moyens d’y parvenir, mais il n’y a pas d’inquiétudes de ce côté-là, nous trouverons la solution.  RFI : La campagne pour ces élections présidentielle et législatives débute ce dimanche matin et on sait qu’il y a de nombreuses interrogations, Monsieur le Président, sur la fiabilité du fichier électoral. L’opposition dit qu’il pourrait y avoir plusieurs millions d’électeurs fictifs. Est-ce que le scrutin pourra se dérouler sereinement ? On sait notamment qu’il n’y a pas eu d’audit indépendant de ce fichier… Dans quel but inventerait-on des électeurs fictifs ? Dans quel but ? Je ne comprends pas très bien quelle est la revendication de l’opposition. Pour moi, c’est un débat d’opposants, de gens qui ne sont sûrement pas prêts à aller aux élections, parce qu’à plusieurs reprises, ils ont demandé le report de ces élections, ils ont demandé un dialogue, alors qu’il n’y a pas de crise politique, que je sache, dans le pays, et je ne comprends pas très bien quelle est la revendication dans ce sens de l’opposition. Et en plus, la Céni a fait, a organisé, un audit du fichier avec des personnalités venues de tous bords, des personnalités crédibles dont la réputation n’est pas à remettre en cause, la probité n’est pas à remettre en cause.  RFI : Il y a la question des électeurs de l’Est, et notamment du Nord-Kivu. Le 20 octobre, en conseil des ministres, vous avez appelé le gouvernement et la Céni à tout mettre en œuvre pour que tous les Congolais puissent voter, compte tenu de ce que vous avez appelé la « libération progressive des territoires de Masisi et du Rutshuru », au Nord-Kivu. Mais depuis, les rebelles du M23 ont repris du terrain. Est-ce que cela veut dire que le vote ne pourra pas se tenir dans ces deux territoires ?  Malheureusement. Malheureusement pour Rutshuru et pour Masisi, je ne crois pas que cela pourra se faire. Mais qu’à cela ne tienne, nous allons continuer nos efforts pour libérer ces localités, ramener nos compatriotes dans leurs localités d’origine et imposer cette paix. Mais en même temps, il y a le processus électoral qu’il faut continuer à mener à son terme.  France 24 : 26 candidats pour la présidentielle sur la ligne de départ – on verra combien seront à l’arrivée –, c’est une élection à un tour, est-ce que la dispersion des candidatures de l’opposition fait de vous le favori logique de ce scrutin ? Je reste serein, modeste. Ce qui se passe dans l’opposition, ce n’est pas mon problème. Nous vivons dans un pays où il y a une vitalité démocratique certaine et tant mieux, j’allais dire, pour la démocratie. Maintenant, si leur stratégie c’est de se mettre ensemble ou d’y aller dispersé, ce n’est pas mon problème, comme je le disais. Moi, je reste concentré sur ma tâche, sur ma mission que j’ai commencée il y a maintenant cinq ans et que je veux proposer à mes compatriotes pour à nouveau avoir leur confiance. Ce qu’ils font dans l’opposition, c’est leur problème, pas le mien.  France 24 : Mais vous vous sentez favori ? Bien sûr, sinon je n’aurais pas demandé à rempiler. Je crois que j’ai fait du bon travail. C’est vrai que beaucoup de choses restent encore à faire, mais le Congo revient de loin, ça il faut le reconnaître. Tous ceux qui viennent aujourd’hui après cinq ans de ma présidence – presque cinq ans – me le disent très clairement, les choses ont vraiment évolué dans le bon sens et même les paramètres à l’international le prouvent. Je fais ici allusion aux agences de notation, qui nous ont maintenant attribué la note de triple B, par exemple. Donc c’est pour vous dire que les choses évoluent dans le bon sens. Elles ne demandent qu’à être consolidées.  RFI : En 2018, vous n’êtes pas parvenu à faire une candidature commune de l’opposition et vous êtes bien placé pour le savoir. Cette année, pensez-vous que ce sera pareil et que chaque candidat de l’opposition aura un ego trop fort pour se désister en faveur de son voisin ?  Mais pourquoi voulez-vous que je vous dise absolument que j’ai peur d’une union de l’opposition ? Non. Ils peuvent amener les scenarii qu’ils veulent – unis, désunis –, ils ne m’inquiètent pas, ils ne me font pas peur. Je vous ai dit que j’ai confiance dans mon bilan, nous avons fait des choses. Je ne sais pas si vous étiez déjà à Kinshasa il y a deux jours quand j’ai fait mon discours sur l’état de la nation, donc vous avez dû suivre ce bilan et je crois quand même que vous avez pu comprendre qu’il y a eu beaucoup de choses de faites. Le Congo revient de loin, le Congo est sur une très bonne lancée et le peuple ne demande qu’à continuer sur cette lancée.  France 24 : Vous défendez votre bilan devant nous, vous l’avez fait devant le Parlement, certains de vos opposants, évidemment, ne sont pas d’accord. Moïse Katumbi… C’est le rôle de l’opposition. France 24 : Oui, mais peut-être que les critiques peuvent être fondées. Par exemple, Moïse Katumbi parle de coupures d’électricité incessantes. Martin Fayulu et Denis Mukwege dénoncent la corruption des élites du pays, est-ce que c’est de la pure opposition ou est-ce que, malgré tout, oui il y a des coupures d’électricité, oui il y a de la corruption ?  Les coupures d’électricité, ce n’est pas nouveau. Ce que nous, nous faisons, c’est d’essayer de juguler justement ces coupures intempestives et nous le faisons en renforçant les capacités des barrages d’Inga et de Zongo 2. Je viens d’ailleurs d’inaugurer une centrale électrique là, maintenant, qui va desservir une dizaine de communes dans Kinshasa et ça fait des millions de consommateurs, de clients, qui vont pouvoir maintenant être raccordés au réseau électrique. Donc nous essayons de juguler cela. Lorsque, moi, je suis arrivé à la tête de ce pays, il n’y avait que 9% de ménages dans la population qui avaient accès à l’électricité. Aujourd’hui, nous tournons autour de 20% et l’objectif, c’est d’aller encore beaucoup plus loin. Donc eux, ils peuvent parler, d’accord. Moïse Katumbi, il a été gouverneur de la province du Katanga, qui à l’époque n’était pas encore divisée en quatre morceaux, mais qu’est-ce qu’il en a fait ? Je parlais d’ailleurs récemment de l’aéroport international qui est en train d’être construit, qui est déjà d’ailleurs terminé, à Kolwezi. Il a été gouverneur pendant neuf ans, il n’a même pas pensé à construire un aéroport international dans la capitale mondiale du cobalt. Aujourd’hui, des gens, des investisseurs, pourront venir de partout, sans devoir passer par Lubumbashi et chercher des petits cercueils volants pour arriver à Kolwezi. Ils vont venir directement avec leur jet privé ou leur avion régulier sur Kolwezi. J’ai des tas d’exemples comme ça qui peuvent démontrer que je n’ai aucune leçon à recevoir de Moïse Katumbi.  France 24 : Il y a une affaire qui défraie la chronique, celle du correspondant de Jeune Afrique, Stanis Bujakera. Il est détenu depuis deux mois en prison. Il est accusé de diffusion de fausses informations et il risque dix ans de prison. Il est accusé d’être à l’origine d’un rapport interne de l’ANR, les services secrets, mettant en cause les renseignements militaires dans le meurtre, au mois de juillet, de Chérubin Okende, qui est un proche de Moïse Katumbi. Le journaliste et l’association Reporters sans frontières nient toute manipulation de cette nature. Monsieur le Président, pourquoi tant d’acharnement contre un simple journaliste ?  Je ne suis ni à l’origine de son arrestation, ni en train de tirer les ficelles pour qu’on enfonce Stanis Bujakera. Je ne peux pas intervenir. Je n’interviendrai que peut-être plus tard, s’il est condamné, ou quoi, pour une amnistie, une grâce, ou que sais-je. Si… Mais à ce stade, je n’ai rien à dire. Je suis le premier à être peiné par ce qu’il lui arrive. Mais j’ai aussi en même temps besoin de savoir ce qu’il s’est passé. Parce que je sais qu’en ce qui concerne le malheureux Chérubin Okende, ni mon régime, ni un de mes proches, qui qu’il soit, n’y est ni de près ni de loin lié. Je n’avais aucun intérêt à donner la mort à ce compatriote, parce que d’abord, remarquez, il était le porte-parole d’Ensemble [Ensemble pour la République, la coalition pro-Katumbi], il n’a jamais pris la parole, il ne gênait en rien le régime. Et quand bien même il y en a qui gênent, plus que ça, qui profèrent des injures, des menaces, qu’est-ce qu’il leur arrive ? Et pourquoi on s’en prendrait à Chérubin, le pauvre ? Pourquoi chercherais-je à lui ôter la vie ? Ça n’a pas de sens. Donc pour moi, c’était aussi une curiosité, je voulais savoir : mais qu’est-ce que c’est ? Pourquoi est-ce qu’on a voulu faussement attribuer aux services de renseignements la responsabilité de la mort de Chérubin ?  France 24 : Est-ce que ce journaliste est responsable de ça ?  Non, le journaliste, on peut l’avoir manipulé en lui faisant croire que c’était une information de première main, et ensuite, on désoriente les enquêteurs, c’était peut-être ça le but.  France 24 : Il y a un mois, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, et son envoyé spécial dans la région ont parlé devant le Conseil de sécurité des Nations unies et ils disent craindre une guerre directe entre le Rwanda et la RDC.  Oui, mais à cause de qui ?  France 24 : Je ne veux pas entrer dans la cause. Vous devez entrer dans la cause.  France 24 : On y viendra. Mais d’abord, est-ce que vous partagez cette crainte ?  Vous parlez de craintes, les craintes sont là, d’accord, mais à qui la faute ? Nous, nous sommes les victimes.  France 24 : Est-ce qu’on est au bord d’une guerre, Monsieur le Président ?  Moi, je n’exclus aucun scénario. Nous sommes les victimes. Je viens de vous parler de millions de gens qui, en ce moment, vivent dans des conditions infrahumaines. Qui ont été obligées, sinon elles allaient se faire massacrer, de quitter leurs localités pour venir vivre aux abords de Goma dans des conditions infrahumaines. Alors, quel est l’État qui peut accepter ce genre de choses ? On n’a pas à regarder dans notre direction, il faut regarder dans la direction de ceux qui sont coupables de cette agression, de cette situation. Et nous, nous disons, après avoir appelé plusieurs fois la communauté internationale à intervenir par des sanctions contre le Rwanda, si celles-là tardent à venir, nous allons nous protéger nous-mêmes, nous allons utiliser nos propres moyens pour nous défendre, défendre nos populations.  France 24 : Y compris par les armes ?  À votre avis, comment est-ce qu’on pourrait faire autrement que par les armes ? France 24 : Combien de soldats rwandais, d’après vos informations, sont sur le sol congolais ?  Des milliers.  France 24 : Des milliers ?  Oui, ils sont là par milliers.  France 24 : Est-ce que Paul Kagame, pour vous, est le véritable chef du M23 ?  Bien sûr. D’abord, le M23, c’est une coquille vide. Ce sont les RDF [Forces rwandaises de défense, NDLR] qui se battent et nous en avons les preuves. Parce qu’aujourd’hui, avec les armes que nous avons, la technologie que nous avons, nous les voyons, nous avons des images. Je ne parle pas en l’air. Je parle sur la base de faits avérés. Les images sont là, de leurs cadavres et même lorsqu’ils s’amoncellent pour porter leurs attaques. Nous avons tout et pas que nous, l’ONU, les Nations unies, ont aussi les mêmes images. N’oubliez pas que la mission de la Monusco est encore à l’est du pays, à Goma.  RFI : Début octobre, des milices patriotiques congolaises, les fameux Wazalendos, soutenus par votre armée, ont reconquis une partie du Masisi, notamment autour de Kitshanga. Mais depuis, le M23 a repris le terrain perdu, il menace à nouveau des localités, les villes de Sake et bien sûr de Goma, c’est donc un échec ?  Ils ne prendront pas Goma. Retenez-le, ils ne prendront pas Goma.   RFI : Pourquoi ? Parce qu’il y aura une réplique de notre part.  RFI : Mais là, quand même, il y a eu un échec non ?  Oui, mais des Wazalendos, c’est normal. Qui sont les Wazalendos ? Ce sont des patriotes, des civils au départ, des gens qui ont décidé de défendre corps et âme les intérêts de leur communauté, parce qu’en son temps, ils n’avaient pas confiance en l’armée, ils ne pensaient pas que l’armée était capable de les protéger, donc ils ont pris leur courage à deux mains et se sont engagés dans ce combat. C’est même héroïque. On l’a vu en Ukraine, des Ukrainiens qui étaient de la société civile ont juste évacué leur famille et ont décidé de prendre les armes, d’être formés. Pourquoi est-ce que c’est valable quand ça se passe en Ukraine et quand c’est au Congo, on qualifie les Wazalendos de forces négatives ? Ce sont des Congolais qui ont décidé de se battre contre l’agression dont ils sont victimes, d’une agression injuste et barbare.  RFI : Avec le soutien des FARDC, de votre armée ? Bien sûr. Là où les FARDC peuvent les soutenir, s’ils sont dans leur giron, l’ordre est donné pour que celles-ci les soutiennent. Je ne m’en cache pas, parce que ce n’est pas un crime qu’ils commettent. Ils défendent leur patrie, avec raison et courage. Ce sont des héros, pas des criminels comme le M23 et les RDF du Rwanda.  France 24 : Pour tenter de retourner la situation en votre faveur, vous avez aussi eu recours à des compagnies de sécurité occidentales, une française, Algemira, une roumaine, Congo protection.  Bien sûr. C’est pour renforcer les capacités. Ce sont des experts, attention, ce sont des experts, qui ont eux-mêmes eu des carrières de forces spéciales, de commandos, etc. Et dont la mission est de renforcer les capacités des Forces de défense en situation réelle, sur le terrain.  France 24 : En se battant ?  Bien sûr. Ils doivent être à nos côtés.  France 24 : Ils sont combien ? 900 ?  Par là. Un bon millier peut-être.  France 24 : Quand il y a des sociétés de sécurité étrangères, d’où que ce soit, qui viennent, qui se battent, qui sont nombreuses, on appelle ça des mercenaires.  Qu’est-ce que vous appelez se battre ? Parce que, quand je vous dis qu’ils sont en situation réelle, qu’ils sont sur le terrain, ils coachent. Est-ce qu’un coach de football joue avec son équipe ? Pourtant, il est sur le terrain, il voit ses joueurs jouer, il est là. Les joueurs sont là en train de jouer et lui, il coache. Ce sont des coachs, si vous voulez une image.  France 24 : Pas des mercenaires ?  Non, ce ne sont pas des mercenaires. Les mercenaires, ils n’ont pas de statut social. Vous avez parlé de la société Algemira, donc c’est une société, une personne morale reconnue, dont l’adresse est connue, dont les activités sont connues, alors pourquoi parler de mercenaires ? C’est une activité qui est connue et qui est légalement acceptée dans les pays où ces sociétés sont enregistrées, sinon il y aurait déjà eu des poursuites contre eux, non ? Vous n’êtes pas d’accord avec ça ? Ce ne sont pas des mercenaires.  RFI : Vous avez aussi remis en état de marche une flotte d’avions et d’hélicoptères – d’avions de chasse et d’hélicoptères armés, bien sûr –, vous attendez trois drones chinois, est-ce que vous comptez sur ces nouveaux moyens, ces renforts…  Vous êtes bien renseigné, vous.  RFI : … pour peut-être obtenir une victoire de prestige avant le 20 décembre ? D’abord, nous ne les attendons pas, ils sont déjà là, les drones. Ils sont là depuis quelque temps.  RFI : Des drones d’attaque ? Bien sûr. Qu’est-ce qu’il y a de mal ?  RFI : Est-ce que vous comptez sur ces nouveaux moyens pour avoir une victoire militaire de prestige avant le 20 décembre ?  Non, je ne joue pas avec ça. Moi, je ne fais pas de politique politicienne. Pas du tout. Moi, je défends les intérêts de mon pays et de mon peuple et je les défends avant, pendant, ou après les élections. Je vous ai dit que pour Rutshuru, pour le Masisi, c’était mort pour les élections en ce moment. Je l’avale avec difficulté, mais je l’avale. Mais cela ne va pas nous pousser à baisser les bras. Donc l’urgence s’impose. Nos populations sont dans des conditions inacceptables. Il faut les ramener chez elles. Et donc, même pendant le processus électoral, des efforts pour les ramener vont continuer. Donc vous voyez que ce n’est pas lié du tout à un résultat quelconque qu’il faudrait avoir avant le 20 décembre. 
11/16/202330 minutes, 7 seconds
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Didier Alexandre Amani (Tournons la page): «Il faut veiller au retour à l’ordre constitutionnel au Mali, Niger, Burkina et Gabon»

La coalition internationale d'ONG Tournons La Page a un nouveau président : le militant ivoirien Didier Alexandre Amani. Tournons La Page réunit plus de 250 associations d'Afrique et d'Europe. La coalition cherche à promouvoir la démocratie et l'alternance en Afrique. Quelles seront les priorités du nouveau président, quels sont ses principaux sujets de préoccupation ? Didier Alexandre Amani est notre grand invité Afrique du jour,  au micro de Laurent Correau. RFI : Didier Alexandre Amani, quel est le dossier qui vous préoccupe le plus, en ce début de mandat ? Didier Alexandre Amani : Moi, mon mandat, je le commence en tournant le regard vers les États qui ont connu des changements d’ordre non-constitutionnel, notamment le Niger, la Guinée, le Mali, le Gabon, mais aussi le Burkina Faso. Il faut veiller à ce que l’ordre constitutionnel soit rétabli à travers des élections justes, transparentes et inclusives.La priorité des priorités sera pour nous le Niger. Tournons La Page a condamné tous les coups d’État dans tous les États. Dans le même temps, nous allons travailler à la levée des sanctions parce que les victimes sont les populations qui déjà subissent les effets du coup d’État et subissent encore les sanctions. Donc, avec d’autres mouvements, nous comptons lancer une campagne de plaidoyer pour la levée des sanctions au Niger.Il y a les élections à venir en RDC, mais surtout au Sénégal où, de plus en plus, l’espace civique est fermé, avec l’arrestation d’élus d’opinion, d’opposition, l’arrestation de journalistes, mais surtout l’arrestation de militants. Notamment l’arrestation d’Aliou Sané, coordinateur du mouvement Y’en a marre, qui est aujourd’hui en prison pour ses opinions. Le pouvoir de transition au Burkina Faso a décidé d’enrôler de force dans la lutte anti-terroriste des opposants, des voix discordantes. Qu’est-ce que cela dit, selon vous, de la gouvernance qui est maintenant en place à Ouagadougou ? Ces réquisitions sont des actes de bâillonnement, de fermeture pour l’expression des libertés. Les activistes, les syndicats et toutes les couches sociales doivent pouvoir s’exprimer. Nos camarades du mouvement Balai citoyen, Rasmane Zinaba et Bassirou Badjo, ont été arbitrairement réquisitionnés par le MPSR (Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration). Nous condamnons ce genre de pratiques. Ce n’est pas une manière de créer des conditions idoines pour ramener la démocratie dans un État qui souffre déjà d’une question de gouvernance sécuritaire.  Lors de l’Assemblée générale des Nations Unies, le chef de la junte guinéenne, Mamadi Doumbouya, a eu des mots terribles pour la démocratie : il a parlé d’un « modèle de gouvernance qui nous a été imposé et qui ne fonctionne pas ». Est-ce que vous êtes d’accord avec cette analyse ? Nous ne partageons pas cette analyse du président Doumbouya. La question de la démocratie est un combat africain. Ce combat traverse les temps et les générations. Et surtout la nouvelle génération qui est beaucoup et intimement liée aux questions démocratiques qui sont les seuls moyens d’exprimer des opinions vis-à-vis des dirigeants africains actuels. Dans plusieurs pays, on voit la liberté d’expression se rétrécir, quelles sont les mesures pour lesquelles vous souhaitez vous battre ou vous engager en matière de restauration de cette liberté d’expression ? Aujourd’hui, on constate que, dans nos États, des lois liberticides ne permettent pas aux populations de s’exprimer et surtout au niveau des réseaux sociaux. Le bâillonnement s’est déplacé du monde physique au monde numérique. Donc, aujourd’hui, [l’objectif] c’est de travailler à ce que nous ayons des lois qui permettent aux populations de s’exprimer, qui garantissent la liberté d’expression. C’est ça le défi. Vous êtes un spécialiste de la désinformation en période électorale et ces réseaux sociaux sont justement un canal important de désinformation. Est-ce que les signaux que vous recevez pour les scrutins qui s’annoncent sont rassurants ou préoccupants ? Les signaux sont préoccupants parce que les manipulations des opinions sont aussi une manière aujourd’hui de meubler le jeu politique. La désinformation manipule le citoyen : c’est son choix. Mais la désinformation discrédite les organes de gestion de l’élection, la désinformation fausse la légitimité des dirigeants. Le cas de la Côte-d’Ivoire, particulièrement, où, en période de pré-campagne, il y a eu de la désinformation sur la question de la CEI (Commission électorale indépendante), sur le fichier électoral, sur les outils et les méthodes de vote. Dans les pays où nous sommes en période de pré-campagne, au mouvement Tournons La Page, nous avons mis en place des mécanismes de prévention sur Internet pour contrer cette désinformation.
11/16/20233 minutes, 52 seconds
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Albert Yaloke Mokpeme (RCA): «Je ne pense pas que ça fasse partie du mandat de la MINUSCA de demander un dialogue inter-centrafricain»

Notre invité ce mercredi 15 novembre est le porte-parole de la présidence centrafricaine Albert Yaloke Mokpeme. Accusations d'autoritarisme et de prévarication contre les dirigeants du pays, situation sécuritaire, et proposition d'un dialogue inclusif formulé par l'ONU, il répond aux questions de François Mazet. RFI : Récemment sur notre antenne, et dans une analyse publiée par SciencesPo Paris, le chercheur Roland Marchal a dépeint la Centrafrique comme un État déliquescent, et un autoritarisme en fabrication sous la présidence de Faustin-Archange Touadéra. Que pensez-vous de cette analyse ?Albert Yaloke Mokpeme : Je suis surpris d’écouter des choses comme ça. Malheureusement, il y a beaucoup d’autorités qui écoutent sans cesse ce genre d’analyse qui les met complètement dans l’erreur. Nous savons ce que nous avons vécu. Et dans quelles conditions nous avons vécu les pires horreurs dans notre pays. Et voilà que nous pensons qu’il est intéressant justement de diversifier nos relations et de prendre ce qui peut être profitable pour notre pays pour amener la paix dans notre pays. Nous voyons les résultats.Ce que dit Roland Marchal, c’est que l'élite politique centrafricaine a utilisé la prodigalité internationale pour reconstruire sa richesse plutôt que le pays. N'est-ce pas une critique entendable étant donné la difficulté de la population à vivre au quotidien ?Si pour quelqu’un qui connait la République centrafricaine, parler des autorités, de leurs richesses, et ainsi de suite… Nous avons beaucoup de chemin à faire, et il se trouve qu’aujourd’hui, notre volonté est de passer d’une exploitation artisanale de nos ressources à une exploitation semi-industrielle ou industrielle au profit du peuple centrafricain. Les Centrafricains sont très bien placés pour le savoir, ils voient la différence entre ce qui se passait avant et ce qui se passe aujourd’hui.Un autre point, c'est la fracture, très ancienne mais jamais résolue, entre Bangui et les provinces où les conditions de vie sont précaires. N'est-ce pas un constat que vous pouvez partager ?Opposer Bangui et l’arrière-pays, c’est quelque chose qui a toujours existé. Il y a une sorte de centralisation contre laquelle nous nous battons. Mais parler d’une richesse à Bangui et d’une pauvreté dans l’arrière-pays, c’est trop. Aujourd’hui, les soucis des Centrafricains sont passés des problèmes de sécurité aux problèmes d’amélioration de la vie quotidienne – avoir de l’eau courante, avoir de l’énergie, avoir de l’électricité – parce que le renforcement du niveau de nos Forces de défense et de sécurité a marché. Il n’y a que quelques poches de délinquance qui s’en prennent par-ci par-là à la population et qui disparaissent dans la nature.Sur le plan sécuritaire, le groupe MPC, Mouvement patriotique pour la Centrafrique, de Mahamat Al-Khatima dit vouloir rejoindre le processus de DDRR, démobilisation-désarmement, et quitter la coalition rebelle CPC. Est-il le bienvenu à Bangui alors qu’il a été condamné à la perpétuité en septembre avec les autres chefs de la CPC ?Ce que je peux dire, c’est que nous nous souhaitons le silence des armes. Le président de la République, Faustin-Archange Touadéra, l’a toujours rappelé, il est prêt à travailler avec tout le monde. Mais ceux qui ont des comptes à rendre à la justice devront répondre de leurs actes, parce que c’est ce que les Centrafricains attendent.Donc, pour l’instant, il n’est pas question de travailler à une amnistie de Mahamat Al-Khatim ou d’autres leaders de la CPC condamnés en septembre qui pourraient revenir dans le cadre de l’APPR – accords de Khartoum (de 2019) ?Il y a beaucoup de gens qui ont oublié que nous avons eu un dialogue en 2022 qui a affirmé clairement qu’il n’est pas question qu’il y ait une quelconque amnistie pour ceux qui ont [commis] des crimes de sang. Et aujourd’hui, il y en a qui s’arrogent le droit de demander un dialogue. Dialogue avec qui ? Avec les groupes armés, c’est-à-dire ceux qui ont pris les armes au sein la CPC et qui ont tué le peuple centrafricain. Ce serait une erreur politique.Quand la cheffe de mission de l'ONU, Valentine Rugwabiza, demande un « dialogue inclusif », pour vous, c'est non ?Elle ferait mieux de s’occuper justement de la mission qui est celle de la MINUSCA, c’est-à-dire travailler auprès du gouvernement centrafricain pour amener la paix dans ce pays. Je ne pense pas que ça fasse partie du mandat de la MINUSCA que de demander un dialogue inter-centrafricain. On attend de la MINUSCA qu’elle nous aide à ramener la paix, non pas à s’ingérer dans les affaires du peuple centrafricain.Est-ce que de prochaines discussions avec les groupes qui restent dans la CPC ne sont pas possibles néanmoins ?Je vous l’assure, le président ne dit pas autre chose. Il y a des groupes qui se sont engagés dans la CPC qui s’en sont retiré, ils se sont rendu compte que c’est un combat vain, c’est-à-dire que le pays ne peut pas être constamment dans l’insécurité, dans les tueries. Voilà pourquoi un à un, ils vont sortir de la CPC, parce qu’ils savent qu’ils ne travaillent pas dans l’intérêt du peuple.
11/15/20237 minutes, 39 seconds
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Jérôme Tubiana: «Le conflit au Darfour peut provoquer une extension à l’intérieur du Tchad»

Depuis le début du mois de novembre, la région du Darfour, dans l'ouest du Soudan, fait face à une nouvelle flambée de violences, alors que les Forces de soutien rapide (FSR) du général Hemedti affirment leur contrôle sur cette région. Pour en parler, François Mazet s'entretient avec le chercheur Jérôme Tubiana. Spécialiste de cette région, il est conseiller aux opérations de Médecins sans frontières (MSF), pour qui il s'est rendu très récemment au Darfour et dans l'est du Tchad où sont accueillis des centaines de milliers de réfugiés.  RFI : Jérôme Tubiana, pour parler de la flambée de violences au Darfour depuis le début du mois, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a employé le terme de « nettoyage ethnique » mené par les Forces de soutien rapide (FSR) du général Hemedti. Ce terme est-il approprié, selon vous ?Jérôme Tubiana : Il faudrait peut-être le détailler, mais il y a eu certainement à certains endroits du nettoyage ethnique. C’est en particulier le cas au Darfour occidental, donc y compris dans sa capitale, la ville d’el-Geneina, où clairement, la principale communauté indigène non-arabe (les Masalit) a dans sa quasi-totalité dû fuir la zone pour se réfugier au Tchad. Il y a un énorme camp de transit dans la ville d’Adré, avec plus de 100 000 réfugiés qui sont principalement arrivés en juin, mais aussi environ 10 000 qui sont arrivés récemment, après les nouvelles violences de ce mois-ci.Que sait-on exactement de ce qu’il s’est passé dans le camp de déplacés d’Ardamata, dans le Darfour occidental, où au moins 800 personnes selon l’ONU – peut-être même 1 200 ou 1 300 selon d’autres sources – ont été tuées en milieu de semaine dernière ?La garnison de l’armée soudanaise avait réussi à maintenir une présence dans cet endroit qui s’appelle Ardamata, qui n’est pas seulement un camp de déplacés mais aussi un lieu historique pour les Masalit anciens. Il y avait un camp de déplacés, il y avait des combattants masalit de groupes rebelles, de groupes d’auto-défense qui s’étaient aussi réfugiés là. L’élite arabe – chefs traditionnels, chefs politiques – promettait qu’il n’y aurait plus de nouvelles violences, ça n’a pas tenu. Il semble que l’armée ait négocié son propre retrait sans combat, et donc laissé les civils et les combattants masalit être de nouveau victimes d’attaques par les milices arabes, dont les Forces de soutien rapide, et de nouveau, une fuite vers le Tchad pour les survivants.Les Forces de soutien rapide et d’autres milices locales prendraient pour cible les Masalit, qui est une tribu darfourie non-arabe. Comment est-ce qu’on peut expliquer ce ciblage ?Je pense que sur el-Geneina, le conflit entre Masalit et Arabes – Masalit qui sont les détenteurs d’un sultanat ancien et donc les détenteurs des droits fonciers sur cette région ­–, ce conflit déjà ancien remonte aux années 1990. Il a été beaucoup attisé par l’ancien régime soudanais, le régime d’Omar el-Béchir qui a donc recruté les communautés arabes pour en faire des milices, qu’on a appelé les Janjawid. Certains de leurs chefs historiques sont encore présents, les tensions sont restées très fortes. Les Masalit, après la révolution qui a mis fin au régime d’Omar el-Béchir, en ont profité pour revendiquer leurs droits historiques sur les terres, ont demandé leur droit au retour. Ils n’ont pas été entendus. Donc il y a eu régulièrement des violences dans les années 2021. Hemedti, le chef des Forces de soutien rapide, s’est lui-même impliqué pour ramener la paix, ça a duré quelques mois, mais ça n’a pas duré, les tensions sont restées très fortes. C’est un cas assez unique : ailleurs au Soudan, on n’a pas encore observé une telle intensité, des tensions aussi fortes du point de vue ethnique, même s’il n’y a pas que les Forces de soutien rapide qui sont en cause dans la région, on parle aussi de milices arabes, parfois proches des Forces de soutien rapide, mais qui auraient leur propre agenda local, assez distinct de l’agenda politique des Forces de soutien rapide de prise de pouvoir à Khartoum.Après avoir pris Nyala, Zalingei, el-Geneina, les FSR d’Hemedti ont le contrôle quasi-total des régions du Darfour, ils visent désormais El Fasher. Quel est, selon vous, leur prochain objectif ? Est-ce qu’ils ont pris un avantage décisif ?Ils ont certainement pris un avantage décisif. Sur El Fasher, c’est un peu différent, ça semble être logiquement le prochain objectif. Est-ce que la communauté internationale va mettre le holà sur El Fasher en particulier ? D’autant qu’El Fasher est un cas un peu différent parce qu’il y a une très forte présence des groupes rebelles qui ont signé l’accord de paix de Juba en 2020 qui se sont constitués en forces jointes et se sont donné pour mission de protéger notamment les civils, et qui ont envoyé aux FSR le message assez clair que pour eux, El Fasher était un petit peu une ligne rouge. Donc si les FSR insistent pour attaquer El Fasher, il risque d’y avoir une opposition plus forte qu’ailleurs de ces groupes rebelles. Ça pourrait dégénérer en un conflit de nouveau ethnique, cette fois entre communautés arabes et, non pas les Masalit, mais d’autres communautés non-arabes, celles qui sont plus présentes sur El Fasher au Darfour nord, c’est-à-dire les Zaghawa et les Four. Ces communautés sont beaucoup plus fortes, beaucoup plus nombreuses, beaucoup plus étendues géographiquement et mieux armées que les Masalit. Donc, ce conflit pourrait être plus violent. Et par ailleurs, les Zaghawa en particulier, c’est une communauté qui est prédominante au sein du pouvoir et au sein de l’armée tchadienne, donc ça pourrait aussi avoir des conséquences et provoquer une expansion du conflit à l’intérieur même du Tchad.
11/14/20237 minutes, 33 seconds
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François Louncény Fall, ex-Premier ministre guinéen: «Je serai candidat à la prochaine présidentielle»

Il avait pensé prendre sa retraite politique. Mais depuis cet été, le diplomate guinéen et ancien Premier ministre François Louncény Fall a finalement décidé de reprendre le combat politique. Il vient de recréer l'Union nationale des patriotes de Guinée (UNPG). Un parti en train de s'implanter à l'intérieur du pays, et qui va organiser dans les semaines qui viennent des meetings en Allemagne et en France. Pourquoi ce retour et avec quelles ambitions ? Entretien. RFI : François Louncény Fall, vous êtes revenu dans l’arène politique avec la création d’un nouveau parti, l’Union nationale des patriotes de Guinée (UNPG). Qu’est-ce qui vous a poussé à sortir de votre retraite politique ?François Louncény Fall : J’avais décidé, après mes activités avec les Nations Unies en Afrique Centrale, de prendre une retraite, de m’occuper d’une plantation d’ananas. Mais c’est au regard des enjeux actuels de la Guinée que plusieurs compatriotes m’ont encouragés. Parce que, vous savez, l’image de notre pays, c’est l’image d’un paradoxe inexplicable. Un pays qui a des ressources extraordinaires : un tiers des réserves mondiales de bauxite, d’importantes potentialités agricoles et un réseau hydro-électrique très important. Malgré tout cela, les Guinéens vivent dans un état de pauvreté. Et au regard de cette situation, j’ai décidé de me réengager pour mettre fin à ce paradoxe en proposant aux Guinéens une nouvelle politique.Vous avez signé un document intitulé « Ma vision pour la Guinée : mettre fin au paradoxe guinéen », un document qui déroule tout un programme pour le pays. Est-ce que votre objectif, c’est une candidature à la présidentielle qui aura lieu à la fin de la transition ?Bien entendu, je me prépare à être candidat aux prochaines élections présidentielles.Vous avez émis l’hypothèse de rejoindre le dialogue politique que veulent organiser les autorités de la transition. En l'état actuel des choses, ce dialogue s’annonce comme non-inclusif puisque de nombreuses forces ne souhaitent pas s’y associer. Qu’est-ce qui vous pousse, vous, à vouloir vous asseoir à la table des discussions de ce dialogue politique ?Mon souhait aurait été, bien sûr, que ce dialogue soit inclusif. Mais comme vous savez tout au long de mon parcours professionnel, je n’ai jamais cessé de prôner le dialogue. C’est ce que j’ai demandé, recommandé, dans tous les pays où j’ai servi au nom des Nations Unies, et même en Guinée. J’ai présidé un dialogue politique en 2013 en Guinée qui a mis fin, justement, à trois années d’instabilité et qui a permis au gouvernement guinéen d’organiser des élections législatives. En tant qu’homme de dialogue, je ne pouvais pas ne pas participer à ce dialogue.Est-ce que vous êtes inquiet sur la capacité des autorités actuelles de tenir les délais fixés pour cette transition ? On parle, je le rappelle, d’une transition qui devrait prendre fin à l’issue de l’année 2024.C’est vrai que beaucoup de personnes s’inquiètent pour le retard dans l’exécution des différentes étapes de ce chronogramme. Mais je reste confiant dans le fait que le CNRD [Comité national du rassemblement pour le développement, NDLR] tiendra parole et que les élections se tiendront en Guinée. Et surtout que le CNRD s’engagera à ce qu’aucun membre du CNRD ou du gouvernement ne soit candidat. C’est mon souhait et c’est ce que j’espère.Est-ce que cette position et ce que vous venez de nous dire par ailleurs sur le dialogue politique ne fait pas de vous un allié de fait du CNRD à l’heure actuelle ?Au contraire. Je pense qu’en participant au dialogue je ferai valoir mon point de vue. Ce que je viens de vous dire tout à l’heure, je le dirai si je viens au dialogue : à savoir que la charte de la transition soit respectée, qu’on arrive à un retour à l’ordre constitutionnel et que les engagements qui ont été pris dans la charte de la transition soient respectés par tous.Qu’est-ce que vous répondez à nos confrères du journal en ligne ledjely.com qui vous présentent comme « celui qui veut poursuivre l’œuvre du CNRD » au regard du contenu de votre programme ?Moi, je ne suis pas un membre du CNRD, je ne suis pas non plus un allié du CNRD. Tout le monde connaît mon indépendance. Je pense que j’ai fait preuve d’indépendance vis-à-vis de tous les régimes qui sont passés en Guinée. Moi, je suis venu cette fois-ci avec une idée très précise : il faut que les Guinéens puissent bénéficier, enfin, des immenses ressources naturelles dont le pays a été doté, il faut qu’on sorte de la pauvreté.L’actualité guinéenne a été marquée la semaine dernière par la tentative d’évasion de plusieurs personnes jugées dans le procès du massacre du 28 septembre 2009. Est-ce que cette tentative d’évasion nous dit quelque chose des tensions qui perdurent au sein des forces armées ?Je ne crois pas que ce qui s’est passé à Conakry s’explique par des tensions au sein des forces armées. Je pense qu’il n’y a pas trop à s’inquiéter. Il y a eu beaucoup de bruit au cours de ce problème. C’est vrai que c’était une opération un peu rocambolesque… Mais je ne pense pas que la stabilité de la Guinée soit remise en cause avec cet événement. Ce qui est souhaitable, c’est que la transition se passe dans des conditions apaisées, afin que le retour à l’ordre constitutionnel soit assuré. Je pense que c’est le plus grand besoin pour les populations guinéennes aujourd’hui.
11/13/20235 minutes, 36 seconds
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Smarty, rappeur burkinabè: «C'est important d'avoir un discours qui unit les gens et leur donne espoir»

Gagnant de l'édition 2013 du prix Découvertes RFI, le rappeur burkinabè Smarty propose un concert gratuit pour les Ouagalais le 18 novembre. Le mot d’ordre est « Peace and Unity » et tenue blanche pour chaque participant, afin de montrer son unité et sa volonté de paix. Comment se prépare ce grand spectacle gratuit qui aura lieu place du Camp-fonctionnaire à Ouagadougou ? Entretien. À lire aussiBiographie de Smarty
11/12/20237 minutes, 20 seconds
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Mahamat Saleh Annadif, ministre tchadien: «J'aurais aimé une séparation amicale entre l'ONU et le Mali»

Le Tchad n'a pas aimé la façon dont le Mali a organisé l'évacuation de ses soldats de la base de Kidal. Le ministre tchadien des Affaires étrangères, Mahamat Saleh Annadif, le dit franchement sur RFI. Il déplore que ses compatriotes aient été obligés de prendre la route entre Kidal et Gao, au risque de sauter sur des mines. Mahamat Saleh Annadif le dit depuis Riyad, où se tient ce vendredi un sommet de chefs d'État entre l'Arabie saoudite et plusieurs pays africains. RFI : Monsieur le ministre, vous êtes à Ryad pour un sommet entre l’Arabie saoudite et les pays africains. Quelle est l’urgence au vu du conflit sanglant entre le Hamas et Israël ?Mahamat Saleh Annadif : Notre pays a appelé à un cessez-le-feu et nous avons même rappelé notre chargé d’affaires là-bas. Et on compte vraiment sur un cessez-le-feu rapide pour plutôt se pencher sur le fond de la question : la création de deux États, côte à côte, c’est ça le fond du problème.La semaine dernière en effet, vous avez rappelé votre chargé d’affaires en Israël. Est-ce qu’on va vers une rupture des relations diplomatiques entre le Tchad et l’État hébreu ? Nous n’avons pas dit cela. Nous avons simplement rappelé notre chargé d’affaires pour des consultations.Au terme d’un accord conclu à Kinshasa, l’opposant Succès Masra est rentré à Ndjamena après un an d’exil forcé. Est-ce qu’on va vers une fin de transition apaisée ou pas ?En tout cas, nous l’espérons parce que nous estimons que l’accord qui a eu lieu est un bon pas dans le sens de l’apaisement. Et nous espérons tout simplement que les uns et les autres respecteront leurs engagements. Le gouvernement a commencé déjà à respecter ses engagements, notamment l’amnistie qui vient d’être décidée en Conseil des ministres ce mercredi.Alors cette loi d’amnistie, de nombreuses organisations comme Amnesty International s’inquiètent parce que les violences du 20 octobre 2022 ont fait plusieurs centaines de morts. Et ces organisations dénoncent le fait que les violences commises par les militaires, si elles ne sont pas jugées, si elles ne sont pas condamnées, vont renforcer la culture de l’impunité dans votre pays…Les événements du 20 octobre font partie de l’histoire du Tchad. Nous les avons tous regrettés, dénoncés. Ce sont quand même des Tchadiens qui sont morts. Mais je voudrais tout simplement dire aux uns et aux autres que les violences au Tchad n’ont pas seulement commencé depuis le 20 octobre 2022. Durant notre cheminement, nous avons connu beaucoup de violences, et toute amnistie qui tend à réconcilier les Tchadiens est à saluer.Au Nord-Mali, la Minusma n’a pas obtenu toutes les autorisations de vol demandées pour évacuer et sécuriser le retrait de vos casques bleus tchadiens. Plusieurs de vos compatriotes ont été grièvement blessés par des explosifs. Quelle est votre réaction ?Le Tchad a envoyé depuis 2013 un contingent au niveau du Mali. Évidemment, nous aurions aimé une séparation entre la Minusma et le gouvernement malien dans des conditions plus apaisées. Malheureusement, les choses ne se sont pas passées comme elles doivent se faire. Le cas du contingent tchadien, c’est vrai qu’il y a eu des pertes. Vous savez que, depuis le déploiement de la Minusma en 2015, les Tchadiens qui sont morts constituent un tiers de tous les décès que la Minusma a connus. Donc, le Tchad a déjà perdu beaucoup, mais nous estimons que c’est pour la bonne cause, c’est pour aider à ce qu’il y ait la paix au niveau du Mali. Maintenant, nous nous sommes retirés, peut-être pas dans des conditions idéales. Les troupes sur leur parcours ont eu quelques incidents. Il y a eu des blessés, c’est vrai. On a évacué des gens sur Ndjamena. Mais de façon globale, j’aurais aimé, j’aurais souhaité en tout cas, une séparation entre les Nations unies et le gouvernement malien dans des conditions plus amicales.Est-ce que vos amis maliens ne sont pas un petit peu ingrats à l’égard des Tchadiens après tous les sacrifices que ceux-ci ont consentis pour le Mali ?Ce sont des mots que je n’emploie pas. Je souhaite la paix surtout au Mali.En tout cas, cette séparation ne se passe pas, comme vous dites, de façon très amicale…Ça, c’est clair. J’aurais aimé que cette séparation soit plus amicale que cela.Les relations entre Ndjamena et Bamako étaient fondées sur la confiance. Est-ce qu’elles vont pouvoir rester confiantes ?Le Mali traverse une phase difficile. Souhaitons seulement qu’il sorte de cette phase difficile. Les relations entre les États peuvent connaître des moments de difficulté, mais dans tous les cas, nous demeurons des pays amis avec le Mali.Et que pensez-vous de cette tentative de reconquête militaire des ex-bases Minusma du Nord-Mali par les Forces armées maliennes avec leurs supplétifs russes de Wagner ?Je souhaite que la sagesse l’emporte et que cette guerre-là puisse s’arrêter, et qu’on revienne plutôt à la table des négociations, et qu’on revienne surtout à l’accord pour la paix que personne pour le moment n’a dénoncé.À lire aussiGabon: Brice Oligui Nguema à Riyad pour le premier sommet Arabie saoudite-Afrique
11/10/202310 minutes, 41 seconds
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Burkina Faso: «On s’en prend au totem burkinabè, le droit à la parole»

Ahmed Newton Barry, journaliste et ex-président de la Commission électorale burkinabè, fait partie - avec d'autres personnalités : journalistes, syndicats, représentants d'organisation de la société civile - de ceux qui sont dans le collimateur du pouvoir à Ouagadougou du fait de ses prises de positions et critiques à l'encontre du régime en place. Le dernier épisode en date dans le bras de fer entre le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration et ses détracteurs : la dizaine de convocations militaires que le pouvoir du capitaine Ibrahim Traoré a envoyées à ceux qui ont critiqué sa gestion et voulu organiser un meeting le 31 octobre dernier.   Est-ce que vous êtes étonné du bras de fer qui se joue en ce moment entre le gouvernement de transition et de nombreux acteurs de la société civile burkinabè ? Ahmed Newton Barry : Non, parce que ça a commencé petitement. Ils ont essayé sur les marginaux depuis mars, c’est-à-dire un certain nombre de personnes qui ne représentaient pas forcément grand-chose au sein de la société. Ils se sont rendu compte qu’il n’y avait pas de réaction. Donc naturellement, aujourd’hui, ils s’attaquent à ceux que les militaires pourraient dire les cibles dures. « Les cibles dures », c’est le Balai citoyen, la Confédération générale du travail du Burkina (CGT-B), le Mouvement des droits de l’homme… Oui, absolument. Tous ceux que, jusqu’à présent, on a considéré comme des personnes inattaquables, en tout cas intouchables, qui sont donc au niveau des syndicats. Vous savez dans notre histoire politique, les syndicats ont été les éléments quand même extrêmement respectés. Dans le cas de la société burkinabè, c’est vrai par le passé, il y a eu des répressions. Mais tous les régimes qui ont fait ça l’ont payé cash. Donc, ce qui fait qu’il y a beaucoup de respect pour les syndicats. Et jusqu’à présent aussi, curieusement, je pense que c’est ça aussi ce que les uns et les autres paient parce qu’on a laissé faire. Aujourd’hui, ils s’attaquent comme je le dis vraiment aux cibles dures, c’est-à-dire les responsables syndicaux, les responsables d’OSC [organismes de la société civile] et puis des journalistes qui sont critiques vis-à-vis du régime. L’une de ces entités symboliques s’il en est, c’est le Balai citoyen qui en 2014, on le sait, a été un acteur majeur de la chute de Blaise Compaoré. Que l’autorité en place actuelle s’en prenne au Balai citoyen, qu’est-ce que ça dit du pays ? Cela veut dire que progressivement, le régime est en train de visser toutes les possibilités d’expression, c’est-à-dire toutes les structures, qui représentent quelque chose et qui sont en capacité de porter la contradiction au régime, sont évidemment dans le collimateur et doivent se taire. Moi, je le disais en décembre l’année dernière, lorsque pour la première fois ils s’en sont pris à RFI, avec la suspension de RFI en décembre, j’étais l’un des rares journalistes à dire : attention, ça commence comme ça et après ça va museler en interne, et ainsi de suite. Donc, progressivement, on a grignoté les libertés. On en est aujourd’hui à une situation qui effraie tout le monde et tout le monde se sent aujourd’hui en danger. Au pays de Norbert Zongo [journaliste assassiné en 1998, qui dénonçait les malversations du régime Compaoré, la corruption, les détournements de fonds, mais aussi les atteintes aux libertés], comment se fait-il qu’on ne puisse plus s’exprimer aussi librement que par le passé ? C’est ce qui est paradoxal, parce qu’on avait pensé deux choses, c’est-à-dire qu’on pensait qu’au Burkina-Faso, il y a un certain nombre de choses qui sont considérées comme acquises et pour toujours. Ensuite, nous avons affaire quand même à Ibrahim Traoré qui est un jeune, qui a donc participé à la lutte du collectif, et puis également qui est imprégné des idées de liberté et de démocratie. Il se trouve que c’est à la fois lui qui s’en prend à ce qui est considéré comme le totem burkinabè, le droit à la parole, pour laquelle Norbert Zongo s’est sacrifié et pour laquelle vraiment, depuis 1960, l’ensemble des générations successives ont considéré que c’était réellement la ligne rouge. C’est très très grave. Maintenant, le vrai problème, c’est qu’on avait avant une démocratie sans démocrates, et maintenant on n’a plus de démocratie. On est aujourd’hui à la croisée des chemins. On a vu un florilège de réquisitions militaires fleurir depuis le 31 octobre, ce fameux meeting qui n’a finalement pas eu lieu. Est-ce que vous êtes vous-même concerné ? C’est ce que j’entends. J’avoue que jusqu’à présent, je n’ai pas été notifié, mais je ne suis pas surpris. Comme je vous dis, depuis longtemps, toutes les voix discordantes sont dans le collimateur du pouvoir et sont vouées à se taire. Il ne faut pas mettre ça sous l’angle de la réquisition militaire. Il faut le mettre sous l’angle de la répression de la liberté et de la liberté d’expression. C’est-à-dire que c’est un régime qui en fait est irritable vraiment sur les questions de la contradiction. Malheureusement, c’est devenu aujourd’hui une sorte de punition pour ceux qui ne sont pas d’accord avec le régime. En fait, une sorte de camp de rééducation à la nouvelle morale politique instituée par le régime du capitaine [Ibrahim Traoré]. 
11/9/20234 minutes, 23 seconds
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Jeux olympiques de la Jeunesse de Dakar: «L’olympisme charrie des valeurs que nous avons besoin de disséminer» (Ibrahima Wade)

Alors que les Jeux olympiques de Paris 2024 se rapprochent à grands pas - nous ne sommes plus qu'à 261 jours de la cérémonie d'ouverture - le Sénégal continue d'avancer dans l'organisation des Jeux olympiques de la Jeunesse de Dakar, du 31 octobre au 13 novembre 2026. Plusieurs milliers d'athlètes âgés de 15 à 18 ans se rassembleront à travers 35 disciplines. S'il reste évidemment beaucoup à faire à trois ans de l'échéance, les différents dossiers avancent à un bon rythme et les jeunes Dakarois commencent à se prendre aux Jeux, comme l'explique le coordinateur général de ces JOJ, Ibrahima Wade. Il est l'invité d'Afrique matin et il est avec notre envoyé spécial Christophe Diremszian. RFI : Il y a maintenant trois semaines, à la session du CIO [Comité international olympique] à Bombay en Inde, vous avez fait un point d’étape de l’organisation de ces JOJ 2026, notamment du point de vue des infrastructures. Est-ce que, sincèrement, on est dans les temps ? Ibrahima Wade : Nous sommes très très bien dans les temps, à tous égards. Vous avez évoqué la question des infrastructures, je voudrais simplement préciser que le projet de Dakar concerne très peu d’infrastructures en construction ou en réhabilitation, parce que le projet est adossé, pour les sports d’eau et de plage sur Saly avec des installations temporaires. Au niveau de Diamniadio, qui est l’épine dorsale du dispositif, vous avez vu toutes ces belles infrastructures sportives. Le point nodal est l’université d’Amadou Mahtar Mbow qui devrait abriter le village olympique, cette université est aujourd’hui prête, ouverte, occupée par les étudiants. Bien entendu, il y a ces deux infrastructures que nous avons pris le parti de réhabiliter, mais plus dans une logique d’héritage, il s’agit du stade Iba Mar Diop et de la piscine olympique. La prise de position du site est effective et les travaux devraient démarrer incessamment, premier semestre 2024.Ces JOJ, du point de vue du financement, ne reposeront pas essentiellement sur la billetterie, néanmoins, il va quand même exister un système de billetterie, mais gratuite.Dans le cadre du programme de bouclage financier, nous n’avons pas du tout intégré la billetterie comme poste de ressources. Par contre, nous avons décidé de garder un système de billetterie, mais gratuite, pour deux raisons : la première, c’est pour des raisons évidentes de sécurité, savoir combien de personnes peuvent accéder au niveau des infrastructures et pouvoir justement gérer le principe de la jauge.L’aspect le plus important de ces Jeux olympiques de la jeunesse, c’est surtout l’héritage et la capacité d’accélération de l’éducation sportive des jeunes. Dans ce domaine, qu’est-ce qui est déjà en place et qu’est-ce qui est prévu ? Nous avons à ce niveau beaucoup d’éléments. Nous avons d’abord tout un département que nous avons appelé Engagement et mobilisation de la jeunesse. Nous venons de sortir justement de la deuxième édition du festival « Dakar en jeux », qui allie sport, culture, jeunesse, qui a été un excellent grand succès après la première édition. Deuxième élément, c’est le « Kids olympic skills », c’est-à-dire, aujourd’hui, généraliser la pratique du sport dans la perspective des JOJ et il s’agit de porter la découverte de certains nouveaux sports qui sont au programme des JOJ mais qui ne sont pas pratiqués au Sénégal, vers les écoles, vers les quartiers. Troisième élément, c’est le Brevet olympique civique et sportif. Vous savez que l’olympisme charrie des valeurs qui sont extrêmement importantes que nous avons besoin de disséminer aujourd’hui dans ce monde en turbulences, où la jeunesse a besoin de repères, de valeurs. Et justement, nous l’avons combiné avec ce qu’on appelle l’initiation au civisme que nous contribuons à disséminer déjà dans les 11 000 établissements scolaires du pays pour une cible de 900 000 élèves. Donc la phase de pré-héritage a été lancée, et c’est pour ça que le CIO a l’habitude de dire qu’avec les Jeux de Dakar, on a l’héritage avant les Jeux.Il existe une convention de partenariat entre Dakar-2026 et Paris-2024, quel est le niveau de cette collaboration ? Et plus généralement avec l’État français ? Nous avons un excellent cadre de partenariat qui s’inscrit sur deux axes. D’abord, d’une manière globale, sur le pilotage et la co-présidence de l’alliance Dioko, ce cadre de partenariat autour du sport entre institutions françaises et institutions sénégalaises. Paris-2024, c’est également un héritage sur le matériel post-Paris, sur lequel nous continuons les discussions en termes de matériel, d’équipements sportifs, pour qu’une fois les Jeux de Paris terminés, il soit transféré à Dakar. Les équipes de Dakar, dans quelques mois, quelques semaines, vont aller rejoindre les équipes de Paris totalement en immersion, imbriquées avec elles, pour se faire la main. Et troisième élément, c’est tout ce réseau de ressources humaines, comme je le dis souvent, de binationaux sénégalais-français, qui sont là-bas, qui travaillent dans l’équipe de Paris, et qui ont bien envie de venir appuyer l’organisation des Jeux olympiques dans leur premier pays, ou dans leur deuxième pays.Et Dakar-2026 sera également présent, physiquement, en termes de représentation lors des Jeux olympiques de Paris, de quelle manière ? Nous avons retenu d’organiser le club Dakar-2026 au niveau de l’Île-Saint-Denis, où nous avons toutes les commodités pour pouvoir véritablement montrer ce que nous sommes en train de faire, tenir des cycles de conférences scientifiques avec des universités en France en relation avec des universités sénégalaises, ou la diaspora intellectuelle sénégalaise, et même tout simplement la diaspora, leur montrer qu’après Paris, ce sera le tour de l’Afrique à Dakar. Nous avons justement retenu avec Paris 2024 d’avoir, à quelques jours de la cérémonie de clôture, une conférence de presse conjointe pour annoncer le rendez-vous de Dakar.
11/8/20234 minutes, 31 seconds
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Paulette Missambo, présidente du Sénat au Gabon: «Une transition ne peut égaler la durée d’un mandat»

Il y a quatorze ans, Paulette Missambo, ancienne proche collaboratrice d’Omar Bongo claquait la porte du PDG, l’ancien parti au pouvoir. Elle était devenue l’une des farouches opposantes au régime défunt. Elle été nommée présidente du Sénat par les autorités de la transition et lundi dernier, elle a ouvert la première session du Sénat de transition. A-t-elle renoncé à son rêve de devenir présidente de la République ? Brice Clotaire Oligui Nguema, président de la transition, peut-il briguer le fauteuil présidentiel ? Quelle est la durée de la transition ou encore le Gabon doit-il aussi chasser les militaires français ? Paulette Missambo répond à notre correspondant Yves-Laurent Goma. RFI : Paulette Missambo, il y a une semaine, vous avez prononcé le discours inaugural du Sénat de la transition. Sur le podium, à ce moment-là, à qui ou à quoi pensiez-vous ? Paulette Missambo : C’était un moment d’intense émotion. J’ai d’abord pensé à tous ceux qui ont mené ce combat de la liberté avec moi, et qui nous ont quitté trop tôt. Ensuite, j’ai pensé au peuple gabonais, qui a bien accueilli le « coup de liberté », comme le dit le président de la transition, et j’ai réalisé l’importance de ma mission, le poids de la responsabilité pour que nous fassions de cette transition une réussite.Le général Brice Clotaire Oligui Nguema promet des élections libres, mais il ne dit pas quand. Est-ce que cela ne vous inquiète pas ? Non, cela ne m’inquiète pas, parce qu’il a en même temps affirmé qu’il laissait la possibilité de l’organisation d’un dialogue national, et que c’est ce dialogue national qui devrait mettre en place les conditions d’organisation des élections. L’important pour moi, c’est de contribuer à la mise en place des conditions d’organisation d’élections libres, transparentes et crédibles.Parmi les grandes zones d’ombre qui restent de l’ancien régime d’Ali Bongo, il y a la répression meurtrière qui a suivi la présidentielle de 2016. Certains parlent même de 300 morts. La transition actuelle peut-elle être l’occasion de connaître la vérité ? D’abord, c’est un souvenir très douloureux. S’il y a une justice transitionnelle à mettre en place, je pense qu’il n’y a que le dialogue national qui peut créer les contours de cette justice, mettre en place une commission vérité et réconciliation. Je pense qu’il n’y a que le président élu après la période de la transition qui pourra mettre en œuvre les décisions que pourraient suggérer le dialogue national.Selon la charte de la transition, tous les dirigeants de la transition ne peuvent être candidat à l’élection présidentielle qui sera organisée pour mettre fin à cette même transition. Doit-on croire que vous, vous avez accepté de mettre un terme à votre rêve de devenir présidente de la République du Gabon ? D’abord, être présidente n’a jamais été une obsession pour moi. J’ai fait le choix, moi, de m’engager pour qu’au cours de cette transition, on crée les conditions d’organisation d’élections libres, transparentes, et crédibles. Et compte tenu des combats que j’ai menés avec tous ceux qui ont souffert pendant des années d’élections tronquées – et le cas de 2023 est encore plus parlant, parce que là, c’était vraiment un braquage honteux –, en ce sens, j’ai estimé que c’était le moment.Le général Oligui Nguema semble ne pas être concerné par cette restriction. Qu’en pensez-vous ? Le sentiment que j’ai eu en rencontrant le président de la transition, à chaque fois, c’est qu’il est volontaire et décidé à faire de la place aux politiques, à toutes les forces vives de la nation, pour qu’on décide ensemble de l’avenir de notre pays, donc je lui fais confiance.On parle d’un projet de dialogue national. Vous l’avez d’ailleurs dit. À votre avis, quelles seront les principales thématiques qui devront être débattues durant cette rencontre ? Déjà, il y a le problème de la Constitution. Et puis, il y a tout ce qui a trait à la question électorale. Nous avions d’ailleurs à l’époque présenté un mémorandum au gouvernement sortant, et ils n’en ont pas tenu compte.Quelle est la durée que vous souhaitez ? Deux ans ? Trois ans ? Ou cinq ans au pouvoir, des militaires ? Une transition ne peut pas égaler la durée d’un mandat. Donc, il appartiendra au dialogue national et au président de la transition de faire le point et de trouver la moyenne mesure.Depuis deux ans, les militaires français ont été chassés de trois pays africains. Le Gabon, votre pays, doit-il suivre cet exemple ? D’abord, il faut noter que les pays concernés vivent une situation de crise sécuritaire liée au terrorisme. Et donc, ce n’est pas du tout la situation du Gabon. Je voudrais également souligner que les accords de défense sont du domaine réservé du chef de l’État, et donc je pense que c’est à lui qu’il faudrait poser la question. Mais en tant que citoyenne, je voudrais simplement souligner et recommander à la France d’entendre les peuples africains, d’entendre ceux qui rêvent d’un mieux-être, qui rêvent de liberté.
11/7/20237 minutes, 38 seconds
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Guinée: «Le colonel Pivi a très peu de chances de s'échapper», affirme le ministre Ousmane Gaoual Diallo

Le week-end a été agité à Conakry avec l'évasion samedi à l'aube de quatre des accusés dans le procès du massacre du 28 septembre 2009. Trois d'entre eux, donc l'ex-chef de la junte Moussa Dadis Camara ont regagné leur prison dès samedi soir. Son avocat affirme qu'il avait été emmené à son insu. Ce lundi matin, le colonel Claude Pivi, son ancien ministre de la Sécurité, est en revanche toujours introuvable. Son fils aurait organisé l'opération. Que s'est-il passé ? Y a-t-il eu des complicités ? Le procès en cours va-t-il pâtir de cet événement ? RFI a posé ces questions au porte-parole du gouvernement guinéen de transition Ousmane Gaoual Diallo. RFI : Des quatre personnes qui ont quitté samedi matin la maison centrale de Conakry, seule une, le colonel Claude Pivi, est encore en cavale, que sait-on sur sa situation ?Ousmane Gaoual Diallo : Écoutez, ce que l’on peut en dire, c’est que des dispositions sont mises en place pour faire en sorte qu’il revienne rapidement à la maison centrale sain et sauf et qu’il puisse participer à la manifestation de la vérité sur les événements du 28 septembre. Maintenant, s’il n’était pas retrouvé rapidement, cela ne pourrait pas, de toute façon, entraver la conduite du procès.Pour vous, il n’a aucune chance de s’échapper ?Écoutez, compte tenu des dispositifs mis en place, il y a très peu de chances, on ne peut pas dire aucune, mais il y a très peu de chances qu’il s’échappe. Le mieux serait qu’il trouve le moyen de se mettre à disposition de la justice. Il faut faire en sorte que tout ceci s’arrête et qu’on puisse tranquillement dérouler ce procès.Ce dimanche soir de nouvelles informations ont été portées à la connaissance des autorités laissant entendre qu’il y a bien eu des complicités internes au niveau de la maison d’arrêt.Oui, il y a eu une accélération des enquêtes qui ont apporté des éléments de clarification montrant que le commando a pu entrer parce que des agents postés sur place les ont laissé entrer, leur ont ouvert. Des éléments objectifs sont disponibles pour attester cela et la conséquence immédiate, c’est que des décisions fortes ont été prises à ce niveau-là. Toutes les personnes qui ont été identifiées formellement ont été radiées, qu’ils appartiennent à l’armée, à la gendarmerie ou qu’ils soient des agents pénitenciers. Ils sont tous radiés des effectifs et la prison de Coronthie passe sous un régime de haute-sécurité avec une très forte présence des agents des Forces de défense et de sécurité qui vont continuer à sécuriser les lieux aussi longtemps que possible.Qui sont les personnes radiées ?Dadis [Camara] n’était plus militaire depuis un moment, donc les trois évadés sont les colonels Tiegboro, Goumou et Pivi. À cela s’ajoute près de 75 autres personnes, qu’ils appartiennent aux bérets rouges du bataillon qui était en faction sur place, qu’ils appartiennent à la garde républicaine au camp de Camayenne dont certains étaient chargés de surveiller ce tronçon-là, ainsi que des gendarmes qui étaient sur les lieux et des gardes pénitenciers.Avec ces complicités importantes, ne craignez-vous pas d’autres événements déstabilisateurs ?Non, il n’y a pas d’inquiétude particulière. C’est un fait, qui est avéré. Les enquêtes se sont accélérées avec la gendarmerie impliquant cela sous la coupe de l’appareil judiciaire. Et je pense que, dans les heures qui vont suivre, des informations plus larges seront communiquées. De toute façon, c’est la suite logique de ce qui devrait arriver lorsque des complicités sont avérées. Pour ce qui est de l’armée, ils prennent leurs dispositions. Je pense que la justice devrait suivre.On a entendu sur notre antenne l’avocat de Moussa DadisCamara défendre la bonne foi de son client, assurer qu’il avait été emmené à son insu. Mais vous, vous estimez bien qu’il s’est évadé ?C’est difficile de dire que quelqu’un a été transporté sur moto à son insu. C’est difficile à expliquer. Maintenant on va attendre d’avoir les explications. Nous, ce que nous ne voulons pas, c’est d’entrer dans des jeux de polémiques avec des avocats. Je pense que l’avocat, il a dû peut-être parler de bonne foi en fonction des informations qu’il avait à l’instant où il communiquait. Mais il faut attendre de comprendre comment tout ça s’est passé, ça permettra de donner la bonne version à toutes les parties. Qu’est-ce que vous pouvez nous dire sur la récupération de Moussa Dadis Camara et son retour à la maison centrale ?Ça s’est très bien passé. Il n’y a pas eu de résistance ni d’échange de coups de feu, ça s’est très bien passé. Maintenant, ce qui est clair, il faudrait bien qu’on comprenne que le procès du 28 septembre, ce n’est pas seulement un procès pour punir des coupables, c’est aussi un procès pour réconcilier les Guinéens avec leur Histoire. Et c’est important pour nous, c’est important pour l’Histoire, c’est important pour le peuple de Guinée et même pour l’Afrique.Mais vous, vous ne craignez pas d’impacts, même à terme, de cet événement sur le procès ?Non, pas à ce stade. On aurait pu craindre si on n’avait pas pu retrouver les fugitifs. Maintenant, à ce stade où l’essentiel des personnes qui ont tenté de s’exfiltrer de la prison ont été retrouvées, cela devrait faciliter le déroulement du procès. Et nous espérons que la quatrième personne qui est encore en cavale va regagner la prison, pour faire en sorte que le procès puisse continuer tranquillement et que les Guinéens puissent finalement continuer à suivre ça. C’est un procès qui passionne, sur lequel nous avons tous une attention particulière. Et donc à ce stade, on n’a vraiment pas à craindre le pire.►NB : les audiences devaient reprendre ce lundi mais sont reportées en raison d'une grève des avocats qui dure au moins toute la semaine.
11/6/20234 minutes, 40 seconds
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«Derrière ton masque»: le nouvel opus du musicien camerounais Henri Dikongué

Portrait d’un revenant sur la scène musicale africaine. Le Camerounais Henri Dikongué revient après presque une décennie d’absence avec un nouvel album intitulé « Derrière ton masque ». Le chanteur de « C’est la vie » n’a rien perdu de sa voix claire et de son sens de la mélodie. RFI : Huit ans qu’Henri Dikongué n’avait plus rien produit musicalement et lorsqu’on lui demande si c’est son côté laborieux ou son sens méticuleux qui est en cause, le Camerounais répond…Henri Dikongué : Les deux… Les deux. Mais, des fois, je me dis : quand on est en manque d’inspiration, j’arrête un peu. Produire un album, ce n’est pas facile. Le vendre, ce n’est pas facile. Faire des tournées, ce n’est pas facile. Donc, à un moment donné, quand l’inspiration ne vient pas… Je me dis : bon, je peux préparer des musiques à côté, en attendant que je puisse avoir quelque chose qui me corresponde.L’inspiration est revenue avec sa compagne Laurence alias « Diklau » à la coécriture et qui règle un peu ses comptes avec son époux dans la chanson « Coup d’arrêt ».Henri Dikongué : Elle exprime tout ce qu’elle a pu abandonner pour que ma carrière puisse avancer, les sacrifices qu’elle a pu faire… En même temps, j’étais étonné parce que je n’avais pas très bien lu le texte. Moi, j’ai voulu faire de la musique, je ne me suis pas rendu compte, je me suis dit « C’est comme ça ». C’est rigolo, mais en même temps, c’est violent !Laurence Dikongué : Je voulais être comédienne, j’ai tenté certaines écoles comme la rue Blanche, entre autres. Et puis ça n’a pas marché. Et lui, en parallèle, sa carrière a décollé tout de suite dès l’album Wa, ça s’est enchaîné avec « C’est la vie ». J’ai un peu laissé ça de côté, on a construit notre famille. C’est des carrières compliquées, les carrières d’artistes… C’est des hauts et des bas. On s’est soutenus l’un et l’autre, chacun dans nos activités.À côté de la plume française de Diklau, l’écriture douala - la langue maternelle d’Henri Dikongué - figure sur plusieurs titres de ce nouvel album dont « Mbuwa » : pluie bienfaisante sur un monde en désordre.Henri Dikongué : « Mbuwa », ça signifie la pluie… Ou la tempête. Et je me suis inspiré de cela dans le sens où je ne suis pas quelqu’un qui passe son temps à balayer les méfaits, les conneries et la saleté des autres. La traduction est faite dans ce sens-là. Je me mets à la place de la pluie, ou de la tempête ! Quand la pluie arrive, ou la tempête, ça balaye tout ! Ca nettoie !!
11/5/20235 minutes, 30 seconds
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Crises au Sahel: «L'aide internationale au développement a échoué dans ses grands objectifs stratégiques»

L'anthropologue Jean-Pierre Olivier de Sardan vient de faire paraître un ouvrage intitulé L'enchevêtrement des crises au Sahel (éditions Karthala). Qu'elles soient agro-pastorales, politiques, sécuritaires, qu'elles touchent à l'emploi, aux services publics ou aux armées, les multiples crises n'ont jamais connu de solutions satisfaisantes, ni de la part des dirigeants des pays concernés, ni de la part de l'aide au développement internationale qui n'a jamais eu les effets escomptés, selon le chercheur franco-nigérien.  Le Grand invité Afrique est l'anthropologue Jean-Pierre Olivier de Sardan. Ce Franco-Nigérien, qui effectue ses recherches au Niger depuis le milieu des années 1960, vient de faire paraître un ouvrage intitulé L'Enchevêtrement des crises au Sahel (Editions Karthala).Des crises qui sont d'ordre agro-pastorales, des élites politiques dépréciées ou encore des services publics qui ont conduits des pays comme le Niger, le Mali ou le Burkina Faso dans la situation actuelle. Des crises profondes qui n'ont jamais connu de solutions satisfaisantes, ni de la part des dirigeants des pays concernés, ni de la part de l'aide au développement internationale qui n'a jamais eu les effets escomptés, selon Jean-Pierre Olivier de Sardan.Jean-Pierre Olivier de Sardan : Ce qui est sûr, c’est qu’il y a une contradiction entre cette aide dont les pays sont devenus dépendants, et le fait qu’en même temps, elle a échoué dans ses grands objectifs. Au fond, cette aide a eu beaucoup de succès tactique : on va toujours dire que les indicateurs de la mortalité maternelle, de la mortalité infantile, du niveau de vie des pauvres se sont améliorés. Il y a une batterie d’indicateurs quantitatifs qu’on peut toujours mobiliser et les organisations internationales ou les agences d’aide ou les ministères du Nord ne se privent pas pour vanter leurs résultats. Mais en même temps, les objectifs stratégiques, aucun n’a été atteint. Premier objectif stratégique : diminuer de façon significative la pauvreté. La pauvreté, ça n’a absolument pas diminué, on est bien d’accord ?!?  Le deuxième objectif, c’était de mettre fin à la dépendance à l’aide. L’aide doit arriver à ce que les pays puissent s’en sortir tout seuls. Absolument pas, on est toujours exactement dans la dépendance à l’aide. Un troisième élément, c’est d’être arrivé à ce que les services publics soient de qualité. Dégradation partout du service public... !  Il y avait une amélioration dans l’accès aux services publics, il y a de plus en plus d’enfants qui sont scolarisés, de plus en plus d’hôpitaux. Mais, dans les écoles où les enfants sont scolarisés, le niveau a baissé de façon catastrophique. Cette histoire de service public, qui est pour moi centrale, ça se voit très facilement. Prenez n’importe quelle réunion de cadre nigérien, de cadre malien, de cadre burkinabè, demandez-leur s’ils ont leurs enfants dans l’école publique ? Presque aucun ! Demandez-leur s’ils vont au dispensaire du coin se soigner ? Aucun !! C’est bien ça que reprochent les populations aux gouvernements. Tout le monde sait, au Niger ou dans les pays voisins, que l’école est catastrophique. Tout le monde sait qu’elle ne produit que des chômeurs vaguement lettrés. Au fond, c’est un peu ça qu’elle produit. Du coup, quand les djihadistes viennent en disant ‘‘A bas l’école occidentale’’, ‘‘vive l’école coranique’’ etc., peut-être qu’ils ont plus d’audience, du fait de cette faillite de l’école à l’occidentale.RFI : Ces échecs que vous décrivez, est-ce qu’il ne faut pas justement que ceux qui ont propagé des politiques d’aide au développement, des États comme la France, fassent un peu leur auto-critique par rapport à tout ça, et leur examen de conscience par rapport à 60 ans de déception ?Oui, bien évidemment. C’est toujours difficile d’appeler les autres à faire leur auto-critique, en général ils ne sont pas très enthousiastes pour le faire. Vous voyez, le sentiment anti-français, puisque évidemment c’est d’actualité. Ce qui est très curieux, c’est que, de fait, la position de la France en Afrique occidentale a considérablement baissé. La France n’est plus un acteur majeur depuis un bon moment. La France est devenue un partenaire secondaire, on va dire. Mais, il n’y a que deux catégories de gens qui croient qu’elle est un acteur important. Les dirigeants français d’un côté, ils se gourrent, et les populations actuellement qui se disent ‘‘enfin une indépendance’’, comme si c’était la France qui, aujourd’hui, réglait tout.On cherche un autre homme providentiel, ou un autre pays providentiel, c’est pour ça que Sankara revient régulièrement dans les discours. On espère un panafricaniste qui sortirait le Niger, le Burkina ou le Mali de son impasse. Oui, alors effectivement il y a ce qu’on pourrait appeler un néo-panafricanisme qui s’est développé et qui est curieux. Je voyais récemment qu’on est en train de réhabiliter Sékou Touré en Guinée, et quelque part, les bras m’en tombent. Au début de Sékou Touré, j’étais enthousiaste. Quand Sékou Touré a dit non à la France, non à la communauté, j’étais enthousiaste. Et quelque part, ça me rappelle un peu l’enthousiasme qu’ont les gens vis-à-vis des régimes militaires. Quand on dit non à ce qui est considéré comme l’oppresseur, bravo ! Sauf que Sékou Touré a donné lieu après à une dictature absolument impitoyable avec des dizaines de milliers de morts, des centaines de milliers d’emprisonnés, des millions de réfugiés à l’extérieur.Mais justement, c’est la traduction d’un certain désespoir des populations qui ne savent plus vers qui ou vers quoi se tourner.Exactement. On est dans des formes d’impasse et il y a toujours l’ouverture pour des espoirs, on ne peut pas dire délirants, mais des espoirs portés sur des gens dont on peut penser qu’ils ne pourront pas réaliser ces espoirs.
11/3/20234 minutes, 16 seconds
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Assassinat de Ghislaine Dupont et Claude Verlon: «Il ne faut jamais clôturer vite un dossier comme celui-là»

Il y a dix ans, ce 2 novembre, que nos collègues de RFI Ghislaine Dupont et Claude Verlon ont été assassinés à Kidal, dans le nord du Mali. Ils étaient en reportage lorsqu’un commando d’Al-Qaïda au Maghreb islamique les a enlevés avant de les exécuter, moins d’une heure plus tard, aux portes de la ville. Aujourd'hui, l’enquête judiciaire est toujours en cours en France. Des avancées ont été réalisées, des certitudes acquises, mais des zones d’ombre demeurent. Pour faire le point sur la procédure, Marie-Pierre Olphand et David Baché ont interrogé maître Marie Dosé, l’avocate de l’Association des amis de Ghislaine Dupont et Claude Verlon. Marie-Pierre Olphand : Dix ans après l’assassinat de Ghislaine Dupont et de Claude Verlon, l’enquête est toujours en cours. Vous vous attendiez à ce que le combat pour établir la vérité soit si long ?Maître Marie Dosé : Ce sont des dossiers qui prennent nécessairement énormément de temps et parfois même, ils aboutissent à beaucoup moins d’informations mises en lumière que dans ce dossier précisément. Les membres du commando sont identifiés. Nous savons qui ils sont, c’est déjà beaucoup ! Moi, j’ai l’habitude, et je ne veux pas faire de parallèle avec des dossiers précis, mais on sait combien il est difficile dans ces pays de mener des investigations, d’obtenir de vraies coopérations judiciaires. En tout état de cause, là au moins, ce qui s’est passé est délimité. Et ceux qui ont enlevé et tué Ghislaine Dupont et Claude Verlon sont identifiés.David Baché : Le juge d’instruction en charge de l’affaire a rencontré les parties civiles la semaine dernière. Vous avez participé à cette réunion. Jean-Marc Herbaut a-t-il fait état d’avancées particulières, notables ?Il y a eu des avancées sur lesquelles il est revenu et notamment des exploitations téléphoniques qui ont permis de mettre en exergue le fait que Ghislaine et Claude étaient surveillés et que d’autres complicités doivent pouvoir être travaillées, parce que ça ne s’est pas arrêté au simple commando. Il y a eu d’autres complicités extérieures. Ça, c’est le premier point. Ensuite, la dernière requête en déclassification auprès du ministère de la Défense a été plutôt fructueuse. Il [le juge d’instruction, NDLR] a obtenu des renseignements précis sur ceux qui portent la responsabilité de ces enlèvements et de ces deux assassinats.D.B. : Des éléments de biographie ?Des éléments d’identification et de biographie, mais des éléments suffisamment précis pour pouvoir être exploités. Par contre, ce qui ressort de cette audition de parties civiles, mais nous le savions, c’est qu’il n’y a plus aucune coopération judiciaire entre la France et le Mali, et que là nécessairement, cette instruction va être gelée, ou en tout cas, pendant des mois, peut-être des années, elle va être extrêmement difficile à poursuivre puisque, tout simplement, il n’y a plus de travail possible au Mali aujourd’hui.M.P.O. : Est-ce que cela veut dire qu’il n’y a plus d’échanges du tout avec le juge malien en charge de l’instruction ?Mais c’est pire que ça, il n’y a plus de juge malien en charge de l’instruction ! Il a existé, ils ont pu travailler [les juges français et malien, NDLR]. Il a aidé notamment s’agissant de la récupération de certaines données qui permettent aujourd’hui d’avancer dans la manifestation de la vérité. Mais là, il n’y a plus d’interlocuteur, donc il n’y a plus de coopération. C’est fini.D.B. : Vous avez parlé de l’exploitation des données téléphoniques. Aujourd’hui, ces données téléphoniques permettent d’établir qu’il y a eu un réseau de complicité plus large qu’imaginé au départ ? C’est sur cela que portent les investigations actuellement ?Je pense que les magistrats instructeurs n’imaginent rien. Ils ouvrent des portes, puis ils les ferment. Là, en l’occurrence, les exploitations téléphoniques ont montré que depuis leur arrivée à Kidal, il semblerait que Ghislaine et Claude étaient surveillés. Donc, en tout état de cause, il y a eu des complicités extérieures aux membres du commando.À lire aussiAssassinat de Ghislaine Dupont et Claude Verlon: dix ans après, des certitudes et des doutesM.P.O. : Est-ce qu’on sait si ces complicités concernent des personnalités encore vivantes aujourd’hui ?Il est tout à fait possible que certaines personnes encore vivantes soient actuellement à Kidal et puissent avoir été complices de cette opération. Mais je dis bien qu’il est « tout à fait possible », je ne peux pas vous l’affirmer avec précision aujourd’hui.D.B. : Cela fait quatre années que le juge d’instruction demande des documents aux Nations unies, notamment des photos qui ont été prises à Kidal par des Casques bleus, peu avant l’enlèvement de Ghislaine Dupont et Claude Verlon. Où en est-on de cette demande ?Alors, j’avoue que je comprends très mal ce qui se passe avec l’ONU parce que, dans ce dossier, l’ONU a été très ferme sur le Secret Défense et a d’ailleurs vilipendé la France en expliquant que le Secret Défense freinait la manifestation de la vérité. Mais force est de constater que depuis quatre années maintenant, nous attendons des photographies qui ne viennent pas. Le magistrat instructeur n’a tout simplement aucune réponse ! L’Association des amis de Ghislaine Dupont et Claude Verlon s’est adressée directement à l’ONU. J’ai écrit ! J’ai écrit au nom de l’association directement à l’ONU en leur demandant de transmettre ces photographies. Et nous n’avons aucune réponse. Il semblerait que l’ONU ait adressé une réponse qui serait sur le bureau du ministère des Affaires étrangères, et toujours pas transmise au juge d’instruction en indiquant qu’aucune photographie n’avait été prise. Ce qui est absolument impossible. Évidemment que des photographies existent et je ne comprends pas cette réticence, en tout cas ces quatre années où strictement rien ne s’est passé s’agissant de cette coopération.M.P.O. : Pourquoi ces photos sont-elles importantes pour vous ?Les photographies sont toujours importantes, notamment parce que trois, quatre jours avant leur enlèvement, il y a eu une manifestation où, peut-être que des complices étaient présents. Peut-être même des membres du commando ? Les photographies doivent toujours être dans les dossiers d’instruction pour pouvoir être exploitées et comparées au fur et à mesure des investigations menées. Donc, c’est toujours extrêmement important.D.B. : Le juge d’instruction a récemment auditionné Olivier Dubois, journaliste et ex-otage au Mali d’Al-Qaïda, libéré en mars dernier. Olivier Dubois s’est retrouvé face à Seidane Ag Hitta, l’un des principaux chefs du Jnim lié à al-Qaïda, et qui avait personnellement commandité l’enlèvement de Ghislaine Dupont et Claude Verlon. Est-ce que cette audition a apporté de nouveaux éléments ?Elle a d’abord permis de confirmer une chose : c’est que c’est bien ce véhicule qui était en panne et qui a empêché les ravisseurs de poursuivre leur route, et qui a fait que la voiture s’arrête et que donc, tout le monde descend. Ensuite, ce qu’il a pu préciser, c’est que ce n’est pas lui qui avait ordonné l’assassinat. Cela n’a pas empêché évidemment la revendication. Mais ce n’est pas lui qui l’avait ordonné, ça a été une décision des membres du commando au moment où justement ils ont été obligés de prendre la fuite, ce qui d’ailleurs ne semblait pas avoir surpris ce témoin en expliquant que de toute façon, les jihadistes expliquent qu’à un moment donné lorsque l’on fuit et que les otages refusent de fuir, ils sont exécutés. Je ne sais pas si Ghislaine et Claude ont refusé de fuir. Leurs amis, leurs proches indiquent aujourd’hui, eu égard à ce qu’ils étaient et à leur expérience, que c’est absolument impossible. Là, on ne va pas pouvoir, de toute façon, tisser exactement le scénario de ce qui s’est passé. Mais au moins, cette audition aura permis de confirmer que la voiture s’est arrêtée, qu’ils n’ont pas pu poursuivre leur trajet et qu’à partir de là, tout le monde est descendu et les otages ont été assassinés.À lire aussiLe journaliste Olivier Dubois présent lors d'un hommage rendu à Ghislaine Dupont et Claude Verlon à ParisM.P.O. : Un seul des quatre ravisseurs présumés est toujours vivant. Peut-on envisager qu’il soit appréhendé, interrogé dans le contexte actuel des relations entre la France et le Mali ?Dans le contexte actuel, non. Absolument pas. Mais il ne faut jamais clôturer vite un dossier comme celui-là. Il faut attendre, il faut persévérer. Il faut essayer malgré tout de travailler. Et puis surtout, il faut espérer que dans un an, deux ans, trois ans, une coopération puisse de nouveau être effective entre les deux pays. Il n’est jamais trop tard, jamais.
11/2/20237 minutes, 12 seconds
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«Centrafrique: la fabrique d'un autoritarisme»: avec le changement de Constitution, «Touadéra a une assurance de rester au pouvoir»

« Centrafrique : la fabrique d'un autoritarisme », c'est le titre d'une étude publiée par le Centre de recherche international de SciencesPo et qui explore la construction du pouvoir du président Faustin-Archange Touadéra depuis 2016 : à la fois dans la continuité des pratiques historiques dans le pays et du contexte international de notre époque. Entretien avec le chercheur Roland Marchal, spécialiste de la région et auteur de l'étude. RFI : Vous attaquez fort en définissant la Centrafrique comme un « État déliquescent autour d’une crise existentielle » et jouant de ses « propres faiblesses et de la configuration régionale et internationale » pour « contraindre le champ politique et terroriser sa propre population ». L’analyse de la situation en Centrafrique pousse-t-elle nécessairement à tant de sévérité ? Roland Marchal : Je parle de cette crise de 2013 qui, d’une certaine façon, reste irrésolue. Est-on sorti de cet épisode tragique ? Par certains côtés, apparemment oui : le niveau de violence à Bangui n’est évidemment plus du tout de même nature. Par contre, on peut considérer que ce pays reste quand même dans un entre-deux à cause de choses basiques : le nombre de déplacés, le nombre de réfugiés, une situation politique et sécuritaire qui reste quand même hautement problématique malgré une forte présence des Nations unies et de ce qu’on appelle très gentiment les forces bilatérales, c’est-à-dire russes et rwandaises.Est-ce qu’on peut résumer votre propos en disant que dans le fond, Faustin-Archange Touadéra a bâti un projet autoritaire à la fois dans la lignée de l’histoire centrafricaine, mais aussi en s’adaptant à une situation sous-régionale et internationale mouvante, et que cela lui a permis de pérenniser son pouvoir ?Ce régime post-transition a réussi à sortir d’une certaine façon la gestion de la crise centrafricaine de ses opérateurs traditionnels, le Congo-Brazzaville et le Tchad, et au contraire a su se rendre dépendant du Rwanda, de l’Angola et également évidemment de la Russie. Déjà là, il y a une nouveauté qui est très intéressante et qui montre d’une certaine façon la grande modernité du projet autoritaire. Ce qui est inquiétant, de mon point de vue, c’est le fait qu’on a un environnement international qui a été extraordinairement défaillant, à commencer bien sûr par la France - j’y consacre de nombreuses pages -, mais également les Nations unies : il faudra quand même un jour dire l'extraordinaire échec qu’elles connaissent en Afrique centrale.Ce qui est notable dans ce régime, c’est qu’il vient au terme d’une crise existentielle, qu’il faut reconstruire un pays et que ce qu’on va voir, c’est finalement une élite qui va essayer de se reconstruire elle-même. Et je dis ça au sens propre et figuré, parce qu’au sens propre, on peut constater qu’il y a tout un nouveau quartier de Bangui qui s’appelle « Bellevue » - je dis c’est plutôt « belle vie » -, avec de très nombreuses maisons extrêmement spacieuses, luxueuses dans un contexte centrafricain, mais construites avec quel argent ? La population se demande : « pourquoi, nous, on n’a rien et pourquoi certains ont tant ? »Il y a un autre point de permanence, c’est la rupture entre la capitale qu’on appelle des fois « la République de Bangui » et les provinces, rupture qui ne fait que se creuser ?Cela est un énorme problème dans l’appréhension internationale de la situation en Centrafrique. D’une certaine façon, si les choses ne se passent pas trop mal à Bangui, cela veut dire qu’elles ne se passent pas trop mal à l’échelle du pays, se dit-on, ce qui évidemment n’est pas vrai du tout. Et c’est là peut-être où on doit regretter l’hypocrisie, pour être gentil, des Nations unies : elles auraient dû depuis le début mettre un point tout à fait alarmiste sur cette situation. Au contraire, ce qu’on a vu, ces écarts se développent ; et à l’intérieur de Bangui également, entre certains quartiers.Faustin-Archange Touadéra a eu pendant plusieurs années un comportement assez virulent vis-à-vis de la communauté internationale et de la France. Ces derniers mois, il y a eu un changement de ton par rapport à Paris, par rapport à l’ONU, par rapport aux bailleurs internationaux. Comment voyez-vous ce changement de ton ?Je crois qu’il y a plusieurs choses qui se sont passées. La première, c’est quand même le changement de Constitution qui va permettre à Monsieur Touadéra d’être réélu sans aucun problème dans son propre pays. Donc, il a une assurance d’une certaine façon de pouvoir rester au pouvoir. Il sait que pour rester au pouvoir, il lui faut payer ses fonctionnaires, surtout ses militaires. Fondamentalement, c’est comme ça que [François] Bozizé s’est maintenu et disons que d’une certaine façon, le calcul est assez juste. Il n’a pas besoin de développer le pays, il n’a pas besoin de faire régner l’ordre et la loi.Et donc, il s’est retrouvé face un moment à une pression financière très forte puisque la France a arrêté l’aide budgétaire, du coup l’Union européenne a arrêté, et du coup la Banque mondiale et les autres institutions donatrices ont été quand même plus hésitantes : puisque donner de l’argent à la Centrafrique, cela signifiait fondamentalement payer les salaires de Wagner.Aujourd’hui, la posture française a évolué. Le président Touadéra se dit qu’on peut faire un peu plus de diplomatie, qu’on peut donner certaines assurances, une des assurances étant par exemple de ne pas donner l’hospitalité à des groupes rebelles tchadiens, donner une marge de manœuvre plus grande au Rwanda, et que tout cela va dans le sens des intérêts bien compris de Paris.À lire aussiCentrafrique: le président évoque «des avancées majeures» dans le processus politique et de pacification du pays
11/1/20234 minutes, 59 seconds
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Congo-Brazzaville: «Les agriculteurs n'ont pas été indemnisés» dans le cadre du projet forestier BaCaSi

Il y a près de deux ans, TotalEnergies lançait, avec l’État congolais, le projet BaCaSi, dans le département des Plateaux. L'objectif était de créer un massif forestier sur près de 40 000 hectares en l’espace de dix ans et développer l’agroforesterie. Problème, ce projet se serait développé au détriment des populations locales, dénonce le Secours catholique, le CCFD-Terre Solidaire et la Commission diocésaine Justice et Paix de Pointe-Noire, dont Brice Mackosso est le secrétaire permanent. RFI : Brice Mackosso, ce projet BaCaSi a donc été inauguré en novembre 2021, 55 000 hectares ont donc été alloués à TotalEnergies. Ces terres-là, vous dites, sont constituées de savanes et de forêts galeries utilisées notamment pour la culture du manioc. Le premier problème, dites-vous, c’est que les populations locales ont été évincées de ces terres avec l’arrivée de ce projet…Brice Mackosso : Exactement, puisqu’il a été demandé à tous les agriculteurs de cesser les activités sur cette zone. Les autochtones également ont été priés de ne plus mener d’activités dans ces forêts galeries [forêts denses fermées qui accompagnent les cours d'eau dans les régions de savanes, NDLR] ceci avant que le plaidoyer de nos trois organisations ne soit mis en place.Est-ce que les populations locales ont été prévenues en amont de ce projet ?D’après le gouvernement et TotalEnergies, évidemment les populations ont été prévenues. Mais lorsque nous avons discuté avec ces mêmes populations, elles nous ont fait savoir qu’elles ne comprenaient pas très bien le projet et qu’il y a eu beaucoup de surprises aussi bien du côté des terriens que des agriculteurs sur le développement actuel du projet.Ce que vous dites un petit peu dans ce rapport, c’est que, pour vous, il n’y a pas eu vraiment de concertation entre TotalEnergies et les populations locales…Exactement. Je parlerai des terriens par exemple à qui on dit qu’ils ont vendu la terre, alors que, d’après les terriens de la zone, il y a eu juste une compensation symbolique, un franc symbolique qui a été donné aux populations. Le gouvernement a dit : nous prenons vos terres pour développer le pays. Mais après le discours qui a été servi, c’est que les terriens ont vendu la terre et que ça, ces terriens Batéké qui ne vendent jamais leurs terres sont un peu frustrés de ce comportement mercantiliste qui leur a été attribué.Et les populations après coup n’ont pas été indemnisées par TotalEnergies dans le cadre de ce projet ?Dans le cadre de ce projet, les agriculteurs n’ont pas été indemnisés. Il leur a juste été demandé de faire les récoltes et de cesser toute autre activité agricole dans la zone. Mais il n’y a pas eu d’indemnisation dans le sens où ces agriculteurs, qui avaient investi des sommes d’argent déjà pour louer la terre auprès des terriens, et également pour travailler cette terre, ces agriculteurs n’ont pas été indemnisés pour les fonds investis dans le cadre de leur activité qu’ils menaient dans la zone.À travers ce projet BaCaSi, ce que vous dénoncez, c’est ce système de compensation carbone utilisée par les multinationales comme TotalEnergies. Expliquez-nous-en quelques mots ce que c’est cette compensation carbone…La compagnie décide de planter des acacias pour séquestrer du carbone. Mais là encore, nous ne comprenons pas très bien le projet de la compagnie. Est-ce que c’est le carbone qu’ils vont mettre sur le marché international des carbones ou est-ce que c’est juste pour compenser leur bilan carbone ?Il est demandé aux entreprises multinationales, notamment celles qui travaillent dans les fossiles [énergies, NDLR], de réduire leur empreinte carbone. Et les multinationales pensent, et notamment aussi avec l’Accord de Paris qui a prévu ce mécanisme qu’il est possible de mener des projets d’agroforesterie pour pouvoir compenser ces carbones. Pour nous, nous pensons que les entreprises devraient beaucoup plus améliorer leur technique, réduire l’empreinte carbone en améliorant ou en réduisant les gaz à effet de serre. Mais ce n’est vraiment pas en utilisant cette technique de compensation via des forêts d’agroforesterie qu’on va vraiment réduire l’empreinte carbone dans le monde.Aujourd’hui, il y a des discussions avec TotalEnergies. Vous êtes parvenu à entrer en contact avec la multinationale qui avait déjà été mise en cause l’an passé sur ce même projet par d’autres organisations ?C’est cela. Aujourd’hui, nous avons un dialogue constructif avec la multinationale sur ce sujet afin de permettre aux agriculteurs de reprendre leur travail, mais aussi aux autochtones de repartir mener leurs activités dans les forêts galeries. Pour les autochtones, cela a été acté. Ils ont aujourd’hui accès aux forêts galeries grâce évidemment au plaidoyer que nous avons mené. Il y a un projet d’accord entre les agriculteurs et la compagnie afin que ceux-ci repartent travailler. Nous avons bon espoir que cet accord va être signé assez rapidement. Mais nous posons tout de même la question pour savoir quelles formes d’accompagnement la compagnie va pouvoir faire vis-à-vis des agriculteurs qui ont déjà, pendant deux ans, perdu les moyens de subsistance. Comment ces agriculteurs pourront redémarrer une activité après avoir perdu les moyens financiers ?
10/31/20234 minutes, 32 seconds
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Joshua Osih: «Il faut absolument un agenda social-démocrate au Cameroun, le SDF est la réponse»

Le dixième congrès ordinaire du Social Democratic Front (SDF) s'est achevé hier, dimanche 29 octobre, à Yaoundé avec l'élection du tout du nouveau président de cette formation politique de l'opposition, fondée en 1990. Et c'est, comme annoncé, le favori qui a été élu. Il s'agit du député Joshua Osih. Il remplace le fondateur, Ni John Fru Ndi qui a dirigé le parti jusqu'à son décès en juin 2023. Quel état des lieux fait-il de la situation du parti ? quelles sont ses ambitions pour le SDF ? Sera-t-il favorable à une candidature unique de l'opposition pour la prochaine élection présidentielle ? Joshua Osih répond aux questions de notre correspondant. RFI : Joshua Osih, vous êtes le tout nouveau président élu du SDF, au terme d’un congrès qui s’est achevé dimanche matin à Yaoundé. Vous étiez annoncé largement vainqueur, mais finalement, l’élection s’est avérée houleuse et tendue. Quels commentaires avez-vous ? Joshua Osih : Premièrement, j’aimerais remercier tous les délégués qui m’ont exprimé leur confiance en me donnant leurs voix. Deuxièmement, il n’y a aucune élection facile. Et je pense, troisièmement, que nos congrès sont toujours des moments de grande convivialité et des moments où la démocratie s’exprime, donc je ne peux que m’en féliciter.Vous accédez à la tête du SDF à un moment où le parti a considérablement perdu en poids électoral et en influence. Quelles sont donc les priorités de votre mandat ? Je ne pense pas qu’on peut parler de perte de vitesse. Vous savez très bien que nous avons perdu plusieurs sièges par le fait que nos différentes lois ne permettent pas que les élections qui sont annulées par le Conseil constitutionnel aient une autre issue qu’une reprise. Alors il se trouve que nous avons obtenu du Conseil constitutionnel que treize circonscriptions sur lesquelles nous avons fait des recours ont été annulées pour le fait que ces circonscriptions sont en guerre. Et malheureusement, tout ce que le Conseil constitutionnel a pu faire, c’est de reprogrammer des élections sans d’abord arrêter la guerre, et donc nous nous sommes retrouvés dans une situation où nous ne pouvions pas placer nos candidats comme des chairs à canon dans ce conflit, et nous avons décidé de ne pas continuer dans la procédure. Donc je ne considère pas tout cela comme étant perte de vitesse, au contraire, aujourd’hui je pense qu’avec l’affluence que vous avez vu lors de ce congrès, avec tout ce qui s’est passé lors des obsèques de notre président national, Ni John Fru Ndi, je pense que vous devriez plutôt me dire : comment ça se fait que le parti soit aussi vivant aujourd’hui ?Vous êtes avec d’autres partis de l’opposition, dont le MRC et le PCRN, dans une plate-forme qui appelle de tous ses vœux à la réforme du Code électoral avant la prochaine élection présidentielle de 2025. Cette dynamique peut-elle aller dans le sens de la désignation d’un candidat unique de l’opposition face à celui que présentera le RDPC [le parti au pouvoir] ? J’aimerais déjà dire que le travail qui a été fait et qui est encore d’actualité aujourd’hui avec les autres partis de l’opposition camerounaise, c’était pour mettre en commun les points que nous pensions être les points saillants pour un code électoral acceptable au Cameroun. Ce travail a été fait, il a été publié en anglais et en français. Maintenant, nous pouvons nous asseoir sur ce travail-là et le fait que nous nous sommes rapprochés pendant ces travaux pour aller plus loin, pour fédérer nos forces, pourquoi pas une coalition à une élection. Mais nous n’en sommes pas encore à ce point.Le SDF se croit-il encore capable, comme du temps de Ni John Fru Ndi qui en a été proche, de gagner à lui tout seul une élection présidentielle au Cameroun ? Il faut quand même restituer la vérité, nous n’en avons pas été très proches, nous avons gagné l’élection de 1992 qui nous a été volée. Maintenant, si nous pouvions gagner en 1992, nous pouvons aussi gagner en 2025, donc nous ne sommes pas loin de là. Il faut absolument qu’il y ait une alternance au Cameroun, il faut absolument délivrer le peuple camerounais de 60 années de néocolonialisme, il faut absolument un agenda social-démocrate au Cameroun, et le SDF est la réponse, et c’est pour cela que nous nous levons tous les matins pour apporter cet agenda aux Camerounaises et aux Camerounais.Depuis 33 ans, le SDF n’a jamais participé à un gouvernement du RDPC, est-ce qu’avec votre avènement à la présidence de ce parti, on peut voir le SDF demain dans un gouvernement d’union ? Si oui, à quelles conditions ? Je pense que ce n’est pas à l’ordre du jour. Pour l’instant, nous avons une majorité obèse qui n’a pas besoin d’union, qui dilapide un peu tout ce qu’elle trouve sur son chemin, ce qui est un véritable problème pour tous les Camerounaises et les Camerounais, et donc nous n’avons aucune envie d’aller rejoindre un problème. Nous voulons plutôt être du côté des solutions. Si demain on est dans une situation où une solution est posée sur la table, nous pouvons y participer.
10/30/20234 minutes, 30 seconds
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Stuart Reid : «La CIA a recommandé à Mobutu d'organiser la liquidation définitive de Lumumba»

C'est une enquête historique remarquablement documentée que vient de publier le journaliste américain Stuart Reid. Le livre est intitulé The Lumumba Plot – Le Complot Lumumba – et il revient notamment, archives à l'appui, sur le rôle joué par les autorités américaines et la CIA dans l'élimination de Patrice Emery Lumumba, le charismatique Premier ministre du Congo indépendant. Stuart Reid est ce matin l'invité Afrique de RFI, interrogé par Laurent Correau. RFI : Votre livre est intitulé Le Complot Lumumba. Pourquoi parlez-vous de « complot » ?Stuart Reid : Parce qu’il y avait un véritable complot visant à saper l’autorité de Lumumba, à le renverser et le tuer. Il y avait bien sûr plusieurs conspirateurs. Les Belges étaient très désireux de se débarrasser de lui. Mais personne n’était aussi puissant que les Américains. Et donc, ce qu’ils ont fait, c’est que cinq semaines après le début du mandat de Lumumba en tant que Premier ministre, la CIA a encouragé le président congolais à le destituer du pouvoir, et les manifestations et la propagande financées par la CIA lui ont permis de le faire plus facilement. La CIA a encouragé Joseph Mobutu à prendre le pouvoir, l’a financé ainsi que d’autres membres de son régime illégal... et elle lui a recommandé d’organiser la « liquidation définitive » de Lumumba.Vous rappelez dans votre livre un fait essentiel, à savoir cette instruction donnée par le président Eisenhower le 18 août 1960, lors d’une réunion du Conseil national de Sécurité. Il demande alors qu’on élimine Lumumba… Mais au-delà de cela, vous nous faites découvrir de nombreux échanges qui ont eu lieu au sein des milieux dirigeants américains, de l’ambassade à la Maison Blanche… et l’on comprend que pendant qu’il occupe le poste de Premier ministre, Lumumba est perçu de manière croissante comme un ennemi par de nombreux responsables américains…C’est exact. En fait, c’est un grand malentendu, car Lumumba était assez sympathique à l’égard des États-Unis. Il voulait envoyer les jeunes Congolais dans les écoles américaines. Il faut savoir qu’à un moment, il a confié l’avenir économique de son pays à un Américain ! Il a signé un contrat de 2 milliards de dollars cédant toutes les ressources minérales et hydroélectriques du Congo à un entrepreneur américain. Et il a même demandé l’envoi de troupes américaines au Congo. Ce n’est pas vraiment ce que l’on attendrait d’un communiste, en termes de paroles et d’actions !De quelle manière les responsables américains de l’époque, à l’ambassade, au département d’État, à la CIA ou à la Maison Blanche, décrivent-ils Lumumba ? Le thème principal était que Lumumba était irrégulier, instable et peu fiable. Il y avait aussi beaucoup de racisme. Clare Timberlake, l’ambassadeur des États-Unis au Congo, a par exemple plaisanté dans une lettre en disant que Lumumba était un cannibale. Il y a aussi cette peur récurrente des dirigeants américains de voir Lumumba se rapprocher de l’Union soviétique... On est en pleine guerre froide... À quelle occasion est-ce que cette peur s’exprime ?Cette crainte a été exprimée à plusieurs reprises par les responsables du gouvernement américain, en particulier après que Lumumba ait demandé l’aide militaire de l’Union soviétique. Le 18 août 1960, Larry Devlin envoie par exemple un câble inquiétant dans lequel il dit : « L’ambassade et la station pensent que le Congo fait l’expérience d’un effort communiste classique pour prendre le pouvoir. » Le même jour, le président Eisenhower ordonne à la CIA de se débarrasser de Lumumba.La CIA va donc mettre en place différents plans pour assassiner Lumumba. Pourquoi est-ce que ces différents plans n’aboutissent pas ?La méthode initiale consistait à empoisonner son dentifrice ou sa nourriture. Pour cela, la CIA a envoyé du poison au Congo. Le problème, c’est que Lumumba était assigné à résidence et que les Américains ne pouvaient pas accéder à sa maison. Le chef du bureau de la CIA au Congo à l’époque, Larry Devlin, a donc proposé d’autres méthodes, comme lui tirer dessus avec un fusil puissant. Mais comme vous l’avez dit, aucun de ces projets n’a abouti.L’un des nœuds de l’histoire de l’assassinat de Lumumba, c’est le moment où les autorités de Léopoldville, prennent la décision de le sortir du camp de Thysville où il est détenu… et de l’envoyer soit à Bakwanga, l’actuelle Mbuji-Maï au Kasaï, soit à Elisabethville au Katanga, l’actuelle Lubumbashi. Ces deux zones sont tenues par des ennemis jurés de Lumumba et il y a peu de doutes qu’un tel transfert conduira à sa mort. Le chef de poste de la CIA à Léopoldville, Larry Devlin apprend le 14 janvier que ce transfert a été décidé, trois jours avant qu’il ait lieu… mais il ne fait rien. Et, écrivez-vous, « Ce silence a scellé le destin de Lumumba ». Pourquoi ?Eh bien, cela a été pris comme un feu vert. Mobutu et les autres membres de son gouvernement à Léopoldville s’entretenaient régulièrement avec Larry Devlin, le chef de poste de la CIA, et le consultaient en permanence. Il avait une énorme influence sur eux. Les autorités lui ont dit qu’elles étaient sur le point de transférer Lumumba dans un endroit où il était certain qu’il mourrait. En fait, en ne disant pas à Mobutu et à ses sbires de protéger Lumumba, Devlin a scellé le destin du Premier ministre. Lumumba a été transféré au Katanga et abattu peu après son atterrissage.Pourquoi d’après vous, Larry Devlin évite-t-il de tenir Washington informé de cette information essentielle ?Parce que le président américain Dwight Eisenhower était sur le point de finir son mandat, que John F. Kennedy était sur le point d’entrer en fonction, et que le gouvernement américain ne voulait pas que de grandes décisions soient prises pendant la transition. Larry Devlin s’est rendu compte que s’il avait informé ses supérieurs du projet de déplacer Lumumba, ils lui auraient probablement dit d’intervenir et d’arrêter le transfert. Mais Devlin considérait Lumumba comme trop dangereux pour le laisser vivre.L’arrière-plan de cette histoire, lit-on dans votre livre, ce sont les liens que Larry Devlin va tisser avec ce qu’on a appelé « le groupe de Binza » constitué autour du général Mobutu. Que sait-on de ces liens et de l’intérêt de la CIA à soutenir le groupe de Binza ?Larry Devlin était très proche du groupe de Binza. On pourrait presque le qualifier de membre honoraire. En fait, le groupe doit son nom à la banlieue chic de Léopoldville où vivaient la plupart de ses membres. Il s’agit d’un groupe informel qui était centré sur Mobutu, avec également Justin Bomboko, le ministre des Affaires étrangères, et Victor Nendaka, le chef des services de sécurité.Pourquoi la CIA a-t-elle soutenu le groupe de Binza ? Parce qu’en fait, c’est là que se trouvait le véritable pouvoir et que ses membres, surtout, étaient considérés comme proaméricains. Les États-Unis avaient contribué à l’installation de Mobutu au pouvoir, et le groupe de Binza, c’était le cercle des conseillers de Mobutu.De manière générale, à quel point la CIA va-t-elle chercher à peser dans les intrigues congolaises de cette époque ?   À partir d’août 1960, c’est-à-dire moins de deux mois après l’indépendance, la CIA a été étroitement impliquée dans la politique congolaise. Non seulement elle a participé aux événements qui ont conduit à la mort de Lumumba, mais après ça, elle a continué à soutenir Mobutu. La CIA a soudoyé les politiciens qui étaient pro-Mobutu et a sapé ceux qui ne l’étaient pas. Elle s’est précipitée au secours de Mobutu lorsque des rébellions ont éclaté dans son pays en 1964. La CIA a alors mis en place ce qui, à ce moment-là, était l’opération paramilitaire la plus coûteuse de son histoire. Elle a créé une force aérienne pour le pays. Pendant des décennies, une grande partie de cette histoire a été classifiée. Mais maintenant, nous voyons enfin à quel point la CIA s’est immiscée au Congo.
10/29/20238 minutes, 34 seconds
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Boxe: «Je suis ambitieux», confie Francis Ngannou avant son combat contre Tyson Fury à Riyad

Ce samedi 28 octobre est une journée doublement historique pour le sport africain, avec l'Afrique du Sud en finale de la Coupe du monde de rugby en France face à la Nouvelle-Zélande dans un premier temps, avant un combat de boxe ultra-médiatisé à Riyad en Arabie saoudite. Il oppose l'invincible poids lourd anglais Tyson Fury, invaincu en 34 combats et le champion de MMA Francis Ngannou, qui n'a jamais combattu en professionnel en boxe anglaise, mais qui fera face au géant britannique pour 10 rounds de 3 minutes. Un affrontement que le Camerounais espérait depuis des années... À 37 ans, le voilà face au combat de sa vie. À quelques heures de monter sur le ring, il s'est confié à Martin Guez. RFI : Francis Ngannou, comment est-ce que vous vous sentez avant ce grand combat ?Francis Ngannou : Je vais très bien, là, je me sens bien. Samedi passé, on a fini les entrainements, des entrainements intenses. Là, on est entré en phase de récupération et on essaie de continuer à maintenir un peu la forme, pour arriver au pic de sa forme le jour J.Justement, racontez-nous un petit peu comment vous vous êtes préparé pour un tel combat. Vous êtes arrivé assez tôt en Arabie saoudite pour vous acclimater, et j’ai cru comprendre que vous vous leviez au beau milieu de la nuit, vers 2h du matin, pour vous mettre en condition pour le jour du combat.Oui, ma préparation s’est faite à Las Vegas, où je me suis entraîné pour trois mois et après, il a fallu que je vienne un peu plus tôt, vu qu'il y a 10 heures de décalage horaire, avec Las Vegas déjà. Et autres paramètres pour pouvoir s'acclimater : habituer son organisme à être éveillé et actif à ces heures qui seront les heures du combat.On ne vous donne pas forcément favori de ce combat, d’ailleurs vous n’allez pas évoluer tout à fait dans votre discipline. Vous, vous êtes plutôt MMA [1]. Là, ça va être un combat de boxe anglaise. Même si vous l’avez pratiquée à vos débuts, est-ce que ça vous plaît d’être un petit peu dans cette position de challenger ?Le fait de ne pas être favori, ça ne me dérange pas du tout. Moi, je ne suis pas là pour être favori, je suis là pour poursuivre mon rêve. Et a priori, ça se passe bien. D'aussi longtemps que je me souvienne, je n’ai jamais lâché, et je ne fais que suivre ma feuille de route. Et tout se passe bien. Donc, c’est déjà une victoire en elle-même. Après, le combat sera une autre victoire qu’on ira chercher samedi soir. Mais, ça ne me dérange pas. En plus, j’ai l’habitude de ne pas être favori.On peut dire que le décor est bien planté autour de ce combat. Il y a eu beaucoup de petites phrases en amont. On a annoncé que ce serait la « bataille des "baddest" ». En français, ça donne la « bataille des "plus méchants" ». Mais quand on entend votre voix douce, on a du mal à y croire. Est-ce que vous êtes méchant, Francis Ngannou ?« Baddest », c’est dans la mesure de la détermination. Et quoi que vous fassiez dans la vie, vous devez être déterminé. Que ce soit combattre sur le ring, ou être journaliste comme vous l’êtes, vous devez être déterminé une fois que vous êtes sur votre champ de bataille. Vous allez tout donner. Et c’est ça la détermination en fait, c’est ça l’incarnation du mot « baddest ».Un autre méchant, en tout cas quelqu’un qui a été très déterminé dans sa vie, c’est un certain Mike Tyson, avec qui vous vous êtes préparé. Qu’est-ce que cette légende de la boxe vous a apporté dans la préparation de ce combat ?La présence de Mike Tyson, ce fut quand même un truc psychologique aussi. D’un autre côté, un peu un côté fan, tu vois, le rêve de ce petit garçon fan de Mike Tyson qui, aujourd’hui, est à ses côtés. Ça a eu plusieurs apports.Il y a une promotion vraiment énorme autour de cette soirée, autour de votre combat à vous, Francis Ngannou, contre Tyson Fury. On a même pu apercevoir Cristiano Ronaldo dans la bande-annonce de l’événement. Est-ce que vous avez déjà connu un pareil engouement pour un de vos combats ?Non, honnêtement, pas du tout. Ça n’a rien à voir avec ce que j’ai connu auparavant. Ça a été un peu nouveau pour moi. C’est possible d’être concentré. Au bout du compte personne ne vous empêche de vous entraîner, d’aller vous coucher ou de faire quoi que ce soit. Donc c’est à vous maintenant de garder les yeux rivés sur l’objectif.Est-ce que vous pensiez en arriver là un jour, vous l’enfant de Batié, dans l'ouest du Cameroun, qui a connu la grande précarité ou la misère et les chemins de la migration, vous avez un parcours très atypique et un destin assez incroyable, finalement ?J’ai toujours rêvé, je me suis permis de rêver. Je me suis permis de visualiser. Tellement que parfois, j'ai l'impression d'avoir vécu certains événements, même s'ils sont tous nouveaux. Mais j'ai l'impression d'avoir vécu, c'est tellement dans mes rêves. Nul n'aurait pu le savoir. Mais, au départ, même moi je ne savais pas que c'était possible. Il était juste question d'essayer et de tout donner. On peut avoir une influence sur son avenir, de par sa détermination et sa foi.Est-ce que vous diriez que c’est le plus grand combat de votre vie ?Pour l’instant, oui. Mais, comme on dit souvent, le meilleur reste à venir. Je ne m’arrête pas là. Mais juste pour l’instant, oui, ça reste le plus grand, de loin le plus grand.Et ça ne sera pas le dernier ?Non, je ne compte pas m’arrêter là. Je suis ambitieux, moi.Un autre ambitieux, Tyson Fury, a préparé un autre combat contre l'Ukrainien Oleksandr Usyk un petit peu plus tard. Est-ce que vous l’avez pris comme une provocation, est-ce que c’est un manque de respect ?Non, parce que ça n’a pas la même ampleur que ce combat. Donc, du coup, ça ne me dérange pas du tout. C’est peut-être une décision professionnelle, effectivement, parce qu’ils ont fait ça dans le but de remplir des obligations, mais pas parce que c’était un plus grand combat. Mais moi, ça ne me dérange pas.[1] Sport de combat en un contre un autorisant l'utilisation de différentes techniques de percussion (coups de poings, pieds, genoux, coudes...) et de préhension debout et au sol.
10/27/20235 minutes, 12 seconds
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Bénin: Thomas Boni Yayi «n’aura jamais été loin de la scène qu’il n’a jamais quittée», selon Wilfried Houngbédji

Au Bénin, Thomas Boni Yayi a effectué un retour inattendu le 15 octobre 2023 sur le devant de la scène politique. L’ancien chef d’État a pris la direction de son parti Les Démocrates, jusque-là occupé par Éric Houndété. Comment le pouvoir béninois interprète-t-il ce retour au premier plan de l'ancien président ? Que répond le gouvernement à ceux qui accusent le président Patrice Talon d’avoir mis à mal le modèle démocratique béninois ? Quel avenir pour l’opposante Reckya Madougou et pour le constitutionnaliste Joël Aïvo, emprisonnés depuis plus de deux ans ? Wilfried Houngbédji, le porte-parole du gouvernement béninois, est ce matin l’invité de Pierre Firtion  RFI : Wilfried Houngbédji, Thomas Boni Yayi revient sur le devant de la scène politique, il a été désigné président des Démocrates il y a dix jours, comment interprétez-vous ce retour au premier plan de l’ancien président ?Wilfried Houngbédji : Je crois que ses camarades chefs de partis politiques sauront mieux que moi vous dire ce qu’il faut en penser. Vu du gouvernement, pour nous, rien de nouveau sous le soleil, car à la vérité, il n’aura jamais été loin de la scène qu’il n’a jamais quittée.Mais est-ce que cette désignation ne traduit pas une volonté du parti Les Démocrates d’être plus présent dans le débat politique, selon vous ?Je ne saurais le dire, je sais simplement que ce sont des tendances humaines et même politiques : ceux qui ont perdu une bataille rêvent de revanche. Mais dans le cas d’espèce, je pense qu’il n’y a plus de place pour une revanche quelconque, si tel était le projet de ceux qui sont en face, parce que le match a déjà été joué en aller et retour, et à chaque fois, Patrice Talon l’a emporté. Il a reçu le trophée de vainqueur et si vraiment il lui reste encore un match à jouer, à Patrice Talon, c’est son jubilé, qui consiste pour lui à partir grand en 2026, en grandissant le pays, par ailleurs, après avoir posé les bases de la modernité et du développement durable, en un temps record, et dans des conditions particulièrement difficiles.La Constitution béninoise ne permet pas d’être président de la République plus de deux fois. Vous nous confirmez donc que Patrice Talon ne se représentera pas en 2026 ?En réalité, le président Talon n’a attendu personne pour corser les conditions de limitation du nombre de mandats présidentiels au Bénin. C’est lui qui a fait mettre dans la Constitution, à l’occasion de sa révision en 2019, que nul ne peut de sa vie effectuer plus de deux mandats présidentiels. Et ceci a été fait, il faut le souligner, dans un contexte où il avait une Assemblée nationale acquise à 100% à sa cause, ce qui veut dire que le président Talon, à cette occasion-là, a montré au monde, et au Bénin en particulier, qu’il est possible en Afrique de réviser la Constitution, sans penser à s’éterniser au pouvoir. Et donc ce débat-là pour nous est définitivement clos.L’opposante Reckya Madougou et le constitutionnaliste Joël Aïvo sont en prison depuis plus de deux ans. Plusieurs organisations internationales appellent à leur libération. Les Démocrates ont déposé une proposition de loi d’amnistie. Cette proposition pourrait-elle être adoptée selon vous ?Il y a dans nos prisons quelques milliers de concitoyens condamnés à l’issue de procès réguliers, et les mesures d’aménagement de peine prévues par les lois béninoises peuvent profiter à tous ceux qui en remplissent les conditions substantielles à un moment ou à un autre. Et par ailleurs, notre pays dispose, je peux le rappeler, d’une loi qui autorise les personnes condamnées pour certaines catégories de crimes à solliciter la suspension de l’exécution de leur peine. Jusqu’à plus informé, il ne me semble pas que quelqu’un ait sollicité le bénéfice de cette mesure et ne l’ait pas obtenue. Par rapport à une quelconque loi d’amnistie, je ne suis pas député à l’Assemblée nationale, l’Assemblée nationale appréciera souverainement, si une telle démarche était portée à la connaissance de sa plénière.Wilfried Houngbédji, que répondez-vous à ceux qui accusent le président Talon d’avoir mis à mal le modèle démocratique béninois ?Ceux qui continuent à parler ainsi sont, me semble-t-il, nostalgiques de cette démocratie désincarnée que Boni Yayi appelait « démocratie Nescafé », au point même de proposer comme antidote une certaine dictature du développement. Ils sont nostalgiques, me semble-t-il, de cette démocratie où nous avions, pour 83 sièges de députés à l’Assemblée nationale, 40 à 50 partis représentés au sein de cette Assemblée. Ce qui, vous en conviendrez, ne permet pas une action politique lisible et homogène. À la vérité, il faut considérer, avec le recul, que Patrice Talon aura plutôt normalisé la démocratie béninoise, et je ne doute pas que demain, mise à part la politique politicienne, tous lui rendront justice et salueront son mérite historique.
10/26/20234 minutes, 2 seconds
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Gabon: «Beaucoup considèrent que le coup d’État du 30 août est un coup de liberté»

Combien de temps les militaires gabonais vont-ils rester au pouvoir ? C’est la question que beaucoup se posent après le coup d’État du 30 août. Marc Ona Essangui est la principale figure de la société civile gabonaise. Comme troisième Vice-président du Sénat, il a accepté d’entrer dans les instances de transition mises en place par le général Oligui Nguema. Mais il espère qu’à la différence d’autres militaires africains, les officiers gabonais vont sortir de la logique de se maintenir au pouvoir. Entretien. RFI : Le général Oligui Nguema aime à dire que l'opération du 30 août a été un coup de liberté, mais est-ce que ce n'est pas avant tout un coup d'Etat militaire comme il y en a eu plusieurs ces dernières années sur le continent ?Marc Ona Essangui : C'est un coup d'Etat militaire, c'est aussi un coup de liberté pour les Gabonais, parce que quand on a vécu 56 ans avec une famille, les Bongo, qui ne voulaient absolument pas lâcher le pouvoir malgré les élections, les Gabonais ont respiré. C'est pour cela que beaucoup de Gabonais considèrent que ce coup d'Etat est un coup de liberté.Le général Oligui Nguema dit qu'il ne supportait plus d'être insulté par Nourredine Bongo, est-ce que le commandant de la garde républicaine se sentait menacé dans ses fonctions ?Je pense que quand on est responsable et quand on est père de famille, on ne peut pas se laisser insulter par un enfant. Quand on commence à être insulté par le fils d'un président complètement amaigri et que tous les Gabonais estiment qu'Ali Bongo n'est plus aux commandes, si Ali Bongo déclaré vainqueur à 64% avait eu la possibilité de prendre le pouvoir, je pense effectivement qu'ils auraient remplacé monsieur Oligui après avoir été insulté par Nourredine, comme lui-même l'a déclaré.Le général Oligui Nguema promet des élections libres, mais il ne dit pas quand, est-ce que cela ne vous inquiète pas ?Nous avons, au niveau de la société civile, estimé que la transition pouvait durer entre six mois et un an. Le Premier ministre Raymond Ndong Sima a déclaré que la transition pourrait durer deux ans. Chacun a sa position, d'autres pourraient peut-être penser qu'on peut aller plus loin, ça peut durer le temps que ça peut durer. Toujours est-il que la décision revient à la conférence nationale qui va trancher sur cette affaire. Mais nous, nous estimons au niveau de la société civile, qu'il faut une transition beaucoup plus courte pour revenir à l'ordre constitutionnel.Et quand vous dites que certains voudraient que la transition dure plus de deux ans, craignez-vous que les militaires veuillent rester trois, quatre, voire cinq ans au pouvoir ?Nous avons l'exemple des autres militaires dans différents pays, ils ne veulent pas lâcher le pouvoir. Peut-être que nous souhaitons que les militaires gabonais sortent un peu de cette logique de se maintenir au pouvoir et c'est notre vœu le plus absolu. Ça permet effectivement de mettre en place des institutions plus fortes rapidement et d'organiser des élections dans les plus brefs délais.D'après la charte de la transition, aucun acteur de celle-ci ne pourra être candidat à la prochaine élection présidentielle. Aucun sauf le chef de cette transition, le général Oligui Nguema. Qu'est-ce que vous en pensez ?Ce n'est pas le général Oligui Nguema qui doit décider s'il se présente ou pas, ce sont les Gabonais qui vont se retrouver pendant la conférence nationale et qui vont trancher sur la question.En tout cas, lui a déjà dit que, dans son interprétation de cette charte, il pouvait se présenter à la fin de la transition...Je pense que c'est un citoyen, c'est un acteur majeur de la transition. S'il y a des restrictions, il faut aussi définir le statut du président de la transition : il appartient, encore une fois, aux séminaristes des assises de définir ce statut. S'il se présente, je pense que les Gabonais aussi vont prendre leurs responsabilités en rappelant que lui-même, le premier jour du coup d'Etat, il avait déclaré que les militaires vont laisser le pouvoir aux civils, ce sont ses premières déclarations.Vous avez donc accepté d'entrer dans les instances de cette transition. Si vous accompagnez celle-ci jusqu'à la candidature éventuelle du général Oligui Nguema à la présidentielle, est-ce que vous ne craignez pas de ternir votre réputation d'homme libre et farouchement indépendant ?Je prendrai ma responsabilité le moment venu.Parmi les grandes zones d'ombre qui restent de l'ancien régime Ali Bongo, il y a la répression meurtrière qui a suivi la présidentielle de 2016, certains parlent de 300 morts... La transition actuelle peut-elle être l'occasion de connaitre enfin la vérité ?La transition sera beaucoup plus courte pour savoir exactement ce qui s'est passé chez le président Jean Ping en 2016 au quartier général du président Jean Ping. Je pense que la transition doit planter le décor de ce qui va être fait dans le cadre d'une stratégie vérité et réconciliation. Et ces enquêtes sont extrêmement longues, et on ne peut pas le faire pendant la transition, on peut planter le décor pour que le Gabon d'après la transition puisse se pencher sur ces injustices, ces familles qui ont perdu leurs proches.Depuis deux ans, les militaires français ont été chassés de trois pays africains, pensez-vous que le Gabon doive dénoncer son accord de coopération militaire avec la France, et doive demander le retrait des 400 soldats français qui stationnent sur son territoire ?Je pense qu'au niveau du Gabon, la présence de l'armée française à Libreville, le problème n'a jamais été posé et je ne pense pas que jusque-là le débat soit sur la table. Et je fais partie de ceux qui pensent que ne nous ne voulons pas être dans la logique du bouc émissaire, nous devons être dans la logique de la responsabilité. Ce qui se fait en Afrique aujourd'hui est de la responsabilité des Africains et peut-être des colonisateurs, mais le gros, c'est nous-même, parce que les sommes que nous avons retrouvées dans les domiciles de beaucoup de personnes dans notre pays, alors qu'il n'y a pas d'eau au Gabon au robinet, nous avons des sommes colossales, des milliards qu'on a retrouvés, ce ne sont pas les Français qui le font, ce n'est pas l'armée française, c'est la responsabilité des Africains, la cupidité des Africains, l'égoïsme des Africains qui est en jeu. 
10/25/202310 minutes, 9 seconds
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Mamadou Diouf, historien sénégalais: «Le récit de l'histoire de l'Afrique est encore invisibilisé»

L'historien sénégalais Mamadou Diouf, qui enseigne à la prestigieuse université Columbia de New York, vient de publier L'Afrique dans le temps du monde. Un essai dans lequel il montre l'étendue du regard africain et afro-américain sur l'histoire africaine. Entretien. RFI : Dans ce petit ouvrage dense, vous nous proposez un voyage très loin de ce qu'on appelle la bibliothèque coloniale, vous nous faites voyager entre les rayons d'une autre bibliothèque sur l'histoire de l'Afrique, celle dans laquelle ce sont les auteurs noirs et Africains eux-mêmes qui ont raconté le passé du continent, qu'est-ce qui vous a incité sur le fond à écrire ce texte ? Est-ce que ce récit africain de l'histoire est encore invisibilisé à l'heure actuelle ?Mamadou Diouf : Je pense que ce récit de l'histoire de l'Afrique est encore invisibilisé et ce que j'essaye de restituer, c'est comment à différents moments, les Africains ont essayé d'infliger au récit l'empreinte de l'Afrique et la présence de l'Afrique dans le monde. L'enjeu d'une reconstruction du passé africain n'est pas seulement un enjeu sur l'Afrique, mais cet enjeu a un effet sur l'écriture de l'Histoire, toute l'écriture de l'Histoire.Quelle est la situation aujourd'hui des universitaires Africains par rapport à cette histoire africaine ? Qu'est-ce qui caractérise aujourd'hui le récit que l'université africaine produit sur l'histoire du continent ?Le projet panafricain, le projet nationaliste post-colonial, continental, ne s'est pas réalisé, et les crises des États-nations tels qu'ils ont été hérités de la géographie coloniale, a entrainé l'émergence d'histoires qui sont des histoires communautaires, et ça a des conséquences sur les universités... mais aussi les crises économiques dans les universités n'ont pas aidé à porter ces questionnements. Probablement, là où on trouve quelque chose d'intéressant, c'est la manière dont aujourd'hui en Afrique et ailleurs, il y a une redécouverte de la bibliothèque islamique, et cette redécouverte de la bibliothèque islamique est à la fois un travail sur les écrits des Africains qui utilisent l'arabe, à la fois en écrivant l'arabe classique, mais aussi en utilisant l'arabe pour écrire leur propre langue, ce qu'on appelle l'adjami, et cela est en train d'ouvrir de nouvelles portes qui vont au-delà même de l'histoire et de la reconstruction historique, certains de ces historiens disant au fond l'idée que l'Afrique est le continent d'une culture qui ne serait qu'orale est en fait un mythe, il y a une tradition écrite, il y a une tradition philosophique. Probablement depuis le 12e, 13e siècle, il y a des Africains qui commentent Platon et Aristote en arabe. Est-ce que c'est de la philosophie africaine ?L'adjami est une illustration parfaite de cela finalement, tous ces textes en langues africaines avec donc une graphie arabe...Ça permet de retrouver un autre imaginaire, une autre façon de penser le passé et l'histoire.Au cours de cette interview, on va pas mal voyager dans le temps avec vous, l'un des points fascinant de votre livre, c'est ce que vous nous expliquez sur la présence de cette Atlantique noire, de ces connexions entre les deux rives de l'Atlantique, entre Africains et noirs américains dans l'écriture même de l'histoire de l'Afrique...Absolument, il y a une conversation qui amène les deux rives de l'Atlantique ensemble. Les intellectuels africains lisent les intellectuels africains-américains, les intellectuels africains-américains lisent les intellectuels africains... En fait l'un des premiers livres d'histoire de l'Afrique qui se focalise sur « placer l'Afrique dans le temps du monde », c'est ce livre de 1915 de Du Bois, dont le titre c'est The Negro.Donc Du Bois, très grand auteur afro-américain...Du Bois est un très grand auteur afro-américain qui va jouer un rôle très important dans le développement de la sociologie, le développement de l'historiographie afro-américaine, et de l'histoire africaine.Vous plaidez dans cet ouvrage pour une histoire au pluriel qui fasse sa place à d'autres types de récits que l'histoire universitaire pour permettre en quelque sorte une réappropriation de l'histoire par les premiers concernés après le moment de la dépossession, mais est-ce que tous, nous n'avons pas intérêts à ce que les frontières entre mémoire et histoire restent soigneusement tracées, bien délimitées ?Moi je suis historien universitaire, mais ce que je veux qu'on prenne en considération, c'est qu'il y a d'autres historiens, il y a eu d'autres récits. Rabindranath Tagore [auteur indien des 19e et 20e siècles, NDLR] considérait que ceux qui écrivent le mieux le passé ce sont les poètes, parce que le récit du poète c'est le récit de la vie quotidienne, pas le récit des affaires politiques. La poésie du quotidien est une poésie de la vie.
10/24/20239 minutes, 12 seconds
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«Commission mémoire» sur le rôle de la France au Cameroun: «Nous avons une fenêtre pour travailler cette histoire»

Un peu plus de six mois après sa création, la commission « histoire et mémoire » sur le rôle et l'implication de la France contre les mouvements indépendantistes et d'opposition au Cameroun s'est rendu sur le terrain. La chercheuse et historienne française Karine Ramondy et le chanteur camerounais Blick Bassy, co-directeur de cette commission, ont rencontré à Yaoundé quelques témoins encore vivants de cette période largement méconnue de l'histoire du Cameroun.   RFI : Vous co-dirigez avec le chanteur camerounais Blick Bassi la Commission mémoire, instituée par le président français Emmanuel Macron, sur la période pré et post-indépendance au Cameroun. Où en êtes-vous de vos travaux, de vos recherches, six mois après votre prise de fonction ?Karine Ramondy : Alors, je voudrais déjà commencer, par peut-être avant de répondre au cœur de votre question, à la présentation de la commission. La commission est une commission mixte, pluridisciplinaire, franco-camerounaise, qui a été créée sous l'impulsion des sociétés civiles françaises et camerounaises à Montpellier, qu'il y a deux volets, il y a un volet recherches dont j'assume la présidence, et un volet artistique, culturel et patrimonial qui est dirigé par Blick Bassy.La vocation de cette commission est véritablement de travailler de façon indépendante sur le rôle et l'engagement de la France au Cameroun dans la lutte contre les mouvements indépendantistes et d'opposition de 1945 à 1971. Où on en est de notre travail ? Eh bien, la commission a été impulsée et elle a été, on va dire, mise en place lors de notre voyage avec Blick Bassy, début mars 2023, et nous avons vocation depuis à travailler, et nous sommes au travail.Alors on parle des faits qui se rapportent pour certains à plus de 70 ans. Est-ce que, du coup, ça ne rend pas votre travail un peu plus difficile compte tenu de l'érosion du temps justement, parce que les témoins, certains d'entre eux, la plupart, sont malheureusement décédés aujourd'hui ?Alors, c'est sûr que si vous m'aviez dit de commencer ce travail il y a dix ans, je pense que ça aurait été beaucoup plus simple, ça aurait été bien mieux, c'est évident. Mais c'est vrai que nous avons encore des témoins vivants, il faut en profiter, il faut se dépêcher, c'est pour ça que j'ai trouvé que l'équipe de Blick a commencé par interviewer les personnes les plus fragiles, les plus âgées, ce que nous, nous n'avons pas aussi ponctuellement manqué de faire quand c'était nécessaire pour attester certains points de nos archives officielles. Je pense que c'est une chance, même si les témoins sont peu nombreux, c'est une chance folle de pouvoir récoler encore la parole de ces ainés et de pouvoir les intégrer dans ce travail. Avez-vous déjà pu accéder aux archives camerounaises, et si oui, dans quel état sont-elles ?Ecoutez, les archives camerounaises, elles sont évidemment très importantes parce que nous avons besoin de croiser les archives, même si une partie des archives dites coloniales sont souvent présentes dans les centres en France et au Cameroun, oui nous avons déjà pu avoir accès à certaines archives, notamment à Buéa, à Bamenda, dans des archives  préfectorales, sous-préfectorales. En mars dernier, nous avions rencontré avec Blick Bassy, le ministre du Minac [ministère des arts et de la culture, NDLR] qui nous avait autorisé l'accès aux archives nationales de Yaoundé, mais comme vous le savez ces archives sont aujourd'hui en déménagement. Donc, pour l'instant, on n'a pas pu encore voir une partie de ces archives... Il y avait énormément d'archives en France, il y avait une très grande attente aussi des chercheurs camerounais de la commission par rapport à ces archives, et on a voulu les rassurer aussi en leur montrant que toutes ces archives étaient accessibles, notamment les archives militaires, notamment les archives diplomatiques. Nous avons déjà scanné une très très grande partie des archives militaires française qui étaient un peu, on va dire, ces archives que tout le monde pensait ne pas pouvoir voir... Et puis, les chercheurs de la commission, Camerounais, Français, ont vocation à travailler sur des archives classifiées en cours de déclassification.Alors vous êtes depuis six mois pied au plancher. Est-ce que, du coup, à ce stade, vous êtes satisfaite du niveau de vos découvertes ?Moi je suis très satisfaite, parce que je pense que nous avons une fenêtre pour travailler cette histoire. Que ce soit au Cameroun, mais que ce soit aussi en France, c'est un pan d'histoire qui n'est pas connu des Français ou très peu connu des Français, du grand public, et nous avons vocation aussi à faire rentrer cette histoire dans les programmes scolaires, comme la guerre d'Algérie qui a mis par exemple très longtemps à rentrer dans les programmes scolaires français, qui aujourd'hui y est bien installée et il y a vraiment beaucoup à faire aussi du point de vue français.Le choix qui a été porté sur vous-même et le chanteur Blick Bassy a été critiqué par certains historiens et des figures de l'Intelligentsia camerounaise. Est-ce que depuis vous avez pu échanger avec certains de ces critiques et êtes-vous parvenue à dissiper leurs doutes sur votre légitimité à conduire cette commission ?Ecoutez, moi je ne sais pas, je ne vais pas répondre pour Blick, je pense qu'il s'est déjà exprimé sur ce sujet, donc je ne vais pas répondre à sa place. Mais ce que je peux dire c'est que pour ceux qui doutaient de la sincérité de mon travail, je les enjoins à peut-être, avant de critiquer, lire ma thèse qui est publiée chez L'Harmattan, qui s'appelle "Leaders assassinés en Afrique Centrale au tournant des indépendances", et qui traitait des cas de Félix Moumié et de Ruben Um Nyobe. Et je ne peux pas considérer que je pourrais être potentiellement la seule à pouvoir diriger cette commission. En tous les cas, les orientations de mes travaux de recherches, les dix ans qu'il m'a fallu pour faire cette thèse, les nombreux colloques que j'ai faits, les articles que j'ai pu écrire, et tout l'engagement qui me caractérise, font que peut-être que je ne pouvais pas être la seule à diriger cette commission. Mais en tous les cas, je ne me sens pas du tout illégitime à le faire.À lire aussiCameroun: les membres de la «commission mémoire» sur le rôle de la France réunis à Yaoundé
10/23/20235 minutes, 26 seconds
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Golfe de Guinée: «Le Mistral est ici pour lutter contre les trafics illicites»

Au total, 200 mètres de longueur, 22 000 tonnes d'acier avec la capacité d'accueillir seize hélicoptères légers, 110 véhicules blindés et plus de 400 soldats. Le Mistral, l'un des plus gros bateaux de la marine française, est actuellement déployé dans les eaux du golfe de Guinée. Il a pris le relais de la mission Corymbe, une mission de sécurité des mers en œuvre depuis 1990. Son arrivée n'est évidemment pas passée inaperçue et a fait couler beaucoup d'encre sur les réseaux sociaux en ces temps de crises militaires et diplomatiques. Entretien avec son capitaine, le commandant Olivier Roussille.
10/22/20234 minutes, 57 seconds
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Mahamat Nour Ibedou: «Un an après les violences du jeudi noir, justice n'a pas été rendue» au Tchad

Il y a un an, jour pour jour, le Tchad était plongé dans la violence du « jeudi noir », la répression meurtrière de manifestations de l'opposition contre la prolongation de la transition. Les bilans de cette journée continuent à faire polémique. Les responsabilités aussi. La CNDH, la Commission nationale des droits de l'homme est une autorité autonome. Dans les mois qui avaient suivi la répression, elle avait publié un rapport d'enquête et émis des recommandations. Un an plus tard, quel bilan fait-elle des progrès qui ont été réalisés ? Son président, Mahamat Nour Ibedou est notre invité. RFI : Mahamat Nour Ibedou, dans le rapport que votre institution a publié sur le « jeudi noir », vous posiez un certain nombre de questions : pourquoi le gouvernement, bien informé de la préparation d’une grande manifestation, n’a rien fait pour éviter le pire ? D’où venaient les ordres d’ouvrir le feu sur les manifestants ? Pourquoi des hommes en civil, à bord de véhicules civils avec des vitres teintées, ont tiré sur les manifestants ? Est-ce qu’un an plus tard, vous avez pu obtenir des réponses à ces questions ? Mahamat Nour Ibedou : Nous n’avons obtenu aucune réponse du gouvernement à toutes les questions que nous avons posées. Il y a eu des ordres qui ont été donnés pour qu’on réprime la manifestation, et jusque-là, nous n’avons pas su exactement d’où étaient venus les ordres qui avaient permis à ces gens de tirer sur les manifestants. Nous avons estimé que ces événements étaient trop graves pour qu’on puisse faire l’impasse sur ce qu’il s’était passé. C’est dans cet esprit-là que nous venons d’initier la création d’un comité de suivi des recommandations que nous avons eues à formuler. Parce qu’il faut bien une réponse pour situer les responsabilités et dédommager les familles.Il y a une chape de plomb qui continue à peser un an plus tard sur ce qu’il s’est passé ?Absolument. C’est exactement ça. On peut appeler ça « chape de plomb ».Qu’en est-il des disparus ? Avez-vous pu avoir plus d’informations sur eux au cours de l’année écoulée ?Non, absolument pas. Les gens ont peur de parler. Le traumatisme a été tel que franchement, ce n’est pas facile d’obtenir des informations, même un an après.Il y a également la question du bilan. En février, vous indiquiez avoir documenté 128 décès. Est-ce qu’aujourd’hui, c’est un bilan que vous revoyez à la hausse ? Ce bilan correspondait au nombre de victimes dont nous pouvions documenter la disparition, mais nous n’écartons pas l’éventualité que ce bilan puisse être revu à la hausse, en raison de la présence de certains témoignages dont nous ne pouvons pas attester la véracité. Il y a des personnes qui ont été repêchées du fleuve, il y a des personnes qui ont été enterrées de manière anonyme, et puis il y a des personnes qui ont quitté le pays et dont les parents sont restés sans nouvelles. Et donc, nous ne pouvons pas avoir un chiffre exact.Cette crise, Mahamat Nour Ibedou, a révélé la mécanique de ce qu’il se passait au bagne de Koro Toro : l’éloignement, la torture. Que faut-il faire de ce bagne ? Ou que faut-il faire évoluer ? Le bagne avait été destiné à loger les combattants de Boko Haram arrêtés - les prisonniers de Boko Haram. C’est une prison de haute sécurité, qui est située dans un endroit complètement hostile. Les manifestants avaient été déportés là-bas, et pour la CNDH, ce bagne étant destiné aux combattants de Boko Haram, il n’y a pas de raison que ce bagne puisse accueillir des prisonniers de droit commun. Ce sont des conditions inhumaines, là-bas, sur place. Pour nous, le bagne de Koro Toro n’a d’existence que s’il y a encore des arrestations de Boko Haram. Si c’est la fin de Boko Haram, il faut que ce bagne disparaisse.Un an après les événements, on attend la publication du rapport d’enquête réalisé par la CEEAC, la Communauté économique des États de l’Afrique Centrale, dans le cadre de la facilitation. Qu’est-ce que vous espérez de ce rapport ? Nous n’espérons rien de ce rapport. Nous avons échangé avec cette mission. Nous avions pensé qu’il y aurait un rapport sur la question, mais jusque-là il n’y en a pas eu. Ça risque d’être très peu crédible.À quel point, un an après, est-ce que ces morts, Mahamat Nour Ibedou, continuent de hanter la mémoire tchadienne ? Le traumatisme a été général. Il y a des familles qui ont été brisées, il y a des familles qui ont quitté le pays comme ça, il y a des gens qui continuent encore de se cacher. Il faut vraiment une volonté politique de la part du gouvernement d’abord. Nous sommes en période de transition. Et une transition, par essence, c’est essayer d’améliorer la situation de manière à arriver vers des échéances électorales apaisées. Et là, il faudrait surtout le respect des droits de l’Homme.Ce drame continue à résonner dans l’actualité : 72 militants du parti Les Transformateurs sont détenus aux renseignements généraux, sans accès à un avocat depuis deux semaines maintenant. Et le chef du parti, Succès Masra, n’a toujours pas pu rentrer au pays. Comment est-ce que vous réagissez à cette situation ? Pour l’arrivée de Succès Masra, je n’ai rien à dire, mais pour l’arrestation de ces militants, nous avons écrit au ministre de la Sécurité pour lui demander d’instruire le directeur général des renseignements généraux pour qu’il laisse notre mission accéder à ceux qui ont été arrêtés. Ils n’ont pas accès à leur avocat. On nous dit qu’ils sont bien traités, mais tant que nous ne le voyons pas, nous n’allons pas le croire.Est-ce que vous diriez qu’un an plus tard, justice a été rendue pour les victimes du « jeudi noir » ? Je ne dirais pas que justice a été rendue. Il faut quand même que, par exemple, le gouvernement, la CNDH, les avocats, les familles des victimes et autres, puissent se mobiliser pour essayer, d’abord, de situer les responsabilités. Ensuite, voir dans quelle mesure on peut essayer de penser au dédommagement des parents des victimes.
10/20/20234 minutes, 52 seconds
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Andry Rajoelina, président sortant de Madagascar: «L'opposition essaye de manœuvrer pour qu'il n'y ait pas d'élection»

C’est une campagne électorale présidentielle sous tension que connaît Madagascar. Onze candidats sur les treize dénoncent une inégalité de traitement des pouvoirs publics. Plusieurs ambassades ont déploré « l’usage disproportionné de la force pour disperser les manifestations de l’opposition ». La présidente de l’Assemblée estime que le pays est dans l’impasse. L’un des candidats voit dans ce contexte tous les regards se tourner vers lui : le président sortant, Andry Rajoelina qui se présente pour sa réélection. Quelle lecture fait-il de la situation, que répond-il aux polémiques en cours sur sa candidature, sa double nationalité, les menaces que le président du Sénat dit avoir subies, ou l’utilisation par les autorités du logiciel espion Predator ? Que dit-il sur son acquisition de la nationalité française ? Andry Rajoelina est l’invité exceptionnel de RFI et France 24, il répond aux questions de Marc Perelman et Laurent Correau.
10/18/202311 minutes, 45 seconds
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Éric Houndété : «Nul ne peut être président du Bénin plus deux fois, Talon l’a été, c’est terminé»

La parole ce 18 octobre est à l'opposition béninoise : l'ancien président Thomas Boni Yayi prend les rênes de son parti, Les Démocrates, décision annoncée dimanche dernier à l’issue du 1ᵉʳ Congrès ordinaire des LD. Le principal parti de l'opposition du Bénin se met en ordre de bataille en vue de la présidentielle de 2026 et Éric Houndété, qui était président, devient numéro 2, avec le titre de vice-président des LD. RFI : Pourquoi Boni Yayi revient-il dans l’arène ? Éric Houndété : Il n’avait jamais quitté l’arène. Il a quitté la présidence de la République. Nous avons, ensemble, fondé le parti Les Démocrates en 2020, et par rapport aux objectifs que nous avons, nous avons jugé qu’il était bon de faire un reclassement pour nous nourrir de son expérience d’ancien chef d’État, d’homme d’État, de renforcer notre équipe pour aller à l’assaut du pouvoir.Vous faites contre mauvaise fortune bon cœur ? Non, absolument pas. Quand on a des objectifs, on monte une équipe qui permet de réaliser ces objectifs.Cela fait plus de deux ans que Reckya Madougou, la candidate de votre parti lors de la dernière présidentielle, et le constitutionnaliste Joël Aïvo sont en prison. De grandes ONG, comme Amnesty international et le Comité des experts de l’ONU, ont demandé leur libération, et toujours rien. Comment expliquez-vous l’intransigeance du chef de l’État ? Il va être difficile pour nous d’expliquer cela. Mais ce qui est important pour nous, c’est ce que nous faisons pour que cette libération intervienne. Dès la mise en place du nouveau Parlement, nous avons pu avoir une place au sein de ce nouveau Parlement, contrairement au Parlement mono-couleur qui a précédé, nous avons introduit une proposition de loi d’amnistie pour décrisper notre pays. Donc, nous allons continuer le combat pour que Reckya, pour que Joël, pour que Latifou, et tous les autres qui sont encore dans les geôles du pouvoir de Patrice Talon en sortent. Nous n’avons pas le choix, c’est une exigence pour nous.Le choix de Boni Yayi de reprendre les rênes de son parti ne risque-t-il pas de rendre le président Talon plus inflexible ? Il est un homme, ils ont leur histoire, mais ici, il s’agit du pays. Les sentiments, les émotions ne doivent pas être au rendez-vous.Est-ce qu’après huit ans de présidence de Patrice Talon vous reprochez toujours au chef de l’État d’avoir mis à mal le modèle démocratique béninois ? Bien évidemment, et il faut réparer cela. Les lois électorales, et c’est l’un de nos chantiers, doivent être revues: la question des listes électorales, la question de l’organe qui gère les élections, même la Cour constitutionnelle.La question des parrainages reste un grave problème pour vous ?C’est toujours un problème, même si pour nous, ça peut paraitre comme du passé, nous avons maintenant les capacités de mobiliser du parrainage. Les fondements même de la question sont à revoir. On ne peut pas utiliser le parrainage pour empêcher des gens d’être candidat.Vous êtes de nouveau représenté à l’Assemblée nationale. Est-ce que vous pourrez vous faire entendre ? Nous parlerons dans leurs oreilles, nous parlerons fort pour qu’ils soient obligés de nous entendre.Redoutez-vous que Patrice Talon ne se présente en 2026 pour un troisième mandat ? Il assure que non, le croyez-vous ? La loi ne lui permet pas d’être candidat, je ne vois pas par quelle acrobatie il pourrait être candidat. Je ne fais pas beaucoup d’efforts pour réfléchir à comment quelqu’un va violer la loi.Certains disent que quand un chef d’État change la Constitution, notamment la question du mandat, on ne sait jamais…La Constitution prévoit que nul ne peut être président de la République du Bénin plus de deux fois. Il l’a été deux fois, c’est terminé.Boni Yayi a déjà fait deux mandats, et l’on voit son fils, Chabi Yayi, entrer dans les instances dirigeantes du parti. Comment doit-on le comprendre ? Le fils du président Yayi Boni est un citoyen. Il a le droit de militer au parti. Il a le droit de donner son énergie et son intelligence au parti, mais ça s’arrête à cela. Le moment venu, on appréciera : si cette implication lui donne le mérite d’avoir telle ou telle position, il les aura. Mais le fait d’être fils du chef de l’État au sein de notre parti ne donne aucun droit particulier à quelqu’un.Certains reprochent aux Démocrates d’être toujours dans l’opposition radicale. Rien ne trouve grâce à vos yeux ? De la même façon, certains nous reprochent d’être trop mous. Ceux qui sont au pouvoir, pour le peu que nous faisons, estiment que nous sommes trop durs, que rien ne trouve grâce à nos yeux. Qu’ils veuillent bien accepter qu’on critique leur action. Et Dieu sait que si leur action était si bonne, la population ne serait pas en train de se plaindre tous les jours. Toute notre action est de faire en sorte que notre pays revive une démocratie apaisée. De plus en plus, il a été fait la promotion de lois liberticides, vous ne pouvez pas vous exprimer, ni dans les médias, ni sur les réseaux sociaux, sans vous sentir menacés. Ce sont là des questions importantes qui nous préoccupent.Comment percevez-vous la présence d’instructeurs français dans le nord du pays, à Kandi ? Je demande que le gouvernement soit transparent par rapport à la question. Si nous avons des gens qui sont sur l’aéroport de Tourou, si nous avons des gens qui sont à Kandi, à Bembéréké, à Copargo, le gouvernement a l’obligation et le devoir, à défaut de parler aux populations, de parler au Parlement, et le Parlement demande que le gouvernement donne des explications. En ma qualité de responsable, je ne fais pas de spéculation. J’ai besoin d’éléments concrets pour formuler mes observations. 
10/18/20235 minutes, 2 seconds
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Hamas-Israël: «On s'installe dans une idéologie des tribus», estime le philosophe Souleymane Bachir Diagne

Au moment où Israël prépare une importante opération terrestre dans la bande de Gaza en riposte à l'attaque sanglante du Hamas du samedi 7 octobre, notre invité ce matin est l'une des voix africaines les plus respectées aujourd'hui : le philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne, professeur de philosophie à l'Université de Columbia à New York. Il confie toute son inquiétude. RFI : Souleymane Bachir Diagne, comment vivez-vous ce qui se passe en Israël et à Gaza ?  Souleymane Bachir Diagne : Je le vis dans la terreur la plus absolue, des désastres absolument sans nom qui ont déjà eu lieu et, malheureusement, la perspective également des désastres à venir. Ce qui s’est passé, des jeunes, par exemple, qui étaient dans un festival et qui ont été massacrés alors qu’ils faisaient la fête, et qu’ils célébraient, semble-t-il, même la paix, cela a été insupportable. Et puis, d’un autre côté, on a l’image de Gaza sous les bombes aujourd’hui, avec des immeubles qui s’effondrent, et on peut sans difficultés imaginer toutes les vies qui sont soufflées. Tout cela, ce sont des images absolument terrifiantes que l’on vit tous de manière tout à fait traumatisante.  L’Iran menace… Alors ça, c’est encore une perspective absolument terrifiante, parce que si ce conflit, qui est déjà atroce en lui-même, provoque un effet boule de neige, comme on pourrait l’appeler, cela va devenir totalement incontrôlable.  Le Hamas veut détruire Israël, Israël veut détruire le Hamas…  Et oui ! Alors évidemment, on dit toujours que le Hamas utilise des boucliers humains, mais si vous êtes dans une ville de deux millions d’habitants, par définition, tout le monde est votre bouclier humain.  De nombreux gouvernements africains ont condamné la violence de l’attaque du Hamas, mais avec un « mais », en rappelant les responsabilités d’Israël, qu’en pensez-vous ?  Il faut éviter de faire en sorte que ce soit un « mais », parce qu’un « mais », ça donne toujours l’impression qu’on passe très rapidement sur quelque chose sur quoi il faut s’arrêter. Il faut s’arrêter sur la sidération, l’effroi qui ont été les nôtres, et dire que ceci est inacceptable. Et il est bon que les États africains, de ce point de vue-là, l’aient dit et l’aient dit ensemble. Il ne faut pas en plus qu’ils ajoutent ce qu’ils ont ajouté, qui consiste à rappeler la nature de la cause palestinienne et la nature d’un combat pour que les droits des Palestiniens soient aussi reconnus à côté du droit d’Israël à l’existence. Il ne faut pas que ce deuxième aspect de leur déclaration ressemble à une sorte d’adoucissement de ce qui se serait passé. Il faut le comprendre, et j’espère que c’est comme cela qu’eux-mêmes l’ont compris, comme une projection vers l’avenir, disant que la sortie va consister à faire en sorte qu’un véritable climat de paix profitable à la négociation s’installe.  Est-ce que le discours anti-occidental qui se développe depuis des années en Afrique ne renforce pas ceux qui prônent un mode d’action violente ?  Oui, nous vivons dans un monde inquiétant. Je parle beaucoup dans mon travail de tribalisme, et je crois que nous sommes en train de mourir de notre tribalisme aujourd’hui. On se retrouve toujours dans une forme de tribu et on en oublie de s’identifier à l’autre, simplement parce qu’il semble être d’une tribu différente de la mienne. Je veux dire, s’identifier immédiatement à la cause des Palestiniens, je peux le comprendre, c’est le sens de votre question, et effectivement, on le voit aujourd’hui dans les réactions, mais il faut pouvoir aussi s’identifier, avoir de cette empathie, pour des jeunes qui dans un festival, ceux qui ont survécu ont vécu le massacre de leurs amis autour d’eux. Et donc voilà, le côté humain de l’empathie et de l’identification avant de se séparer dans des tribus qui seraient des tribus irréconciliables. Ce qui m’inquiète, c’est que le cynisme s’installe, qu’on considère que penser, se projeter dans un horizon d’humanité commune, se projeter dans la paix, ce soit de la naïveté, que cela nous amène à ricaner. Ce qui m’inquiète, c’est précisément qu’on s’installe dans une idéologie des tribus plutôt que de se projeter vers un horizon d’universalité.  Comment voyez-vous les jours qui viennent ? Certains n’imaginent qu’obscurité, gardez-vous espoir ?  Il faut espérer que ceci se termine au plus vite, et essayer de faire en sorte de faire renaître le climat dans lequel des accords, comme les accords d’Oslo, avaient été possibles, ce magnifique moment où quelqu’un comme Yitzhak Rabin et Yasser Arafat s’étaient serré la main et avaient porté une forme de promesse. La personne qui nous manque probablement le plus dans un moment aussi sombre, c’est une personne comme Yitzhak Rabin, qui a su à la fois faire la guerre et la terminer, et se donner une vision d’avenir. Malheureusement, ceux qui l’ont assassiné, précisément parce qu’ils ne voulaient pas de cette vision-là, semblent avoir raison aujourd’hui. Il faut cesser de donner raison à ceux qui ont assassiné Yitzhak Rabin.
10/17/20234 minutes, 57 seconds
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L'opposant Succès Masra s'explique sur sa décision de reporter son retour au Tchad

Succès Masra avait annoncé son retour au Tchad pour ce mercredi 18 octobre. Soit deux jours avant le premier anniversaire du « jeudi noir », quand la répression d'une manifestation contre la prolongation de la transition avait officiellement fait 73 morts, et plus de 200 selon l'opposition et des ONG. L'opposant tchadien qui avait quitté le pays juste après, reporte finalement son retour à début novembre. Entretien. RFI : Succès Masra, pourquoi reportez-vous votre retour à Ndjamena ?Succès Masra : Parce que des informations portées à notre attention font état de la possibilité d'un affrontement à l'occasion de notre retour. Nous, nous avons mis notre retour sous le signe de la réconciliation dans la justice et l'égalité et nous ne souhaitons pas. Deuxièmement, le facilitateur désigné de la CEEAC [Communauté économique des États de l’Afrique centrale, NDLR] nous a fait parvenir des informations suggérant fortement de décaler de quelques jours pour lui permettre de continuer et d'obtenir des éléments de réponse suite à sa médiation, sa facilitation après nous avoir reçu et après s'être rendu à Ndjamena. Donc nous avons décalé pour début novembre pour avancer dans le sens de la réconciliation nationale.Aviez-vous peur d'être interpelé à votre arrivée, puisqu'un mandat d'arrêt international a été émis contre vous ? Il a fuité il y a quelques jours...Non, pas du tout. Je n'ai aucun problème à répondre devant la justice de mon pays, d'abord pour le respect que j'ai pour l'institution qui doit être une institution respectable, même si c'était vrai-faux mandat d'arrêt qui a été exhibé pour des raisons purement politiques.Pourquoi était-ce si portant pour vous de rentrer à ce moment-là, au premier anniversaire du jeudi noir ?J'ai perdu des membres de ma famille, j'ai perdu des militants, j'ai perdu des sympathisants, j'ai perdu des cadres de mon parti. Je n'ai pas eu le temps de faire le deuil parce que je suis sorti pour porter la voix de ce peuple. Il m'a semblé important d'être là le 20 octobre pour avoir l'occasion d'honorer la mémoire de ces braves Tchadiens et Tchadiennes qui se sont mis debout pour la justice et l'égalité dont la vie a été emportée trop tôt, injustement.La brutalité de la répression restera un marqueur ?Il y a sans doute un avant et un après le 20 octobre. Il y a eu une cassure, il y a eu une rupture, il y a eu une déchirure profonde qui marquera sans doute l'histoire du Tchad moderne. Et pendant ce genre de moments, il faut identifier des âmes suffisamment grandes de part et d'autre pour être capable de recoller les morceaux sur la base de la justice et l'égalité.Vous parliez il y a quelques semaines d'un accord de réconciliation qui était sur la table. Ce mandat d'arrêt signifie-t-il que cet espoir est déjà envolé ?Jamais. Vous savez, moi, ma fille je l'ai appelé Espoir, "Hope". Nous allons travailler à réconcilier ce peuple sur la base de la justice et de l'égalité. Nous n'avons jamais changé d'un iota là-dessus.Qu'est-ce que vous proposez aujourd'hui, qu'est-ce vous demandez aujourd'hui ?Ce que nous avons mis sur la table de la réconciliation, c'est un document en cinq points qui ont été transmis, et y compris au facilitateur désigné, et donc ce sont des propositions allant dans le sens de créer les conditions de sécurité juridique, politique, de liberté, d'encadrement, de réconciliation, de pardon et d'institutions qui permettront ainsi de manière inclusive et de manière totalement démocratique de permettre aux Tchadiens, enfin, de choisir leur dirigeant. Parce que en fait, depuis les indépendants jusqu'à aujourd'hui jamais le peuple tchadien n'a choisi ses dirigeants.Le référendum constitutionnel sur l'état unitaire décentralisé c'est dans deux mois, le 17 décembre, quelle est votre position ? Le oui ? Le non ? L'abstention ?En l'état actuel, ce n'est pas le projet le mieux abouti pour permettre de consolider le Tchad dans l'unité, dans la diversité tel  que nous l'imaginons. Et donc nous espérons que les jours et les semaines à venir pourront nous permettre encore de l'amender et de l'améliorer avant de le soumettre au choix des Tchadiens et des Tchadiennes.Les soldats français qui se retirent du Niger vont devoir passer par le Tchad avant de regagner la France, Ndjamena l'a confirmé, comment accueillez-vous cette information ?Je voudrais simplement dire que ces déménagements devenus récurrents, Mali, Burkina Faso, Niger, il y a là des leçons à tirer sans doute aujourd'hui pour permettre que nous puissions ensemble défendre les intérêts copartagés de lutte contre le terrorisme et de sécurité, tout en débarrassant ces relations-là des symboles d'hier qui ne sont plus défendables aux yeux de nos peuples aujourd'hui.Les troupes françaises qui sont stationnées au Tchad devraient bientôt partir selon vous ?Je pense que le train de l'histoire est celui-là. Mon intuition c'est que l'efficacité ne se résume pas à une présence physique permanente. En politique parfois les symboles sont plus importants que la substance, et donc il faut savoir lire les signes du temps pour ne pas donner l'impression, d'ailleurs dégradante quelque part pour l'armée française, d'apparaitre comme une armée devenue sans domicile fixe qui est chassée d'un pays africain. On peut l'organiser mieux et différemment.À écouter aussi (17/08/2023)Succès Masra, opposant tchadien: «Nous devons résoudre les conséquences du 20 octobre»
10/16/20234 minutes, 59 seconds
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Afrique du Sud: «La transformation du rugby est très bien lancée»

Ce dimanche soir, l'Afrique du Sud et la France se disputent une place en demi-finale de la Coupe du monde de rugby. Le tenant du titre affronte le pays hôte. Le rugby est un sport associé à l'histoire sud-africaine. Il a été instrumentalisé par le régime raciste de l'apartheid au nom d'une pseudo supériorité blanche, et a mis longtemps à intégrer des joueurs noirs et métis, comme c'est davantage le cas aujourd'hui. Pourtant, dès l'origine, il a été pratiqué par des couches très diverses de la population, comme le souligne l'universitaire Bernard Cros. Bernard Cros, spécialiste de l'histoire moderne de l'Afrique du Sud, professeur à l'Université Paris 8-Saint-Denis, est l'auteur d'un ouvrage en cours de parution : Rugbys d'Afrique du Sud, 1862 - 2022, du hors-jeu à la Transformation, aux Presses Sorbonne Nouvelle.À lire aussiCoupe du monde de rugby: la France et Antoine Dupont face à l’ogre sud-africain
10/15/202312 minutes, 21 seconds
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Nicolas Kazadi, ministre des Finances: «La RDC a quasiment triplé ses ressources propres»

Renégociation des contrats miniers, désenclavement des provinces, diversification de l’économie, liberté de la presse, le ministre des Finances congolais Nicolas Kazadi répond aux questions de RFI alors qu’approche le scrutin présidentiel.    D’abord nommé ambassadeur itinérant après l’élection de Félix Tshisekedi, Nicolas Kazadi est depuis 2021 ministre des Finances du gouvernement congolais. Membre du premier cercle du chef de l’État, l’économiste, qui a notamment travaillé quinze ans pour le programme des Nations unies pour le développement, revient pour RFI sur les grands dossiers économiques qui mobilisent les autorités et dresse un bilan de leur action un peu plus de deux mois avant l’élection présidentielle prévue le 20 décembre. RFI : Vous étiez cette semaine aux assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale à Marrakech. Quel message avez-vous transmis de la part du chef de l’État aux partenaires de votre pays ? Nicolas Kazadi : Que nous devons absolument consolider le nouvel élan en cours en RDC, les efforts d'assainissement et d'amélioration de la gouvernance économique et politique. Nous allons bientôt tenir une élection générale. Et comme j'ai l'habitude de dire, si l'élection de 2018 était la plus pacifique, celle de 2023 sera en plus la plus transparente. La semaine dernière, vous avez participé à un important forum agricole à Kinshasa. Le sol-a-t-il une revanche à prendre sur le sous-sol en RDC, comme le dit depuis quelques années le gouvernement ? Oui, absolument. Pour ceux qui connaissent l'histoire de ce pays, c’est entre autres la culture de l'hévéa, qui a généré les revenus permettant de financer l'exploitation minière. Malheureusement, la montée en puissance des mines s'est faite au détriment de l'agriculture qui était la véritable vocation du pays. La RDC importe encore massivement pour répondre aux besoins alimentaires des populations. Cela contribue aux déséquilibres de la balance commerciale et renforce l’inflation. Comment comptez-vous réduire cette dépendance vis-à-vis de l’extérieur ?Il faut que l'on crée les conditions pour rétablir la compétitivité du secteur agricole. Elle a été perdue. D'abord parce qu’il y a eu une destruction des infrastructures essentielles, notamment de transport, indispensables pour le développement agricole et aussi à cause d'une gouvernance qui n'a pas toujours été favorable. Notre stratégie actuelle, c'est de tout faire pour créer les conditions qui inciteraient les gens à aller dans le secteur agricole plutôt que de se cantonner dans le secteur minier, qui reste une enclave et qui n'est pas aussi porteur de développement que peut l'être l'agriculture. Mais le secteur minier représente encore plus de 40% du produit intérieur brut de la RDC, contre 20% pour l'agriculture. Est-ce que dans ce domaine, la RDC a retrouvé au cours du mandat de Félix Tshisekedi une partie de sa souveraineté ?Oui, absolument. Nous avons une gestion des contrats qui aujourd'hui est totalement transparente et cela s'est d’ailleurs traduit par une amélioration sensible de notre notation auprès de l'Initiative sur la transparence dans les industries extractives (Itie). Mais nous ne voulons pas revenir à une période où l’État contrôlait le secteur via la Gécamines. Ce qui est important, c'est que le pays tire le plein bénéfice de ses ressources. Il faut que l’activité minière et la fiscalité permettent de diversifier l'économie en accélérant notamment le financement des infrastructures pour promouvoir les autres secteurs, au premier rang desquels l'agriculture. Mines contre infrastructures, c’est l’objet de la convention signée en 2008 avec la Chine. En février dernier, l'Inspection générale des finances pointait un déséquilibre majeur en défaveur de la RDC pour ce que les autorités avaient qualifié à l’époque de « contrat du siècle ». Est-ce que ces termes vont être rééquilibrés ?Il est en cours de réexamen, mais il n'y a pas que ce contrat-là. Il y a aussi des ajustements concernant la mine de Tenke Fungurume (TFM). TFM a repris ce qui était la plus grande mine de cuivre, de cobalt du Congo. Il y a eu les évolutions qu’on attendait au profit de la Gécamines et donc, de l'État congolais (obtention de 800 millions de dollars en paiement compensatoire et d’au moins 1,2 milliard de dollars de dividendes sur plusieurs années, garantie de l’octroi de 20% de la valeur de la sous-traitance du projet). Concernant Sicomines – consortium qui réunit les intérêts congolais et chinois dans le cadre du contrat du siècle – ça va être un peu plus long parce que c'est un peu plus compliqué. Le programme de développement des 145 territoires est aussi un projet phare du gouvernement. À l’origine, il était prévu sur la période 2021-2023. À près de deux mois de l'élection présidentielle, où en est-on ?Dans tous les projets, et surtout dans un contexte marqué par un important déficit en infrastructures de transport, il y a toujours des décalages entre le timing prévu et les réalisations. Mais nous pouvons dire que la première phase, celle de construction des bâtiments essentiels pour marquer la présence de l'État et des bâtiments à caractère social comme les écoles et les centres de santé, évolue bien. Cette phase va se poursuivre en 2024. La seconde étape concerne notamment les routes de desserte agricole. Celle-ci a pris aussi un petit peu de retard. Nous avons conçu un grand programme d'acquisition de plus de 5 000 engins lourds à répartir sur les 145 territoires. Leur gestion se fera dans le cadre d’un partenariat public-privé (ppp) pour qu’elle soit efficace et ainsi reconquérir les milliers de kilomètres de routes que nous avons perdus faute d'entretien pendant des décennies. En même temps, nous avons eu au niveau national un grand débat sur la caisse nationale de péréquation, prévue dans la constitution depuis 2006, mais qui n'est opérationnelle que depuis l’année dernière et va monter en puissance. C’est elle qui évalue les disparités entre les territoires et formule des plans pour les résorber. Autres ouvrages emblématiques du potentiel de la RDC et des difficultés à le réaliser, les barrages d'Inga. Pourquoi actuellement Inga 1 et Inga 2 ne fonctionnent pas à plein régime ?Inga 1 et Inga 2 ont subi ce que le pays a subi pendant quelques décennies. Mais nous travaillons à leur réhabilitation, qui pourrait accroître de plus de 1000 mégawatts leur capacité. Reste que nous avons besoin d'aller plus loin parce que nous voulons transformer nos minerais et que ces activités sont très consommatrices d'énergie électrique. Ce sont des milliers de mégawatts dont nous aurons besoin très rapidement. Et puis nous espérons que, au regard des enjeux climatiques mondiaux, qu'enfin la communauté internationale va s'intéresser davantage à ce projet qui est essentiel, pas seulement pour le pays, mais pour l'Afrique et même un peu pour le monde. Justement, est-ce qu'on assiste pour le projet Inga 3 à un regain d'intérêt de l'Afrique du Sud ?L'intérêt de l'Afrique du Sud est permanent et j'en veux pour preuve les propos tenus par le président sud-africain à Paris lors du récent sommet organisé par le président Macron.Le gouvernement congolais vient de présenter un budget en très forte augmentation, en franc congolais.L'augmentation est nominale – environ 20% -, mais en termes réels, elle n'est pas considérable, parce que nous devons être prudents. Nous n'anticipons pas une hausse importante, ni de la production, ni du coût de nos principaux produits d'exportation. En dollars constants, nous sommes donc à peu près au même niveau que le budget voté pour 2023. Un peu moins d'un tiers repose sur l’aide publique au développement qui a connu une certaine augmentation ces 3, 4 dernières années. Mais nous avons aussi quasiment triplé nos ressources propres ces trois dernières années, ce qui est un exploit considérable et nous pensons que nous pouvons aller plus loin. Il y a eu un accroissement important de la production minière, rien que pour le cuivre, on est passé de 1,8 million de tonnes en 2021 à 2,5 millions de tonnes en 2022. Nous avons également bénéficié d'une bonne tenue des cours, mais cela, nous ne le maîtrisons pas totalement. Parce qu'au niveau des conditions de vie des Congolais, beaucoup reste à faire. Elles ont peu évolué.C'est vous qui le dites. Depuis 2019, nous avons introduit la gratuité de l'enseignement primaire. Cela a permis de transférer du budget de l'État vers les ménages plus d'un milliard et demi de dollars. Et là, nous venons d'ajouter la gratuité de la santé en commençant par les accouchements. Tout cela, ce sont des transferts qui se traduisent par une amélioration du bien-être des populations. Nous avons également beaucoup fait pour limiter la hausse du prix du carburant. C'est aussi une façon de protéger les Congolais. C’est difficile de dire que personne ne le ressent. C’est vrai que ce qui reste à faire reste très important. Mais nous avons réduit le taux de pauvreté selon certaines analyses de 10 points de pourcentage. Nous serions passés d'environ 72% à 62%.  Est-ce que le financement des élections est assuré ? On a vu que la Ceni avait recours à des prêts en attente des versements de l'État.Oui, mais ces prêts sont faits avec la garantie du Trésor, donc il n’y a rien d'anormal. Nous faisons face à beaucoup de contraintes et de pression, mais les élections se tiendront bien à la date prévue. Depuis un mois, le journaliste Stanis Bujakera Tshiamala, directeur adjoint du site Actualité CD, collaborateur du média Jeune Afrique et de l'agence Reuters, est emprisonné. La justice congolaise a annoncé qu'il serait jugé. Pourquoi fait-il l'objet d'un traitement aussi dur ?Parce qu'il ne s'agit pas d'une affaire de journalisme, mais de sécurité intérieure. Donc ce serait une grave erreur que de se réfugier derrière le statut des journalistes. Notre pays est fragile, en construction, et il ne faut pas profiter de cette faiblesse pour mettre en péril sa stabilité, surtout à l'approche des élections.  À quelques semaines de la présidentielle, la place d'un journaliste peut donc être en prison.S’il en va de la sécurité du territoire, de la protection de l'intégrité d'une élection pour la protéger de manipulations diverses, oui, je trouve que c'est normal. Mais attendons que la justice nous éclaire sur ce dossier.
10/13/20234 minutes, 44 seconds
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Présidentielle à Madagascar: «Que la communauté internationale s’implique davantage dans la résolution de cette crise»

À Madagascar, le face-à-face entre le camp du président Rajoelina et la coalition de onze candidats de l'opposition, est de plus en plus tendu. Le sénat vient de démettre son président après qu’il a déclaré avoir été l’objet de menaces, et qu’il s’est dit prêt - finalement - à assurer l’intérim de la présidence pendant le processus électoral, comme prévu par les textes. Un peu auparavant, les Églises avaient annoncé qu’elles renonçaient à leur médiation entre pouvoir et opposition. L'un des candidats blessés lors de la dispersion d'une manifestation demande un report du scrutin. Quelles peuvent être les conséquences de ces rebondissements ? Comment sortir de cette impasse ? Le point de vue de l’une des voix de la société civile malgache, Ketakandriana Rafitoson, la directrice exécutive de Transparency International Madagascar.  RFI : Ketakandriana Rafitoson, les Sénateurs viennent de voter la destitution du président du Sénat, considérant que son revirement était un signe de « déficience mentale ». Comment réagissez-vous à cette décision ?Ketakandriana Rafitoson : Je dirais tout simplement que c’était prévisible parce que, du moment où il avait fait ces révélation-là, on pouvait s’attendre à une réaction de l’autre côté. Et malheureusement, quand on dit « de l’autre côté », maintenant, il s’agit du Sénat et des institutions. C’est ce scénario que l’on a dénoncé, c’est cette capture de l’appareil étatique par une faction politique. Et c’est ce qui se passe exactement aujourd’hui. Au lieu d’ouvrir une commission d’enquête pour vérifier les dires de l’ancien président du Sénat, d’ouvrir une enquête pour voir si les allégations qu’il a faites étaient vraies ou non, et bien, ils ont tout simplement convoqué une session en urgence pour le destituer et pour le remplacer par une personnalité qui est un fidèle de Andry Rajoelina. On a cette sensation d’un deuxième coup d’État institutionnel qui vient de se produire en même pas un mois.Ce qu’on peut rappeler, c’est qu’il avait refusé d’assurer la fonction par intérim de chef de l’État parce qu’il avait été menacé par des conseillers du président Rajoelina.Exactement. Il avait même mentionné des membres du gouvernement dit « collégial » actuel qui l’avaient remplacé après sa soi-disant renonciation.Est-ce que la décision que viennent de prendre les sénateurs est susceptible de recours ?Il faudrait s’adresser, bien sûr, à la Haute cours constitutionnelle ou bien au Conseil d’État puisque c’est aussi un acte administratif, qu’on le veuille ou non. Mais là encore surgit l’inquiétude de la partialité de ces institutions-là. Vers qui peut-on se tourner aujourd’hui pour se faire justice ? C’est ça la question à Madagascar. On semble être dans un État total de non droit aujourd’hui et c’est intenable.On le voit, le pays s’enferme un peu plus dans l’impasse. Comment, selon-vous, peut-on sortir de cette situation ?Comme je l’avais dit, et je le maintiens, le premier pas serait que le candidat numéro trois, Andry Rajoelina, ouvre la porte au dialogue avec le collectif des 11 candidats. Parce qu’il faut absolument qu’ils s’assoient autour d’une table et dressent la situation du pays. S’ils se disent aussi patriotes les uns que les autres, ils doivent se concerter pour voir quelle sera la meilleure issue.Et puis on en appelle aussi à la communauté internationale pour qu’elle nous aide à la réflexion. On a ratifié la charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance qui condamne toute tentative de changement de pouvoir anticonstitutionnelle. Ce qui vient de se passer au Sénat est quelque chose qui peut être qualifié d’illégal. Donc on est déjà sur une pente glissante. Mais avant que l’irrémédiable ne se produise, il est absolument indispensable aujourd’hui que toutes forces vives se mettent en concertation et que la communauté internationale, sans nous dicter ce que l’on a à faire, nous propose aussi son assistance pour la résolution de cette crise.Le FFKM, le conseil œcuménique des églises chrétiennes, a indiqué dans un communiqué qu’il mettait fin à sa médiation entre pouvoir et opposition. Qu’est ce qui rend la conciliation si difficile entre les autorités et le collectif des 11 candidats qui ont choisi de ne pas démarrer la campagne mais de manifester ?Ce qui rend cela difficile, c’est tout simplement l’obstination de l’un des camps, c’est-à-dire le camp d’Andry Rajoelina et de ses partisans qui ne veulent absolument pas céder du terrain alors que la situation se dégrade rapidement. Pour rappel, le collectif des 11 candidats a entamé des manifestations, mais il fait face à une répression violente de la part des forces de l’ordre. Ces disparités de traitement entre le parti au pouvoir et les partis de l’opposition sont flagrantes. Le refus d’octroyer des autorisations pour manifester, pour organiser des meeting politiques, même en salle dans des situations privées… Tout cela crée des tensions supplémentaires et les églises ont fait face à un mur, si vous voulez, puisque les 11 candidats ont enchainé les ultimatums mais rien ne s’est passé. Et donc là, les 11 candidats ont décidé de ne pas faire campagne jusqu’à ce qu’il y ait une solution.À lire aussiMadagascar: Andry Rajoelina lance sa campagne pour l'élection présidentielle
10/12/20234 minutes, 19 seconds
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Guerre Israël-Hamas: les dirigeants africains «ne veulent pas effaroucher leur propre opinion publique»

Depuis l'assaut du Hamas contre Israël, samedi dernier, les réactions sont très contrastées sur le continent africain. Les uns soutiennent l'État hébreu, les autres défendent avant tout la cause palestinienne. Est-ce à dire que l'Afrique est coupée en deux ? Pas si simple, répond le chercheur sénégalais Pape Ibrahima Kane, qui est spécialiste des questions régionales en Afrique et qui est l'un des responsables de la Raddho, la Rencontre africaine pour la défense des droits de l'Homme. En ligne de Dakar, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Depuis samedi dernier, le Congo-Kinshasa, le Kenya, le Togo affichent leur soutien à Israël, tandis que l’Algérie, la Tunisie, l’Afrique du Sud dénoncent l’occupation illégale de la Palestine comme cause de tous les malheurs qui arrivent en ce moment. Peut-on dire que jamais l’Afrique n’a été aussi divisée sur la question israélo-palestinienne ?  Pape Ibrahima Kane : Pas tout à fait, parce que, quand vous jetez un coup d’œil sur ceux qui ont vraiment montré leur soutien à Israël, cela ne fait pas plus de six ou sept pays. Ce qui caractérise le continent dans cette affaire, c’est le silence de la grande majorité des États, et pour moi, ce silence est simplement lié au fait que ces dirigeants ne veulent pas effaroucher leur propre opinion publique, surtout lorsqu’il s’agit de la Palestine, des relations entre la Palestine et Israël.  Et l’un des pays qui affiche le plus fortement son soutien à la cause palestinienne, c’est l’Afrique du Sud, pourquoi ? Parce que l’Afrique du Sud a vécu l’apartheid, l’Afrique du Sud a connu tout ce qui constitue aujourd’hui la cause de ce conflit.L’ANC qui a rappelé ces derniers jours qu’à ses yeux, « l’histoire de l’apartheid en Afrique du Sud était la réalité de la Palestine occupée aujourd’hui »…  Oui, ce qui caractérise ce conflit, au-delà de ces événements douloureux que nous avons vécus samedi, c’est qu’il y a une histoire faite de spoliation de terres, faite de discrimination, faite d’humiliation, et ça, beaucoup de pays africains le sentent amèrement, et beaucoup de pays africains aussi ont le sentiment que la communauté internationale n’a jamais pris à bras-le-corps la question palestinienne. Tout le monde sait que la solution minimale, c’est une solution à deux États, mais personne ne soutient la cause palestinienne. Et les États africains le rappellent à toutes les réunions, tous les mois de janvier, lors des sommets de l’UA, les États africains rappellent cela. Alors, vous dites que les États africains qui soutiennent Israël sont minoritaires, mais ils le soutiennent bruyamment. Le Kényan William Ruto affirme que rien ne justifie le terrorisme, et le Congolais Félix Tshisekedi proclame sa solidarité avec le peuple israélien.  Oui, absolument, sur les 55 États membres de l’Union africaine, il y en a 43 qui ont reconnu l’État d’Israël, et dans ces 43 pays, il y a au moins une ambassade israélienne. Pourtant, lorsque cette crise a éclaté, ils sont moins de six à avoir la position que vous venez de décrire. Des États comme le Maroc, le Rwanda, qui sont pourtant très très proches d’Israël, n’ont pas pris de position, ça vous donne une idée des difficultés de ces États, surtout pour un pays comme le Maroc, où, malgré la prise de position du gouvernement qui était très diplomatique, il y a eu des manifestations à Marrakech, Casablanca et Rabat pour la cause palestinienne. Ça vous donne une indication sur le fait qu’avoir des relations avec Israël, c’est une chose, et ce que pense l’opinion publique est encore plus important dans beaucoup de pays.  Suite au dernier sommet de l’Union africaine, où une diplomate israélienne a été expulsée des débats, le gouvernement israélien a regretté que « l’Union africaine soit prise en otage par un petit nombre de pays extrémistes, comme l’Algérie et l’Afrique du Sud. » Non, je ne pense pas que cet incident-là soit lié à une main mise d’un certain nombre de pays sur l’Union africaine, c’est plutôt qu’il s’agissait d’accorder un statut d’observateur à Israël auprès de l’Union africaine et la procédure, apparemment, n’avait pas été bien suivie. Et je me souviens qu’à l’époque, encore, il y avait eu des événements douloureux qui avaient causé la mort de milliers de Palestiniens, et à l’époque, les États africains ne voulaient pas qu’il y ait un lien entre l’admission d’Israël et cette situation, et c’est pourquoi ils avaient demandé à ce que ce dossier soit retiré. Et jusqu’à présent, d’ailleurs, ce dossier n’a pas été remis sur la table par le président de la Commission de l’UA, c’est vous dire, encore une fois, la sensibilité des Africains par rapport à la cause palestinienne.  Est-ce qu’après l’assaut du Hamas contre Israël samedi dernier, les relations entre Israël et les pays africains vont changer, ou pas ?  Changer, je ne dirais pas, mais au moins, il y aura un léger froid, parce que les Africains ont le sentiment qu’Israël devrait chercher à changer d’attitude, de comportement, vis-à-vis des Palestiniens de manière générale, parce que ce que les Africains veulent éviter, c’est que le Hamas soit assimilé à tous les Palestiniens. Beaucoup d’Africains ne sont pas d’accord avec les méthodes du Hamas, ne sont pas d’accord avec les stratégies du Hamas, mais les citoyens et les États africains refusent qu’on assimile tous les Palestiniens, les millions de Palestiniens. Ils refusent qu’Israël les traite de la même manière.  Donc un sommet Afrique-Israël, comme a voulu l’organiser le Togo il y a quelques années, ce n’est pas pour demain ?Tout à fait, ce n’est pas pour demain.   
10/11/20234 minutes, 56 seconds
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«L’Afrique stimulera toute l’économie mondiale», croit Abebe Sélassié, directeur Afrique du FMI

Le FMI et la Banque mondiale sont en Assemblées annuelles toute la semaine à Marrakech. Deux institutions scrutées de près, souvent critiquées pour les politiques d'austérité qu'elles imposent. Le Fonds monétaire international est très attendu à Marrakech sur la question de l'aide aux pays endettés. Abebe Sélassié, le directeur Afrique du FMI, répond aux questions d'Alexis Bédu. RFI : Les Assemblées annuelles du FMI et de la Banque Mondiale ont débuté ce lundi 9 octobre à Marrakech, dans un contexte toujours très difficile pour les pays africains. Inflation, explosion de la dette publique, manque de financements… Au moment d’aborder ces Assemblées, est-ce qu’il y a vraiment des motifs d’espoir ?Abebe Sélassié : Les deux dernières années ont été très difficiles pour la plupart des pays en Afrique. Ce n’est pas très surprenant étant donné la gravité des chocs exogènes qui ont touché ces pays. La pandémie de Covid-19 a été rapidement suivie de nombreuses perturbations sur les chaînes d’approvisionnement mondiales, ce qui a fait grimper les prix. Et puis, comme si tout cela ne suffisait pas, il y a eu l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui a encore une fois été un choc sismique dans l’économie mondiale et qui a eu des répercussions sur les pays africains : l’augmentation des prix du carburant et des prix alimentaires.Mais nous observons encore beaucoup de résilience sur le continent, en particulier dans le secteur privé. Nous prévoyons d’ailleurs une reprise de la croissance en 2024.Je crois que l’Afrique stimulera l’économie mondiale compte tenu de la dynamique démographique, mais aussi des possibilités de rattrapage. En Afrique subsaharienne, les perspectives de croissance sont énormes. Donc, je suis optimiste.Une Afrique « résiliente », qui bénéficie « d’un fort potentiel de développement », ces mots sont prononcés chaque année, à chaque grand rendez-vous économique, et pourtant, la dette se creuse, le fossé entre les pays en termes de développement s’agrandit, qu’est-ce qui ne fonctionne pas ?Il y a deux ou trois choses que les gens négligent lorsqu’ils font valoir ce point. D’abord, je pense que si nous examinons un ensemble plus large d’indicateurs de développement, et pas seulement le revenu par habitant, nous voyons une transformation énorme. L’espérance de vie, la mortalité infantile, le taux de mortalité maternelle : ce sont des indicateurs fondamentaux de développement. Au cours des 25-30 dernières années, il y a eu une énorme transformation, une énorme réduction de l’écart par rapport aux pays avancés.Alors concernant la dette. Pourquoi augmente-t-elle ? Les pays ont fait beaucoup d’investissements. Dans l’infrastructure, l’éducation, le sanitaire… Des investissements qui étaient nécessaires. Mais l’aide étrangère étant moins disponible, une bonne partie des pays africains ont dû emprunter au prix du marché, ce qui a conduit à l’augmentation de la dette. Ces pays doivent faire plus… après avoir beaucoup investi, ils doivent chercher un retour sur investissement via le régime fiscal.Quelle situation vous inquiète particulièrement ?Une des questions sur lesquelles nous travaillons très activement avec les décideurs à l’heure actuelle est, bien sûr, la façon dont nous pouvons les aider à traverser cette difficile période de manque de financement. C’est un défi très important pour la plupart des ministres des Finances et des gouverneurs de banques centrales qui sont à Marrakech cette semaine.La solution nécessitera des restructurations de dette. Des pays comme le Ghana et la Zambie sont passés par là. Dans d’autres cas, je pense qu’un financement important est nécessaire POUR soutenir les réformes, et c’est là que la communauté internationale doit intervenir.En avril, 45 ministres africains des Finances appelaient à une réforme du système des DTS (les Droits de tirages spéciaux alloués par le FMI), ils critiquent une répartition injuste. Y a-t-il eu des avancées ?D’autres réformes sont-elles nécessaires ? Doit-on faire plus ? Absolument. Nous allons nous pencher lors des réunions annuelles sur la mobilisation de ressources pour notre programme sur la réduction de la pauvreté et la confiance dans la croissance. Avec de nombreux pays de la région, nous avons des discussions actives, afin que les donateurs, la communauté internationale, puissent mettre plus de ressources afin que nous puissions continuer à accorder des prêts à taux zéro sur le continent, ce dont nous avons désespérément besoin.Y a-t-il eu des résultats concrets après les engagements du dernier sommet de Paris ?On est quasiment au chiffre de 100 milliards de DTS qui était annoncé. Ils sont allés sur deux de nos programmes. Il y a eu énormément de progrès.La situation au Niger. Un financement de 131 millions de dollars avait été approuvé en juillet. Avant le coup d’État. La Banque mondiale a suspendu ses versements. Est-ce le cas du FMI ?Bien sûr. Il y a un programme pour le Niger, mais depuis le coup d’État en juillet, nous n’avons décaissé aucun fonds. Il faudra une entente avec un gouvernement officiellement reconnu avant de pouvoir avancer.
10/9/20235 minutes, 1 second
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RDC: «Le défi de l'opposition sera de créer une nouvelle dynamique autour d'une ou deux candidatures»

En RDC, on sait maintenant qui est sur la ligne de départ pour la présidentielle du 20 décembre. Le dépôt des candidatures est terminé depuis ce 8 octobre soir. De Félix Tshisekedi à Moïse Katumbi en passant par Martin Fayulu et le docteur Mukwege, tous les poids lourds sont là, ou presque. Le scrutin étant à un seul tour, le Président sortant espère pouvoir profiter de la multitude de candidats de l’opposition. Ceux-ci vont-ils être capables de se regrouper ? Trésor Kibangula est analyste politique à Ebuteli, l’Institut congolais de recherches sur la politique, la gouvernance et la violence. En ligne de Kinshasa, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Enseignement primaire gratuit, début de la couverture maladie universelle : le Président Tshisekedi défend son bilan pour se présenter à un second mandat. Mais est-ce qu’il a une chance dans un pays où les fonctionnaires ne gagnent même pas 200 dollars par mois ?Trésor Kibangula : C’est vrai que le Président Tshisekedi a essayé, pendant ce premier quinquennat, de pousser pour certaines mesures sociales. Il y a eu cette gratuité de l’enseignement de base où des millions de jeunes écoliers sont retournés à l’école, il y a le début de la couverture de santé universelle, avec toutes les critiques autour de ces deux mesures phare – le fait que ça n’ait pas été progressif, et que ça impacte même la qualité de l’enseignement. Mais, en même temps, le Président sortant Félix Tshisekedi n’a pas encore atteint le même niveau de désamour qu’avait son prédécesseur, certains lui accordent même quelques excuses parce que le pouvoir a commencé avec une sorte de cohabitation qui a duré au moins deux ans. Il y a beaucoup de promesses, beaucoup de bonnes intentions, mais la manière de mettre ça en place, c’est vrai que ça prend un peu plus de temps.Martin Fayulu, Moïse Katumbi, Adolphe Muzito, Matata Ponyo, Delly Sesanga, et maintenant le docteur Mukwege et Floribert Anzuluni pour la société civile : est-ce que la présidentielle à venir ne risque pas d’être saturée de candidats de l’opposition et de la société civile ? Je pense que le défi de ce camp aujourd’hui contre Félix Tshisekedi, ce sera de parvenir à recréer une nouvelle dynamique autour d’au moins une ou deux candidatures. Partir comme ça, très dispersé, risque de ne pas être efficace, parce que pour une présidentielle, il faut le rappeler, à un tour, mieux vaut aller groupé que dispersé. D’autant qu’en face de ce camp anti-Tshisekedi, certains grands noms de la scène politique congolaise, Jean-Pierre Bemba et Vital Kamerhe, se sont déjà alignés pour soutenir Félix Tshisekedi.Il y a cinq ans, Martin Fayulu avait réussi une grosse performance électorale, mais n’avait pas été proclamé Président, est-ce qu’il peut prendre sa revanche ? C’est possible, ça dépendra de la dynamique de campagne, Martin Fayulu retourne au charbon. À la différence de 2018, ses soutiens d’hier sont aujourd’hui des concurrents, parce que tous sont aussi dans la course, donc ça va être difficile, mais le combat pour parvenir à cette revanche dépendra aussi de la qualité des élections.Il y a trois mois, Martin Fayulu avait dit qu’il boycotterait le scrutin à venir tant que le fichier électoral ne serait pas audité, or rien n’a été audité, et pourtant, aujourd’hui, Martin Fayulu change d’avis et se présente. Est-ce qu’il faut craindre une fraude massive de la part de la Commission électorale nationale indépendante (Céni) ? Lorsqu’on regarde les candidats sortir du bureau de la Céni pour déposer leur candidature, leur dossier, tous appellent à plus de transparence. C’est-à-dire que les gens craignent qu’il y ait des fraudes massives. Après le refus de l’audit [du fichier électoral] par un cabinet indépendant, avec l’OIF qui aurait été partie, les Églises ont demandé à ce que la Céni autorise ne serait-ce qu’un audit citoyen. Là aussi, la Céni a dit non, donc un processus électoral, qui avance sans que les parties prenantes ne fassent confiance à ce qui est en train d’être fait, pose le décor des contestations et, malheureusement peut-être, de violences électorales.Moïse Katumbi fait souvent de bons chiffres dans les sondages de ces dernières années, mais n’a jamais pu encore se présenter. C’est sa première candidature. Quelles sont ses chances ? C’est vrai qu’on va quand même souligner cette volonté du côté du pouvoir de ne pas empêcher quiconque de se présenter, on voit beaucoup de candidatures de l’opposition s’aligner. Aujourd’hui, je pense que c’est très difficile de mesurer les chances des uns et des autres. Moi, je pense que le principal défi de l’opposition ce sera d’arriver à recréer un momentum comme on a vu à Genève la dernière fois, en novembre 2018, autour d’une candidature commune, parce que ce sera très difficile d’avoir un seul candidat de l’opposition. Mais s’ils arrivent, si de grands leaders de l’opposition arrivent à pousser une candidature, là on pourra parler de vraies chances de ceux qui vont se présenter face à Félix Tshisekedi.Voulez-vous dire qu’il faudrait qu’au moins Martin Fayulu et Moïse Katumbi parviennent à s’entendre ? Je pense qu’il faut élargir ce cercle, en y ajoutant Delly Sesanga et Matata Ponyo, plus le docteur Denis Mukwege qui vient s’ajouter, donc les cinq doivent aujourd’hui discuter pour trouver ensemble une stratégie. Certains candidats doivent accepter de s’aligner derrière une ou deux candidatures de ce camp anti-Tshisekedi.Le prix Nobel 2018, Denis Mukwege, est novice en politique. Est-ce que le docteur peut faire une percée ou est-ce que c’est trop tard ? Je ne pense pas que ce soit trop tard, c’est une candidature qui vient redistribuer les cartes, notamment au niveau de l’opposition, parce que c’est quand même quelqu’un de très respecté qui entre en jeu, et est-ce que certains opposants ne pourraient pas s’aligner derrière cette candidature ? Ce sont des choses qui sont en train, je pense, d’être discutées en ce moment.
10/9/20237 minutes, 28 seconds
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Un mois après le séisme au Maroc: «L'espérance» d'Hamed Hammouche, restaurateur à Marrakech

Une douleur nationale et une réponse, une solidarité exceptionnelle. Deux jours après le séisme, notre envoyé spécial Guillaume Thibault avait croisé la route d’Hamed Hammouche. Ce restaurateur de Marrakech était venu aider dans les villages au-dessus de la ville d’Amizmiz et s’était retrouvé à organiser les secours pour près de 2 000 sinistrés. « La priorité, c'est de remettre toutes les personnes au travail », nous confie-t-il un mois après.  RFI : Quel est le moral des populations que vous aidez, que vous appuyez, dans les montagnes ? Hamed Hammouche : Franchement, le moral est plutôt pas mal. Ça a été difficile les premiers jours, mais ensuite, avec la solidarité nationale qui s’est mise en place, le moral est plutôt pas mal.Vous nous disiez, à ce moment-là, que personne ne meurt de faim, personne ne meurt de soif. Concrètement, quelle est la situation aujourd’hui dans les douars, dans les hameaux ?On a dû recréer une ville complètement. L’organisation se met en place rapidement, plus rapidement qu’on ne le pensait. Avec l’aide de l’État, bien sûr, qui a octroyé des aides très très rapidement, ce qui a permis tout de suite de pouvoir installer l’eau collective, aller chercher l’eau sur quatre-cinq kilomètres, pouvoir aller distribuer l’eau dans les villages. L’électricité aussi est revenue, ça y est, toutes les tentes sont équipées d’électricité. Et maintenant, ils commencent à faire leur propre nourriture, ils vont de nouveau au souk, et ça, c’est vraiment exceptionnel à trois-quatre semaines du séisme, c’est même magique je dirais.L’État revient ? Est à nouveau présent ? Exactement, l’État revient, il est à nouveau présent. En fait, il a été présent très rapidement, mine de rien, parce que les premiers jours ont été compliqués, parce que la topologie du terrain était incroyable. Maintenant, on sait à peu près combien de douars ont été touchés, on est entre 10 000 et 12 000 douars qui ont été touchés, donc des petits Marrakech, comme on l’avait indiqué. Là, maintenant, on revient à la normale parce que les associations, les différentes aides qu’on a eues – du monde entier et du pays, surtout – ont bien fonctionné, c’est comme une petite armée marocaine qui s’est mise en place. Chaque douar a géré son organisation, a géré ses rues, a géré ses quartiers, et s’est remis en ordre de bataille et ça, j’ai trouvé ça assez exceptionnel de pouvoir remettre un numéro de rue sur des tentes, le 1, le 2, le 3, le 4, avec bien sûr toute l’organisation d’une maison, d’une vraie maison, dans une tente.Quelles sont les séquelles que vous voyez au quotidien ? Il y avait beaucoup d’inquiétude, notamment pour les enfants ? Il faut trouver des solutions au niveau des enfants, et c’est vrai que pour l’instant, les enfants sont un petit peu livrés à eux-mêmes, mais ils sont occupés par les travaux qu’on leur a confiés, de nettoyage, de rangement, de choses comme ça, vous voyez. Donc ça les occupe en fait, mais il faut absolument qu’ils retrouvent le chemin de l’école et il y a beaucoup d’écoles qui ont été détruites. On a une solidarité qui s’est mise en place assez rapidement au niveau des cartables, au niveau des cahiers, au niveau de ce genre de choses, mais l’école en elle-même, on a des soucis au niveau des professeurs, il faut absolument qu’on remette en place… Pour nous, l’urgence, c’est l’école actuellement. Donc vous voyez, on est passés des tentes à l’eau, de l’eau à l’électricité, et la quatrième urgence, maintenant, c’est l’école.On parle beaucoup de traumatismes psychologiques quand il y a des séismes, ou d’autres catastrophes naturelles, est-ce que c’est quelque chose que vous sentez ou, une fois de plus, cette solidarité permet à ces enfants d’avancer ? C’est étonnant, vraiment étonnant, le peuple marocain a une force qu’on a sous-estimée. Ils veulent revivre, vous savez, ils veulent repartir de l’avant, et même les enfants ont cette volonté de vouloir reconstruire, et c’est les premiers à nous dire : « Moi, je suis prêt à reconstruire l’école ». Vous voyez, les enfants nous ont dit ça : « Comment on peut vous aider pour reconstruire l’école ? », on leur a dit : « Mais vous êtes trop petits ! »Ça donne de l’espoir, j’imagine ? Ah oui ! Ces enfants-là… Franchement, on a fait venir une petite cellule psychologique qui est venue, et ils n’ont pas constaté de traumatismes profonds, à part pour ceux qui ont perdu un être cher. Ils se souviendront, bien sûr, de ce séisme, mais ils se souviendront aussi de ce qu’il s’est passé en termes de solidarité. En fait, ils n’ont jamais été livrés à eux-mêmes, c’est peut-être ça qui fait que le traumatisme n’est pas profond.Tout le monde craint le froid, la neige, le vent, est-ce qu’aujourd’hui, les conditions de vie sont suffisantes pour tenir cet hiver ? Vous savez, dans les montagnes, ils ont l’habitude de l’hiver, donc c’est déjà un premier point positif. On peut déjà voir apparaitre des bâches au-dessus des tentes, les couvertures sont en abondance, le chauffage va arriver, sachant que l’électricité est gratuite – donc l’ONEE, l’électricité marocaine, a décidé d’offrir l’électricité dans les douars sinistrés –, on va pouvoir leur récupérer des petits chauffages électriques. Ils sont déjà préparés à tout ça, franchement. Je ne m’en suis pas rendu compte, moi j’avais une inquiétude de me dire, de me poser la question de savoir comment l’hiver allait être, mais ils sont déjà préparés à tout ça, et on ne le savait pas, nous.   Hammed Hammouche, vous êtes aussi entrepreneur, vous êtes restaurateur à Marrakech, beaucoup de vos employés venaient de ces douars qui ont été touchés. Quel est votre regard aujourd’hui, justement, sur cette économie du tourisme ? La priorité, aussi, c’est de très vite remettre toutes les personnes au travail, très très vite, parce qu’une grosse partie de l’artisanat marocain qu’on voit dans les souks à Marrakech vient de ces hauteurs-là – les tapis, les poteries. Au niveau des gîtes, c’est sûr que ça va mettre un petit peu plus de temps à revenir, mais au niveau de l’artisanat marocain, ça va revenir très très très vite, plus vite qu’on ne le pense.On entend aujourd’hui dans votre voix une forme de sérénité, on peut le dire ? On est passés du rien à tout en quelques semaines, la vie continue. Et surtout l’espoir. On sait que l’espoir est reparti, donc les gens, ils sont repartis, ça y est, ça revit, c’est l’espoir, on commence à faire des prévisions, on commence à se dire comment on va reconstruire la maison, comment on va faire ci, comment on va faire ça, donc vous voyez, tout repart, c’est ça qui est magique.    
10/8/20235 minutes, 13 seconds
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Herman Cohen: «Les relations entre la France et l'Afrique sont toujours très importantes»

RFI l’annonçait ce 5 octobre en exclusivité : l'armée française a commencé son désengagement du Niger, nouveau rebondissement dans la crise qui se joue actuellement avec les autorités militaires de Niamey, Ouagadougou et Bamako. Cette question des relations franco-africaines est suivie de près aux États-Unis, où les spécialistes de la politique africaine ont des avis diamétralement opposés. Alors que Michael Shurkin, de l'Atlantic council, estimait dans une analyse récente que « le temps de la France est fini en Afrique », Herman Cohen, ancien secrétaire d'État adjoint chargé des Affaires africaines, met en garde sur les effets de loupe et les manipulations des pouvoirs autoritaires. Entretien. RFI : Herman Cohen, les forces françaises vont se retirer du Niger après avoir été déclarées indésirables au Mali et au Burkina Faso. Vous qui avez été témoin de l’évolution sur plusieurs décennies des relations entre la France et l’Afrique, comment est-ce que vous analysez le moment actuel ?Herman Cohen : Vous savez, avec les coups d’État militaires au Mali, au Niger, au Burkina Faso, les élites n’acceptent pas que la France se mêle des affaires intérieures de ces pays. Mais, à mon avis, la France a raison d’avoir posé des objections. Au Niger, par exemple, le président Mohamed Bazoum a été élu dans une élection transparente. Pourquoi accepter qu’il y ait des putschistes qui, pour une raison ou une autre, font un coup d’État contre un gouvernement démocratique ? C’est inadmissible.On voit monter un discours contre la France, notamment au sein d’une partie de la jeunesse africaine. Comment analysez-vous cette tendance ?Ce n’est pas nécessairement un sentiment anti-français des populations. Vous savez, quand on parle de « sentiment anti-français », « anti-américain », etc… Souvent, il y a des salaires qui sont payés à des gens pour manifester dans les rues. Je crois que les relations franco-africaines sont toujours très importantes et très bonnes.On ne peut pas nier tout de même que ces relations traversent un moment de crise. Au sein des opinions publiques, on voit des discours monter contre la France ou en tout cas aspirer à un nouveau type de relations… Je ne sais pas. À mon avis, l’opinion publique [africaine] est toujours pro-française.On voit se constituer un bloc militaire au Sahel qui s’est illustré par la création de l’Alliance des États du Sahel entre le Niger, le Burkina Faso et le Mali. Est-ce que vous voyez dans ces trois autorités militaires des différences de positionnement par rapport à la Russie ou est-ce que vous pensez que toutes les trois veulent à terme entrer dans une alliance étroite avec Moscou ?Je crois que si, par exemple, il y avait une menace de la Cédéao [Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest] de faire la guerre contre ces trois gouvernements, ils pourraient appeler la Russie, et surtout les mercenaires du groupe Wagner. Mais je ne crois pas que ça va aller jusque-là.La Russie ne peut rien faire dans le domaine du développement économique. Tout ce que la Russie peut offrir, ce sont des mercenaires pour maintenir certains gouvernements au pouvoir. Et je ne crois pas que les Africains voient ça comme une situation très sérieuse pour eux. Par exemple, dans la République centrafricaine, le groupe Wagner contrôle les diamants, comme forme de paiement pour garder le régime au pouvoir. Les diamants de la République centrafricaine sont les meilleurs du monde. Le peuple centrafricain a besoin de ces diamants pour son propre développement.Il y avait moitié moins de chefs d’État africains au sommet Russie-Afrique de Saint-Pétersbourg cette année qu’il n’y en avait à Sotchi en 2019. Est-ce que la diplomatie américaine a pu jouer un rôle, a pu y être pour quelque chose ?Je crois que oui. L’Amérique a dit : ce que la Russie a fait en Ukraine, c’est un danger pour tout le monde. Donc, il faut que tout le monde applique la pression sur la Russie pour quitter l’Ukraine. Une fois qu’ils auront quitté l’Ukraine, tout est possible.Et vous avez connaissance de démarches qui ont été menées pour dissuader des responsables politiques africains d’aller à ce sommet de Saint-Pétersbourg ?Je crois savoir que les Américains ont encouragé pour ne pas y aller. Et c’était partiellement réussi.De manière générale, est-ce que les États-Unis ne cherchent pas, eux aussi, à s’engouffrer dans les fissures actuelles des relations franco-africaines pour réaffirmer leur présence en Afrique ?Non, pas du tout. Nous reconnaissons qu’il y a une relation spéciale entre la France et les Africains. Et ce n’est pas notre rôle d’empêcher cette relation. Nous sommes très contents que la France soit très active. Elle fait beaucoup de bonnes choses dans le domaine économique en Afrique, soit du côté du gouvernement soit du côté du secteur privé.Tout de même, est-ce que les désaccords qui se sont manifestés au sujet du Niger depuis le 26 juillet dernier ne montrent pas des agendas différents de Paris et de Washington ?Non, pas du tout. Nous avons dénoncé le coup d’État au Niger. Les États-Unis ont dénoncé cela. L’Amérique et la France sont sur la même longueur d’onde.À lire aussiLa France engage son retrait militaire du Niger
10/6/20234 minutes, 57 seconds
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Haïti: «L'arrivée de la force kényane est le résultat d'un deal conclu avec les Américains»

Pourquoi le Kenya s'est-il porté volontaire pour envoyer 1 000 policiers en Haïti afin d'essayer d'y rétablir l'ordre ? Pourquoi cette offre vient-elle d'un pays d'Afrique et pas d'un pays du continent américain, comme les États-Unis ou le Canada ? Bref, quelles sont les raisons avouables et peut-être moins avouables de cette initiative surprenante ? L'anthropologue béninois Brice Ahounou connaît bien Haïti. Cet enseignant-chercheur est à Paris, correspondant du journal Haïti-Observateur de New York. RFI : « Nos frères et sœurs haïtiens sont les premiers à avoir gagné leur combat pour la liberté face à la tyrannie coloniale. Et leurs cris sont arrivés jusqu’à nos oreilles », a lancé le président kényan William Ruto, c’était à la tribune de l’ONU il y a quelques jours. Brice Ahounou, quelle place occupe Haïti dans le cœur des Africains ?Brice Ahounou : Haïti est une Afrique très avancée dans la mer des Caraïbes. Et effectivement, Haïti occupe une place importante. Mais je dois dire, il y a de cela quelques années, la République Haïti était rentrée à l’Union africaine en 2012, et elle a mis 4 années à en sortir. Cela nous a amenés à nous interroger aujourd’hui pour savoir si, par exemple, les dirigeants politiques africains s’intéressent vraiment à Haïti, puisque la République de Haïti n’est plus membre de l’Union africaine.Pourquoi est-elle sortie de l’Union africaine ?Parce que, au départ, elle avait un statut de membre observateur et les dirigeants de l’Union africaine ne se sont pas tout à fait mis d’accord. Ils ont invoqué un article de la charte de l’Union africaine et ils ont mis Haïti dehors.Il y a eu un sentiment de solidarité après le tremblement de terre de 2010. C’est peut-être pour cela qu’Haïti y est entrée en 2012 ?Absolument. Et je dois dire que cette solidarité s’était aussi étendue à plusieurs pays comme le Sénégal.Pourquoi dites-vous que, pour les Africains, Haïti est à la fois loin et proche ?Loin, d’abord par la distance géographique. Vous verrez par exemple que le Kenya, qui accepte de prendre la tête d’une force internationale en Haïti, est à plus de 12 000 kilomètres. Et proche, parce que culturellement les Africains, notamment ceux de l’Ouest, considèrent que Haïti est une partie de leur culture. Le plus classique, c’est le vaudou et tout le reste. Quand on va en Haïti, on voit qu’il y a une grande ressemblance des gens qu’on voit, des modèles culturels et tout le reste. On pourrait se croire en Afrique quand on arrive en Haïti. Mais en même temps, les Haïtiens ont fait un trajet historique très important au cours des 200 dernières années et que Haïti est un pays de l’hémisphère nord-américain.Vous parlez du vaudou qui relie Haïti à l’Afrique de l’Ouest et au Bénin. Pourquoi plutôt le Kenya que le Bénin pour manifester cette solidarité concrète en Haïti ? C’est ce qu’il y a de plus étrange dans cette affaire justement. Mais en fait, nous savons très bien que l’arrivée des Kényans en Haïti est le résultat d’un deal conclu avec les Américains. C’est-à-dire que Washington a été depuis toujours, en tout cas depuis ces dernières années, un peu la puissance tutélaire en Haïti à travers le Core Group par exemple [Ambassadeurs d’Allemagne, du Brésil, du Canada, d’Espagne, des États-Unis d’Amérique, de France, de l’Union européenne, du représentant spécial de l’Organisation des États américains et de la représentante spéciale du secrétaire général des Nations unies], ce club de pays du Nord qui s’ingèrent dans les affaires haïtiennes. Donc, le Kenya a répondu à une demande américaine en fait. Joe Biden met sur la table, je crois, 100 millions de dollars. Donc, le Kenya a accepté. D’ailleurs, on remarque très bien que l’opposition kényane, quelques voix de l’opposition kényane, s’étonne de cette offre que le Kenya accepte. Donc, je dirais que c’est un projet américain auquel le Kenya a répondu.Il y a un opposant kényan qui a été candidat en 2017, Ekuru Aukot, qui dit que « les policiers kényans sont envoyés en Haïti pour nettoyer le sale travail des États-Unis et de la France »…Il n’a pas tout à fait tort, c’est un peu crûment dit. Mais il n’a pas tout à fait tort, parce que le Premier ministre haïtien actuel, qui est un Premier ministre intérimaire, qui n’a jamais été élu et dont la légitimité pose question, ce Premier ministre là est quand même piloté quelque part par le département d’État américain. Il est membre du Core Group dont je vous ai parlé. Donc, l’opposant kényan, quand il dit cela, il se rend bien compte que c’est une espèce d’échec quelque part franco-américain en Haïti et que les Américains ne veulent plus entrer dans les affaires haïtiennes directement, puisque les dernières missions des Nations unies, qui ont été en Haïti, ont été entachées de divers scandales. Et elles n’ont pas répondu justement à la volonté première qui était de relever Haïti. Donc, ces pays sont devenus frileux, je veux dire la France et les États-Unis, qui ne veulent plus y aller directement et préfèrent s’adresser peut-être à une nation proche visuellement des Haïtiens puisqu’il s’agit là des Kényans qui vont y aller. Mais dernière chose concernant quand même le Kenya, on peut s’interroger sur la police kényane. Amnesty International, au mois d’août par exemple, a adressé une lettre au Conseil de sécurité pour s’alarmer du fait que la police kényane n’a pas une grande réputation de tendresse en matière des droits de l’homme. On peut se réjouir qu’enfin, des forces viennent pour aider les Haïtiens à sortir de la question des gangs, mais, en même temps, des questions importantes se posent sur ce qui risque d’arriver.Même si les Américains et les Français se cachent derrière les policiers kényans pour ne pas être rejetés par la population haïtienne, est-ce que ce n’est pas tout de même une main tendue à tous ces malheureux Haïtiens qui vivent sous la terreur des gangs ?Je dirais oui et non. Oui, dans un premier temps, on est d’accord parce qu’il faut bien que quelqu’un puisse les aider, puisque, quand on a vécu cette terreur en Haïti, on voit comment les gens sont tués avec cruauté. Donc, dans un premier temps, c’est intéressant qu’on vienne les aider. Mais, qu’est-ce qui vient par la suite ? Cette main tendue est une main bienvenue pour au moins soulager les populations dans un premier temps. Mais tout reste à construire.À lire aussiHaïti: l’envoi d’une force kényane inquiète les ONG après un historique de violences policières
10/5/20236 minutes, 45 seconds
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Côte d’Ivoire: «Je vais organiser les États généraux de Yopougon», dit le maire Adama Bictogo

En Côte d’Ivoire, le Conseil d’État a confirmé hier mardi, l’élection d’Adama Bictogo à la tête de la mairie de Yopougon. Il avait recueilli 40,33% des voix, selon les résultats de la Commission électorale indépendante. Yopougon est la commune la plus peuplée du district d’Abidjan, réputée être le fief de l’ex-président Laurent Gbagbo. Originaire d’Agboville, le président de l’Assemblée nationale réussit un coup d’éclat. Comment compte-t-il développer cette commune ? Quels sont ses projets ? Entretien. Votre élection survient sur fond de soupçons de fraude que le Conseil d’État a écartés. Comment comptez-vous rassembler les habitants qui, à priori, ne vous sont pas favorables ?Adama Bictogo : Ça, c’est vous qui le dites. Les soupçons ne sont pas portés sur les résultats. Ils ont posé des réclamations contre le matériel de la CEI [Commission électorale indépendante]. Mais on était tous concernés par le retard d’ouverture de certains bureaux. Donc, moi, je ne m’attarde pas sur les réclamations. Pour ce qui est du rassemblement des populations de Yopougon, à la vérité, le rassemblement se fera par la réalisation des projets.Toujours est-il que l’élection s’est déroulée le jour J dans une certaine indifférence. Deux tiers des électeurs de Yopougon ne sont pas allés voter. Comment comptez-vous faire pour essayer de rétablir la confiance qui semble aujourd’hui brisée entre les électeurs et la classe politique en général ?Je reste convaincu que le monde managérial que je vais mettre en place, qui va me rapprocher des populations, la digitalisation de la mairie, la facilité avec laquelle les populations de Yopougon vont avoir accès à leur extrait de naissance, aux bourses familiales… Autant d’éléments qui vont créer une vraie ambiance de fraternité. Je bâtis la stratégie de ma campagne autour du consensus. Les populations ne sont pas figées. Ce ne sont pas des meubles. On a fait une offre. Ils ont adhéré à cette offre. C’est à nous de mériter la confiance donc des populations à partir des réalisations que nous allons faire.Quelles sont les premières mesures que vous comptez mettre en œuvre pour améliorer le cadre de vie des habitants de Yopougon ?Très rapidement, je vais mettre en place un programme d’urgence communal à Yopougon, relativement la fluidité routière, l’assainissement, l’eau. Tout ce qui relève du quotidien, du social. Au lendemain de mon installation, je vais donc organiser les États généraux de Yopougon.Tout cela, ce sont des projets ambitieux : refaire l’assainissement, refaire les routes… sur quel budget ?L’assainissement est un programme de l’AFD [Agence française de développement, ndlr].Il y a le budget gouvernemental. La mairie de Yopougon ne s’exclut pas. Ce n’est pas une mairie autonome. Yopougon est pris en compte dans le PND, le Plan national de développement jusqu’en 2025. Ce que je veux dire, c’est qu’il y a déjà des projets pour lesquels les financements sont disponibles. J’ai donc échangé avec le responsable de l’AFD en ce qui concerne l’assainissement.Pour vous, avoir remporté cette élection, c’est quand même aussi un tremplin. Est-ce que ça va vous encourager, dans deux ans, à présenter votre candidature au sein du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) pour la présidentielle ?(rires) Laissez-moi savourer mon élection à la tête de Yopougon. Nous sommes un parti organisé. J’ai toujours été au côté du président Alassane Ouattara. Il m’a toujours confié des missions, même des missions difficiles. Celle de Yopougon n’était pas une mission acquise. J’ai toujours été là pour répondre à ses appels. Pour 2025, c’est au président Alassane Ouattara, président du parti, qui devra donc donner les orientations de 2025. Pour l’heure, je me concentre sur l’Assemblée, je vais faire mon job de président de l’Assemblée. Je vais faire mon job de maire de la commune de Yopougon. Mais je suis une personne-ressource qui compte au sein du RHDP et les orientations que le RHDP voudra bien prendre pour 2025, ces orientations se feront sous la houlette du président Alassane Ouattara.La session parlementaire a repris lundi. Pourquoi la proposition de loi sur la limite d’âge à 75 ans concernant les candidats à la présidentielle a-t-elle disparu des débats parlementaires ?Aucun texte ne disparaît à l’Assemblée, je voudrais déjà recentrer les choses. C’est une proposition de loi qui émane d’un député, comme plusieurs propositions de loi qui nous sont parvenues. L’ensemble de ces propositions de loi ont fait l’objet d’analyse au niveau du bureau de l’Assemblée et ces propositions de loi sont transmises au Conseil constitutionnel pour analyse, parce qu’il y a des conditions de recevabilité aussi de ces propositions de loi. Donc, nous sommes dans l’entente du retour des résultats du Conseil constitutionnel.En tant que président de l’Assemblée nationale, est-ce que vous avez la possibilité, la latitude de pouvoir relancer cette institution ?Si le bureau venait à être saisi à nouveau par les députés qui ont initié ces propositions de loi, naturellement que je me ferai fort de relancer le Conseil constitutionnel. Mais je ne suis pas moi, l’initiateur de ces propositions de loi.
10/4/20234 minutes, 56 seconds
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Burkina Faso: «Près de la moitié du territoire échappe au gouvernement en place»

Au Burkina Faso, c’était il y a quasiment un an jour pour jour : le capitaine burkinabè Ibrahim Traoré renversait le lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba et prenait le pouvoir. Un second putsch en l’espace de seulement huit mois justifié par l’incapacité du pouvoir à faire face à la poussée des groupes jihadistes dans le pays. Le 28 septembre, le gouvernement a annoncé avoir déjoué une tentative de coup d’État. Un an après l’arrivée du capitaine Traoré, où en est le Burkina Faso sur les plans sécuritaire et politique ? Entretien avec Francis Kpatindé, spécialiste de l'Afrique de l'Ouest et maître de conférences à Sciences Po Paris.  RFI : Francis Kpatindé, quel bilan peut-on dresser de l'action du capitaine Traoré, un an après sa prise de pouvoir ?Francis Kpatindé : Bilan très très très mitigé. Le territoire n'est pas libéré, bien entendu. Il y a deux millions de déplacés internes, il y a des milliers de réfugiés dans les pays voisins, surtout au nord de la Côte d'Ivoire, et il y a quand même aussi des milliers de morts. Cette situation désarticule non seulement le Burkina Faso, mais fragilise les pays voisins et ouvre des corridors d'accès à la mer aux jihadistes.Vous le disiez, les chiffres ne plaident pas en faveur de la junte : 6 000 personnes ont été tuées depuis le début de l'année, un chiffre en nette augmentation. Il y a ces deux millions de déplacés, un million d'enfants déscolarisés, car certaines zones dans le nord et dans l'est sont, de fait, sous blocus jihadiste.Absolument ! Le régime n'arrive pas à faire ce qu'il reprochait à ses prédécesseurs : c'est-à-dire ne pas assurer la sécurité. Le situation va de mal en pis, puisqu'aujourd'hui il y a près de la moitié du territoire burkinabè qui échappe au gouvernement en place. Et ce n'est pas avec le concours des VDP, des supplétifs civils de l'armée, qu'on va pouvoir faire peut-être avancer les choses.Est-ce que le problème ne vient pas justement de cette stratégie du tout sécuritaire ?Le problème c'est qu'il n'y a plus de vie politique au Burkina depuis l'avènement du capitaine Ibrahim Traoré. Ils ont suspendu les activités politiques. Donc, il n'y a que le tout sécuritaire. Ça peut se comprendre, à condition que ça ne dure pas éternellement. Un pays a besoin d'idées neuves, a besoin de confrontations d'idées pour nourrir la sécurité. Cette sécurité, c'est une chose trop sérieuse pour être uniquement confiée aux militaires.Les soldats français ont quitté le pays en février dernier à la demande des autorités burkinabè. Ouagadougou s'est depuis rapprochée de Moscou comme on a pu le voir lors du Sommet Russie-Afrique de fin juillet. La Russie aide-t-elle aujourd'hui le pays à lutter contre les groupes jihadistes ?Le Burkina ce n'est pas tout à fait comme le Mali où la présence du groupe Wagner est avérée et massive. Au Burkina, ils sont beaucoup plus discrets. Le problème, c'est ce que je disais tout à l'heure : quitter la France, en-soi, on peut comprendre... Mais est-ce que quitter un maître, un ancien colonisateur, pour une allégeance avec un nouveau, ce n'est pas une libération, ce n'est pas retrouver une pleine souveraineté, que de confier son destin à d'autres. Ce qu'il faut, c'est à la fois s'organiser ou défendre le territoire et essayer d'organiser des élections dans la foulée, mais une élection qui soit incontestable et qui évite que dans les mois à venir, les années à venir, des militaires ne soient tentés de se saisir à nouveau du pouvoir.Lors du sommet de Saint-Pétersbourg entre la Russie et l'Afrique, le capitaine Traoré s'en est pris à ses homologues africains qui tendent la main aux Occidentaux « comme des mendiants », a-t-il dit. Ce qui a donné lieu à une passe d'armes entre lui et le Sénégalais Macky Sall. Le numéro un burkinabè veut jouer les troubles fêtes à la façon de Thomas Sankara dont il revendique l'héritage. En a-t-il l'envergure selon vous ?Moi, je fais partie des journalistes qui ont connu Thomas Sankara. C’était une autre dimension, c'était autre chose, c'était quelqu'un qui connaissait le monde entier, qui connaissait les rapports de forces, et qui jouait avec ça. Ce qui s'est passé à Saint-Pétersbourg, c'est à mettre sur le compte de l'extrême jeunesse politique du capitaine Ibrahim Traoré.Depuis un an, certains notent un vrai recul des libertés individuelles. La liberté de parole existe-t-elle encore au Burkina Faso ?Difficilement, même si j'ai noté que les trois journalistes qui ont interviewé le président Ibrahim Traoré l'ont fait de manière assez libre : certaines questions gênantes ont été posées. Mais le fait est là qu'il n'y a plus d'activité politique et qu'il y a des mesures de rétorsion injustifiées contre certains médias. Le dernier en date c'est Jeune Afrique, dont les publications ont été suspendues là-bas pour avoir parlé d'un malaise dans l'armée, que quelques jours plus tard le capitaine Ibrahim Traoré a lui-même reconnu.Et puis on retiendra aussi ces déclarations du capitaine Traoré : « Les libertés individuelles ne doivent pas primer sur les libertés collectives. Soit vous êtes avec la patrie, soit vous êtes contre la patrie... »C'est assez étonnant aujourd'hui d'entendre ça, ça ne se justifie pas. Les gens ont besoin de partager leur opinion, leurs avis avec la junte qui n'a pas le monopole de la vérité, qui n'a pas le monopole de la pensée, qui ne peut pas avoir le monopole du débat politique.La situation au sein de l'armée est visiblement tendue : le gouvernement a annoncé la semaine dernière avoir déjoué une tentative de coup d'État. Diriez-vous que le pouvoir du capitaine Traoré est aujourd'hui fragile ?Absolument. Il est déjà fragile par la situation sociale, la situation économique, la situation sécuritaire… Et ajouté à cela le malaise au sein de l'armée. Visiblement certains officiers supérieurs ne sont pas d'accord avec la ligne qui est suivie aujourd'hui et essayent de le faire entendre. Il n'est pas exclu qu'il y ait eu des tentatives de putsch. Mais toujours est-il qu'on a annoncé officiellement qu'il y a quatre officiers qui ont été arrêtés et qu'il y en a deux qui sont en fuite, notamment des gens du renseignement.À lire aussiLe capitaine Traoré n'envisage pas d'élections avant la sécurisation de tout le Burkina Faso
10/3/20235 minutes, 8 seconds
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Paul-Marie Gondjout, ministre gabonais de la Justice: «Il faut que notre système politique soit plus juste»

C'est une interview exclusive sur RFI. Le ministre gabonais de la Justice s'exprime pour la première fois depuis sa nomination au sein du gouvernement de transition le 9 septembre. Une équipe mise en place suite au coup d'État il y a un mois qui a fait chuter le président Ali Bongo, après des élections très controversées. Paul-Marie Gondjout est le président du parti UNI, dans l'opposition sous l'ancien régime. Il prend la parole ce matin alors que l'ancienne première dame Sylvia Bongo et l'ex-ministre de l'Intérieur Lambert Noël Matha ont été inculpés vendredi. Le ministre répond aux questions de Sébastien Nemeth. RFI : Monsieur le ministre, Sylvia Bongo, Lambert Noël Matha, une dizaine d'anciens hauts responsables, sont désormais poursuivis par la justice. Certains sont emprisonnés. Faut-il s'attendre à d'autres interpellations?Paul-Marie Gondjout : Il y a une opération « Dignité » qui a été mise en place. Il y a eu des flagrants délits qui vont emmener à approfondir les enquêtes. Le procureur de la République nous dira ce qu'il en est, d'arrestations ou non des personnes qui auraient commis des forfaits.Beaucoup de personnes interpellées font partie de l'entourage de Sylvia Bongo. Qu'en est-il d'Ali Bongo?Le président de la République sortant a été élargi par le Comité de transition et de la restauration des institutions. Pour l'instant, aucune poursuite n'est engagée contre lui. Si dans le cours des choses, il y a des éléments qui permettent de le faire, à ce moment-là on avisera, mais pour l'instant je pense que rien n'a été engagé contre lui.Certains Gabonais s'interrogent néanmoins. Est-ce qu'on se dirige vers une possible impunité pour l'ancien président Bongo?Nous n'allons pas focaliser sur une personne mais sur un système qui a mis le pays à sec. Donc il ne faut pas orienter les choses vers une personne alors qu'il y en a d'autres. Il y a des faits notoires qui ont été mis à jour. De l'argent qui a été retrouvé dans des maisons, de manière indécente. Il y a la task force pour vérifier un certain nombre de choses sur la dette de l'État et des méfaits qui auraient pu être commis, avec des ramifications au Gabon et à l'extérieur. Il y aura peut-être évidemment des commissions qui vont être mises en place pour aller rechercher partout où c'est nécessaire tout ce qui aura été fait.Est-ce que vous souhaitez un assainissement total du système et qu'on récupère tout ce qui aurait pu être détourné ?Le Gabon a été spolié. Les finances de l'État sont à mal. Le fait qu'il y ait des personnes qui ont certainement caché de l'argent du Gabon à l'extérieur du pays, il va falloir retrouver cet argent. Cette opération « Dignité » nous fait découvrir nombre de choses incroyables. C'est un système qui a mis le pays en coupe réglée. C'était un peu comme une épicerie où ils se servaient à volonté. Maintenant le gérant de l'épicerie demande effectivement que des comptes soient faits.Qu'est-ce qui va être fait de toutes ces saisies?Le président de la transition a demandé que ces biens soient retournés à celui qui normalement doit être le propriétaire, c'est à dire l'État. Ce sont les Gabonais qui doivent effectivement pouvoir profiter de ces biens parce que ce sont les leurs. L'opération « Dignité », elle durera le temps nécessaire, il n'y a pas de limite de temps. Vous savez ce qui a été fait aujourd'hui au moment où nous parlons peut avoir des ramifications 10 ans avant ou 15 ans avant. Nous allons remonter jusque là-bas.Certains avocats, notamment ceux de l'ancienne première dame Sylvia Bongo, accusent le pouvoir de séquestration arbitraire, voire parfois de prise d'otage. Que répondez-vous aujourd'hui?Je pense que c'est tout à fait exagéré. Le 30 août, il y a eu une opération pour stopper tout le processus électoral engagé qui était totalement biaisé, toxique et dangereux pour le Gabon. À l'issue de cela, il y a eu des arrestations, mais il y a surtout eu la mise en sécurité du chef de l'État sortant et de sa famille. Il n'y a pas eu de séquestration arbitraire. Il n'y a pas eu de prise d'otage. Il y a simplement eu la mise en sécurité de la première dame sortante, pour éviter qu'il n'y ait de graves dommages à sa personne. Notre pays reste lié par les instruments internationaux et régionaux des droits de l'homme. Je tiens à cela.Savez-vous où se trouve Sylvia Bongo aujourd'hui ? Ses avocats s'inquiètent. Ils ne le savent pas.Ha si, ils doivent le savoir ! À partir du moment où elle est passée en instruction, les avocats doivent le savoir. S'ils ne le savent pas c'est qu'ils sont de mauvaise foi.Vous prenez votre poste au moment où les magistrats connaissent une grève d'une durée exceptionnelle, depuis le mois de décembre. Comment sortir de l'impasse aujourd'hui?Les magistrats ont levé leur mouvement de grève vendredi. Nous avons pu effectivement régler pratiquement 80 à 85% des problèmes qui sont les leurs. Le texte sur le statut particulier des magistrats va être, je dirai, promulgué. Sur leurs situations administratives et pécuniaires, ça aussi c'est en voie de règlement. Pour ce qui concerne les avocats, effectivement, la situation était un peu plus complexe puisqu'elle ne touche pas au fonctionnement du ministère de la Justice ou d'un lien qui existerait entre le ministère de la Justice et les avocats. Ils n'ont pas de bâtonnier. Ils n'ont pas de conseil de l'ordre à l'issue de l'annulation de l'élection de cela par le Conseil d'État. Ils ont souhaité que le ministre de la Justice nomme un bâtonnier intérimaire. Ce n'est pas mon rôle. Je pense qu'en ayant reçu les anciens bâtonniers à mon cabinet de travail, je pense qu'ils ont compris en sortant de là, qu'il fallait effectivement que eux-mêmes puissent prendre leurs responsabilités en mettant en place tout de suite une Assemblée générale qui va se charger d'élire un bâtonnier et un conseil de l'ordre. Il en va de la bonne administration de la justice et des citoyens et même des entreprises qui ont besoin que les choses se passent correctement à ce niveau-là. La rentrée judiciaire c'est ce lundi [2 octobre, NDLR], nous allons pouvoir effectivement rentrer et se mettre au travail.L'une des revendications des magistrats c'est que le chef de l'État ne soit plus président du Conseil de la magistrature pour que la justice soit plus indépendante. Est-ce que vous seriez d'accord pour une réforme là-dessus ?Nous sommes en train de travailler avec une commission que je vais mettre en place dans les jours à venir, qui va travailler sur la réforme du système judiciaire à tous les niveaux, sur les plans pénal, civil, commercial. Pour que ces propositions de réformes soient présentées au cours des discussions nationales qui vont avoir lieu dans les mois à venir. La question de la présidence du Conseil supérieur de la magistrature se posera certainement. Mais mon avis sur la question, c'est que le lien qu'il y a entre la magistrature et l'exécutif soit le moins directif possible. Il faut laisser à ce corps le soin de décider puisqu'il juge au nom du peuple gabonais. Au-delà même de cette question, il va falloir aussi que nous revoyions un certain nombre de comportements qui n'ont pas été dignes. En arrivant ici je découvre un certain nombre de choses qui sont incroyables. Des comportements peu recommandables qui méritent des conseils de discipline ou du moins des sanctions. Il y a des faits de corruption qui sont avérés. Des liens avec la politique qui ne sont pas acceptables. Nous allons faire le travail mais tout en respectant effectivement les droits des uns et des autres. Parce qu'il n'y aura aucune chasse aux sorcières.Est-ce qu'il y a d'autres réformes qui vous semblent essentielles, que vous souhaiteriez porter, pour garantir l'indépendance de la justice soit garantie ?J'ai mis en place une commission pour réformer le système judiciaire. Ces réformes du système judiciaire doivent appeler à plus d'indépendance, mais surtout à plus de respect du droit des citoyens. Parce que le principe c'est la liberté. L'exception, c'est la privation de liberté. Nos prisons sont engorgées. Actuellement, nous avons plus de 5 000 prisonniers. Alors que la capacité est bien moindre que ce nombre. Les deux-tiers des personnes qui sont dans les prisons sont plutôt des prévenus, donc des personnes en attente de jugement. Nous devons faire baisser ce nombre. Plus de 1 700 condamnés et un peu plus de 3 000 prévenus, ce n'est pas normal.La transition doit refonder des textes très importants. Notamment la constitution. Selon vous, quelle est l'ampleur de la réforme nécessaire pour le corpus juridique gabonais ?Ce qui me semble le plus important aujourd'hui, c'est de savoir quel système politique nous voulons avoir pour notre pays. Nous avons fonctionné depuis 1960 sous un système présidentiel. Aujourd'hui, nous nous rendons compte que ce système a fait son temps. Il faut une dose de système parlementaire plus importante, et il faut un système de représentation qui soit plus large et qui garantisse à tous, aux minorités, aux différentes sensibilités, leur accès aux charges soit de l'État soit des collectivités. Le Gabon en a bien besoin aujourd'hui. Parce que vivre avec un président monarque qui décide de tout et qui fait tout, il faut revoir cela, pour que notre système politique soit plus juste.Les militaires prônent l'unité mais on voit quand même un retour d'anciens responsables notamment du temps d'Omar Bongo et qui étaient tombés en disgrâce sous Ali Bongo. Certains craignent qu'ils ne fassent dérailler la transition et que l'ancien régime empêche toute renouveau. Qu'en pensez-vous ?Quand vous avez grandi au village, imprégné de nos traditions locales, vous devez savoir que les « vieux » comme on dit chez nous sont les yeux du passé, ce sont eux qui vous ouvrent les yeux de l'avenir. Si vous ne tenez pas compte des avis des anciens, je ne vois pas comment votre avenir peut être radieux. Et ce que fait actuellement le chef de l'État, c'est effectivement de parler avec tout le monde. Lorsque vous voyez les nominations qui sont faites, ça intègre le Gabon de manière générale. Il ne faut pas que nous ayons un Gabon des uns contre les autres.La nouvelle cour constitutionnelle ne compte aucun spécialiste de droit constitutionnel, alors que c'est justement l'expertise de cette cour. Ils sont pour les deux-tiers issus du droit privé, donc certains s'interrogent sur la légitimité, la compétence des nouveaux arrivants. Qu'en pensez-vous?Non, je pense que lorsque vous regardez la composition des juges, mais surtout des assistants autour d'eux, ce sont pour la plupart des publicistes, des spécialistes de droit administratif, de droit constitutionnel. Et le juge s'entoure de ces compétences-là, ce qui lui permet de pouvoir prendre les décisions de manière appropriée. Ce n'est pas un problème.
10/2/20239 minutes, 38 seconds
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Excision en Guinée: «Le plus grand travail reste à faire au niveau de la sensibilisation»

Engagée contre l’excision et les mariages précoces depuis dix ans, Hadja Idrissa Ba milite pour son avenir et celui de ses sœurs, qu’elle veut voir échapper à l’excision. Une pratique encore très répandue en Guinée, malgré une loi contre son application. Ba elle-même a été excisée à l’âge de dix ans lors de prétendues « vacances ». Sa renommée lui vaut d’être sélectionnée pour des prix et d’être invitée à de grandes conférences internationales où elle continue à marteler son message. Elle a participé au Forum mondial Normandie pour la paix, et a répondu à Christina Okello en marge de ce rassemblement. RFI : Vous menez ce combat en faveur des droits des femmes en Guinée depuis dix ans, est-ce que vous avez constaté un changement, ou au contraire, est-ce que le poids de la tradition est toujours aussi fort ?Hadja Idrissa Ba : Aujourd’hui, la tradition continue de peser sur nos parents. La pression est structurelle, et malheureusement, les pratiques continuent de prendre de l’ampleur. Et même s’il y a une petite prise de conscience de certains – mais qui n’osent pas l’avouer –, le plus grand travail reste à faire au niveau de la sensibilisation de la nouvelle génération, parce que c’est là qu’est le risque. Si nos parents n’ont pas réussi à accepter le message que nous sommes en train de faire passer, notre espoir se porte sur cette jeunesse que nous sommes, parce que si nous on comprend, c’est sûr que nos prochains enfants seront protégés.Justement, sur la question de la sensibilisation, en 2016, vous avez créé le Club des jeunes filles leaders de Guinée, pour prévenir notamment les mariages précoces. Avez-vous enregistré des cas de réussite ? Bien évidemment, la création du Club de jeunes filles a créé de belles avancées du côté du respect du droit des jeunes filles. Du côté des filles, elles-mêmes ont pris conscience et elles ont compris qu’elles ont des droits et qu’elles peuvent aussi se réveiller et réclamer leurs droits. Donc je dirais que le succès, grâce au Club des jeunes filles que j’ai mis en place (au début, on était cinq, aujourd’hui on peut compter plus de 500 [membres] sur tout le territoire national), c’est un gros changement dans nos communautés grâce juste à l’existence de ce militantisme des jeunes filles. Et de l’autre côté, c’est aussi et surtout [une victoire pour] les filles que nous avons réussi à sauver dans les villages. On a arrêté des cas de mariages précoces et forcés, et cela a été un véritable succès pour nous.Que reste-t-il à faire ? Vous avez dit par le passé que la justice guinéenne est malade. Sur quels leviers faut-il appuyer pour améliorer la protection des jeunes filles ?Le problème, c’est que nous sommes en train de réclamer justice, de lui demander de faire son travail, et jusqu’à aujourd’hui, je pense que tel n’est pas le cas. C’est le véritable frein au combat. Et lorsqu’on a demandé aux gouvernements – précédent et celui d’aujourd’hui – de faire du droit des femmes et des jeunes filles une priorité de leur agenda, malheureusement, on remarque qu’en fait les priorités ce sont les questions économiques et politiques, alors que les causes des personnes les plus vulnérables, que sont les enfants et les femmes, sont mises de côté. Et je continue toujours de plaider auprès de ces autorités pour en faire leur priorité, parce que jusque-là, tel n’est pas le cas.En effet, en 2018, vous avez interpellé l’ancien président guinéen Alpha Condé sur la situation alarmante des jeunes filles en Guinée. Est-ce que les nouvelles autorités vous écoutent davantage sur ces questions-là ?Nous, on s’attendait à beaucoup mieux, mais malheureusement, tel n’est pas le cas. C’est toujours les mêmes réalités, même s’ils disent faire des efforts, mais désolés les efforts ne se font qu’à l’occasion des journées internationales... On n’a pas besoin de ça. Mettez-nous où il faut et accordez-nous la justice dont on a besoin. C’est tout ce qu’on demande. Si ces autorités m’écoutent et m’entendent, je plaide encore davantage pour faire en sorte que cette justice soit une boussole, pour nous aussi, parce qu’on en a besoin. Si les femmes sont heureuses, je pense qu’ils n’auront pas besoin de faire de campagnes et autres, ce sera automatique, mais lorsque nous on est mises de côté, on n’est pas considérées, je vous assure que les enfants et les jeunes ne seront pas contents d’eux. Dans le cadre de votre militantisme, vous subissez souvent des critiques : on vous appelle la fille au foulard, briseuse de mariages, on vous critique, on vous attaque, pourquoi vous continuez ce combat ?Je continue ce combat malgré les critiques parce que je crois à ce que je fais. Depuis plusieurs années, depuis que j’ai douze ans, je suis dans ce combat. Et aujourd’hui, je ne m’arrête pas, parce que tout simplement, je me dis que c’est une mission que nous avons. Et si je réussis à aller jusqu’au bout de ce combat, ceux qui me critiquent n’auront pas raison de moi, donc si j’abandonne, c’est qu’ils auront eu raison, et ils « sauront » que nous les femmes, comme ils le disent, on est « faibles », alors que tel n’est pas le cas. On croit à la véracité de ce qu’on est en train de faire. Il n’y a aucune autre option qui pourrait nous empêcher d’aller jusqu’au bout.Et quelles sont vos ambitions, Hadja Idrissa Ba ? Vous avez fait des études en sciences politiques, en droit et en communication. Jusqu’où voulez-vous aller ?Moi, mon objectif, c’est de montrer au monde aujourd’hui que cette jeune fille qui est née, qui a grandi dans une famille illettrée, peut aussi avoir sa place autour de la table et participer à toutes les prises de décision qui concernent le développement du pays, que ce soit dans mon pays ou encore dans d’autres pays, j’ai aussi mon mot à dire. Et l’objectif, aujourd’hui, c’est de pouvoir avoir les compétences qu’il faut afin de mieux faire mon combat, que ce soit à l’international ou en Guinée, et occuper de grands postes.Un grand poste, comme celui de présidente de la Guinée ? Cela n’est pas exclu, parce que les femmes, aussi, ont le droit d’être au poste présidentiel. Pourquoi ? Parce que c’est important que nous soyons là pour prendre des décisions. S’il faut voter des lois, qu’on vote les bonnes lois. C’est bien possible, je ne dis pas uniquement moi, mais c’est possible qu’il y ait une femme qui présidera la Guinée et je la soutiendrai. Et si c’est moi aussi, ce sera parfait (rires).
10/1/20235 minutes, 28 seconds
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Transition en Guinée: «Il n’y a pas d’obstacles majeurs qui indiquent que les délais ne seront pas tenus»

La Guinée va-t-elle connaître un report de la présidentielle, comme son voisin, le Mali ? Non, rétorque Ousmane Gaoual Diallo, le ministre porte-parole du gouvernement guinéen. Selon lui, la transition dirigée par le colonel Mamadi Doumbouya s'achèvera, comme prévu, à la fin de l'année prochaine. De passage à Paris, Ousmane Gaoual Diallo, qui est aussi ministre guinéen des Postes, des Télécommunications et de l'Économie numérique, s'exprime également sur l'avenir du colonel Doumbouya et sur les relations entre Conakry et Paris. Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Il y a quelques jours, à la tribune de l’ONU à New York, le Président de la transition, le colonel Mamadi Doumbouya, a dénoncé la démocratie à l’occidentale comme un modèle qui ne marche pas en Afrique. Quel est, alors, le modèle alternatif ? Ousmane Gaoual Diallo : Effectivement, pour le bilan de cette démocratisation, acté depuis la conférence de La Baule de 1990, il est du devoir aujourd’hui des Africains de s’interroger sur ce que ça a rapporté en termes de croissance économique, en termes de stabilité des institutions. Le bilan est très maigre, quasiment nul. Et puis, parallèlement, on regarde ce qui se passe en Extrême-Orient, qui était quasiment dans la même situation, et puis dans l’Asie du Sud-Est, où il y a beaucoup plus de progrès. Les Africains s’interrogent sur cela. Dans son discours à l’ONU, le Président de la transition n’a rien dit sur la fin de cette transition et sur le retour des civils au pouvoir. Est-ce que ce n’est pas mauvais signe ? Cela a été déjà dit et répété : nous avons un calendrier de cette transition qui est acté avec l’organisation sous-régionale, la Cédéao [Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, NDLR], qui se déroule très bien, et les observateurs s’accordent à dire que la transition est dans le rythme de respecter l’agenda qui a été acté par l’organisation sous-régionale.Justement, cet accord avec la Cédéao, c’était il y a un an. Il prévoyait que la transition se termine à la fin de 2024. Où est-ce qu’on en est ? Aujourd’hui, il y a énormément de choses qui se font. Il y a un comité de suivi de la mise en œuvre du chronogramme de la transition, qui se réunit tous les mois avec des représentants de l’Union européenne, des représentants de la Cédéao, du G5, qui arrive à la conclusion que la transition est dans le rythme et que les délais peuvent être tenus, encore aujourd’hui. Il n’y a pas d’obstacles majeurs qui indiquent que les délais ne seront pas tenus.D’ici la fin de la transition, le programme est très chargé, Monsieur le ministre : un recensement de la population, un nouveau fichier électoral, une nouvelle Constitution, un référendum. Est-ce que vous aurez le temps de faire tout cela en un an ? Ça se fera parce que ça se fait parallèlement. D’abord, le recensement de la population permettra de générer un fichier électoral. Ensuite, c’est parallèlement à ces activités que la rédaction de la Constitution, qui est déjà à une phase très avancée, se fait et que d’autres dispositions, d’autres actions de préparation de ce processus, pourront se dérouler en parallèle. Je pense que nous sommes dans le rythme.Et est-ce que le glissement du calendrier n’est pas inéluctable, comme au Mali voisin, par exemple ?Il n’y a pas d’éléments aujourd’hui qui permettent de dire qu’il y aura un glissement.Donc des élections à la fin de l’année prochaine ?C’est ce qui est prévu et nous sommes dans le rythme de cette préparation.Et si la présidentielle a lieu à la fin de l’année prochaine, est-ce que le Président actuel de la transition sera candidat ? Il n’est pas prévu qu’un des membres de cette transition puisse être candidat.Est-ce que c’est ferme et définitif ?Cela a été dit et répété à plusieurs reprises.Par le Président de la transition lui-même ? Oui, par tous les acteurs de la transition, cela a été dit.Le problème, c’est que, dans l’opposition et la société civile, beaucoup doutent que le colonel Doumbouya tiendra sa promesse. Pour convaincre de votre bonne foi pour la démocratie à venir, est-ce que vous n’auriez pas intérêt à faire traduire en justice tous les auteurs de tirs à balles réelles qui ont fait quelque 30 morts depuis deux ans ? C’est ce qui se fait. Il y a déjà eu des cas d’arrestation, y compris parmi les membres des forces de défense et de sécurité.Oui, mais ce que disent les défenseurs des droits de l’homme, c’est que, pour l’instant, aucun de ces auteurs de tirs à balles réelles n’a été jugé dans un procès. C’est vrai. Les procédures sont en cours. Lorsque ce n’est pas un flagrant délit, les procédures d’enquête peuvent prendre le temps nécessaire, mais il faut noter que c’est un progrès important, l’arrestation des suspects.Y aura-t-il procès ? Absolument. Lorsque les éléments du droit seront réunis, un procès sera ouvert pour juger les accusés.Et pour convaincre de votre bonne volonté démocratique, pourquoi ne pas accepter un dialogue avec l’opposition et la société civile en présence de la Cédéao, comme le demandent beaucoup de Guinéens ? C’est ce qui a été fait, sauf qu’il y a un certain nombre de partis, trois partis politiques, qui conditionnent leur participation à l’abandon des poursuites concernant quelques-uns de leurs membres.Est-ce que, pour le dialogue, il ne serait pas bon que l’opposant numéro un, Cellou Dalein Diallo, puisse rentrer d’exil et puisse parler avec vous, à Conakry ? Il n’y a aucune interdiction à Cellou Dalein de venir dans le pays, au contraire.À ceci près qu’il risque la prison s’il rentre. S’il est coupable d’un fait, qu’il vienne répondre de cela. S’il estime qu’il n’est coupable de rien, il ne risque absolument rien dans le pays.Pas d’abandon de poursuites judiciaires contre lui ?Si le gouvernement devait dicter à la justice d’abandonner les poursuites, il n’y aurait pas de sens à juger quelques coupables que ce soient.Êtes-vous brouillé avec la France, comme le sont le Mali, le Burkina Faso et le Niger ?Non, pas du tout, on n’est ni anti-Français, ni anti-Américain, ni anti qui que ce soit. Nous travaillons avec tout le monde. Ce qui nous préoccupe, c’est d’accroitre les recettes que l’État guinéen pourrait tirer des rapports qu’on a avec tel ou tel pays.Voulez-vous dire qu’il y a plus de pragmatisme à Conakry que dans d’autres capitales sahéliennes ? Nous sommes obligés de tenir compte de cela, de ce que les interdépendances entre nations sont nécessaires. Nous n’allons pas perdre du temps à gérer des crises avec tel ou tel pays.Pensez-vous, par exemple, que vos voisins du Mali perdent du temps avec ce type de polémiques ? Les crises font toujours perdre du temps. Mieux vaut les dépasser rapidement pour se consacrer aux problèmes essentiels.
9/29/202311 minutes, 47 seconds
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Mali-Attaye Ag Mohamed: «Notre action au CSP est placée dans le cadre de la légitime défense»

Cela fait deux semaines que les combats ont repris dans le nord du Mali, entre la plupart des groupes armés signataires de l’accord de paix de 2015 rassemblés au sein du CSP (Cadre stratégique permanent) et les Forces armées maliennes. Après les attaques de Bourem le 12 septembre et de Léré le 17 septembre, les deux camps semblent plus déterminés que jamais à poursuivre les hostilités. Quelles sont les revendications actuelles des groupes armés du Nord : indépendance ou retour à l’accord de paix de 2015 ? Quelle réponse aux accusations de collusions avec les groupes terroristes portées par le gouvernement malien de transition ? Qu’est-ce qui pourrait mettre fin aux attaques du CSP ? Attaye Ag Mohamed est en charge du suivi de l’accord de paix au sein de la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad, ex-rebelles indépendantistes en 2012) et des relations diplomatiques du CSP (Cadre stratégique permanent, qui rassemble les groupes armés de la CMA et de la Plateforme, qui ont quant à eux toujours défendu l’unité du Mali). Il est interrogé par David Baché.
9/28/20235 minutes
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Trafics illicites en Côte d’Ivoire: un potentiel «risque» de générer des ressources aux groupes extrémistes au Sahel

La Côte d’Ivoire face à l’extrémisme violent. Le pays n’a pas connu d’attaques sur son sol depuis juin 2021. L’insécurité liée aux groupes armés terroristes semble contenue. Que deviennent ces groupes extrémistes ? Quelles sont leurs activités ? L’institut d’études de sécurité (ISS) publie un rapport, qui se penche sur les liens entre des activités illicites et les groupes extrémistes violents. Cette étude a été menée dans trois régions du nord de la Côte d’Ivoire (La Bagoué, le Tchologo et Le Bounkani). Pour en parler, Bineta Diagne s’entretient avec William Assanvo, chercheur principal au bureau régional de l’ISS en Afrique de l’Ouest. Dans votre rapport, vous constatez que les groupes extrémistes ont infiltré l’économie du bétail et l’orpaillage clandestin. Quelles méthodes ont-ils employées ?William Assanvo : Globalement, pour s’impliquer dans ces activités, ils se sont appuyés sur l’insécurité qui était générée du fait de leur présence, en proposant aux orpailleurs, en proposant aux acteurs de l’économie du bétail - notamment des éleveurs, des propriétaires de bétail, des commerçants de bétail - une offre de protection. Une offre de protection pour pouvoir leur assurer de continuer à mener leur activité dans les zones où ils opéraient et qu’ils contrôlaient, et également pour pouvoir en retour bénéficier d’une sorte de collaboration qui leur permettait d’investir des ressources financières, qui leur permettait de mettre en place des réseaux de partenaires commerciaux, également de pouvoir avoir du ravitaillement en vivres et en non vivres.Comment ces civils perçoivent-ils ces groupes-là ? Est-ce qu’ils comprennent qu’il s’agit d’une menace pour eux ?Ils comprennent clairement qu’il s’agit d’une menace. Si on prend le cas de l’orpaillage illégal spécifiquement, l’émergence des groupes extrémistes violents a eu pour conséquence un ralentissement de l’activité dans les zones où les groupes étaient présents, notamment le long de la frontière avec le Burkina, également au niveau du parc national de la Comoé.Du coup, on peut dire que finalement ces civils adhèrent de manière plus ou moins indirecte à ces groupes-là ?Ils s’associent de manière contrainte pour pouvoir continuer à mener leur activité, pouvoir sécuriser cette activité génératrice de revenus, pouvoir aussi d’une certaine manière se protéger, protéger leur famille, protéger leur bétail, par exemple. On ne peut pas aussi exclure qu’il y a eu pour certains individus une forme d’adhésion au discours véhiculé par ces groupes-là, notamment par là pour la défense de l’islam. On ne peut pas exclure qu’il y ait des individus qui aient été aussi sensibles à ça. Il y a aussi une dimension qui a aussi été noté, c’est la question du lien communautaire qui a aussi facilité l’association avec ces groupes.Qu’est-ce que les groupes extrémistes violents gagnent à maitriser ces filières-là, notamment le vol de bétail ?Le gain est à plusieurs niveaux. Il est déjà financier, parce que non seulement ils investissent de l’argent, mais ils espèrent en avoir en retour. Donc, ils investissent de l’argent en mettant des ressources à la disposition des propriétaires de commerçants du bétail pour acheter du bétail et pour le vendre. Et bien entendu, pour avoir le résultat de cette vente. Il y a aussi cette dimension de s’appuyer sur un réseau de partenaires commerciaux, qui leur apporte aussi du ravitaillement, qui leur apporte aussi des renseignements. Cela leur permet aussi d’avoir accès à des ressources dont ils ont besoin pour vivre dans la brousse, pour les vivres et les non vivres, les médicaments, le carburant.Certains éleveurs sont contraints de verser chaque année une sorte de taxe et un certain nombre de têtes de bétail à ces groupes. Pourquoi ne dénoncent-ils pas ces personnes auprès de la police ou de la gendarmerie ?Il y a deux choix qui ont été observés : soit le choix de collaborer, soit le choix de quitter la zone. Et la possibilité, la perspective de pouvoir dénoncer n’est pas apparue comme un choix qui a été fait par la plupart de ces acteurs qu’on a rencontrés.Quels sont aujourd’hui les risques que cela représente pour la Côte d’Ivoire, le fait d’avoir ces liens un peu « invisibles » entre les civils et ces groupes extrémistes violents ?Même si on observe qu’il n’y a pas eu d’attaques depuis plusieurs années, ce dont on peut se réjouir, il n’en demeure pas moins que d’une manière ou d’une autre, à travers les territoires de la Côte d’Ivoire, les groupes parviennent à générer des ressources financières qui sont nécessaires pour leurs activités dans le Sahel, dans la zone frontalière. Donc, le risque que la Côte d’Ivoire joue un rôle involontaire dans le financement du terrorisme est là. Le risque aussi est que, si jamais on coupe ces voies d’approvisionnement, que la Côte d’Ivoire ne représente plus un intérêt financier, donc qu’ils estiment que c’est une cible légitime à partir du moment où il n’y a pas un intérêt à pouvoir retirer des ressources financières de ce pays.Qu’est-ce qui peut être fait pour atténuer ce phénomène ?Sur l’orpaillage, il y a clairement besoin de poursuivre tous les efforts qui ont été initiés, en tout cas depuis plusieurs années pour mieux réguler ce secteur. Par rapport à l’économie du bétail, il y a un besoin de s’assurer de la mise en œuvre effective de toutes les dispositions qui existent et qui gouvernent à la transhumance, qui gouvernent au déplacement du bétail, le fait que pour rentrer dans un pays, le bétail doit emprunter certaines voies, puis le bétail doit avoir des papiers aussi bien du point de vue sanitaire que du point de vue qui permet d’en identifier le propriétaire. Il y a toutes ces mesures en lien avec l’économie du bétail qui nécessiterait d’être revue et dont la mise en œuvre nécessiterait d’être accentuée.
9/27/20235 minutes, 6 seconds
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Retrait français du Niger: «Ce fameux rôle autoproclamé de gendarme en Afrique, je crois qu’il est fini»

Emmanuel Macron a annoncé avant-hier (dimanche soir) la fin de la coopération militaire avec le Niger. Les 1 500 militaires français stationnés dans le pays devront plier bagage d'ici la fin de l'année. Après le Mali et le Burkina Faso, c'est un nouveau revers pour Paris dans le Sahel. Pourquoi la France a finalement décidé de céder aux exigences de la junte du CNSP, après deux mois de rapports bellicistes entre les deux parties ? Jean-Pierre Olivier de Sardan, chercheur au Laboratoire d'études et de recherches sur les dynamiques sociales et le développement local (Lasdel), est l’invité de Sidy Yansané. RFI : Jean-Pierre Olivier de Sardan, le président Emmanuel Macron a annoncé le rappel de son ambassadeur au Niger ainsi que le retrait prochain des troupes françaises. Pouvons-nous dire que ce retrait sonne la fin de deux mois de bras de fer avec la junte du CNSP en faveur des putschistes ?Jean-Pierre Olivier de Sardan : Oui, ça semble être quand même le triomphe d'un principe de réalité, après des attitudes de matamore complètement incompréhensibles, qui mettaient, évidemment, la diplomatie française dans une position intenable. Il n’y a que la France qui pensait encore pouvoir décider toute seule de ce qui convient ou non. Cette situation n’aurait jamais dû se produire.Pourtant, au début de ce mois de septembre 2023, Paris se montrait toujours inflexible face aux nouvelles autorités de Niamey. Comment interprétez-vous ce revirement ?Je n'ai pas de source particulière, mais je sais que, même au sein du monde diplomatique français, il y avait un certain étonnement - pour ne pas dire désaccord - avec cette politique du président. Je crois que, même qu’au sein de l'armée française, il y avait aussi, comme ça, une certaine désapprobation. Donc, c'est peut-être ça qui l'a convaincu, ou la solitude de la France, ou je ne sais pas... Ou comme je vous disais, un retour à un principe de réalité. Et encore, ce n’est pas totalement vrai en ce qui concerne d’autres aspects politiques de la France dans le Sahel. Il y a encore ces mesures invraisemblables d’arrêt de toute forme de coopération, d’interdire à des ONG de faire leur travail, ces histoires de visas pour la France qu’on refuse aux étudiants, aux ressortissants, aux chercheurs et aux acteurs de la culture. Ce sont les parties les plus intenables qui viennent de céder.Justement, le Mali, le Burkina Faso et maintenant le Niger, tout cela en moins de trois ans. La France peut-elle encore remplir la mission qu'elle s'était fixée de lutte contre le terrorisme jihadiste ?Ceux qui sont responsables de la lutte contre le jihadisme, ce sont d'abord les États en question et leurs armées nationales. Donc, jamais les troupes d'intervention étrangères n’ont réussi à gagner une guerre asymétrique. On se rappelle le Vietnam ou l'Afghanistan. Donc c'est seulement au niveau d'une aide des armées nationales que peut se gagner ce combat avec, bien sûr, des appuis. Ce n’est pas ce que la France a fait, elle a envoyé Barkhane, qui est une intervention complètement en silo, en enclave. Macron a dit que c'était un succès, même une partie des militaires français reconnaît que c’est un échec et que ça n'a pas du tout rempli le résultat espéré. Ce fameux rôle autoproclamé de gendarmes en Afrique, je crois qu’il est fini. Mais je crois que c’est une bonne chose pour la France. Vouloir conserver un rôle exceptionnel, unique, inaltérable, ne peut renvoyer qu’à la colonisation. Je pense que si la France redevient un partenaire normal de l'Afrique un jour, un pays européen comme les autres, ni plus ni moins, ce serait une excellente chose. Pas simplement par rapport aux opinions publiques locales, c'est une bonne chose par rapport à la France.La junte du CNSP a d'ailleurs beaucoup insisté sur la responsabilité de la France dans cette crise. Lors du débat de l'Assemblée générale des Nations unies la semaine dernière, les représentants du Mali, du Burkina Faso ont enfoncé le clou au nom du Niger en parlant de néocolonialisme, d'impérialisme, de souveraineté bafouée par Paris. Avec le rappel des troupes, est-ce que le CNSP ne se prive pas finalement d'un argument qui a largement contribué à rallier de nombreux Nigériens à sa cause ?Peut-être, mais ce n'est pas là l'essentiel. Regardez les opinions publiques au Mali ou au Burkina : les troupes françaises sont parties et l'expression - presque parfois hystérique - du sentiment anti-français, c’est-à-dire que la France serait encore derrière la Cédéao et manipulerait tout, continue à exister. Donc, je ne pense pas que ça suffirait. Il est certain que le régime militaire utilise ou manipule ce sentiment anti-français, qui est complexe à comprendre. Parce qu'il se base sur des phénomènes réels : les crimes de la colonisation, les errements – le moins qu’on puisse dire - de la Centrafrique ; et puis, en même temps, il y a des théories du complot invraisemblables, répétées d'ailleurs à l'ONU par le ministre Affaires étrangères du Mali, comme quoi la France aiderait les terroristes, etc. C'est un mélange, mais c'est un imaginaire collectif assez puissant, alors même que la France n’est plus capable de tirer toutes les ficelles, ni de vouloir s'approprier les ressources naturelles. C'est une époque finie, mais dans l'imaginaire collectif, elle en est encore capable. Je pense qu'il faudra du temps, il faut que la France accepte de se taire un peu plus. Il faudra peut-être aussi que les opinions publiques se rendent compte que le discours hyper-nationaliste des militaires cache, en fait, une gouvernance tout aussi déplorable que celles qu'ils ont prétendues supprimer.
9/26/20234 minutes, 47 seconds
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Mirjana Spoljaric (CICR): «Dans tout le Sahel, il y a des besoins humanitaires qui sont énormes»

La présidente du Comité international de la Croix-Rouge, Mirjana Spoljaric, a profité de l’Assemblée générale de l’ONU pour rencontrer des chefs d’États africains, et pour plaider la cause des plus démunis, ceux pris au piège de crises humanitaires en Afrique. Dans un contexte où les conflits armés ont triplé depuis vingt ans, le financement des opérations humanitaires est de plus en plus compliqué : en cinq ans, il a été divisé par huit. Mirjana Spoljaric est au micro de notre correspondante à New York, Carrie Nooten. En Libye à Derna, on parle de centaines de familles entièrement décimées et de corps que l’on n’arrive plus à reconnaître. Quelles sont les principales urgences ?Mirjana Spoljaric : La situation à Derna est une grande tragédie. Nous avions une petite équipe sur place quand les événements se sont produits et nous venons d’envoyer du renfort. Nous allons également apporter de l’aide aux hôpitaux. Nous sommes déjà en train de le faire et très prochainement, nous allons aussi ajouter du matériel et inclure dans nos envois de la nourriture qui est aujourd’hui une nécessité pour des populations qui se retrouvent sans rien. Nous travaillons étroitement avec la société nationale du Croissant-Rouge. C’est par leur intermédiaire que nous sommes en capacité d’atteindre rapidement les personnes affectées.Au Sahel, cette année marquera le retrait des casques bleus de la Minusma. Quel impact cela va-t-il avoir sur le quotidien de vos travailleurs humanitaires ?On est au Mali depuis des décennies. On a la confiance de tous les groupes armés. On est en capacité de livrer de l’assistance. C’est un grand programme. On est présent dans le nord du pays, dans des régions où personne d’autre ne peut accéder à la population. Nous espérons que nos donateurs continueront à soutenir le CICR dans cette région car, dans tout le Sahel, vous avez des besoins humanitaires qui sont énormes et qui ne cessent de s’accroître à cause du changement climatique et de la croissance de la pauvreté.Ici à New York, vous êtes aussi venue plaider la cause du Soudan. Ce pays compte désormais le plus grand nombre de déplacés internes au monde. Quels sont les défis les plus importants rencontrés sur le terrain et comment comptez-vous les relever ?Effectivement, la situation au Soudan, mais aussi dans les pays voisins qui accueillent un très grand nombre de réfugiés et de déplacés nous pose de grands soucis. Nous avons une présence près de Khartoum. Nous sommes restés dans le pays depuis le début de ce conflit en maintenant notre assistance aux services médicaux parce qu’ils ont été réduits de 80% à cause de la violence armée. Mais nous avons toujours des problèmes en ce qui concerne l’accès à la population et aux centres médicaux. Donc, nous demandons à ce que les partis se mettent d’accord sur un cessez-le-feu qui nous permettrait d’apporter plus d’aide.Nous savons que les gens ont besoin de l’aide humanitaire, surtout les femmes, surtout les enfants. Nous aimerions le plus vite possible revenir au Darfour. Nous avons dû sortir pour des raisons de sécurité. Mais on veut revenir très vite pour apporter une aide à ces populations. Nous avons aussi un rôle d’intermédiaire neutre et on a vu que c’était efficace. Nous allons faciliter la participation des représentants des groupes armés aux pourparlers pour un cessez-le-feu. Nous restons à disposition parce que nous parlons toujours, à tout moment, à tous les groupes armés. C’est aussi nécessaire pour avoir cet accès local à la population.Nous avons aussi, la semaine passée, en autres, pu faciliter la libération de 30 mineurs qui étaient en détention. Donc au total, nous avons facilité la libération de près de 200 personnes qui maintenant peuvent être réunies avec leur famille.Et pendant ce temps-là, le monde entier oublie le Tigré ?Au contraire, pour nous, ça reste une priorité. Je me suis aussi entretenue avec les représentants à un haut niveau du gouvernement éthiopien. Nous sommes toujours très concernés par la situation humanitaire au Tigré. Mais aussi dans les autres régions comme l’Amhara ou l’Oromia où nous sommes présents en tant que CICR. Et nous demandons constamment à nos donateurs de ne pas oublier la situation en Éthiopie et de nous aider à financer nos programmes. Tous nos programmes en Afrique sont largement sous-financés.Effectivement, on constate même ici à l’ONU une baisse notable des dons pour les opérations humanitaires. À quoi cela est-il dû et comment agir pour renverser la tendance ?Les conflits armés ont triplé par rapport à il y a 20 ans et évidemment, cela nécessite plus de financements. Si vous regardez nos programmes en Afrique, le niveau de sous-financement a été multiplié par 8 ces cinq dernières années. Ce que nous étions capables de faire au Darfour en 2003 n’a plus à voir avec le niveau d’assistance que nous pouvons apporter aujourd’hui à cette population. Cela nous frustre énormément. Nous savons également que selon les projections le niveau de l’aide humanitaire ne va croître ces prochaines années. Donc, il va falloir que notre organisation fasse des choix et sans doute réduise ses coûts de fonctionnement.
9/25/20234 minutes, 46 seconds
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Franco Dusio: «Je retiens de Thomas Sankara cette avance culturelle qu'il a eue»

Thomas Sankara, un rêve brisé, c’est le titre d’une bande dessinée qui vient d’être publiée chez L’Harmattan. Elle retrace l’histoire de l’ancien président du Burkina Faso. L’auteur et scénariste de cette BD est italien : c’est à sa retraite que Franco Dusio s’est passionné pour l’histoire de Thomas Sankara. Il est l’invité de Guillaume Thibault ce dimanche.
9/24/20235 minutes, 40 seconds
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Raymond Ndong Sima, Premier ministre gabonais: «Le débat national dira qui peut être candidat à la présidentielle»

Au Gabon, le nouvel homme fort, le général Oligui Nguema, pourra-t-il se présenter à la prochaine présidentielle, comme il le laisse entendre dans une récente interview ? L’ex-opposant Raymond Ndong Sima est aujourd’hui le Premier ministre du régime de transition. De passage à New York, où il conduit la délégation gabonaise à l’Assemblée générale de l’ONU, il répond aux questions de RFI et dit sans détours que ce n’est pas à un seul individu de décider qui pourra être candidat ou pas à la prochaine élection. RFI : Monsieur le Premier ministre Raymond Ndong Sima, vous avez dit que la transition durerait 2 ans, mais la sous-région, la Communauté économique des États de l'Afrique centrale (CEEAC), vous demande de la limiter à un an. Est-ce que vous seriez d'accord ?Raymond Ndong Sima : Je ne crois pas que, techniquement, on puisse la faire en un an. La sous-région et tout le monde sont d'accord pour que nous fassions un processus inclusif. Alors comment fait-on pour consulter les acteurs politiques, la société civile, organiser un débat sur ces questions qui sont en discussion, écrire une Constitution, faire les lois sur le financement des partis politiques et sur les campagnes électorales et obtenir que la Constitution soit adoptée par un référendum ? Comment fait-on ça en 12 mois ?L'une des grandes questions, Monsieur le Premier ministre, c'est de savoir qui pourra se présenter à la prochaine présidentielle. Vous avez dit que les militaires devaient rester les arbitres et ne pas concourir. Mais dans Jeune Afrique, le général Oligui Nguema, qui préside la transition, affirme que la Charte de la transition ne lui interdit pas d'être candidat. Qu'est-ce que vous en pensez ?C'est ce qu'il a dit. Qu'est-ce que vous voulez que je dise ? Moi, je m'en tiens à ce qui m'a été indiqué dans la Charte. J'ai accepté de rentrer au gouvernement et de ne pas me présenter candidat à la prochaine élection. J'ai accepté ça. C'est un sacrifice que je fais, parce que je rappelle que j'étais candidat jusqu'à huit jours de l'élection. Donc, l'intérêt du pays commandait que des gens viennent au gouvernement pour aider à mettre en place les réformes dont nous avons besoin pour faire des élections propres. Si tout le monde dit « moi, je vais être candidat, je ne viens pas au gouvernement », finalement, qui va faire ces réformes ? Qui va les faire ? Ce que je crois, c'est que le général a dit qu'il y aurait un débat national et que, à l'intérieur de ces débats, un certain nombre de questions seraient posées. Je crois qu'il faut s’en tenir à ça. Ce qui est important à l'heure actuelle, c'est d'organiser le débat qui vient pour qu'il soit le plus large possible et le plus sincère possible.Pour justifier sa position, le général explique qu'il est au-dessus de la mêlée car il ne sera pas personnellement impliqué dans la mise en œuvre de la future Constitution. Mais est-ce que vous pensez vraiment que le général Oligui Nguema n'aura pas son mot à dire sur la future Constitution ? Est-ce qu'il n'aura pas, d'ailleurs, le dernier mot ? Ça, c'est une question que vous devriez lui poser. Ce que je sais du processus qu'on a retenu pour aller vers une nouvelle Constitution, c'est qu’on a un débat, une conférence nationale, on a ensuite un texte qui est fait, et ce texte-là est soumis au référendum. Donc, je pense qu'il n'y a pas une seule personne qui va décider de comment va être la Constitution.Vous avez été candidat en 2016, vous avez été candidat en 2023 - jusqu'à une semaine avant le scrutin. Vous faites aujourd'hui le sacrifice de ne pas être candidat à la prochaine présidentielle. Si jamais le général Oligui Nguema décide de se présenter alors que vous, vous ne le pourrez pas, est-ce que vous pourrez rester son Premier ministre ?Ça, nous le verrons bien. Pour l'instant, ne l'a pas dit. Il n'a pas dit que se présentait. Il ne m’a pas dit : « Écoute, je me présente. » Donc, nous n’en sommes pas là. Le débat national dira qui peut être candidat à cette élection.L'une de vos priorités, Raymond Ndong Sima, c'est la lutte contre la mauvaise gouvernance. D'où notamment l'arrestation de Noureddin Bongo, qui est poursuivi pour haute trahison et détournement de fonds publics. Mais pourquoi le fils est-il arrêté et pas le père ? Est-ce que Noureddin Bongo n'était pas l'exécutant d'Ali Bongo ?Je n'ai pas accès aux éléments de l’enquête. Il y a un certain nombre de choses qui ont été dites. On a trouvé les sommes d'argent importantes, c'est un fait. On a trouvé des produits qui seraient de la drogue. C'est un fait. J'ai dit « qui seraient », parce que je n'ai pas vu. Je crois que ce sont les enquêteurs qui, à un moment donné, vont nous dire ce qu’il en est de cette affaire.Au lendemain du putsch du 30 août 2023, le candidat commun de l'opposition, le professeur Albert Ondo Ossa - que vous avez soutenu pour la présidentielle - a déclaré sur RFI : « Ce n'est pas un coup d'État, c'est une révolution de palais. Oligui Nguema est le cousin d'Ali Bongo. Derrière Oligui Nguema, il y a Pascaline Bongo. Donc, les Bongo se remettent en selle pour renouveler le système Bongo. »  Qu’est-ce que vous en pensez ?La question politique ne doit pas se ramener à la question de famille. Monsieur Bongo était à la tête d'un système. Si ce n'était pas le cas lorsqu'il est tombé malade à Riyad, le système se serait arrêté. Or, ça a continué à fonctionner, ce qui voulait bien dire qu’un système fonctionnait, ce n’était pas une question d'un individu.Et c’est ça que vous voulez changer ? C'est ça que je veux changer.
9/22/20235 minutes, 3 seconds
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Macky Sall, président du Sénégal: «Le Nigeria discute en coulisses» avec les putschistes du Niger

Près de deux mois après le coup d’État du 26 juillet contre le président Bazoum au Niger, le chef de l’État sénégalais confie que, pour résoudre la crise, la Cédéao continue de privilégier la voie diplomatique et que l’option militaire ne sera utilisée qu’en dernier ressort. Dans une interview accordée à RFI et France 24 à New York, à l’occasion de l’Assemblée générale de l’ONU, Macky Sall déclare qu’il y a des discussions « underground », c’est-à-dire en coulisses, sous la direction du Nigeria et que Bola Tinubu, le chef de l’État nigérian, qui préside actuellement la Cédéao, a envoyé des émissaires à Niamey. Le chef de l’État sénégalais ajoute : « L’option militaire ne saurait être faite que lorsque toutes les autres pistes auront été épuisées ». Par ailleurs, face aux ténors de l’opposition, Macky Sall se dit confiant dans la victoire de son dauphin, le Premier ministre Amadou Ba, à la présidentielle sénégalaise du 25 février prochain, grâce au poids de la coalition au pouvoir Benno Bokk Yakaar. Il assume la dissolution du Pastef, le parti d’Ousmane Sonko, qui est à ses yeux un mouvement « insurrectionnel ».Enfin, le chef de l’État sénégalais, qui quittera le palais présidentiel en avril prochain, ne cache pas son intérêt pour un poste de responsabilité sur la scène internationale. Serait-il disponible pour succéder un jour à Antonio Guterres au secrétariat général de l’ONU ? Macky Sall ne dit pas non. Entretien.France 24 : Monsieur le Président, je veux commencer par le Niger : la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) menace d'intervenir militairement depuis deux mois, mais rien ne se passe. Est-ce que ça veut dire que cette option militaire n'est plus sur la table ?Macky Sall : Alors, depuis la décision du sommet des chefs d'État, où un ultimatum avait été donné, évidemment, il y a eu des initiatives à la fois diplomatiques et des discussions « underground » sous la direction du Nigeria. Cette dernière option militaire ne saurait être faite que lorsque véritablement toutes les pistes auraient été épuisées et que, surtout, le pays qui est la nation cadre dans ce cas, qu’est le Nigeria frontalier, lorsqu'il jouera son rôle dans cette option, les autres pays sont tout à fait prêts pour jouer leur partition. L'option est sur la table. Maintenant, quand est-ce qu'elle se fera ? Ça, je ne le sais pas encore.RFI : Alors le président nigérian Bola Tinubu a évoqué en effet des discussions avec les putschistes. C'était ce 19 septembre à la tribune de l'ONU. Vous nous dites qu'il y a des discussions « underground ». Est-ce qu'une transition de quelques mois serait acceptable à vos yeux ?Non, pour l'instant, c'est le président de la Cédéao, Bola Tinubu, qui a en charge le dossier en tant que président en exercice. Il a déjà envoyé des émissaires. Donc, moi, j'attends qu'il nous informe des résultats de ces différentes démarches pour que nous puissions apprécier et adopter une position commune. Donc, je sais simplement que le Nigeria fait tout pour trouver une solution par la voie diplomatique. Est-ce qu'on la trouvera ? C'est ce que j'espère. Autrement, on ne peut pas continuer à laisser un président élu être fait prisonnier chez lui [Mohamed Bazoum, NDLR], donc il va falloir évoluer.France 24 : Très récemment, le 9 septembre 2023, la coalition Benno Bokk Yakaar (BBY) a désigné votre Premier ministre, Amadou Ba, comme le candidat à l'élection présidentielle, qui doit se tenir au mois de février 2024. Cependant, ça ne fait pas l'unanimité. Est-ce que vous ne craignez pas que, par ce geste, vous alliez fracturer votre coalition et donc affaiblir votre candidat ?Mais non, je ne peux pas fracturer la coalition que j'ai mise en place et que j'ai entretenue depuis 12 ans.France 24 : Ce n’est plus la vôtre…Si, c'est la mienne parce que je reste le président de la coalition, je reste le président de mon parti. Je ne suis pas candidat, mais je reste le président du parti jusqu'à nouvel ordre et le président de la coalition. C'est normal qu'il y ait des résistances. Mais, au bout du compte, nous avons vu un processus d'alignement et finalement d'acceptation. Bon, il y a encore deux ou trois qui pensent qu'ils doivent être candidats, mais c'est leur liberté, c'est leur droit. Mais je pense qu'il y aura avant le dépôt des candidatures encore des discussions qui permettront finalement d'arriver vers une convergence totale.RFI : Oui, mais en février 2024, Monsieur le Président, sur la ligne de départ, il y aura quelques poids lourds de l'opposition comme Idrissa Seck, comme Khalifa Sall, comme peut-être Karim Wade. Ne craignez-vous pas que votre candidat, Amadou Ba, qui n'est peut-être pas un élu d'aussi longue date que ces poids lourds et qui n'est peut-être pas un homme de terrain comme certains de ses adversaires, ne soit battu ?Amadou Ba est le candidat d'une majorité. Certes, son poids personnel va jouer, mais il part avec l'atout que les autres n'ont pas : c'est d'avoir une majorité qui le soutient. Il a le soutien du président, qui est un acteur politique. Donc, tout cela mis sur la balance devrait l'aider à pouvoir battre ses adversaires.RFI : Outre Ousmane Sonko, qui est condamné en justice et qui donc est déclaré inéligible, il y a son parti, le Pastef, qui est dissous depuis quelques semaines, et la société civile proteste…Quelle société civile ?RFI : Vous avez, par exemple, un rapport de la plateforme Civicus Monitor qui dénonce « un rétrécissement de l'espace démocratique et des libertés publiques ». Je ne connais pas cette organisation. C'est la première fois que j'entends parler de cette société civile.RFI : Mais, si l'élection de février 2024 n'est pas inclusive, ne risque-t-elle pas d'être chaotique ? En quoi n'est-elle pas inclusive ? Comment peut-elle être chaotique ? L'élection est ouverte pour tous ceux qui peuvent y concourir et il appartiendra au Conseil constitutionnel, comme ça a toujours été le cas, de définir qui peut concourir ou pas. C'est la loi. À partir du moment où cela sera fait, l'élection se fera comme toutes les autres élections précédentes.RFI : Le Pastef représente une partie de l'opinion sénégalaise. Est-ce que l'élection pourrait être inclusive son absence ?Ce parti est dissous pour la bonne et simple raison que les partis ont des obligations. Un parti politique qui bénéficie de la loi ne peut pas appeler à l'insurrection à longueur de journée, ne peut pas poser des actes qui sont répréhensibles et qui sont condamnés par les lois, c'est très clair. La loi est très claire : quand un parti sort de son droit, il est dissous. Ce n'est pas la première fois qu'un parti est dissous au Sénégal. Ensuite, il y a les voies de recours. D'ailleurs, je pense qu'ils sont allés à la Cour suprême. C'est ça, un État de droit. En France aussi, on dissout des organisations. Comment voulez-vous qu'on accepte qu'un parti appelle tous les jours à la destruction de l'État et du pays ? Nous n'avons fait qu'appliquer la loi, dans toute sa rigueur.
9/21/20235 minutes, 7 seconds
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Migrations: «Analyser les causes profondes dans les pays de départ au lieu du tout sécuritaire»

Alors que l'île italienne de Lampedusa fait face à un afflux  record de migrants ces derniers jours, le débat sur la politique migratoire de l'Union européenne refait surface. Au Sénégal, plusieurs drames, plusieurs naufrages, se sont produits au large des côtes ces dernières semaines où des embarcations tentent de rejoindre l'Europe via les Canaries et où plus de 70 embarcations ont accosté depuis le début de l’été. L'UE veut aider les pays de départ à lutter contre cette émigration clandestine. Mamadou Mignane Diouf, coordonnateur du Forum social sénégalais et de la Plateforme Migration, développement, liberté de circulation et droit d'asile, est notre invité. RFI : Quand vous voyez les images de Lampedusa et de tous ces drames en mer, qu'avez-vous envie de dire ?Mamadou Mignane Diouf : Je sentais - comme beaucoup de personnes d'ailleurs - une détresse en moi, un malaise moral de constater, malgré tous les discours ici et là, que nous n’arrivons pas encore à trouver une réponse, une solution. Je crois qu’il y a comme une sorte d'abandon de ces personnes par les autorités africaines particulièrement, et c’est inquiétant et frustrant. Pour le Sénégal, les chiffres aussi sont importants : il y a 3 mois, dans un bateau, il y avait 160 personnes, et nous n’en avons sauvé qu'une vingtaine... et nous continuons à faire des recensements.Le Sénégal agit : plus de contrôle et de surveillance du littoral, des mesures répressives contre les convoyeurs. Que pensez-vous de cette politique ?Je crois que le Sénégal était aussi en discussion très avancée avec le Frontex, cette force de sécurité et de contrôle maritime que l’Union européenne a installé, qui a doté, semble-t-il, au Sénégal de quelques moyens : des bateaux de contrôle, des hélicoptères, accompagnés d'une présence de policiers d’Espagne. Malgré tout ce dispositif, on constate néanmoins que pratiquement tous les week-ends – les départs sont souvent le vendredi, samedi et dimanche - des pirogues partent. Il faut donc vraiment analyser pourquoi les départs continuent à se faire.Et ce dispositif, ça vous choque ? Un éventuel accord avec Frontex… Le président Macky Sall a finalement renoncé, mais les négociations ne sont pas closes.Oui, ça nous inquiète un peu parce qu'on a tout le temps dit à l'Union européenne, dans les réunions et les rencontres que nous avons avec les parlementaires européens à Bruxelles, nous leur disions que le tout sécuritaire n'était pas la bonne option. Il ne s'agissait pas de débloquer et de déployer tout un arsenal militaire et policier pour régler le problème. Il faut aussi analyser les causes profondes dans les pays de départ. À notre avis, il faut d’abord que l'Afrique, en elle-même, se parle. D'ailleurs, c'est là que nous avions proposé que le Sénégal, qui est un grand pays de départ à partir de ses côtes, puisse abriter une conférence afro-africaine et se sortir de cette réunion-là, avec un agenda qui permettrait - pourquoi pas - de discuter aussi avec l'agenda européen.On parle toujours de développement local pour fixer des jeunes dans les pays, mais des sommes considérables ont déjà été investies au Sénégal, sans aucun effet.Oui, je crois qu'il y a des fonds fiduciaires assez importants qui ont été débloqués, dépensés par l'Union européenne avec certains pays comme le Sénégal, mais là aussi la remarque qu'on a souvent faite à nos autorités, c'est de dire : est-ce que le modèle et les mécanismes de financement et d’accompagnement ont été bien adéquat et en rapport avec les jeunes ? Je me suis rendu un jour à Agadez (Niger), où j'ai rencontré des jeunes qui, par exemple, venaient d'une région de la Casamance naturelle et qui avaient bénéficié de ces fonds là, mais qui, malgré tout, ont décidé en jour de tenter de rentrer en Libye.Est-ce que ce thème de la migration va s'inviter dans la campagne électorale en vue de la présidentielle de février prochain selon vous ?Ah oui, oui. Aucun candidat ne pourrait échapper au débat sur la question migratoire. On ne peut pas, aujourd'hui, avoir une planification de développement des populations sans aborder la migration, les questions de droit d’asile et de liberté de circulation. D'ailleurs, nous sommes en train de mettre en place un petit cadre citoyen d'interpellation des candidats, avec un focus particulier : s’ils arrivaient au pouvoir après les élections, comment comptent-ils régler la question migratoire ? L'échec de nos États a été la gestion de la migration et de la problématique des jeunes. Si on continue les mêmes formules, les mêmes façons de faire... À partir de ce moment, ils pensent que dès l'instant qu'on est exclu du système et du partage des biens et des services, la seule alternative qui s'offre à nous, c'est d'aller voir ailleurs ! Et c'est là que s'installent les risques de voyage dans des conditions abominables que vous savez.
9/20/20235 minutes, 9 seconds
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L’opposant gabonais Alexandre Barro Chambrier: «Nous jugerons le maçon au pied du mur»

On ne l'avait pas encore entendu depuis le coup d’État du 30 août au Gabon. Alors que le général Brice Oligui Nguema est à présent bien installé et que la transition prend forme, c’est sur RFI qu’il rompt le silence. Alexandre Barro Chambrier, président du RPM est l’un des principaux responsables de la plateforme de l’opposition Alternance 2023.  RFI : Alexandre Barro Chambrier, quel est votre état d'esprit aujourd'hui ? Plutôt confiant, plutôt méfiant ?Alexandre Barro Chambrier : Mon état d'esprit est confiant parce que l'intervention des militaires a été salutaire. Nous aurions eu un bain de sang, des réactions d'hostilité vis-à-vis de ce pouvoir qui n'avait plus aucune légitimité.Pourtant, n'étiez-vous pas de ceux qui pensaient que les militaires avaient fait leur coup de force pour éviter l'alternance et sauver l'essentiel ? Vous vous êtes finalement fait une raison ?Bon, il est évident que notre souhait aurait été que les résultats de l'élection puissent être donnés, mais l'idéal n'est pas toujours possible et effectivement, il faut bien admettre qu’on ne pourra plus revenir en arrière.Qu'est-ce qui vous inquiète le plus à présent ?Nous souhaitons pour notre pays la démocratie et la transparence. Nous ne souhaitons pas que l'on passe d'une dictature civile à une forme de dictature militaire. C'est un homme animé de bonne foi [Le général Oligui Nguema, président de la transition du Gabon, NDLR]. C'est une personne ouverte qui reçoit, qui écoute et qui, nous l'espérons, va appliquer. Mais convenez qu'en 15 jours, ça ne laisse pas beaucoup de temps pour l’action, donc nous n'avons pas de raison de faire des procès d'intention ou d'être dubitatif. Nous jugerons le maçon au pied du mur.Dans la charte de la transition, il n'est nulle part spécifié que le président de la transition, le général Oligui Nguema ne pourra pas se présenter à la présidentielle. Est-ce un problème, selon vous ?Oui, il y a des corrections qui devront être faites et à notre avis, cela devrait être revu par les forces vives.Le fait que les caciques du PDG d'Ali Bongo se retrouvent encore aux affaires, est-ce de nature à vous inquiéter également ?Il y a des caciques, il y a des personnes qui ont de l'expérience, bon. Mais nous n’allons pas accepter de recyclage. Nous n’allons pas accepter que des personnes reviennent avec les idées d'antan. Nous attendons une rupture dans la gestion de l'État.Pourquoi, dans le gouvernement de transition, n'y a-t-il aucun membre d'alternance 2023 ?Bon, il y a d'autres personnalité qui ne sont pas marquées. Nous avons clairement indiqué que nous aurons des participants au niveau du Parlement qui pourront apporter leur contribution.Cela suffira-t-il pour vous faire entendre ?Écoutez, nous, nous avons l'habitude de nous faire entendre et nous utiliserons tous les canaux nécessaires si besoin était. Nous sommes dans une période qui est sensible, qui est délicate. Nous sommes sous un régime d'exception. Les militaires sont venus pour faire un travail ponctuel. C'est d'accompagner le pays, le remettre sur les rails et retrouver un ordre constitutionnel dans un temps raisonnable, c'est ça que nous demandons. Il ne faudrait pas que l'on s'installe dans la durée, de manière confortable, et il ne faudrait pas qu’on prenne goût aux délices du pouvoir.Un an, 2 ans ?Raisonnablement, 2 ans, cela nous paraît une période raisonnable. Oui, 2 ans, c'est largement suffisant pour faire ce qu'il y a à faire.
9/19/20235 minutes, 4 seconds
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Libye: «J’ai vu des images apocalyptiques et le désespoir dans les yeux des survivants»

Une semaine après les inondations dévastatrices qui ont fait des milliers de morts dans la ville libyenne de Derna, secouristes locaux et étrangers s'activent pour rechercher les corps de milliers d'autres personnes toujours portées disparues. Les derniers bilans restent très imprécis et oscillent entre plus de 3 000 et même 11 000 victimes. Le représentant des Nations unies pour la Libye, Abdoulaye Bathily, a pu, ce 16 septembre 2023, se rendre à Derna, épicentre de la catastrophe. Le diplomate sénégalais est l'invité d'Afrique matin au micro de Sébastien Németh. RFI : Abdoulaye Bathily, qu’avez-vous vu à Derna ?Abdoulaye Bathily : J’ai vu des images apocalyptiques, un paysage hallucinant et le désespoir dans les yeux des survivants.Quelles images vous-ont particulièrement marquées lors de votre passage là-bas ?Des immeubles entiers qui se sont effondrés. Et au centre-ville, une odeur pestilentielle, qui montrait qu’il y avait encore des corps ensevelis sous les décombres, qui commençaient déjà à dégager cette odeur. C’est quelque chose d’insoutenable. Ce sont des images de chaos. Une ville fantôme où les Caterpillar étaient déjà en train de travailler dans les décombres. Et naturellement, des populations complétement déboussolées. Mais aussi, une image réconfortante : celle de gens venus de partout pour aider les populations de Derna, pour sortir de ce chaos.Est-ce que sur place les secours sont organisés correctement ?Même dans un pays normal, quand une catastrophe de cette ampleur se produit, on peut comprendre, l’effet de surprise aidant, que les gens ne soient pas préparés. Mais la division du pays, puisqu’il y a deux gouvernements qui se disputent l’autorité sur tout le territoire libyen, et ces gouvernements eux-mêmes, ne sont pas préparés à organiser les secours de manière conjointe pour accueillir les étrangers qui viennent aider. Alors, il y a effectivement du flottement. Mais dans une ambiance marquée par une volonté quand même de bien faire, et de mieux faire.Vous avez le sentiment que face à cette catastrophe, la ligne de fracture est-ouest s’estompe un peu ?Il y a certains indices, oui. Par exemple, les militaires se sont mis tous ensemble pour appuyer les secours. Ils ont mis en place un centre d’opération conjoint. Mais également, les gens sont venus de l’ouest pour aider leurs frères. Ça, c’est une chose remarquable. Mais si le pays était uni, les choses auraient été beaucoup plus faciles.Face à une catastrophe d’une telle ampleur, la mobilisation internationale vous semble-t-elle suffisante ?Elle est suffisante, mais on peut dire aussi qu’elle n’est pas suffisante, à la mesure de l’ampleur de la catastrophe. Et compte tenu de l’éloignement du site, les conditions de transport ne sont pas faciles. Les barrages ont été coupés. Les ponts ont été coupés. La ville n’est pas aussi accessible. Ce n’est qu’il y a que deux jours qu’on a commencé à faire des routes de fortune pour accéder à la ville. Des efforts sont faits, mais, à mon avis, ce n’est pas encore suffisant, compte tenu des obstacles. Mais il faut dire aussi que la Libye a suffisamment de moyens. Le gouvernement de l’ouest a annoncé un appui financier conséquent. Le Parlement a annoncé également un budget de presque 3 milliards de dollars. La Libye a assez de moyens par elle-même pour faire face à cette catastrophe, sur le plan financier. Maintenant, sur le plan de l’organisation, c’est sûr que la Libye n’a pas assez de moyens techniques, de moyens opérationnels, pour rendre effectif ce soutien.La fracture est-ouest, au niveau politique, est-ce qu’elle n’aggrave pas les conséquences de cette crise ?Certainement. Si des mesures adéquates avaient été prises, en tenant compte des alertes qui ont été lancées, cela aurait pu amoindrir les conséquences désastreuses. S’il y avait une réponse collective, conjointe, unifiée, d’un État organisé, les conséquences auraient été moindres. Le procureur général est en train, à l’heure actuelle, de mener une enquête sur toutes les conditions de l’aggravation de cette crise. Mais il est clair que l’état du pays, sur le plan politique, a dû aggraver incontestablement cette situation. Tant que la Libye restera dans cette situation de désorganisation politique, où l’État n’existe presque plus, où il n’y a pas d’unité de leadership politique, où le pays reste divisé entre des groupes politiques rivaux, plus intéressés au maintien de leur position qu’à l’intérêt général des populations, évidemment une telle catastrophe aura des conséquences amplifiées.Après votre passage à Derna, quel est votre message aujourd’hui aux populations de la région, et de la Libye tout entière ?Un message d’unité pour les populations. Elles aspirent à l’unité de leur pays, à l’intégrité territoriale de leur pays, à bénéficier des énormes ressources dont elles disposent. Ces richesses doivent être pour la Libye, elles ne doivent pas être au profit de quelques individus. Les responsables libyens ont aujourd’hui en effet une responsabilité politique et morale d’unifier leur pays, de mettre de côté leur égoïsme, leur cupidité, pour servir leur peuple. Il faut un pays unifié, qui sera dirigé par des responsables élus, et qui seront comptables de leurs actions.
9/18/20235 minutes, 5 seconds
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«Les relations économiques de l'Afrique avec la Corée du Sud se développent très rapidement»

En quasi simultané, à Paris et Busan, la ville portuaire coréenne, deux forums économiques viennent de se dérouler pour renforcer les liens de la Corée du Sud avec l’Afrique. Entre importations de matières premières et financement d’infrastructures, Marie-Laure Akin Olugbade, vice-présidente de la Banque africaine de développement (BAD), présente au sommet Afrique-Corée de Paris, décrypte les ambitions de Séoul sur le Continent et les attentes des pays africains. Elle répond aux questions de Julien Clémençot.
9/17/20234 minutes, 59 seconds
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Séisme au Maroc: «C'est un chaos, vous ne pouvez pas imaginer l'ampleur des dégâts»

Notre invité aujourd’hui est Hamid Hammouche, restaurateur à Marrakech et très présent dans le milieu associatif. Il s’est retrouvé au cœur du séisme au Maroc, et depuis le 10 septembre au matin, il coordonne les aides pour les sinistrés de plusieurs villages, notamment celui de Tafeghaghte, situé à 4 kilomètres au sud de la ville d’Amizmiz. Il répond aux questions de Guillaume Thibault, avec une prise de son assurée par Julien Boileau. RFI : Hamid Hammouche, comment êtes-vous arrivé ici ?Hamid Hammouche : (Voix haletante) Je vous explique. Je suis restaurateur à Marrakech et je fais partie du milieu associatif à Marrakech. En fait, ce qui s’est passé, c’est que le vendredi à 23h12 exactement, à Gafah, à 25 kilomètres d’ici, on avait un mariage. J’ai 61 salariés. Sur les 61 salariés, il y a 30 salariés qui habitent le village de Tafeghagte. Mes 30 salariés, serveurs, cuisiniers, sécurité, ouvriers, jardiniers, électriciens, ils ont tous perdu un membre de leur famille qui était sous les décombres. Voilà tout de suite l’ampleur de la situation. On a fermé le restaurant. Les personnes qui habitent ce village font partie de notre famille, ils travaillent avec nous 24 heures sur 24. Donc, on a mobilisé toute l’équipe et on est venu ici directement en intervention sur cette zone le dimanche.Il y a combien de familles ici ?Ici, il y a 300 familles. Sur les 300 familles, vous avez 160 blessés et on déplore 80 morts sur la zone. Et donc, la difficulté de ce séisme en fait, c’est que des douars [des groupements d'habitations rurales, NDLR] comme celui dont je viens de vous parler, il y en a beaucoup, beaucoup. Juste sur la zone-là, vous avez quasiment 2 000 personnes. Il faut comprendre l’ampleur du séisme et surtout la configuration du terrain. Ce n’est pas une ville unique qui a été touchée, ce sont des milliers de petites villes qui ont été touchées.Et dans ces milliers de petites villes, une solidarité extraordinaire s’est mise en place ?J’en ai les larmes aux yeux (sa voix se brise). C’est incroyable ce qu’on a vécu. On a vécu une solidarité énorme. Personne ne meurt de faim ! Personne ne meurt de soif ! Personne ne meurt de froid ! Absolument personne ! C’est incroyable cette solidarité, c’est juste irréel (sanglots)... C’est inimaginable ce qui s’est passé, le peuple marocain est un peuple énorme, extraordinaire, un peuple qui n’a pas de limite ! On sortira grandi de tout cela parce qu’on a des ravitaillements qui viennent de partout. Un véhicule tout simple est venu hier de Laayoune qui se trouve à 1200 kilomètres, 1400 kilomètres de cette zone. Le monsieur a roulé toute la nuit pour nous amener 30 couvertures, du sucre, des couches pour les bébés. Il avait la voiture pleine. Il est venu de Laayoune. Il faut que tout le monde sache que le Maroc est un grand peuple, un énorme peuple (pleurs).Je suis vraiment désolé, c’est un chaos... Vous ne pouvez pas imaginer l’ampleur des dégâts... Vous ne pouvez pas imaginer le choc, vous ne pouvez pas imaginer ce qui s’est passé sur les montagnes du Maroc, de l’Atlas. Personne ne peut imaginer ça. Venez voir, vous comprendrez l’ampleur du désastre...C’est aussi ce que nous disait une femme un peu plus bas dans le village : « Il faut sauver ce qui est vivant... »C’est ça le plus important. On remercie les autorités qui ont été très réactives, les forces auxiliaires, monsieur le Bachar, le caïd, si vous voulez, qui sont des instances dirigeantes, on a un moquadem qui est l’équivalent d’un maire, on a un chef de village. Les instances se sont toutes réunies et la coordination s’est faite magnifiquement bien, il faut le dire. Les militaires ont été exceptionnels. Les docteurs de tout le Maroc sont arrivés, les infirmières de tout le Maroc. J’ai même eu deux étudiantes infirmières, en première année, elles étaient avec nous. Vous voyez, la solidarité a été mise en place. C’est fait.Maintenant, on doit reconstruire, on doit se battre. L’hiver arrive dans un mois et demi. Et ça, pour nous, c’est une priorité. Les tentes, sur notre zone à nous, c’est parfait : tout le monde est à l’abri, à l’heure où je vous parle.Tout est à imaginer et tout est à travailler, en fait. C’est ça la difficulté. Ce qui s’est passé, ce séisme qui nous a touchés, on en sortira encore plus grandi ! C’est sûr ! C’est sûr !Donc, s’il vous plait, si vous voulez aider le Maroc, prenez un billet d’avion et venez au Maroc. Pour nous, c’est très important.
9/15/20233 minutes, 57 seconds
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Lutte antiterroriste: «Pour l'instant, nous n'avons constaté la présence d'aucune cellule permanente au Bénin»

En 2019, deux Français étaient enlevés dans le parc de la Pendjari et leur guide béninois assassiné. Depuis, le Bénin a fait face à plusieurs reprises aux attaques de terroristes présents dans le Sahel et qui tendent à étendre leurs actions vers les pays côtiers. Leurs attaques ont d’abord visé les forces de défense et de sécurité, puis les civils, pour un bilan global de 25 soldats et une quarantaine de civils tués, ainsi que 63 terroristes neutralisés. Parmi les réponses du Bénin, l’opération Mirador lancée début 2022. Le colonel Faïzou Gomina en est le commandant. Il répond aux questions de Magali Lagrange. Un entretien enregistré avant l’annonce de la fin de l’accord de coopération militaire entre le Bénin et un Niger dirigé le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie. RFI : Colonel Faïzou Gomina, quelles sont actuellement les zones géographiques au Bénin qui sont les plus exposées à la menace terroriste ?Colonel Faïzou Gomina : Globalement, on peut parler de la région de l’Ouest, toute la bande à partir de Porga jusqu’à Daloga et cette bande-là est frontalière au Burkina Faso. C’est une région dans laquelle il y a beaucoup de menaces, beaucoup d’IED [Engin explosif improvisé, NDLR] et même des mines qui sont détectées ou qui explosent au passage des pauvres populations. En dehors de cette zone, on peut également citer, au niveau de la frontière avec le Niger, dans la commune de Karimama, quelques menaces qui sont récurrentes.Qui attaque le Bénin ?Globalement pour ce que nous savons, d’après nos services de renseignements et ce que nous constatons sur le terrain, et aussi les revendications qui ont été faites, il s’agit globalement de démembrements du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Jnim).Des groupes qui se trouvent où ?Ce que nous savons des renseignements, c’est que leur base principale est au Mali. Donc, il y a des démembrements au Burkina Faso à partir desquels des infiltrations sont opérées au niveau du Bénin. Mais pour l’instant, nous n’avons encore constaté la présence d’aucune cellule permanente au Bénin.Qu’est-ce qui vous fait être aussi sûr de vous pour dire qu’il n’y a pas de cellule au Bénin ? Le territoire est grand et il y a beaucoup de zones très sauvages.J’ai dit que nous n’avons pas encore constaté. Donc, c’est cela qui me rassure. Le jour où on aura la preuve qu’il y a une cellule implantée de façon permanente, là, je vais revenir sur mes mots.Quand pensez-vous pouvoir rouvrir le parc de la Pendjari ?Nous, nous sommes prêts. Nous estimons que la sécurité est maximale au niveau des parcs et que ces parcs peuvent être rouverts. Mais nous attendons naturellement la décision politique, puisque c’est une décision politique qui les a fermés.Qu’est-ce qu’il faut, d’après vous, pour mettre un terme aux menaces terroristes au Bénin ? Qu’est-ce qu’il manque ?C’est vrai, nous avons des besoins au regard de la menace qu’il y a de plus en plus. Pour mieux protéger nos populations qui sont exposées aux mines et aux explosifs, il nous faut renforcer premièrement notre lutte contre les IED. Cela passe par la détection, donc beaucoup plus de matériel de détection, beaucoup plus de matériel et d’appareils de vision nocturne pour voir ces poseurs d’IED. Et je crois que cela permettra de mieux protéger les populations.Vous avez l’impression d’avoir progressé quand même depuis le début de votre engagement contre les groupes terroristes ?Beaucoup. Nous avons beaucoup progressé. Nous avons très vite appris de nos failles, tout au début puisque nous n’étions pas préparés. Mais aujourd’hui, je peux vous assurer que les militaires béninois sont de plus en plus aguerris, que nous avons de plus en plus de matériel pour faire face à la menace et nous sommes de plus en plus déterminés, beaucoup plus déterminés que par le passé pour sécuriser nos frontières. Pas un seul centimètre carré du territoire ne sera laissé à l’ennemi.Mais les pays sahéliens y sont confrontés depuis dix ans. Qu’est-ce qui ferait que le Bénin serait mieux placé ?Deux ou trois raisons. Premièrement, la géographie du Bénin qui fait que la position de nos parcs et des cours d’eau constitue pour nous déjà un premier abri. Ensuite, nous avons des populations résilientes qui renseignent et qui coopèrent avec les forces de défense et de sécurité. Enfin, la discipline de nos hommes et la coopération qu’on a avec nos voisins et les armées étrangères.Comment se passe la coopération avec le Burkina Faso ? Je crois qu’il y a un droit de poursuite désormais, vous pouvez faire des incursions. Est-ce que ce droit de poursuite est déjà appliqué ?Au niveau de l’initiative d’Accra, il y a certaines mesures qui ont été édictées, mais qui ne sont pas encore sérieusement en vigueur. Nous avons voulu avec le Burkina avoir un deal bilatéral. Notre chef d’État s’est rendu au Burkina Faso, une délégation militaire également s’est rendue au Burkina Faso rencontrer les autorités militaires. Pour nous aider tous les deux en fait (aussi bien le Bénin que le Burkina Faso), parce que cette lutte ne peut pas être menée par un seul pays, donc il faut de la coopération. Elles ont a priori donné leur acceptation, elles vont nous revenir certainement dans les prochaines semaines pour qu’on mette sur pied un plan définitif d’intervention.Donc, il n’y a pas encore d’accord signé entre le Burkina Faso et le Bénin concernant cette question ?Il y a des accords tacites qui permettent d’aller à quelques kilomètres, mais pas beaucoup plus.Est-ce qu’une intervention militaire de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) est toujours à l’ordre du jour au Niger ?Cela ne concerne pas l’opération Mirador. Donc, je n’en sais rien. Ce sont des décisions politiques.
9/14/20235 minutes, 2 seconds
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Francis Kéré, architecte burkinabè: ce prix «Nobel de l'art» est un grand encouragement

C'est une nouvelle distinction de prestige qui vient récompenser l'architecte burkinabé Francis Kéré. On a appris hier mardi 12 septembre, qu'il faisait partie des lauréats du 34e Praemium Imperiale, un prix considéré comme le « Nobel des arts ». Voici donc sa toute première réaction. Une interview dans laquelle l'architecte dit son émotion après le tremblement de terre qui vient de frapper le Maroc. Francis Kéré interrogé par Laurent Correau RFI : Vous accumulez les récompenses : le BSI Swiss Architectural Award en 2010, la médaille d’architecture de la fondation Jefferson en 2021, le prix d’architecture Pritzker en 2022 et aujourd’hui, le Praemium Imperiale dans la catégorie architecture. Qu’est-ce qui, selon vous, fédère à ce point les architectes autour de votre travail ? Francis Kéré : Le travail que j’ai démarré au Burkina Faso a toujours été considéré comme la tentative d’apporter ma petite pierre au développement de mon village. Et du coup, je suis toujours surpris de voir que je suis récompensé. Mais je crois que c’est peut-être par la simplicité du travail, le choix des matériaux, le courage d’aller fouiller dans un endroit où souvent, on dit que c’est impossible, c’est ça qui pousse d’autres architectes à me pousser vers ces prix. Je crois que c’est peut-être ça.On a le sentiment d’ailleurs que l’une de vos forces, c’est d’avoir su inventer une architecture qui est pleinement africaine, tout en intégrant les apports du reste du monde…Oui, parce que j’ai développé ce travail-là au cœur même de l’Afrique. Mais l’architecture étant un métier universel. Je m’enrichis beaucoup en apprenant à travers le monde, en découvrant ce qui a été fait en Europe avant l’ère industrielle. Je puise dans cette expérience-là pour essayer d’adapter une architecture aux conditions du Burkina Faso, où il fait très chaud, mais on a beaucoup de ressources : on a des matières, par exemple, la terre, on a aussi du bois, et on a une main d’œuvre qui a du talent si on sait guider cette main d’œuvre. Et j’essaie de combiner tout cela pour créer des espaces qui offrent un confort pour tous les usages que vous pouvez imaginer.À lire aussiPraemium Imperiale: le Burkinabè Diébédo Francis Kéré lauréat du «prix Nobel des arts»Quel regard est-ce que vous portez sur les leçons à tirer de la catastrophe qui vient de se produire au Maroc ? Est-ce qu’après un tremblement de terre comme celui-là, il y a une réflexion à mener sur la façon dont les populations peuvent intégrer certaines normes à des constructions qui resteraient traditionnelles ? Comment est-ce qu’on peut réinventer ces traditions architecturales ? En tout cas, toute ma pensée va vers le Maroc, vers les communautés qui ont trouvé leur habitat détruit. Vous savez, le cœur s’arrête presque quand vous entendez ça. Je me suis assis, j’ai dit : « bon, tiens, si je pouvais vite approcher les responsables pour essayer d’aller avec ma modeste contribution voir ce qu’on pouvait faire. » D’abord vite, pour créer un toit, pour que les gens puissent se retrouver, se retirer, mais aussi étudier ce qui a failli dans l’habitat traditionnel, et ce qu’on peut tous ensemble améliorer. Il faut apprendre ensemble à trouver des solutions qui permettent d’éviter dans le futur de telles catastrophes.Est-ce que, d’ailleurs, c’est quelque chose de très complexe d’avoir des constructions adaptées au risque sismique ? Il y a des concepts élaborés dans toutes les écoles pour réduire les dégâts, pour empêcher que les bâtiments ne s’écroulent complètement, si vous prenez une nation comme le Japon, nous parlons du high tech. Je crois qu’il faudra qu’on pousse aussi à élaborer des solutions pour des nations qui ne vivent pas avec le high tech. L’ingénierie et la recherche ont prouvé que c’est possible de le faire, on peut combiner en ajoutant un poinçon à une structure qui combine bois et matériaux de remplissage, c’est possible.Vous-même, vous seriez prêt à participer à cette réflexion ? Ah oui, tout de suite ! Sans hésiter ! Toute la nuit, j’ai peu dormi, et honnêtement, vous m’avez pris à chaud, mais j’étais en train de réfléchir à ça avec mes plus proches collaborateurs, et on était en train de parler. Vous voyez que je suis toujours dans l’émotion. Non non, je participerai très vite, sans hésiter.Sur le continent africain, comme partout dans le monde, l’un des défis auxquels devront faire face tous ceux qui bâtissent, c’est celui du changement climatique. Quelles sont les grandes solutions qu’il faudra suivre, selon vous, en termes de matériaux, de dessins de bâtiments, de façons de construire ? Vous avez souligné la nécessité de se rendre compte qu’on ne peut pas continuer comme ça, on ne peut pas continuer à bâtir comme ça. La population en Afrique, selon beaucoup d’études, s’accroit très vite, et en même temps, nous avons des ressources qui sont limitées. Nous ne pouvons pas continuer à utiliser des matériaux qui contribuent au réchauffement climatique. La nécessité du temps, c’est à l’économie, c’est à l’élaboration de solutions qui permettent de loger des masses sans consommer trop et sans causer de tort à l’environnement. Les décideurs et les concepteurs doivent prendre conscience qu’on ne peut pas continuer à faire comme on est habitués à le faire.Un mot enfin sur les grands projets sur lesquels vous travaillez actuellement. Parlez-nous, par exemple, de la façon dont vous avez dessiné la future assemblée béninoise ?Pour l’Assemblée nationale du Bénin, l’idée principale, c’est de créer un gigantesque arbre à palabres, comme un symbole du lieu de rencontres, de débats, de disputes.L’ensemble de l’Assemblée nationale ressemblera à un grand arbre ? Oui, c’est ça l’idée qu’il y avait autour. Et d’ailleurs, il est intégré dans une forêt botanique, qui existait depuis très longtemps, qui a été préservée, et cet arbre, l’arbre à palabres qui sera l’Assemblée nationale, sera le plus grand arbre dans cette forêt botanique. Mais autour de cette idée symbolique, il y a des idées réelles qui vont permettre de réduire la consommation en énergie. Par exemple, au sein de l’Assemblée nationale, il y a une cour où les députés, où tous ceux qui travailleront dans cette Assemblée nationale, se rencontreront. Mais, pour l’enveloppe du bâtiment, j’ai choisi de prendre du béton, c’est quand même une bâtisse qui est censée durer, je l’espère, des siècles, donc j’ai choisi de corréler le béton en fond, dans la masse, j’ai essayé de créer un bâtiment qui va perdurer dans le temps, qui consommera moins d’énergie, mais qui est un symbole même du débat dans la tradition africaine.À lire aussiDiébédo Francis Kéré: «Mon travail est un service à l’humanité pour les pauvres comme les riches»
9/13/20236 minutes, 26 seconds
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Christophe Lutundula (ministre des Affaires étrangères de RDC): la Monusco va assurer «l'accompagnement du processus électoral»

Au Congo Kinshasa, le pouvoir et l'opposition polémiquent sur le calendrier de retrait des Casques bleus. Le Président Tshisekedi demande à la Monusco d'accélérer son départ, alors que l'opposant Moïse Katumbi accuse les autorités de vouloir se débarrasser d'un témoin gênant avant les élections du 20 décembre. Qu'en est-il réellement ? Christophe Lutundula est Vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Congo. En ligne de Kinshasa, il annonce sur RFI que le pouvoir compte sur les Casques bleus pour sécuriser les élections de décembre. Il est au micro de Christophe Boisbouvier. RFI : Christophe Lutundula, vous avez écrit au Conseil de sécurité pour lui demander d’accélérer le retrait des Casques bleus de votre pays. Pourquoi manifestez-vous tant d’impatience ? Christophe Lutundula : Je pense qu’il n’y a pas d’impatience. Et comme le constate, avec beaucoup de sincérité, le Secrétaire général des Nations unies, la situation ne fait que se dégrader. La tension ne baisse pas, particulièrement au Nord-Kivu. Le nombre de Congolais qui sont soumis aux déplacements forcés est aujourd’hui d’environ quatre millions. Et comme le dit aussi le secrétaire général lui-même, la Monusco, depuis 25 ans, a démontré ses limites de fond et de forme. Et donc, nous avons estimé que, comme nous l’avons dit l’année dernière, il faudra absolument accélérer le retrait, ce qui ne signifie pas le précipiter, il n’y a pas de précipitation, il ne faut pas non plus retarder inutilement le retrait au grand détriment du peuple congolais, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la RDC.Vous dites : « pas de précipitation ». Du côté de New York et du chef des Casques bleus, Jean-Pierre Lacroix, on dit que des centaines de milliers de Congolais sont protégés presque exclusivement par la Monusco, exemple à Djugu dans l’Ituri, et que le vide sécuritaire leur serait fatal. Est-ce qu’il ne faut pas un retrait graduel ? Mais j’ai parlé d’entrée de jeu de retrait responsable, ordonné, progressif et réussi. Et on ne peut pas avoir ce retrait si on ne le prépare pas, si on n’intègre pas les aspirations profondes des Congolais - pour lesquels la Monusco a eu la mission première d’assurer la protection, qui ne l’est pas aujourd’hui. Je n’ai pas besoin de démonstration particulière : il y a Kishishe, il y a d’autres localités, qui ont connu des massacres qui ont porté l’horreur à son comble alors que la Monusco était là.Du côté de l’opposition, le mouvement Ensemble pour la République de Moïse Katumbi vous accuse de vouloir vous débarrasser de la Monusco comme d’un témoin gênant, au moment où les violations des droits de l’Homme se multiplient dans votre pays. C’est que l’opposition ignore délibérément que dans la programmation du retrait, nous avons déjà un plan de transition, et nous avons retenu, parmi les piliers prioritaires, la sécurité des populations et le processus électoral - dans sa sécurisation, comme dans son appui logistique. Et donc, s’agissant des élections, c’est un faux débat, c’est du mensonge. La Monusco a un travail à faire, et il n’y a pas longtemps, le département des affaires politiques des Nations unies est arrivé ici, il y a à peu près cinq-six mois. Il y a un plan de travail qui a été convenu avec la Céni, impliquant totalement la Monusco. Donc tout cela, c’est du bluff, ce n’est pas la vérité.Donc, la Monusco ne partira pas avant les élections du 20 décembre ? Le retrait est progressif et la Monusco a un travail, c’est l’accompagnement du processus électoral.L’accompagnement du processus électoral jusqu’au jour du vote, jusqu’au 20 décembre ?Mais le processus électoral implique les opérations pré-électorales, électorales, et quelque part, post-électorales. La Monusco est là, mais nous disons qu’à la fin de cette année, il faut que le retrait au moins commence.Monsieur le Vice-Premier ministre, après le Mali, le Burkina, la Guinée, le Niger, voici le Gabon qui est frappé à son tour par un coup d’État militaire. Quelle est votre réaction ? Nous avons connu les années 90 qui correspondaient au renouveau démocratique en Afrique. Pour nous, la RDC, il n’est pas question de remettre en cause cette révolution démocratique, donc nous sommes fidèles à la position de l’Union africaine, avec toutes les sanctions que l’Union impose. S’agissant de notre région, l’Afrique centrale, nous adhérons totalement à la position qui a été prise par les chefs d’État et de gouvernement lors de la réunion qui s’est tenue en Guinée équatoriale sous la présidence du doyen Obiang Nguema Mbasogo. Ce qu’on fait maintenant, c’est le travail qui a été confié au président Touadéra, c’est de consulter toutes les parties gabonaises concernées, de manière à avoir un schéma de transition rapide, qui permette le retour à la normalité républicaine.Quand vous dites un schéma de transition rapide, c’est combien de temps ? J’ai cru entendre que le Premier ministre, qui vient d’être nommé hier, avait indiqué 24 mois, c’est-à-dire deux ans. C’est évidemment aux Gabonais eux-mêmes, plus que quiconque, qu’il appartient de savoir ce qu’ils veulent et de nous donner les indications qu’il faut. En tout cas, nous faisons confiance à notre émissaire, l’émissaire de la communauté, le président Touadéra, et nous espérons qu’il se dégagera un consensus des Gabonais autour de la durée. Si les Gabonais disent deux ans, nous allons prendre acte.
9/12/202312 minutes, 55 seconds
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«Généraliser la construction parasismique dans tous les coins du Maroc» est notre grand chantier

L’inquiétude reste importante au Maroc après le séisme qui a frappé le Haut Atlas et la région de Marrakech dans la nuit du vendredi au samedi 9 septembre. Des villages ont été dévastés et on craint des répliques sur des édifices endommagés. Le coût humain est lourd. Avec un recul de 48 heures, que sait-on du séisme lui-même ? Le sismologue marocain Abdelilah Tahayt, professeur à l’université de Tanger, est notre invité.
9/11/20233 minutes, 36 seconds
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Joseph Mbeng Boum: notre rôle est «d'expliquer et de faire comprendre les avancées scientifiques»

Il est le premier Africain subsaharien élu à la tête de la Fédération mondiale des journalistes scientifiques, une organisation qui regroupe environ 72 associations à travers les cinq continents, plus de 15 000 journalistes. Le Camerounais Joseph Mbeng Boum, 33 ans, est directeur de publication au Cameroun du quotidien Échos Santé et de l'hebdomadaire Afrique Environnement. Il est aussi président national des « Journalistes scientifiques et communicateurs pour la promotion de la santé au Cameroun ». Élu pour deux ans à la tête de la FMJS (WFSJ dont le siège est à Montréal au Canada), il a pour mission de promouvoir le journaliste scientifique. RFI : À quoi sert le journaliste scientifique dans la société ? Quel est son rôle ?Joseph Mbeng Boum : Quand vous arrivez dans nos communautés, parfois quand vous trouvez un enfant drépanocytaire, il est considéré comme un sorcier, la famille parfois est discriminée. Pareil pour plusieurs problèmes liés à la science, à la santé, liés à la médecine, à la technologie : quand les questions scientifiques ne sont pas comprises, elles sont considérées comme relevant du paranormal. Et parfois, ce que la science ou les scientifiques proposent comme solution, très souvent ces solutions-là ne sont pas acceptées parce que mal comprises, mal interprétées, cela s’est vérifié encore avec le Covid-19 où vous avez bien suivi le discours qui considérait que les vaccins contre le Covid-19 avaient été développés pour tuer les Africains, etc. Donc le rôle du journaliste scientifique, c’est de pouvoir expliquer la science, faire comprendre les avancées scientifiques, il devient donc un acteur important pour le développement des sociétés.Quelles sont les qualités du journaliste scientifique ? En termes de qualité du journaliste scientifique, tout d’abord, comme tout journaliste, c’est quelqu’un qui doit être neutre, et au-delà de la neutralité, avoir quand même un minimum de connaissances en matière de sciences. C’est quelqu’un qui doit toujours garder un esprit critique, ne pas avoir un penchant pour un scientifique, pour une démarche, toujours rester dans la critique, pouvoir à chaque fois interroger, vérifier si effectivement la nouvelle scientifique qui arrive est vraiment opportune pour la population. Et aujourd’hui, un journaliste scientifique doit également pouvoir s’adapter à la technologie.Comment diriez-vous que le journalisme scientifique se porte en Afrique subsaharienne ?Le journalisme scientifique cherche encore ses repères, parce que contrairement à l’Europe où vous avez des écoles qui proposent des curricula, des formations bien définies, en Afrique subsaharienne, vous n’avez pas encore véritablement d’école. On est en train de travailler pour que peut-être dès la prochaine rentrée académique, qu’on puisse avoir au moins une ou deux écoles. L’autre réalité également, c’est qu’il y a une faible collaboration entre les journalistes scientifiques et les scientifiques, ou bien les autorités sanitaires, l’accès à l’information reste un véritable chemin de fer. Le financement, également, des recherches reste difficile. Vous savez déjà qu’en Afrique subsaharienne, la presse, de façon générale, suffoque parce que les politiciens ne définissent pas un véritable cadre de liberté de la presse. Ça fait bientôt 80 ans que le Royaume-Uni a son association de journalistes scientifiques, au Cameroun, par exemple, ça fait juste cinq années qu’on a pu mettre une association qui pose ses jalons tout doucement. Mais le contexte est assez difficile pour le journalisme scientifique. A contrario, vous savez que l’Afrique subsaharienne supporte 70% des cas de VIH, de Sida, du paludisme, et je ne saurais oublier des questions liées au changement climatique. C’est également un continent qui cherche à s’industrialiser. Dans une vision logique, le journaliste scientifique en Afrique devrait avoir du grain à moudre, mais je pense qu’il y a beaucoup de mentalités qu’il faut changer aujourd’hui en Afrique pour qu’effectivement, le journaliste scientifique puisse jouer son rôle. [Il faut] réduire également le gap qui entrave le développement du journalisme scientifique.Et vous, Joseph Mbeng Boum, qu’est-ce qui vous a conduit au journalisme scientifique ?Je dirais les décès, peut-être le décès de ma maman, parce que ça fait un peu plus de vingt ans aujourd’hui qu’elle est décédée, et j’étais encore tout petit, j’étais encore au collège. À l’hôpital, on n’avait pas réussi à nous dire des choses de façon claire, et moi je ne percevais pas qu’il y ait quelque chose qui ne puisse pas s’expliquer de façon scientifique, et je réfutais un peu cette idée où les choses étaient présentées comme relevant toujours du mystique. Ce n’est pas que je remette le mystique en cause, mais je pense quand même qu’on devrait pouvoir démontrer un certain nombre de choses et je me souviens qu’au lycée, c’est comme ça que je me suis inscrit au club « santé » et au club « communication », et depuis lors, j’ai commencé à développer une passion pour la science et pour la communication et l’information.
9/10/20234 minutes, 47 seconds
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Gabon : l’ex-parti au pouvoir (PDG) «prend acte du changement de régime» affirme Luc Oyoubi

Au Gabon, alors que la formation du gouvernement de transition est en cours, l’ancien parti au pouvoir, le Parti démocratique gabonais (PDG), s’est exprimé pour la première fois sur le putsch et la situation du pays dans une déclaration publiée jeudi, d’abord, puis hier vendredi, au micro de François Mazet à Libreville. Pour Luc Oyoubi, premier secrétaire général adjoint du PDG, le parti « prend acte du changement intervenu et se dit disposé à participer à la transition ». En revanche, pas un mot pour les cadres du parti incarcérés, dont le secrétaire général Steeve Nzegho Dieko. RFI : Comment jugez-vous le début de la transition ? Est-ce que vous l’acceptez et vous vous y ralliez ? Luc Oyoubi : Au niveau du parti, nous nous sommes réunis et nous avons pris acte du changement de régime, donc nous sommes disposés à participer à la transition, notamment à la restructuration des institutions. Nous sommes un parti expérimenté et nous pensons que tous les Gabonais doivent se mettre ensemble pour aller de l’avant. C’est vrai que nous avons fait plusieurs décennies au pouvoir et qu’il y avait beaucoup d’aspiration au changement dans le pays. Maintenant, c’est cette forme de changement qui est arrivée, et c’est pour ça que nous disons que nous prenons acte du changement qui est intervenu.Le choix de Raymond Ndong Sima [comme premier ministre de transition] est un bon choix selon vous ? Le choix de Raymond Ndong Sima est un très bon choix. Si on m’avait demandé de proposer quelqu’un, c’est Raymond Ndong Sima que j’aurais proposé. Tout simplement parce que c’est quelqu’un qui est très rigoureux, qui est très méthodique dans sa façon de travailler, et pour moi les problèmes ce sont d’abord des problèmes budgétaires. C’est un brillant économiste praticien qui saura probablement nous proposer des solutions pour ces questions budgétaires.Il y a forcément des questions qui se posent : est-ce que le PDG peut survivre politiquement sans la famille Bongo ?Nous espérons que le PDG va survivre politiquement, avec ou sans la famille Bongo. Tout dépendra de l’évolution des choses. Il y a plusieurs partis qui vivent et qui n’ont pas de chef d’État à leur tête, donc le PDG peut très bien survivre sans chef d’État à sa tête.Mais vous, vous ne l’avez jamais fait, ce serait quelque chose de nouveau après quasiment six décennies et vous êtes un parti quasi d’État.Nous allons apprendre à le faire, et nous savions bien que le changement devait arriver.Est-ce que vous ressentez, ou est-ce que vous craignez, une hostilité de la population à votre égard ? Lorsqu’il y a un changement de régime, généralement, il y a une hostilité par rapport au régime sortant, donc ça, c’est inévitable. Mais pour l’instant, il n’y a pas d’animosité grandiose. Moi, je pense que le plus important, c’est d’accompagner la transition, que tous les Gabonais accompagnent la transition, et qu’on puisse voir les résultats à la fin. Une animosité par rapport au PDG n’aurait aucune valeur ajoutée à mon avis.Vous avez remercié le président de transition pour avoir libéré Ali Bongo, mais vous n’avez rien dit sur les autres personnes actuellement emprisonnées, dont le secrétaire général du parti, pourquoi ? Nous avons effectivement exprimé notre satisfaction par rapport à la libération de notre président de parti [Ali Bongo, NDLR], mais par rapport aux autres personnes incarcérées, le débat n’a vraiment pas eu lieu, donc personne n’a proposé qu’il y ait un mot pour les autres. Et ce n’est pas très étonnant, parce que le travail qui était fait par ces jeunes aux côtés du président n’était pas bien apprécié, n’était pas approuvé par beaucoup de militants. Ils ont eu un rôle aussi bien au niveau de l’État que du parti qui n’était pas du tout celui que les militants attendaient. Vous avez l’exemple concret de tous ces billets de banque qu’on trouve dans des maisons, dans des bureaux, alors que sur le terrain, nous qui étions sur le terrain, on a vu nos candidats trimer, on a vu nos candidats en difficulté, parce qu’ils n’ont pas eu autant de moyens que, par exemple, en 2018. Et lorsqu’à la fin vous découvrez que des gens ont stocké de l’argent dans leur maison, alors qu’on avait besoin de cet argent pour se battre sur le terrain, ceci ne peut pas rencontrer l’assentiment des militants de base.Ces gens qui sont aux arrêts, est-ce que vous les rendez responsables de la mauvaise gestion du pays, de la chute du président et de la défiance envers le PDG et le système ? Plusieurs camarades me disaient - à moi, parce que dans ma position de SGA [secrétaire général adjoint, NDLR] les gens s’imaginent peut-être que je vois le grand patron - : « Il faut aller dire au grand patron que nous sommes d’accord de voter pour lui, mais nous ne voulons pas des jeunes qui sont à ses côtés. » Ce qui fait que quand on a fait nos réunions, personne n’a proposé qu’on puisse dire un mot pour ces camarades.Est-ce que l’heure est à l’auto-critique au sein du PDG par rapport à la gestion du pouvoir ? Nous sommes régulièrement en auto-critique, et les congrès, les différents congrès, ont toujours été l’occasion de faire notre auto-critique. Lorsque vous allez voir les rapports de notre congrès, vous verrez que tous les maux qui sont dénoncés par l’opposition, et aujourd’hui par la transition, sont mentionnés dans les différents rapports de notre congrès. Donc les militants énuméraient tous ces maux en espérant les porter à la connaissance [du parti].Ali Bongo demeure le président du PDG, ça ne fait aucun doute pour vous ? Bien sûr qu’il reste le président du Parti démocratique gabonais, il est en liberté, donc il reste le président de notre parti.
9/9/20235 minutes, 48 seconds
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Raymond Ndong Sima, Premier ministre de transition: l'objectif est de «remettre le Gabon sur les rails»

Au Gabon, Raymond Ndong Sima a été nommé hier Premier ministre de transition. Le nom de l'opposant a été annoncé par un décret lu à la télévision publique, signé par le président de la transition, le général Brice Oligui Nguema. Cet économiste de 68 ans avait déjà été chef du gouvernement sous la présidence d'Ali Bongo entre 2012 et 2014. Il avait claqué la porte du parti au pouvoir en 2015, avant de passer à l'opposition. En exclusivité sur RFI, Raymond Ndong Sima est l'invité de Sébastien Németh. RFI : Raymond Ndong Sima, quelle est votre réaction suite à votre nomination ?Raymond Ndong Sima : Je ne m’attendais pas à être nommé Premier ministre de la Transition, mais j’avais dit depuis le départ que si j’étais mis à contribution, je le ferais de bon cœur. Donc, je pense que je vais faire l’effort pour travailler dans le sens de ce que tout le monde souhaite à l’heure actuelle, c’est-à-dire de remettre le pays sur les rails.Est-ce que vous avez déjà une feuille de route ?Le président de la République, le général Brice Oligui Nguema, m’a remis une feuille de route. Je n’ai pas encore eu le temps de la lire. Ce que je souhaite, c’est que le plus de monde soit mis à contribution pour que le processus soit inclusif, que nous nous mettions d’accord une fois pour toutes, l’ensemble des Gabonais, quel que soit le bord auquel nous appartenons, pour nous mettre d’accord sur des textes qui soient justes, équitables et qu’il y ait des élections que personne ne conteste et dont la représentativité est évidente. Voilà ce que je souhaite, j’espère que tout le monde sera mis à contribution. Je ferai de mon mieux pour associer tout le monde, pour que nous fassions une bonne toilette de l’ensemble des textes qui sont sur la table. Il faut qu’au sortir de la Transition, le pays soit remis sur une trajectoire qui est satisfaisante pour tous, parce que, à l’heure actuelle, nous jouons en dessous de notre capacité. Il faut qu’on se mette sur notre réelle capacité. Nous avons des ressources, des atouts, mais la façon de combiner, la façon de gérer, la gouvernance que nous avons faite n’est pas favorable, ne permet pas d’avoir la meilleure et la plus grande équipe. Donc, nous devons régler ce problème et de mon point de vue, tous ces problèmes sont liés au cadre juridique, à l’ensemble du contexte dans lequel nous vivons.Cela veut dire que vous allez proposer des réformes en profondeur ?Cela veut dire que nous allons travailler avec l’ensemble des acteurs, c’est-à-dire l’ensemble des partis politiques, avec la société civile, bien sûr sous la supervision du comité transitoire militaire, nous allons travailler sur l’ensemble des textes pour que nous ayons une Constitution comme le président l’a dit le jour de sa prestation de serment, et des textes d’application, des textes réglementaires qui soient le plus objectif possible. C’est cela.Un gouvernement d’union nationale, c’est votre souhait qui intégrerait notamment vos anciens collègues d’Alternance 2023 et peut-être aussi des membres du Parti démocratique gabonais (PDG) ?Pour l’instant, ce que les militaires nous ont dit, c’est qu’il n’y a ni majorité ni opposition. Donc, je ferai une proposition avec un gouvernement qui intègre tout le monde. À charge pour le président et le comité transitoire de choisir si ça leur convient.Que faut-il pour que cette transition ne déraille pas ?Dès lors qu’on a annoncé le principe de l’association de tous, le principe d’une démarche inclusive. Je crois que chacun doit mettre un peu d’eau dans son vin, de telle sorte que nous parvenions à des compromis qui soient raisonnables et solides.Comment appréhendez-vous le travail avec les militaires ?Dans ma carrière, j’ai fait plusieurs opérations de restructuration d’entreprise. J’ai fait la restructuration de la CFG, la Compagnie forestière du Gabon, en 1991 à Port-Gentil. J’ai fait la première mise en concession du chemin de fer en 1999-2000, etc. Je suis habitué à des situations un peu difficiles du point de vue de la restructuration. Mais je crois que les militaires ont un avantage. Ce sont des gens structurés et pour lesquels les ordres se transmettent d’une façon qui est assez précise. Donc, je m’attends à ce que les militaires déterminent clairement ce qu’ils attendent de moi, et moi que j’exécute clairement ce que je dois faire. Et je m’attends aussi en contrepartie à ce qu’ils me dégagent des marges de manœuvre claires qui correspondent à l’objectif qu’ils se sont fixés et que tous nous partageons.Oui, parce que j’imagine que vous n’accepterez pas de travailler n’importe comment, qu’il y aura quand même des conditions dans votre travail pour que vous puissiez remplir votre mission ?Je pars du principe que si les militaires ont accepté d’enfreindre une règle importante chez eux, c’est qu’ils ont le souci de réussir. Parce que, s’ils échouent, ils auront fait tout cela pour rien, et ça entachera sérieusement leur carrière et la suite. Donc, je pars du principe que les militaires auront envie de réussir.À lire aussiGabon: Raymond Ndong Sima, opposant à Ali Bongo, nommé Premier ministre de transition
9/8/20233 minutes, 59 seconds
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Présidentielle au Gabon: «Les résultats n'ont été signés par aucun procès-verbal»

Au Gabon, on en sait un peu plus sur la controverse au sein du Centre gabonais des élections (CGE) après le scrutin du 26 août. Le président du CGE avait annoncé Ali Bongo vainqueur après un vote controversé et des accusations de fraude. Suite à cette annonce, un coup d'État l'a fait chuter et les responsables du CGE ont été arrêtés. Ils ont finalement été relâchés mais restent accusés d'avoir été complices de manipulations électorales. Pour la première fois, un de ces responsables témoigne : Christelle Koye, l'une des vice-présidentes de l'institution pour le compte de l'opposition.  RFI : Christelle Koye, qu’est-ce que la justice vous reproche ? Christelle Koye : Il m’a été reproché d’avoir participé au trucage des résultats électoraux, c’est la question qui m’a été posée au niveau de la Direction générale des recherches où j’ai été entendue. Il m’a également été demandé de rappeler quelles étaient mes missions. Ma mission principale consistait, dans le cadre de l’organisation du scrutin, à désigner les représentants de l’opposition au sein des commissions électorales locales. Et pour cela, je me suis appuyée sur les propositions des partis politiques de l’opposition. Il y a 101 commissions électorales locales. Le bureau du CGE centralise les résultats. Pour centraliser les résultats, nous devons avoir les procès-verbaux de chaque commission électorale locale, qui me permet de confronter les résultats de centralisation avec les résultats de chaque commission électorale locale. À l’échéance, donc, du scrutin, j’ai demandé aux commissaires de me transmettre les procès-verbaux. Malheureusement, en raison de la coupure d’internet d’une part et en raison des conditions d’acheminement, de transport, qui ne sont pas optimales, je n’ai pas pu obtenir les procès-verbaux de chaque commission électorale locale, qui m’auraient permis de confronter les résultats avec ceux que nous avons obtenus au niveau de la centralisation.Donc aujourd’hui, vous avez des doutes sur l’honnêteté de certains agents électoraux au niveau local ? Malheureusement, il y en a qui ont suivi, et il y en a d’autres qui ont clairement établi leur complicité, d’autres refusaient de me répondre, d’autres opposaient le fait qu’ils n’avaient pas pu avoir les procès-verbaux en leur possession, ce qui est difficilement explicable parce que la loi prévoit que chaque camp politique doit avoir une copie du procès-verbal. La justification liée à la difficulté de me transmettre les supports à cause de l’interruption d’internet pouvait se justifier, mais celle de ne pas pouvoir répondre à mes appels ou de ne pas pouvoir me répondre clairement continue à contribuer à semer le doute, sinon à me fixer sur la nature des relations que ces commissaires-là entretenaient.Certains auraient pu être corrompus, selon vous ? Clairement, oui.Comment avez-vous commencé à avoir des doutes sur les résultats ? J’étais en contact, et j’ai été en permanence en contact depuis le jour des scrutins avec différents états-majors, les états-majors d’Alternance 2023, les états-majors de certains candidats aux différentes élections, qui me transmettaient oralement les résultats. Donc, en réalité, je n’ai eu aucun élément palpable.Donc au fur et à mesure que le temps passait depuis l’élection, votre inquiétude ne faisait que grandir ? Bien sûr, elle n’a fait que grandir, elle grandissait d’autant plus que je n’avais aucun support me permettant de confronter les résultats qui seraient produits inéluctablement. J’étais inquiète, et de vous à moi, j’ai tenté de m’extraire parce que je me rendais compte qu’il y avait des éléments dont je n’avais pas connaissance. Malheureusement, le dispositif était tel que je n’ai pas pu sortir, mais effectivement, les personnes peuvent attester que moi, j’ai voulu sortir de la Cité de la démocratie. À 22h30, donc le 29, le jour de la délibération, il y a eu une intrusion d’un membre du cabinet du chef de l’État qui n’était pas appelé à la commission, ce qui a conforté ma position, je m’inquiétais parce que je ne comprenais pas qu’un membre du cabinet, donc en l’occurrence le conseiller en charge de la communication, Jessye Ella Ekogha, vienne dans la salle pour pouvoir organiser la retransmission de l’annonce. Il y a eu un tollé dans la salle, parce que tout le monde unanimement n’a pas apprécié. Pour moi, c’était un élément de trop, j’ai voulu partir, j’ai voulu prendre cette brèche pour m’extraire de la Cité de la démocratie, mais à ce moment-là, il était difficile de le faire. D’ailleurs, les résultats ont été annoncés, mais ces résultats devaient être sanctionnés par un procès-verbal. L’annonce a été faite publiquement, et après l’annonce, il fallait vérifier, signer, pour la transmission à la Cour constitutionnelle, ça n’a pas été fait. Je n’ai signé aucun procès-verbal.Avec le recul, après ce que vous avez vécu au CGE, quel est votre sentiment aujourd’hui ? Ça m’inspire évidemment des interrogations, d’énormes interrogations, que je souhaiterais lever. J’ai besoin d’avoir tous les éléments en ma possession, on parle d’une rumeur persistante, ce n’est plus une rumeur, c’est quasiment avéré, mais je souhaiterais savoir à quel niveau, quels sont les niveaux de responsabilité, quels sont les commissaires sur lesquels j’ai pu compter, parce que c’est vrai que j’ai eu deux vagues, les commissaires électoraux sur lesquels j’ai pu compter, et ceux sur lesquels je n’ai pas pu compter parce qu’en réalité, ils n’ont pas rempli la mission du serment pour laquelle ils ont été affectés. Ce sont des interrogations qui me taraudent et pour lesquelles j’aimerais vraiment avoir des réponses. À lire aussi[Info RFI] Gabon: des arrestations ont eu lieu au Centre gabonais des élections la nuit du coup d’État
9/7/20234 minutes, 58 seconds
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Élections locales en Côte d’Ivoire: «Nous assistons au déclin de la gauche ivoirienne»

En Côte d’Ivoire, le parti au pouvoir, le RHDP est sorti largement vainqueur des élections municipales et régionales du 2 septembre. Il obtient 123 communes sur 201 et 25 régions sur 30. Quels enseignements peut-on tirer de ces résultats ? Comment la cartographie politique est-elle configurée aujourd’hui ? Quid de l’état de la gauche ivoirienne ? Entretien avec le politologue Geoffroy-Julien Kouao. Comment expliquez-vous cette large victoire du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) ?Geoffroy-Julien Kouao : Nous sommes dans un multipartisme avec un parti dominant qui est le RHDP. Et cette victoire écrasante du RHDP a tourné à une démonstration de force qui devrait inquiéter ses adversaires politiques, surtout avant la grande bataille présidentielle de 2025.Pour vous, aujourd’hui, quel enseignement peut-on tirer de ce scrutin justement en vue de 2025 du point de vue des partis politiques ?Les partis de gauche sont en déclin, en voie de disparition. Le Parti des peuples africains – Côte d'Ivoire (PPA-CI) de Laurent Gbagbo a fait un score extrêmement faible. Pascal Affi N’Guessan et le Front populaire ivoirien (FPI) ont disparu de la scène politique, du moins électoralement. Le MGC, le Mouvement des générations capables, de Simone Gbagbo n’a pas d’élus. Nous assistons au déclin de la gauche politique ivoirienne.Les jeux d’alliance n’ont pas forcément fonctionné. On voit notamment l’alliance entre le PPA-CI et le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) qui donne à peine 10 communes et une région. Quel est l’avenir de ce type d’alliance ?En politique, 1+1 ne font pas forcément 2. Et là, c’est une alliance opportuniste entre le PDCI-RDA et le PPA-CI qui sont idéologiquement opposés. Et donc, les électeurs n’ont pas bien compris cette alliance et, évidemment, au regard des résultats que nous avons aujourd’hui, le PPA-CI et le PDCI doivent réajuster leur alliance, la formaliser, lui donner un contenu juridique et politique avant la grande bataille présidentielle de 2025.Comment expliquez-vous la défaite du FPI de Pascal Affi N’Guessan à ces élections ? Le FPI n’a pas une cohérence idéologique. On ne peut pas comprendre cette pirouette politique faite par le président Pascal Affi N’Guessan qui, il y a à peine deux ans, qualifiait monsieur Alassane Ouattara et son parti de tous les noms et aujourd’hui qui va à l’alliance avec ce parti. Pour ceux qui connaissent bien la région de Moronou, certes. Il y a eu alliance entre le FPI d’Affi N’Guessan et le RHDP d’Alassane Ouattara, mais les cadres du RHDP n’ont pas vraiment soutenu monsieur Pascal Affi N’Guessan dans cette campagne. Il est allé seul contre tous. Donc, c’est une défaite certes inattendue, mais qui montre qu’en politique, il faut avoir une colonne vertébrale, il faut avoir une cohérence idéologique, et les alliances contre-nature ne paient pas toujours.Concernant le PPA-CI qui s’est lancé il y a tout juste deux ans, on voit que seul, sans alliance, il obtient à peine deux communes. Quelle leçon ce parti politique-là peut-il tirer en vue de la préparation de 2025 ?Je pense que le PPA-CI doit rajuster sa stratégie politique et revoir sa rhétorique politique parce que, quand vous perdez une commune emblématique comme Yopougon, qui est appelé « Yopougon de Laurent Gbagbo », cela veut dire que politiquement il y a quelque chose qui n’a pas marché. À Yopougon, le PDCI et le FPI ont gagné la bataille des législatives avec près de 500 voix d’avance, ce qui en terme électoral est totalement insignifiant. Mais à cette élection communale, ils sont allés en rangs dispersés. Tout cela montre la montée du parti d’Alassane Ouattara dans le bastion du PPA-CI. Alassane Ouattara a gagné la bataille de Yopougon. Il a remporté la bataille de Gagnoa, et tout ceci montre que la gauche se doit de redéfinir sa démarche politique.Est-ce qu’aujourd’hui, on peut encore parler de bastion ?Non. Les choses ont évolué. Le PDCI-RDA a perdu des régions, vraiment assez importantes, au profit du RHDP. Le PPA-CI est en voie de disparition dans ce bastion traditionnel. Le FPI a perdu le Moronou. Seul le RHDP est resté très fort dans le septentrion ivoirien. Donc, on assiste à une redéfinition de la cartographie politique ivoirienne. Les uns et les autres doivent comprendre qu’on a de nouveaux électeurs, on a de nouvelles mentalités. La politique ne s’articule pas seulement autour de personnalités, des personnalités charismatiques, mais autour aussi des idées, mais surtout d’un réalisme qui consiste à des réalisations concrètes. Le RHDP récolte là sa politique économique reluisante depuis 10 ans.À lire aussiEn Côte d'Ivoire, raz de marée du RHDP du président Alassane Ouattara aux élections locales
9/6/20234 minutes, 52 seconds
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Niger: «Le temps ne joue pas pour les putschistes», selon le ministre Hassoumi Massaoudou

Au Niger, y aura-t-il une intervention militaire de la Cédéao ou au contraire une entente avec les militaires putschistes, comme ceux-ci l'ont déclaré ce 4 septembre au soir ? Hassoumi Massaoudou, le ministre des Affaires étrangères du gouvernement du président Bazoum, continue de croire à une intervention militaire. Pour lui, la décision politique est prise. Et ce n’est plus qu’une question de délai opérationnel. Entretien. RFI : Hassoumi Massaoudou, le 4 septembre 2023, le Premier ministre de la junte Ali Mahaman Lamine Zeine a déclaré : « On s’attend à tout moment à pouvoir être attaqué, mais nous poursuivons les échanges avec la Cédéao [Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest]. Nous avons bon espoir de parvenir à une entente dans quelques jours ». Comment réagissez-vous ?Hassoumi Massaoudou : Pour moi, il n’y a rien de neuf. Évidemment, il confirme là tout simplement, puisqu’il dit qu’il s’attend à être attaqué à tout moment. La position de la Cédéao n’a pas changé. On ne peut éviter l’intervention que s’ils se soumettent aux conditions posées par la Cédéao, c’est-à-dire la libération du président [Mohamed] Bazoum et son rétablissement dans ses fonctions. À partir de là, ils peuvent négocier leur sortie.Voilà plus d’un mois que le putsch a eu lieu et il n’y a toujours pas d’intervention militaire de la Cédéao. Est-ce que le temps n’est pas en train de travailler pour les putschistes ?Je ne pense pas. C’est une erreur de la part des putschistes de penser cela. Les dirigeants de la Cédéao que j’ai eus, que j’ai écoutés au dernier sommet, sont très déterminés. Ils ont donné toute la chance aux négociations, mais les militaires ne l’ont pas compris et les négociations apparemment n’ont pas donné. Il va de soi que la Cédéao maintenant va enclencher l’autre phase prévue par la conférence, c’est-à-dire la préparation et l’organisation d’une intervention militaire.Jusqu’à la semaine dernière, on croyait que le Nigeria était un pays moteur dans le projet d’intervention militaire, mais le 31 août le président Bola Tinubu a évoqué une possible transition de 9 mois, comme dans son propre pays il y a 24 ans. Est-ce que le Nigeria n’est pas en train de changer de position ?Mais non. Le même jour, son ministre des Affaires étrangères a fait une interview à la BBC en haoussa où il disait clairement que la question de l’intervention militaire était bel et bien sur la table et que le Nigeria n’a pas de position autre que celle de la Cédéao. Donc, le Nigeria est prêt. Le Nigeria se met en ordre de marche, comme les autres pays.Tout de même, est-ce que ce n’est pas le signe qu’il est hésitant maintenant ?Mais non, il n’est pas hésitant. Il essaie de donner du temps et essaie de faire comprendre [les enjeux] aux différentes composantes du nord du Nigeria, qui sont très actives parce qu’il y a eu beaucoup d’intoxications au nord du Nigeria en parlant de « guerre contre le Niger ». Je crois que la préparation de l’opinion au Nigeria est aujourd’hui mûre. Elle a été faite et je pense que, maintenant, il n'y a vraiment plus de problème pour le gouvernement du Nigeria pour avancer.Il y a l’Algérie qui plaide pour une transition de six mois, dirigée par un civil nigérien consensuel. Est-ce que l’avis de l’Algérie, ce n’est tout de même pas important ? Vous avez 1 000 kilomètres de frontière commune…L’avis de l’Algérie, pour nous, n’a pas d’importance. Sur cette question, l’Algérie n’a jamais vraiment participé à la gestion de nos affaires. Nous sommes un pays ancré dans la Cédéao. Nous sommes signataires des traités de la Cédéao. Avec l’Algérie, nous n’avons aucun traité. La Cédéao ne répondra pas à l’Algérie. La question de la transition ne se pose pas. La revendication claire de la Cédéao et de tous ces pays-là, c’est la libération du président [Mohamed] Bazoum et son rétablissement. Il n’est pas question d’un [seul] jour de transition. Accepter une transition, c’est accepter le fait accompli du coup d’État. C’est ce dont les chefs d’État de la Cédéao ne veulent surtout pas entendre parler.Vous qui rentrez de Tolède en Espagne, où a eu lieu une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne les 30 et 31 août, est-ce que vous n’avez pas entendu le ministre italien Antonio Tajani vous dire qu’il n’était pas pour une intervention militaire ?Le ministre italien et quelques ministres ont exprimé des réserves au départ. Mais ils ont posé des questions très précises auxquelles j’ai répondu. À la fin, un consensus s’est dégagé et il a très bien compris parce que, en réalité, que disent les Italiens ? C’est une propagande qui est faite par les partisans du putsch qui disent qu’une intervention militaire serait une grande guerre comme en Libye. Donc, une déflagration générale de la région. Il n’en est pas question. D’abord, le Niger n’est pas la Libye, le président [Mohamed] Bazoum n’est pas [Mouammar] Kadhafi. Par conséquent, il ne s’agit pas d’une guerre contre le Niger, il s’agira d’une opération pour mettre fin à une entreprise crapuleuse de prise d’otages. Et effectivement, elle ne concernera pas l’ensemble du pays. Et je suis certain - je leur ai expliqué - que l’armée nigérienne ne se battra pas pour défendre ce quatuor de généraux et cette prise d’otages. Donc, les Européens ont très bien compris et à la fin, un consensus s’est dégagé au niveau de l’Europe : l’Europe soutiendra les positions et décisions de la Cédéao, y compris appuiera, d’une manière qu’ils auront à définir ensemble avec la Commission, l’intervention militaire.Vous dites que les Nigériens ne se battront pas pour un quatuor de généraux. Mais depuis plusieurs jours, il y a des milliers de manifestants anti-Français et pro-putschistes qui se montrent dans les rues de Niamey…Ce qu’il faut retenir au Niger, c’est que ces manifestations se font seulement à Niamey. À l’intérieur du pays, il n’y en a pas, ils n’arrivent pas à organiser des manifestations.Dans deux semaines, du 18 au 22 septembre, il y aura l’Assemblée générale de l’ONU à New York. Est-ce que vous ne craignez pas que les chefs d’État de la Cédéao veuillent attendre ce grand rendez-vous diplomatique avant de faire quoi que ce soit et que, avec le temps qui passe, rien ne se produise pendant des semaines et des semaines ?Non. L’agenda militaire est actuellement en marche. En réalité, le temps d’intervention est essentiellement technique, il n’est plus politique. C’est le temps technique seulement qui nous sépare de l’intervention.Et vous voyez cette intervention d’ici combien de temps ?Je n’en sais rien. Je dis un temps technique qui ne regarde que les militaires. Moi, je ne sais pas. Je ne suis pas à l’état-major. Mais c’est une question technique, ce n’est plus une question politique aujourd’hui.
9/5/20237 minutes, 59 seconds
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Africa Climate Summit: «Le financement équitable des initiatives du changement climatique est important»

C’est le premier rendez-vous de ce type sur le continent. Le sommet africain pour le climat, l’Africa Climate Summit, s’ouvre ce lundi à Nairobi au Kenya pour trois jours. Une vingtaine de chefs d’État sont annoncés, ainsi que le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres. Le continent est particulièrement touché par les conséquences du changement climatique alors qu’il n’est pourtant responsable que de 6% du total des émissions de CO2. L’un des objectifs de ce rendez-vous sera ainsi de permettre aux pays africains de tenter de parler d’une seule voix lors des grandes échéances internationales comme la COP28 qui aura lieu en novembre aux Émirats arabes unis. Pour évoquer les enjeux de ce premier Africa Climate Summit, Pierre Firtion reçoit Edmond Totin, enseignant à l’université nationale d’Agriculture du Bénin. Ancien membre du GIEC, il a notamment coordonné la rédaction du chapitre africain (sur l’adaptation) du rapport sorti l’an passé.  RFI : Edmond Totin, le fait d’organiser pour la première fois un sommet de ce type sur le continent, cela marque-t-il selon vous une prise de conscience des dirigeants africains sur l’urgence à se saisir de cette question climatique ?Edmond Totin : Oui, tout à fait, et je pense que cela montre combien la question du changement climatique préoccupe les gouvernants, parce que jusque-là, j’ai eu comme l’impression que c’est la chose des chercheurs. Et la recherche à elle seule ne suffit pas pour faire un changement fondamental dans ce domaine-là.Vous le rappelez régulièrement, un changement de pratiques en Afrique est absolument nécessaire pour faire face aux effets du changement climatique.Absolument, un changement de pratiques, c’est très important. Mais il n’y a pas que le changement de pratiques, il y a aussi, et je pense que ça se sont les thèmes qui vont certainement revenir au niveau de ce sommet, le financement, le financement équitable des initiatives du changement climatique. Je pense qu’il y a beaucoup beaucoup de débats autour de ces questions-là. Quand nous regardons aujourd’hui cette question du financement climatique, le tableau actuel montre que l’accès aux mécanismes de financements pour soutenir les initiatives climatiques, notamment pour les pays africains, est beaucoup plus complexe et difficile, et le rapport qui est sorti l’année passée a montré notamment que les pays en Afrique subsaharienne ont le taux le plus élevé de rejets de propositions du Fonds vert pour le climat. Et l’autre chose qu’on a essayé de mettre en avant dans ce rapport, c’est que plus de la moitié des fonds qui sont acquis sont réellement déboursés, donc ça, c’est autant de choses qui complexifient et qui exposent davantage les pays africains.L’objectif, selon vous, c’est de simplifier l’accès aux financements et d’accélérer l’arrivée des fonds ?Exactement. Simplifier les mécanismes d’accès et faciliter l’accès à un plus grand nombre, et aussi réduire le temps des procédures, et avoir, ce que les présidents vont certainement défendre aussi, un mécanisme qui permette de distribuer ces fonds en fonction de niveaux de vulnérabilité et d’exposition des pays. L’autre chose qui est connectée à cela, c’est la mobilisation de l’argent, parce qu’on peut penser que le changement climatique c’est seulement l’affaire des dirigeants, mais je pense que, et ça on le dit aussi dans le rapport, arriver à nouer des partenariats stratégiques c’est très important, notamment comment on arrive à mobiliser le financement du secteur privé. Jusque-là, le rapport a montré que seulement 17% de ce financement vient du secteur privé, et c’est important qu’on arrive à montrer que le changement climatique ce n’est pas que l’affaire des dirigeants, qu’on a besoin de l’accompagnement du secteur privé.Edmond Totin, le but d’un tel sommet, c’est de permettre aux pays africains de se mobiliser ensemble avant les grands rendez-vous internationaux à venir, comme la COP28 aux Émirats arabes unis qui aura lieu en novembre ?Oui, c’est ça. Et c’est d’avoir aussi une position plus, je dirais, coordonnée, et d’avoir un agenda plus africain à défendre. On ne va pas là-bas pour découvrir ce que les autres ont à nous proposer, mais on va essayer d’avoir déjà compilé quelque chose qui fait le cœur de nos besoins, quelque chose qui pourrait soutenir les initiatives en cours et atténuer les effets du changement climatique sur le continent.Vous dites que les solutions existent pour faire face à ces changements, mais vous regrettez un manque d’envergure de ces projets ?Absolument, un manque d’envergure. On pense que le changement climatique, c’est juste une question de chaque pays. L’exemple que j’ai souvent évoqué, c’est la lutte contre l’érosion côtière entre les pays, et notamment sur la bande de l’Afrique de l’Ouest. Vous allez voir juste un pays se concentrer à développer un programme de construction des épis, mais c’est sans oublier que construire ces épis, c’est juste déplacer le problème chez son voisin, en oubliant que quand ça va se dégrader chez le voisin, les habitants vont chercher à venir dans d’autres pays où il fait mieux vivre.On évoque un projet de déclaration de Nairobi. L’idée de ce texte, c’est de mettre en avant les potentiels, les atouts du continent et les engagements à prendre pour tenter de faire bouger les choses ?Oui, c’est ça l’idée, les atouts du continent, et avoir peut-être aussi un mécanisme qui pourrait contraindre l’engagement politique, qui pourrait contraindre le décideur politique à être beaucoup plus regardant à investir dans ce secteur, c’est ce que je vois.
9/4/20235 minutes, 7 seconds
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Procès de l'ex-général algérien Khaled Nezzar en Suisse: décryptage avec Benoît Meystre (avocat)

C'est une information qui n'a pas fait grand bruit ces derniers jours, mais qui marque une nouvelle avancée dans la justice internationale. Le Ministère public de la Confédération suisse a transmis le 28 août dernier un acte d'accusation à l'encontre de l'ancien général algérien Khaled Nezzar. Il y aura donc un procès Nezzar en Suisse en application de la compétence universelle. L'ONG Trial International accompagne dans cette affaire les plaignants. Son conseiller juridique, Benoît Meystre est ce matin notre invité. Il répond aux questions de Laurent Correau.
9/3/20234 minutes, 30 seconds
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L'opposant gabonais Albert Ondo Ossa: «Ce n’est pas un coup d’État, c’est une révolution de palais»

Au Gabon, les putschistes ont annoncé jeudi 31 août que le chef de la Garde républicaine, le général Brice Clotaire Oligui Nguema, prêterait serment le 4 septembre en tant que président de la transition. Ils ont annoncé la « mise en place progressive des institutions de la transition », promis que le pays respecterait tous « ses engagements extérieurs et intérieurs », et enfin demandé aux agents de l'État d'assurer la reprise du travail. L'opposition, elle, le répète : elle a remporté les élections et affirme toujours que le candidat unique de la plateforme Alternance 2023, Albert Ondo Ossa, a remporté la présidentielle. Celui-ci est notre invité. Il répond à Sébastien Németh. RFI : Est-ce que vous soutenez le coup d’État ? Albert Ondo Ossa : Je suis un démocrate, un démocrate ne soutient pas les coups d’État, c’est une question de principes. Je crois que la population a manifesté parce que c’était utile, sinon il y aurait eu mort d’hommes. Or, ce dont j’ai parlé, lors du dernier meetinget lors de la campagne électorale, c’est que la présente élection, ce sera zéro mort. Donc, de ce point de vue, si Ali Bongo peut être évacué sans que le sang coule, c’est en cela que c’est une bonne chose.D’autant que le coup d’État entraîne la chute du pouvoir d’Ali Bongo, vous souhaitiez un changement de pouvoir, c’est en train d’arriver finalement ? Non, ça n’entraine pas la chute… Ce n’est pas un coup d’État, c’est une révolution de palais. Oligui Nguema est le cousin d’Ali Bongo, derrière Oligui Nguema il y a Pascaline Bongo, donc les Bongo ont trouvé un moyen de contourner, c’est l’imposture perpétuelle. Les Bongo ne perdent rien. Ils se remettent en selle pour renouveler le système Bongo-PDG [Parti démocratique gabonais, NDLR] à travers Oligui Nguema.Ça voudrait dire que peut-être Pascaline Bongo, des proches de la famille Bongo, seraient derrière, en train de tirer les ficelles ? Il n’y a pas de peut-être. J’en suis sûr. L’intérêt, c’est préserver le pouvoir des Bongo, et on règle un problème familial : Pascaline et Ali Bongo avaient des contradictions. On règle le problème Ali, et on règle le problème du pouvoir. C’est la garde prétorienne qui a fait le coup. Les autres militaires n’y étaient nullement associés.Que dites-vous aujourd’hui aux militaires qui sont aux commandes alors que vous estimez avoir gagné l’élection ? Un militaire, c’est deux choses : ou il est légaliste, ou il est putschiste. Et quand un militaire est putschiste, il sait ce qui l’attend, donc je leur demande de revenir à la légalité républicaine, c’est tout.Que faudrait-il faire pour revenir à la légalité concrètement ? C’est plus facile que de faire une transition. [Les militaires] détiennent Michel Stéphane Bonda, qui est le président du CGE [Centre gabonais des élections, NDLR], le président du CGE proclame les élections, c’est-à-dire décompte de voix, proclamation des vrais résultats que tout le monde connait. Dès lors qu’il les a proclamés, je deviens le président légitime. Et ensuite, on appelle le président de la Cour constitutionnelle, je deviens le président légal. Il n’y a pas de perte de temps. L’État redémarre et tout refonctionne. Je regarde les militaires et je ne sais pas jusqu’où ils iront, mais ils n’ont pas le peuple avec eux et ils sont dans l’incapacité de relever économiquement ce pays.Pourtant, les putschistes ont déclaré que le général Oligui Nguema prêterait serment lundi comme président de la transition, ils annoncent qu’ils mettront progressivement en place les institutions de cette transition, on dirait qu’ils n’ont aucune envie de revenir sur les élections. C’est leur problème à eux. Chacun compte sur ses forces. Ils savent sur quoi ils comptent, certainement les armes, 8 000 personnes, et moi, je compte sur la population gabonaise, et de ce point de vue, 500 000 Librevillois qui peuvent s’opposer à cela. Alors c’est dire que chacun sait ce sur quoi il compte.Deuxièmement, je compte sur la communauté internationale qui va peser de tout son poids pour qu’on revienne à l’ordre républicain. J’ajoute que j’avais prévenu la France, là précisément, elle ne peut pas se déjuger, si elle condamne le coup d’État ipso facto, elle doit pouvoir rayer d’un trait tout ce qui s’ensuit, à savoir la transition. Il faut que toute la communauté internationale, y compris la France, revienne à l’ordre républicain.En ce qui concerne l’Afrique, c’est une nouvelle Afrique, il faut qu’on s’accommodedes présidents qui ne sont pas des béni-oui-oui, mais qui traitent avec la France d’égal à égal, et qui comprennent que c’est un partenariat où tout le monde est gagnant. La France gagne, l’Afrique gagne, pour le bien-être de nos populations. C’est ça la nouvelle donne.Vous parlez de 500 000 Librevillois face à quelques milliers de militaires, est-ce que vous appelleriez les Gabonais à descendre dans la rue si les putschistes ne vous remettent pas le pouvoir ?Non, je ne ferai pas ça, on va crescendo. Je laisse libre cours à la diplomatie. La diplomatie interne, la diplomatie de la communauté internationale. Il faut dire en plus que toutes les missions diplomatiques avaient déjà eu les résultats, elles les connaissent. Ils ont le même document qui est à ma disposition.On a vu dans de nombreux pays autres que le Gabon des putschistes prendre le pouvoir, pour finalement ne plus le lâcher, est-ce que vous craignez qu’on en arrive là ? Je ne le crains pas. Le Gabon, c'est le Gabon. Les putschistes qui ont pris le pouvoir, c’étaient les putschistes qui allaient dans le sens du peuple. Or, c’est une prise de pouvoir en dehors du peuple. Le peuple ne veut plus des Bongo et soixante ans de Bongo, ça suffit. C’est ce que dit le peuple, et c’est ce que j’ai relayé. De ce point de vue, qu’on amène Oligui Nguema, qui est en fait un Bongo, prendre le relais, ça ne change rien effectivement à la situation du peuple. Le peuple continuera de revendiquer, et de faire en sorte que les Bongo soient écartés du pouvoir. Est-ce que vous ne craignez pas que vos propos raidissent la junte et qu’on aille au bras de fer entre vous et les militaires ? Quelqu’un qui pense au développement de son pays ne va pas au face-à-face, mais on est des Gabonais, on se dit les vérités entre nous. Aucune armée au monde, aussi forte soit-elle, ne s’est jamais opposée de manière durable à un peuple. Ce n’est pas possible. Le peuple a toujours raison de l’armée. Et là, précisément, si les militaires sont républicains, ils ont l’obligation et le devoir de remettre le pouvoir à l’ordre constitutionnel.Est-ce que ça veut dire que vous proposez le dialogue aux putschistes ? Le Gabon est un pays de dialogue. Les putschistes sont des Gabonais. Et moi, je suis ouvert, on peut discuter. Mais il y a des questions de principe. On peut discuter, savoir ce qu’ils veulent, quelles sont les conditions qu’ils posent, je suis ouvert. Mais il y a des choses avec lesquelles je ne transige pas : c’est la revendication profonde du peuple gabonais qui a voté. Et cela ne peut pas aller en pertes et profits. Ce n’est pas possible.C’est-à-dire que pour vous, il n’est pas question de refaire une élection, par exemple ? Non. Il faut comprendre que lorsqu’il y a une crise politique dans un pays, c’est là que toute la classe politique s’assoit. Un dialogue est inclusif. La démocratie est plurielle, libre, consensuelle et de ce point de vue, elle n’est pas exclusive. Si tel est le vœu de toute la classe politique, je me soumettrai à cela. Mais ça ne peut pas être le fait de quelques militaires du sérail, c’est-à-dire la garde prétorienne, ou que je me lève un beau matin et que je sois disposé à aller à une nouvelle élection. Ce n’est pas possible. Les Gabonais qui ont voté pour moi, ils doivent entrer dans leur droit, et c’est cela l’ordre républicain.Avez-vous des contacts avec la junte ? Est-ce qu’une rencontre est prévue ?Nous sommes des Gabonais, on se connait tous, c’est un petit peuple, on s’aidede cousins à parents, mais là, il s’agit d’un problème national, je crois que des passerelles existent. Moi, je suis ouvert à la discussion parce que ce sont des compatriotes. D’un autre côté, le problème n’a pas été résolu en entier, c’est un problème à étapes. Première étape : mettre Ali Bongo Ondinmba, quatorze ans d’enfer pour les Gabonais d’un côté, et ensuite, faire en sorte que les Bongo comprennent que soixante ans de pouvoir c’est trop. Les Gabonais, plus compétents, plus sérieux, peuvent également occuper la fonction présidentielle. Le dire, ce n’est pas insulter Bongo, c’est cela la République aussi : accepter qu’il y ait alternance au sommet de l’État.Quelle serait la configuration du dialogue que vous auriez avec les putschistes ? Est-ce que vous iriez au Palais du bord de mer discuter avec le général Oligui Nguema par exemple ?Non. Si le général Oligui vient chez moi pour discuter avec moi, il n’y a pas de problème, avec mon équipe on discutera. Maintenant, s’il m’invite au Palais du bord de mer, c’est une reconnaissance objective de son pouvoir que je ne reconnais pas. Discussion dans un terrain neutre, oui. Mais au Palais du bord de mer, c’est hors de question parce que le démocrate que je suis ne saurait accepter des coups d’État.La junte a annoncé des arrestations de hauts cadres du pouvoir, vous approuvez ce genre d’interpellations ? Pas plus hier qu’aujourd’hui, je n’approuve ce genre de choses. J’ai été clair lors de la campagne : aucun Gabonais n’ira en prison. C’est les négociations au cas par cas. Et quand on regarde bien, c’est une mascarade, ce n’est pas seulement eux. Il faut qu’on sache que ce sont des négociations au cas par cas. Moi, j’ai proposé qu’il n’y ait pas de prison, j’ai proposé un couloir aux Bongo parce qu’ils sont des citoyens. J’ai proposé à l’ancien chef d’État, effectivement, un statut d’ancien chef d’État, que personne ne touche un cheveu des Bongo, je m’en porte garant. Les petites opérations trompe-l’œil, je n’en suis pas.Vous privilégieriez une amnistie plutôt qu’une purge ? Non, il faut qu’il y ait une commission d’ultimeconciliation, qu’il y ait une justice qui apprécie, qu’après cette justice-là, on puisse recourir à la raison d’État. C’est une discussion au cas par cas.À lire aussiInvité Afrique - Coup d’État au Gabon: «L’erreur du président Bongo a été de minimiser les frustrations profondes des populations»
9/1/20239 minutes, 53 seconds
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Coup d’État au Gabon: «L’erreur du président Bongo a été de minimiser les frustrations profondes des populations»

Une intervention des militaires gabonais a donc conduit, mercredi 30 août, au renversement d'Ali Bongo, peu après la proclamation des résultats de l'élection présidentielle. Comment analyser cette irruption des militaires dans l'espace public gabonais ? Nous avons posé la question à un spécialiste de l'armée gabonaise, Axel Augé, sociologue et enseignant-chercheur à l'académie militaire de Saint-Cyr. Il répond aux questions de Laurent Correau. RFI : Axel Augé, comment expliquez-vous que l’armée, de manière générale, et la Garde républicaine, en particulier, aient lâché le président Ali Bongo ? Axel Augé : Je pense qu’il y a un ras-le-bol collectif national des populations, et je crois que l’erreur du pouvoir du président Ali Bongo a été de minimiser les frustrations profondes des populations ou de les ignorer. L’armée, par rapport à tout ça, apparait comme un acteur salvateur, finalement, de la nation et de ces populations en souffrance économique. Si on prend un peu de profondeur historique, si j’ose dire, l’ingérence politique des militaires n’est pas nouvelle dans l’histoire de ce pays. Quand on regarde, d’ailleurs, dans le rétroviseur de l’histoire, en 1964, le président Léon Mba en son temps a été déposé par des militaires. Plus récemment, en 2019, il y a eu l’éphémère coup d’État du jeune lieutenant Kelly Ondo, aujourd’hui emprisonné. Et puis, aujourd’hui, il y a cette nouvelle ingérence des militaires dans l’espace public et dans la gouvernance du pays.Donc vous y voyez vraiment une réaction à des problèmes de gouvernance au Gabon ? Je dirais que les nouvelles générations de militaires représentent les nouvelles générations de population. Il y a un facteur majeur qui est sous-estimé, c’est le changement de génération qui engendre une nouvelle relation avec la chose politique, avec la chose publique. Une jeunesse africaine connectée, éduquée, une jeunesse africaine exigeante envers ceux qui ont la responsabilité de les gouverner, et surtout, une jeunesse africaine qui de par son éducation impose, d’une certaine façon, une obligation de résultats. Il y a un changement de génération de la population, donc un changement de comportement, avec un désir de prendre en main leur avenir, y compris pour une institution martiale qu’est l’institution militaire.Est-ce que vous diriez que l’ensemble de l’armée fait front à l’heure actuelle face au pouvoir d’Ali Bongo ? Les informations que j’ai reçues de la part de quelques contacts locaux, à Libreville notamment, font état en effet d’une institution militaire qui semble s’être désolidarisée de sa hiérarchie politique.Dans sa totalité ? J’aurais tendance à le croire.L’homme qui occupe le devant de la scène à l’heure actuelle, c’est Brice Oligui Nguema qui dirige la Garde républicaine. Son parcours mérite d’être rappelé : en 2009, quand Ali Bongo arrive au pouvoir, il est écarté, puis en 2019, il revient en étant intégré à la Garde républicaine. Comment est-ce que vous expliquez cette disgrâce et ce retour en 2019 ?Je crois que ce jeu d’entrée et de sortie à des responsabilités importantes relève aussi d’un mode de contrôle des individus et des moyens d’assurer leur allégeance au pouvoir en place.En relisant l’histoire de l’armée gabonaise ces derniers mois et ces dernières années, est-ce qu’il vous semble qu’il y a eu des signes avant-coureurs de ce qu’il vient de se produire ? Est-ce qu’il y a eu des signes avant-coureurs ? Il y a eu, en tout cas, des transformations profondes au sein de l’institution militaire, d’ailleurs conduite elle-même, en son temps, par l’ancien ministre de la Défense, un certain Ali Bongo, qui poussait des réformes au sein de l’armée pour en faire « une armée, disait-il, en or, opérationnelle et républicaine », mais aussi une armée engagée dans le cadre d’opérations de maintien de la paix. Et je pense que les efforts, pourtant accomplis par le régime d’Ali Bongo pour améliorer la condition socio-professionnelle des militaires, n’ont pas été suffisants. L’institution militaire locale, nationale, gabonaise s’est dit qu’il était temps qu’elle prenne en main aussi son avenir, tout en contribuant à l’écriture de l’avenir du pays.
8/31/20234 minutes, 5 seconds
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Élections régionales en Côte d'Ivoire: «Un test pour le nouveau parti de Laurent Gbagbo»

En Côte d'Ivoire, la campagne bat son plein en vue des élections régionales et municipales de ce samedi 2 septembre. L'enjeu est le contrôle des 31 régions et des grandes communes du pays. Mais c'est aussi le dernier test grandeur nature avant la présidentielle de 2025. Quelles sont les ambitions des trois grands partis ? Va-t-on vers un renouvellement du personnel politique ivoirien ? Entretien avec Ousmane Zina, maître de conférences agrégé de sciences politiques à l'Université Alassane Ouattara de Bouaké. RFI : Ousmane Zina, est-ce que les élections locales de ce 2 septembre 2023 vont avoir aussi un enjeu national, en Côte d’Ivoire ?Ousmane Zina : Tout à fait. Ces élections ont un enjeu national dans la mesure où ces élections, qui se déroulent deux ans avant les élections présidentielles très attendues de 2025, permettront effectivement aux différents partis politiques de tester leur force, de mobiliser leurs militants et d’affiner leur stratégie en vue de cette bataille de 2025.Et quelles sont les communes d’Abidjan ou de l’intérieur du pays qui auront valeur de test ?À Abidjan, vous avez la commune d’Abobo qui est considérée comme bastion classique du RDR à l’époque, du RHDP  (Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix)  aujourd’hui, avec le maire Kandia Camara, qui est dans la continuité de ce qu’avait fait Hamed Bakayoko [ex-Premier ministre décédé en 2021, Ndlr]. Et en face, vous avez le candidat indépendant « affilié » au GPS [Générations et Peuples Solidaires] de Guillaume Soro, qui également fils d’Abobo, tente de trouver une certaine place.Un candidat indépendant qui s’appelle ?Koné Tehfour. Par ailleurs, vous avez la commune de Yopougon. Dans cette commune, on a le candidat du RHDP Adama Bictogo, qui va s’inscrire dans la continuité de Gilbert Kone Kafana. Il a le soutien du parti. C’est un poids lourd du RHDP qui fera face à Michel Gbagbo, fils de Laurent Gbagbo, et à Dia Houphouët, député PDCI [Parti démocratique de Côte d'Ivoire] de Yopougon. Et Yopougon présente en miniature en réalité ce qui annonce 2025.Il y a deux semaines, le président du pays, Alassane Ouattara, a inauguré un nouveau pont sur la lagune d’Abidjan en déclarant que cet ouvrage valait plusieurs autres mandats. Est-ce à dire que le chef de l’État ivoirien souhaite une grande victoire électorale ce samedi pour pouvoir briguer un quatrième mandat en 2025 ?On avait déjà entendu ce propos et c’est lui qui l’avait dit lors de l’inauguration du pont Henri Konan Bédié. C’était Henri Konan Bédié lui-même qui avait dit que le troisième pont valait d’autres mandats. Je pense que le président Ouattara prend à son compte cette formule, mais elle n’annonce pas sa propre candidature en 2025. Elle annonce clairement la volonté de voir le RHDP rester au pouvoir, continuer son œuvre de reconstruction post-guerre, de relance économique de la Côte d’Ivoire. Donc, je pense qu’il saisit l’occasion pour annoncer effectivement que le RHDP ne compte pas laisser la main aux autres partis politiques.Il y a un mois est décédé Henri Konan Bédié. Est-ce que son parti PDCI n’est pas affaibli par cette disparition et par la guerre de succession qui s’en est suivie ? La disparition de Henri Konan Bédié affaiblit le PDCI d’une certaine manière, parce que Henri Konan Bédié, c’était l’homme des grandes décisions, c’était celui qui dirigeait, qui organisait. Et forcément, c’est un baobab qui tombe. Donc, il faut soit continuer dans sa lignée avec les conservateurs, soit laisser la place à une nouvelle génération politique qui va transformer le PDCI.Ce seront les premières élections depuis le retour de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire. Est-ce que le nouveau parti, le Parti des peuples africains de Côte d’Ivoire (PPA-CI) de Laurent Gbagbo pourrait en profiter ?Oui. Je pense que c’est un vrai test pour ce parti d’essayer de conquérir le terrain au-delà de la figure de Laurent Gbagbo. C’est vrai qu’il est présent pour accompagner, mais ce n’est plus le Laurent Gbagbo qui harangue les foules, ce n’est plus le Laurent Gbagbo qui dispose de sa force de conviction et qui a été affaibli politiquement. Et donc, c’est un véritable test pour ce nouveau parti de Laurent Gbagbo.À l’heure qu’il est, Laurent Gbagbo est toujours sous le coup d’une condamnation par la justice ivoirienne, et donc radié des listes électorales. Est-ce qu’il peut encore espérer pouvoir être candidat dans deux ans ou est-ce qu’il est plus probable qu’il devra passer la main ?Il a dit lui-même, lors d’une conférence de presse, qu’il allait travailler à sa réintégration. Le jeu politique, c’est le champ des possibles. Si par la voie judiciaire, ça peut être compliqué pour lui, je pense que les négociations politiques permettent effectivement des opportunités de possibilité de réintégration. Donc, attendons de voir après ces élections municipales et régionales, comment il va finir sa stratégie en vue de sa réintégration. Mais rien n’est gagné pour l’heure.Est-ce que ces élections peuvent être l’occasion d’un début de renouvellement des générations ? Oui. Je pense, à mon avis, comme vous le voyez les trois grands au pouvoir. Henri Konan Bédié est décédé. Vous avez Alassane Ouattara qui, dans le passé, avait prévu de laisser la main à feu Amadou Gon Coulibaly. Vous avez Laurent Gbagbo qui a des soucis par rapport à sa réintégration sur la liste électorale. Et vous avez d’autres jeunes qui émergent. Le temps est en train de faire son travail par rapport à ces « monstres », à  ces figures fortes de la scène politique ivoirienne. Et donc, on voit poindre à l’horizon effectivement un renouveau générationnel qui va s’imposer avec le temps.À lire aussiÉlections en Côte d’Ivoire: à Cocody, un début de campagne calme pour les municipales et régionales
8/30/20234 minutes, 44 seconds
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Coup d'État au Niger: «La négociation avec la Cédéao ne doit pas être éternelle»

Le romancier guinéen Tierno Monénembo a signé une tribune dans les pages de l'hebdomadaire français Le Point où il estime que « tout doit être fait pour décourager les coups d’État en Afrique ». Faut-il aller jusqu'à une intervention armée de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) ? Comment doit évoluer la relation des États africains avec la France ? Entretien avec Tierno Monénembo. RFI : Tierno Monémebo, dans votre tribune, vous estimez que si les militaires réussissent leur coup à Niamey, c’en sera fini de la démocratie en Afrique. Pourquoi ?Tierno Monémebo : Parce qu’il me semble que ce coup d’État est une espèce de provocation. On a déjà vu le coup d’État de Bamako, de Conakry, de Ouagadougou. J’ai l’impression que c’est une suite logique qui s’est produite à Niamey. Il y a une espèce de conspiration anti-démocratique qui est en train de se manifester sur l’ensemble de la région. Il faut y mettre un terme maintenant, sinon à mon avis, c’est toute la région qui risque de se retrouver sous la coupe des régimes kakis.Selon vous, la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) est en droit et en devoir d’agir contre la junte au Niger. De quelle manière ? Est-ce que cela inclut une intervention armée ?Dans mon esprit, oui. Pour moi, la négociation ne doit pas être éternelle. Il faut bien qu’elle aboutisse à quelque chose. Si la discussion, si les négociations, si les rencontres diplomatiques n’aboutissent pas rapidement à un retour à l’ordre constitutionnel et à un retour au pouvoir du président élu, le président Mohamed Bazoum, alors la solution armée reste la seule possible. Il faudra y aller !Est-ce que cela n’est pas un pari très risqué ?Il faut prendre des risques. Je pense qu’il faut risquer maintenant de sauver la démocratie africaine pour conjurer toutes les menaces que font peser les coups d’État militaires sur l’avenir de l’Afrique. Il faut prendre le risque maintenant.Vous écrivez que le pouvoir militaire est synonyme de corruption et de répression. Comment interpréter les marques de soutien aux putschistes à Niamey après des manifestations semblables au Mali, au Burkina Faso et en Guinée ?Les manifestations populaires spontanées en Afrique, je n’y crois pas beaucoup. Je suis un Guinéen, j’ai longtemps vécu sous le régime de Sékou Touré. Je sais ce que manipulation politique veut dire. Il faut faire attention avec ça.Que nous disent les appels au départ des troupes étrangères présentes au Niger ?Ces troupes étrangères auraient dû quitter non seulement le Niger, mais toute l’Afrique depuis bien longtemps. On n’y a pas pensé, c’est maintenant qu’on y pense. Et pourquoi ? C’est ça le problème. Pour l’instant, la question préoccupante, c’est le retour à l’ordre constitutionnel, le retour du président Mohamed Bazoum à sa fonction légitime. Le reste, les questions de fonds, on les traitera par la suite lorsque le gouvernement légal, légitime sera revenu au pouvoir au Niger.Comment expliquez-vous ce paradoxe : un sentiment de plus en plus répandu en Afrique de l’Ouest d’une attitude néocoloniale de la France, alors que concrètement l’influence de la France y est de plus en plus concurrencée par d’autres puissances étrangères ?Bien sûr. C’est parce que, à mon avis, un certain nombre de discours, un certain nombre de gestes venus de la part des dirigeants français ont beaucoup exaspéré en Afrique : le discours de Dakar est là, le fait que Macron s’est déplacé à Ndjamena pour adouber le fils du dictateur Déby… Tout cela, ça frustre les Africains, tout ça heurte la sensibilité africaine. Évidemment, il y a aussi un vieux ressentiment colonial qui parfois se manifeste, qui parfois est plutôt silencieux par rapport à l’ancienne puissante coloniale. Les relations entre la France et l’Afrique ne seront jamais un long fleuve tranquille. Cela est évident.Comment selon vous peut-on sortir de cette impasse ?En discutant. En parlant sincèrement. Il faut que la France apprenne à parler aux Africains. Je le disais un jour à un diplomate français : vous n’avez jamais tenu la parole qu’il faut aux générations africaines d’aujourd’hui. La France parle à l’Afrique comme si c’était encore l’Afrique du 19e siècle, l’Afrique des vieux paysans des villages, superstitieux, fatalistes. Non. L’Afrique est moderne. Mentalement , au moins. On manque encore beaucoup d’usines. Mais la mentalité moderne est déjà chez nous, notre jeunesse est connectée, connectée avec le monde moderne. Elle connait ses droits, elle est prête à les revendiquer et elle est prête à se battre pour les gagner. Il faut parler à cette jeunesse-là. Il faut parler à l’Afrique réelle, non pas aux dictateurs et aux fils des dictateurs.
8/29/20234 minutes, 24 seconds
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Sahel: «Barkhane a joué un rôle d'amplificateur du mécontentement contre la France»

Dans un contexte particulier de remise en cause de la présence française au Sahel, Emmanuel Macron s'adresse aux ambassadeurs français réunis en conférence à Paris. Dernier épisode en date au Niger, où la junte a exigé que l'ambassadeur de France quitte le territoire. Pour analyser ces revers, l'invité Afrique est Thierry Vircoulon. Chercheur à l’ Institut français des relations internationales (Ifri). RFI : Thierry Vircoulon, Emmanuel Macron réunit les ambassadeurs ce lundi dans un contexte marqué par une nouvelle crise diplomatique avec le Niger…Thierry Vircoulon : C’est en effet une nouvelle crise diplomatique. Après Bamako, après Ouagadougou, c’est maintenant à Niamey qu’il y a une crise diplomatique avec la France. Il n’y a plus d’ambassadeur de France à Bamako. L’ambassadeur de France qui était proposé à la junte au Burkina Faso a été refusé, donc il n’y en aura probablement pas. Et l’ambassadeur de France au Niger a eu un ultimatum pour quitter le pays. Donc, en effet c’est une mauvaise ambiance.La France n’a pas vu venir le coup d’État au Niger. Comment le comprendre ? Est-ce que cela dit quelque chose de l’état de ses relais sur le continent ?Je pense qu’il y a une nette perte d’expertise qu’on a vue pas seulement évidemment avec le putsch au Niger, mais en ce qui concerne toute cette évolution et en ce qui concerne la façon dont la guerre contre le jihadisme a été gérée par Paris au Sahel. Après en ce qui concerne le putsch lui-même au Niger, qui est un pays qui a une présence militaire française importante, donc en effet, l’idée qu’on ait été pris par surprise pose question sur les capacités d’anticipation. Donc, il faudra savoir à quel niveau le travail normal d’anticipation a échoué.Quelle est la responsabilité de l’administration centrale dans ce que vivent les représentants de la France sur le terrain ?L’administration centrale, je ne sais pas, mais, en tout cas, en ce qui concerne la politique africaine dans la Ve République, c’est l’Élysée qui définit et qui donne le ton de cette politique. Et par conséquent, je pense que c’est surtout le problème, comme on dit en France, de la verticale du pouvoir avec l’Élysée qui, grosso modo, a son idée propre, rarement en phase avec la réalité sur le terrain, mais que comme on est dans la verticale du pouvoir, elle s’impose à tout le monde. C’est surtout l’Élysée qui, à mon sens, est responsable de la situation actuelle et du fait que l’armée française soit boutée du Sahel.Et est-ce que vous pensez que la réforme, qui a été désirée d’ailleurs par l’Élysée, du corps diplomatique a quelque chose à voir dans cette cécité de la France sur le sol africain ?Non. Parce qu’en fait, cette réforme commence à être mise en œuvre. Il n’y aura plus de corps diplomatique. Le niveau de connaissances est quand même assez faible, il va l’être encore plus, ça va être une des conséquences de cette réforme. Mais ça, ça va être pour les années à venir. Donc, ce n’est pas cette réforme qui est responsable de ce qui vient de se passer.Le sentiment anti-français grandit en Afrique. Au-delà des manœuvres de Moscou, il y a des raisons plus profondes. En quoi la France a-t-elle déçu ?À l’Ifri, on explique que la critique de la politique française en Afrique n’est pas nouvelle. Ce qui est critiqué, c’est la politique d’aide, la politique économique avec le franc CFA. Mais ce qui a été quand même l’élément qui a fait basculer les choses, c’est l’opération Barkhane qui a duré de 2014 à 2022, donc qui n’était pas une opération, une opération ne dure pas 8 ans. Barkhane a vraiment joué un rôle d’amplificateur du mécontentement contre la France. Et donc, si Barkhane a eu des succès tactiques, ça a été en revanche une gigantesque erreur stratégique.Les bases militaires de la France en Afrique sont un chapitre en train de se clore, comme le disait en aparté un général français ?Oui. Tout à fait, parce qu’actuellement, il n’y aura plus de vraies justifications pour le maintien de ces bases. La principale justification, c’étaient évidemment les opérations extérieures. Comme maintenant, celles-ci deviennent de plus en plus politiquement inconcevables, la principale justification pour avoir des bases militaires en Afrique tombe. On n’a pas besoin de bases permanentes en Afrique pour faire de la coopération militaire en Afrique, il y a des tas de pays non africains qui font de la coopération militaire avec d’autres pays africains et qui n’ont pas pour cela des bases militaires.Dans une tribune, une centaine de parlementaires français appellent à « refonder » la politique africaine de la France. Quelle forme devrait-elle prendre désormais, selon vous ? Je pense que là, c’est exactement le type d’appel qui montre à quel point la classe politique française est complétement en décalage et en discordance avec les évolutions en Afrique. La réalité, c’est que l’Afrique représente au maximum 5% du commerce extérieur de la France. Donc, plutôt que de parler d’une « refondation » d’une nouvelle politique africaine de la France - qu’avait déjà voulu faire [Emmanuel] Macron au début de son premier quinquennat et on a vu le résultat - il faudrait plutôt songer à faire une politique où nos intérêts économiques et nos intérêts politiques concordent, et ne pas être en décalage par rapport aux évolutions géoéconomiques du monde.
8/28/20235 minutes, 1 second
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Maram Kairé, astronome: «L'Afrique est en train de faire de grands pas dans le domaine du spatial»

« L'Inde est sur la Lune », a déclaré, mercredi 23 août, le chef de l'agence spatiale indienne, après que son pays a réussi l'alunissage de la fusée Chandrayaan-3 (avec son module Vikram). En posant un engin spatial sur la Lune, l'Inde a rejoint le club très fermé des nations parvenues à mener avec succès une telle opération. Jusqu’à présent, seuls la Russie (à l’époque de l’URSS), les États-Unis et la Chine avaient réussi un atterrissage contrôlé à la surface lunaire.  Le Premier ministre indien Narendra Modi a qualifié ce 23 août de « jour historique ». La Lune représente-t-elle un nouvel enjeu géopolitique ? Et quelle place pour l'Afrique dans cette conquête spatiale ? L’astronome sénégalais Maram Kairé, directeur général de l'Agence sénégalaise d’études spatiales, est l’invité de Christina Okello ce dimanche.Qu’est-ce que cet alunissage par l’Inde signifie pour la conquête spatiale ? Assiste-t-on à un basculement, à un changement d’époque dans cette conquête de l’espace avec l’arrivée des pays émergents ?Maram Kairé :  C’est une journée qui est tout simplement historique en fait, parce qu’on est en train de revoir toutes les bases aujourd’hui de la conquête de l’espace en termes d’acteurs qui étaient dans un cercle extrêmement fermé où c’étaient les États-Unis, la Russie et la Chine qui avaient cette prouesse de pouvoir se poser sur la Lune. Aujourd’hui, c’est un pays émergent qui y arrive en mettant en œuvre toute une équipe dynamique, avec un budget qui n’est pas aussi élevé que ça, et qui réussit quand même à se poser à la surface lunaire. Beaucoup de grandes puissances ont essayé cette aventure de se mettre en orbite autour de la Lune ou d’essayer de se poser, ils n’ont pas réussi. Donc, cela veut dire que le défi technologique lui-même est relevé. Et je pense que c’est un moment historique.Est-ce que l’arrivée des pays émergents comme l’Inde dans ce club très restreint signifie qu’il peut y avoir compétition entre les pays du Nord et les pays du Sud ?À mon avis, il n’y aura pas de compétition en tant que telle, c’est plutôt en fait une collaboration qui doit se mettre en place. L’Afrique est en train de faire de grands pas dans le domaine du spatial. Ce n’est pas pour venir faire de la concurrence, mais pour peut-être répondre à des urgences qui sont là. Cela va être directement lié aux objectifs de développement durable. Par rapport à cet aspect, nous n’avons pas d’intérêt à nous lancer dans une concurrence, mais plutôt à trouver le moyen de travailler ensemble. Donc, c’est une franche collaboration qui est attendue entre les pays du Nord et les pays du Sud.Pensez-vous que la mission réussie de l’Inde pourrait faire des émules en Afrique ?Le spatial en tant que tel est devenu une ambition pour le continent africain où on assiste vraiment à une explosion d’initiatives de lancements de satellites, de création d’agences spatiales depuis une vingtaine d’années. Nous sommes à plus de cinquante satellites qui ont été lancés ces 20 dernières années sur le continent. Et si aujourd’hui, un pays émergent comme l’Inde réussit à se poser sur la Lune, ça donne de l’espoir, ça montre que le défi est tout à fait accessible aux pays du continent africain qui ont pour ambition aujourd’hui de développer leur secteur spatial.À l’heure actuelle, quels sont les pays africains qui sont en mesure de pouvoir un jour poser une sonde spatiale sur la Lune ?Nous sommes aujourd’hui à 22 pays qui disposent d’une agence spatiale et qui sont en train de mettre en œuvre un programme spatial à des niveaux, peut-être, différents. Mais, si nous devions lister certains pays qui ont ce potentiel de pouvoir se mettre en orbite lunaire ou de poser carrément des sondes sur la Lune, il y a des cas que nous pouvons citer assez rapidement : l’Afrique du Sud, aujourd’hui, a les moyens, technologiques en tout cas, de pouvoir tenter cet exploit ; le Nigeria a la possibilité également de pouvoir lancer ce défi ; de nouveaux pays qui arrivent avec une très bonne dynamique dans le domaine du spatial comme le Kenya qui a montré ses ambitions, qui a lancé son satellite, il n’y a pas longtemps.Au Nord, nous avons la Tunisie aussi qui donne une bonne dynamique à son secteur spatial. Et de façon concrète, aujourd’hui, la création de l’agence sénégalaise d’études spatiales nous permet également de nous fixer des ambitions très élevées.Est-ce que votre pays, le Sénégal, a des projets lunaires par exemple ?Pour ne rien vous cacher, au moment où nous sommes en train de finaliser la construction du premier satellite sénégalais, on a envisagé déjà la construction du second à partir de 2025, 2026. Mais à l’horizon 2030, il est inscrit sur notre feuille de route que nous puissions tenter au moins de mettre une sonde en orbite lunaire.Comment le continent peut-il mobiliser les fonds nécessaires à ses ambitions ? La mission indienne a coûté plus de 60 millions d’euros. Certes, elle est moins importante que d’autres missions. Mais où est-ce que l’Afrique va trouver les moyens ?Les moyens ne manquent pas sur le continent. La vraie question, en fait, c’est : à quel moment nous en faisons une priorité ? Parce que dans le budget de plusieurs [pays], vous allez trouver des investissements de la part de l’État lui-même ou de bailleurs qui peuvent injecter, sur des projets de programmes [spatiaux], quasiment la même somme qui est utilisée aujourd’hui pour cette mission indienne. Mais la question, c’est à quel moment nous décidons de faire du spatial une priorité pour que, dans le budget des États, nous puissions trouver une part importante à réserver à ce programme.Quel est l’intérêt pour les pays africains ou les pays émergents de sacrifier des moyens pour tenter de se poser un jour sur la Lune ?Cela permet de développer le secteur de la recherche, cela permet de développer le secteur industriel autour du spatial. Et je pense qu’il est important également de signaler que ce n’est pas un luxe pour les pays africains, pour les pays émergents, de tenter ces défis technologiques. Et ce pour une seule et simple raison, c’est qu’en misant sur ces challenges assez élevés, nous arrivons à drainer derrière toute une industrie, toute une économie pour le potentiel technologique de ces entreprises qui vont travailler dans le domaine du spatial. C’est tout l’écosystème qui va être « challengé » pour pouvoir réussir une telle mission.
8/27/20235 minutes, 6 seconds
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Azali Assoumani, président de l'UA: l'extension des Brics est «une très bonne chose pour l'Afrique»

L'Arabie saoudite, l'Argentine, l'Égypte, l'Éthiopie, les Émirats arabes unis et l'Iran rejoindront le groupe des cinq à partir du 1er janvier 2004. Le président comorien, président en exercice de l’Union africaine, Azali Assoumani est l’invité Afrique de RFI. Il s’exprime sur les Brics mais également sur la situation au Niger.  RFI : Azali Assoumani, ce sommet des Brics a ouvert la porte à six nouveaux membres, dont deux africains, l’Égypte et l’Éthiopie. Que représente cette décision pour le continent ?Azali Assoumani : C’est une très belle décision parce que l’Afrique est en train de lutter pour un multilatéralisme positif, conséquent et fructueux. Les Brics, effectivement, c’est une structure qui a toujours eu de très bonnes relations avec l’Afrique, y compris parce que l’Afrique du Sud aussi en est membre. Donc aujourd’hui, l’extension de cette structure à d’autres pays, du Moyen-Orient, d’Afrique, c’est une très bonne chose, parce que ça va dans le cadre du multilatéralisme qu’il faudrait mettre en place.Et on entend depuis le début du sommet que les Brics ne somment personne de choisir de camp, mais dans les faits, est-ce que l’Afrique n’est pas aujourd’hui tiraillée entre le bloc occidental et des puissances comme la Chine ou la Russie ?Moi, j’étais en Russie dernièrement et j’ai plaidé pour ça. J’ai dit que le temps des tiraillements, c’est fini. C’est vrai, il y a des gens ou des pays qui ont des intérêts particuliers. Ce que j’ai dit à Vladimir Poutine, c’est que maintenant, on a besoin de vous. On a les Européens, on a les Américains, on a les Chinois, donc on a besoin de vous pour qu’on ait une concurrence positive, parce que si la concurrence est positive, tout le monde va y gagner. C’est un constat mais je crois que les gens ont compris que maintenant, on ne peut pas prendre un pays en otage et prétendre qu’on est les seuls à coopérer avec ce pays. C’est vrai, des fois il y a des petits tiraillements, mais je pense que ce sont des choses qu’on peut quand même mettre en arrêt dans la durée.En ce qui concerne le Niger, l’Union africaine a désormais suspendu Niamey de ses institutions. Cela signifie-t-il pour vous que le coup d’État est consommé ?Non, pas du tout, il n’est pas consommé. On est toujours en train de discuter, ce sont des mesures qu’on prend pour essayer de les convaincre de discuter, de négocier. Nous, on est tous ensemble pour dire que non, on ne peut pas avoir trois pays en état d’inconstitutionnalité, et puis un quatrième pays, c’est quand même un mauvais exemple. Donc il va falloir tout faire pour que ça s’arrête, donc non, on discute, toutes les voies sont permises, mais nous, on privilégie la discussion, le dialogue avec eux, en espérant qu’ils iront dans le bons sens pour aller de l’avant, en tout cas, trouver une solution à ce problème, parce que c’est quand même très très grave ce qu’il se passe au Niger.Pourquoi vous pensez que les choses vont pouvoir changer ? Qu’est-ce qui vous rend optimiste sur le Niger ?Il y a eu tellement de problèmes dans d’autres coins, on a pu trouver des solutions. La vérité, j’en ai discuté aujourd’hui avec mes homologues, c’est qu’on ne s’est jamais assis en amont pour essayer de voir le problème, on attend que le problème se pose pour trouver une solution. Quand le problème se posera, effectivement, on aura besoin de solutions immédiates, mais ce n’est certainement pas une solution pérenne. C’est pourquoi il va falloir maintenant tirer les leçons, pour essayer de prévenir, et ne pas attendre que le coup d’État soit fait pour prendre des mesures. S’ils ont besoin de moi, de quelque sorte que ce soit, pour les aider, moi je suis prêt à m’investir pour trouver une solution et surtout, libérer le président Bazoum. Ce n’est quand même pas humain. Et puis aussi, mettre fin à ça. Nous qui sommes élus, est-ce qu’on peut laisser faire des choses comme ça ? Qui dit à qui ça va arriver demain ? Donc nous qui sommes élus, c’est à nous de faire attention, parce que même si celui qui l’a fait demain va se faire élire, qui dit que ça va se répéter après ? C’est pourquoi on doit, effectivement, essayer de trouver des solutions en amont pour essayer de prévenir ce genre de choses.Enfin, sur le Soudan, le pays reste enfermé dans le face-à-face violent entre l’armée et les Forces de soutien rapide, entre le général al-Burhan et le général Hemedti. Comment peut-on sortir de cette crise ?Moi, je me suis investi à un moment donné, j’avais discuté avec les deux belligérants, on s’était mis d’accord pour mettre en place un mécanisme pour voir comment on allait s’asseoir pour discuter. Moi, j’étais prudent. Il y avait des structures locales, l’Igad [Autorité intergouvernementale pour le développement, NDLR] par exemple, qui avaient envoyé des initiatives, moi, je voulais faire une complémentarité. Aujourd’hui, j’ai discuté et je vais relancer les discussions. Dernièrement, al-Burhan m’a envoyé un émissaire avec qui j’ai bien discuté. Je vais voir comment je peux prendre contact avec Hemedti aussi. Mais il faut qu’ils acceptent de s’asseoir pour discuter parce qu’on ne gagne jamais une guerre.Pour finir, l’Union africaine s’oppose à toutes les ingérences extérieures sur le continent. Un de ces acteurs, Evgueni Prigojine, vient de disparaître. Quelles leçons espérez-vous que les grandes puissances tireront après la disparition d’une de ces figures de l’ingérence ?Moi, ce que j’ose espérer, c’est que les Africains comprennent, on le dit, que les problèmes africains, ce sont des solutions africaines. Aujourd’hui, il y a des militaires français, allemands, italiens, qui sont placés en Afrique, et si aujourd’hui on sort les Européens et qu’on met des Russes, quelle est la différence ? Qu’ils soient Russes, qu’ils soient Américains, qu’ils soient Européens, effectivement ce sont des gens dont on a besoin. Mais c’est à nous de définir le besoin qui serait utile, plutôt qu’effectivement, les amener pour faire à notre place ce que nous devons faire.
8/25/20234 minutes, 55 seconds
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Russie: après la mort d'Evgueni Prigojine, la survie de Wagner «va être très difficile»

L'avion d’Evgueni Prigojine, le chef du groupe paramilitaire russe Wagner, s'est donc écrasé hier alors qu'il assurait la liaison Moscou–Saint-Pétersbourg. L'agence russe du transport aérien Rosaviatsiya confirme que Prigojine se trouvait à bord. Quelle conséquence cette disparition du chef de Wagner peut-elle avoir sur le groupe et ses activités en Afrique ? Pour la chercheuse Lou Osborn, membre de l'organisation All Eyes On Wagner et co-autrice du livre Wagner, Enquête au cœur du système Prigojine à paraître le 15 septembre aux éditions du Faubourg, cette organisation est profondément touchée car, au-delà d'un chef très impliqué dans ses activités, elle perd plusieurs hauts cadres. Elle est ce matin notre invitée. RFI : Lou Osborn, l’organisation Wagner peut-elle survivre à la mort d’Evgueni Prigojine ?Lou Osborn : J’aurais tendance, à l’heure actuelle et avec les informations dont on dispose, à dire que ça va quand même être très difficile, puisque les rumeurs, aujourd’hui, qui sont encore non-confirmées - on n’a pas vu d’images-, disent que, en gros, c’est toute la tête du commandement de Wagner qui était dans cette avion. Et donc, c’est non seulement leur chef très charismatique, mais c’est également des gens avec certaines positions et certaines visions stratégiques, donc ça semble quand même assez compliqué.Vous décrivez Prigojine comme un chef charismatique. Quel rôle a-t-il occupé dans ce groupe paramilitaire ? Que sait-on de son pouvoir réel dans l’organisation ? Il a un pouvoir très concret, très réel, c’est quelqu’un qui était très intéressé par le détail des opérations. On sait qu’il allait jusqu’à connaitre les moindres détails de ce qui se passait dans les pays. C’est quelqu’un qui n’hésitait pas non plus à aller sur place pour rencontrer ses clients, que ce soit pour signer des accords comme pour réclamer de l’argent. On sait qu’il était en Libye en octobre dernier pour essayer de se faire payer. Donc, c’est quelqu’un qui allait sur place. C’est quelqu’un qui aussi était très très impliqué dans les cercles du pouvoir du Kremlin. Et c’est peut-être, d’ailleurs, ce qui lui a valu sa survie jusqu’à maintenant.Que sait-on des lieutenants de Prigojine qui étaient à bord de l’avion qui s’est écrasé ?A priori, nous ce qu’on arrive à avoir comme info, c’est qu’il était accompagné de (Dmitri) Outkine. C’est vraiment son bras droit, celui qui est en charge des opérations militaires du groupe Wagner, qui s’était exprimé il y a peu de temps en Biélorussie en disant : « Bienvenue dans le groupe Wagner, bienvenue en enfer », accompagné de cadres de ce qu’il appelle le conseil des commandants, qui auraient fait partie de cet avion. Mais, pour l’instant, on n’a pas de visuel, des corps ou des visages. Prigojine, ça reste quand même le maitre de la dissimulation et des déguisements. On se rappelle les perruques qu’il a. Il ne faudrait pas exclure qu’il y ait encore des retournements de situation ou plus d’informations qui arrivent un peu plus tard.Ce conseil de commandement, c’est l’instance décisionnelle de Wagner ? Oui, c’est ça.Après la rébellion avortée du 24 juin, Prigojine avait indiqué que le groupe paramilitaire allait quitter le front ukrainien pour se concentrer sur l’Afrique. Est-ce que c’est effectivement le cas depuis deux mois ? Est-ce que vous avez vu des signes de ce redéploiement ?Oui, tout à fait. Donc on sait que ces opérations en Afrique, donc principalement en Libye, au Mali, et en Centrafrique, n’avaient pas changé. Ils avaient même renvoyé du monde en amont du référendum centrafricain. Et surtout, et c’est ça qui est quelque part incroyable, c’est qu’il y a 48 heures, il faisait une réapparition vidéo, a priori depuis le Sahel, depuis le Mali, pour dire que le groupe Wagner recrutait à nouveau pour des postes en Afrique, et allait se relancer sur l’Afrique.Donc il y avait de la part de Wagner une volonté d’investir un peu plus l’Afrique ? Tout à fait, l’Afrique ça reste finalement le continent sur lequel ils se sont déployés en premier et sur lequel ils se sont le plus déployés, et ça, je pense que c’est très important de le rappeler, c’est vraiment leur « centre d’expertise ». C’est un endroit, aussi, où ils ont tissé beaucoup de relations, que ce soient des relations militaires, politiques, commerciales. C’était aussi, et ça reste, une zone d’intérêt pour l’influence russe, et donc il y avait quelque chose à perpétuer dans ce sens.Et un message à envoyer au Kremlin, peut-être, à l’époque ? Nous, la lecture qu’on avait des derniers mois, depuis la mutinerie, c’était qu’il y avait sûrement une espèce d’accord qui devait être conclu quelque part, entre Poutine et le groupe Wagner, et qu’on voyait des signaux de Wagner essayant un peu de relancer ses activités pour montrer qu’ils étaient toujours utiles et présents. On a vu qu’ils ont créé une petite bulle informationnelle sur les événements du Niger, donc ils pouvaient encore se montrer comme étant utiles. On lisait un peu les dernières semaines comme ça.Et notamment la dernière vidéo, une vidéo sans doute promotionnelle, vis-à-vis du Kremlin ? Oui, pour dire : « Regardez ce qu’on peut faire ».Quel est aujourd’hui le poids économique de Wagner de manière générale ? Après la mutinerie, ce qui est intéressant de constater, c’est que les sociétés qui composent la galaxie Wagner, donc principalement toutes les sociétés qui appartiennent à la holding Concord, n’avaient pas été cédées, donc étaient toujours en activité, et on avait même vu que Prigojine en Russie avait gagné un certain nombre de marchés publics, depuis le mois de juillet. En ce qui concerne leurs activités plutôt en Afrique, en Centrafrique ils sont présents dans plusieurs secteurs, les mines, les boissons, c’est un acteur qui est quand même assez important, et c’est un acteur notamment important parce qu’il a réussi à modifier un certain nombre de lois qui étaient destinées aux investisseurs étrangers. Il y a eu tout un travail d’accaparement de l’État par rapport à ça, et donc demain, s’ils disparaissent ou s’ils se désengagent, ça va créer des tensions internes sûrement.
8/24/20235 minutes, 13 seconds
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Guerre au Soudan: «L’impact sur les civils est énorme, il faut redoubler d’efforts pour que ce conflit s’arrête»

Depuis le 15 avril 2023, la guerre entre l'armée du général Abdel Fattah al-Burhan et les Forces de soutien rapide (FSR) du général Hemedti a ravagé la capitale Khartoum et poussé plus de quatre millions de personnes à fuir. Les morts, eux, se comptent par milliers. Avant cette crise, le Soudan comptait déjà 1,1 million de réfugiés venus des pays voisins. La situation humanitaire est de plus en plus précaire et fragile, d'autant que l'accès aux populations déplacées reste difficile. Mamadou Dian Balde, directeur régional du HCR, le Haut-commissariat aux réfugiés, est au Soudan actuellement. Il répond à Florence Morice au téléphone depuis Kosti dans l’État du Nil Blanc.  RFI : Mamadou Dian Balde, plus de quatre mois après le début de cette guerre au Soudan, est-ce que le nombre de déplacés se stabilise ou est-ce qu’il continue d’augmenter ? Mamadou Dian Balde : Il ne se stabilise pas. La souffrance humaine ne fait que continuer. L’impact est énorme sur les populations civiles. Il faut redoubler d’efforts pour que ce conflit s’arrête. Nous voyons malheureusement une incapacité à arrêter le conflit. En attendant que la paix revienne, nous lançons aussi un appel aux donateurs afin qu’ils nous assistent pour que nous puissions alléger les souffrances subies.Vous êtes actuellement à Kosti dans le Nil Blanc. Comment s’organise l’assistance aux déplacés, sachant qu’il y avait déjà de nombreux réfugiés à Kosti avant cette guerre, et que cela accroit encore un peu plus la pression, notamment sur les structures de santé ? Il y a de plus en plus de partenaires, que ce soient des Nations unies ou des ONG, qui viennent pour aider à soulager ces populations, mais ça doit se faire beaucoup plus vite, et ça doit se faire beaucoup plus, parce que les besoins que nous voyons sont des besoins énormes. J’ai visité un poste de santé aujourd’hui (mardi) à huit kilomètres de la frontière avec le Sud-Soudan. Il abrite des Soudanais, il abrite des réfugiés qui étaient déjà à Khartoum, c’est juste inimaginable. Ces gens-là sont frustrés. Il nous faut juste répondre à un niveau qui est en adéquation avec les besoins que nous constatons.Y a-t-il encore du personnel local qui est resté malgré les conditions difficiles ?Absolument, des gens qui sont extrêmement résilients, des gens qui sont très endurants, qui avaient l’habitude de recevoir des salaires, qui ne reçoivent plus de salaires, qui ne bénéficient que du soutien que nous leur apportons, que ce soient les Nations unies ou les ONG locales, et qui ont décidé de rester pour aider leurs frères et sœurs.Est-ce que l’accès pour le personnel humanitaire s’est amélioré ? Il est plus facile pour certaines organisations, mais il est généralement difficile. J’ai rencontré plusieurs responsables du gouvernement ici et nous leur avons fait comprendre qu’il faut faciliter la délivrance des visas pour que l’on puisse répondre aux besoins humanitaires, y compris pour les journalistes. Nous faisons notre plaidoyer au mieux pour que ce soit facilité et qu’on puisse avoir la visibilité nécessaire. Le Soudan fait face à l’une des situations les plus difficiles qu’il a connu depuis son indépendance en 1956. Nous espérons qu’ils vont rapidement pouvoir tourner la page, même si, malheureusement, les décideurs politiques ne le font pas.Où en sont les discussions avec l’Égypte ? On sait qu’à un certain moment, ils n’ont accepté que les femmes et les enfants. Aujourd’hui, ils réclameraient des visas pour les réfugiés. Êtes-vous en discussion avec eux pour régler ces problèmes ? Absolument, nous sommes en contact avec les autorités égyptiennes. Le Haut-Commissaire, Filippo Grandi, était en Égypte. Nous sommes en contact et nous essayons de faire de notre mieux, parce que déjà l’Égypte reçoit cinq à six millions de Soudanais sur la base d’accords qui existaient déjà. L’Égypte a ouvert ses frontières pour recevoir les réfugiés jusque-là. Il y a eu des restrictions à certains moments, mais nous en appelons à ces autorités-là pour que la solidarité continue à l’égard de leurs frères et sœurs soudanais qui sont dans le besoin. En même temps que nous le faisons, nous augmentons notre présence du côté de Wadi Halfa, près de la frontière du côté du Soudan, pour que ceux qui peuvent être assistés à l’intérieur du Soudan le soient, et que ceux qui veulent traverser la frontière internationale puissent le faire. Mais une fois que les réfugiés soudanais arrivent en Égypte, leurs besoins ne sont pas remplis. Nous ne sommes financés qu’à hauteur de 31% de nos besoins. Donc le gouvernement égyptien demande tout de même qu’il y ait un plus grand soutien aux réfugiés qui ont déjà pu venir, et je crois que c’est vraiment ça l’esprit du pacte mondial pour les réfugiés, que l’Égypte continue d’ouvrir ses frontières, que nous puissions travailler avec eux, qu’il y ait un financement adéquat et comme ça, ça aide tout le monde, jusqu’à ce qu’il y ait une paix et que les réfugiés puissent repartir chez eux.Vous allez vous rendre dans les jours qui viennent en Éthiopie. J’aimerais donc vous demander une réaction à ce rapport publié lundi par l’ONG Human Rights Watch, qui accuse les gardes-frontières saoudiens d’avoir tués des centaines de migrants éthiopiens, entre mars 2022 et juin 2023. Nous sommes au courant de ce rapport. Nous sommes en train de nous informer davantage sur son contenu, et c’est quand même… Ce que nous entendons, ce qui est inscrit dans ce rapport-là, est absolument inconcevable.
8/23/20234 minutes, 54 seconds
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Sommet en Afrique du Sud: «Les Brics, c'est un club économique mais aussi, et surtout, politique»

Johannesburg accueille de mardi à jeudi le 15e sommet des Brics, dont l'Afrique du Sud est membre, aux côtés du Brésil, de la Russie, de l'Inde et de la Chine. Le thème du sommet cette année : les Brics et l'Afrique. Pas moins de 30 dirigeants africains ont annoncé leur venue à Johannesburg, dont le Sénégalais Macky Sall et le Congolais Denis Sassou Nguesso. Pour en parler, notre invité est Paul-Simon Handy, de l'Institut d'études de sécurité (ISS). RFI : Paul-Simon Handy, le sommet des Brics est organisé sur le sol africain, et il a pour thème l’Afrique cette année. Quel est le sens de cet accent mis sur le continent, de la part des pays membres des Brics ? Paul-Simon Handy : L’intérêt est tout d’abord politique. Il s’agit déjà pour l’Afrique du Sud, qui a invité ces pays d’Afrique, de montrer son leadership dans les efforts de création d’une sorte de forum alternatif aux institutions globales existantes. Il y a aussi un effet de communication politique pour les Brics eux-mêmes, de démontrer aux pays africains qu’ils ont un forum, qu’ils ont un lieu, où ils peuvent exprimer politiquement, mais aussi économiquement, les vues, les intérêts qui sont les leurs et qui sont notamment en désaccord avec l’actuel multilatéralisme qui est perçu comme dominé par les pays occidentaux, en tête desquels les États-Unis.Pas moins de trente pays africains seront représentés, qu’est-ce qui fait qu’ils se pressent tous, en ce moment ?Le timing de ce sommet est important si on veut comprendre pourquoi il a autant de succès dans les pays africains. Ce sommet aurait eu lieu avant la crise du Covid et avant la guerre en Ukraine, on aurait peut-être eu moins d’enthousiasme de la part des pays africains. Il y a eu le Covid, et notamment la gestion des vaccins qui a été perçue dans plusieurs pays, pas seulement d’Afrique mais de ce qu’on appelle le Sud global, comme injuste. Il y a eu, après, la guerre en Ukraine, qui a fait revenir sur scène cette sorte de nouvelle alliance dite non-alignée, justement, aux contours très peu clairs mais qui faisait ressortir une sorte d’opposition de plusieurs pays dits du Sud envers ce qui était perçu comme la domination occidentale, américaine et aussi française.23 pays du monde ont déposé leur candidature pour entrer dans ce club selon le ministre sud-africain des Affaires étrangères, dont six pays africains : l’Algérie, l’Égypte, l’Éthiopie, le Maroc, le Nigeria et le Sénégal. Est-ce que ces candidatures sont crédibles et réalistes ? Quand on voit déjà l’hétérogénéité des Brics actuels, on passe quand même de la Chine, à l’Afrique du Sud en passant par le Brésil, ça démontre que les Brics sont à la fois un club économique mais aussi, surtout, un club politique. Les pays africains qui font la demande d’adhésion sont tout aussi hétérogènes, ce qui pose la question des critères d’adhésion. Qu’est-ce que les Brics véritablement ? Quels sont les critères d’entrée ? Ce sera discuté à ce sommet. Est-ce qu’ils veulent rester un club sélectde puissances dites émergentes, ou alors est-ce qu’ils veulent s’élargir au point de devenir un groupe des 77, un groupe des non-alignés bis, ce qui diluerait finalement leur importance et peut-être aussi l’idée de créer une alternative au G7, ce qui est l’ambition de certains pays dans les Brics.Y a-t-il consensus au sein des membres historiques des Brics sur ces élargissements ? Il y a de fortes divergences entre les membres, surtout entre la Chine et l’Inde sur la question de l’expansion. L’Inde est pour une expansion mesurée, beaucoup plus phasée, alors que la Chine aimerait rapidement élargir le groupe à plusieurs autres membres.Et qu’est-ce que l’Afrique peut tirer de ce sommet des Brics, au niveau politique ou au niveau économique ? Je pense que les gains sont surtout politiques et surtout en termes de communication politique. Il s’agit là d’envoyer un message aux opinions publiques comme quoi les dirigeants africains n’ont pas que des partenaires occidentaux, mais qu’ils ont des partenaires, des puissances moyennes et grandes, de ce qu’on appelle le Sud global. Économiquement, même pour les pays membres des Brics, même pour un pays comme l’Afrique du Sud, il est encore difficile de voir quels sont les véritables bénéficies de l’appartenance aux Brics. Pour les autres qui ne sont pas membres, il y a ceux qui veulent renforcer leurs liens avec la Chine, d’autres avec l’Inde et d’autres qui y voient le moyen de venir nouer de nouvelles alliances, de nouvelles potentialités de coopération économique. Les États africains qui viennent à ce sommet viennent à vrai dire pour des raisons très différentes les unes des autres, ce qui paradoxalement peut être plus un problème pour la cohésion du groupe des Brics qu’on ne le pense.Est-ce que ce groupe se constitue plutôt autour de la Russie, plutôt autour de la Chine, ou est-ce que c’est un groupe non-aligné qui veut avoir sa propre parole vis-à-vis du reste du monde ?Le club des Brics a évolué depuis sa création. La croissance, autrefois dynamique, des Brics s’est un peu tassée au milieu des années 2010. Il y a eu des pays, comme l’Afrique du Sud, comme le Brésil, comme la Russie, qui sont entrés dans une sorte de stagnation, souvent même de crise économique, alors que la Chine et l’Inde ont continué de croitre. Donc la Chine, aujourd’hui, est l’élément dominateur. Même si la Russie a été à l’initiative de la création des Brics, aujourd’hui c’est la Chine, avec un président Xi qui ne cache pas ses ambitions de domination de l’économie mondiale. Aujourd’hui, je pense que les Brics sont ordonnées, structurées autour de la Chine, même si c’est un ordre que l’Inde conteste fortement, d’où justement les divergences qu’il y a entre ces deux pays sur l’élargissement des Brics.
8/22/20235 minutes, 57 seconds
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Saliou Diouf: «La crise politique au Sénégal a augmenté le désespoir des populations»

Ces derniers mois, des drames de l'immigration impliquant des Sénégalais s'enchaînent. Le 16 août, 63 personnes sont présumées mortes après être parties en pirogue des côtes sénégalaises début juillet. Le 18 août, la marine marocaine a intercepté 75 migrants sénégalais à bord d'une embarcation au large de Dakhla, au Sahara occidental. Cela fait 328 immigrés clandestins ramenés sur les côtes marocaines depuis le 8 août. Entretien avec Saliou Diouf, président de l'association Boza Fii qui travaille sur les politiques migratoires. RFI : Saliou Diouf , depuis plusieurs mois, des dizaines de Sénégalais sont morts en tentant d’émigrer, des chiffres en forte hausse. Comment expliquez-vous ce phénomène ?Saliou Diouf : C’était prévisible. Cette année, le Sénégal a traversé une situation politique qui a dégénéré, qui a vraiment augmenté le manque d’espoir des Sénégalais pour pouvoir essayer de s’organiser dans le pays et (aussi), ce manque de sécurité aussi de vivre là où ils habitent. Récemment, on sent nettement que, même pour une petite publication, tu peux te retrouver à la police. Et c’est cette situation-là qui frustre les populations. Donc, les gens vont chercher d’autres alternatives. Et l’alternative la plus visible, c’est de pouvoir quitter le pays.La crise politique récente a été un élément déclencheur, a poussé certains au départ ?C’est vraiment la plus grande cause. En plus, avec beaucoup de protocoles qui ont été signés avec la pêche qui fait aussi que les pêcheurs Sénégalais n’arrivent plus à gagner leur vie. Ce sont ces pêcheurs qui organisent en quelque sorte tous les départs, parce que ce sont des gens qui sont là avec leur pirogue, qui font de la pêche artisanale. Et s’ils n’arrivent plus à s’en sortir, ce sont des gens qui connaissent un peu la mer et ils vont s’organiser pour partir.Les pêcheurs se transforment en passeurs ?C’est un peu ça. Ce sont des personnes qui voyagent, mais avec l’accompagnement du voyage, ils ont besoin beaucoup plus d’argent pour organiser, et tout. Aujourd’hui, le gouvernement a créé juste des alternatives avec les passeurs pour mettre fin à ce fléau. Et je pense que ça, c’est louper le coup, je ne pense pas qu’ils vont attraper quelqu’un parce que les gens qui partent, ce sont les mêmes personnes qui organisent.Justement, le 27 juillet, le gouvernement avait annoncé un programme spécial pour réduire ce phénomène d’immigration. Il y avait trois axes : offrir des emplois aux jeunes, améliorer la surveillance des côtes et punir sévèrement les réseaux criminels de passeurs. Vous croyez à ce programme ?Ce sont ces mêmes programmes répétitifs qui reviennent toujours, pas juste au Sénégal mais un peu partout dans le monde. Par exemple, il faut juste confier les responsables à d’autres personnes pour pouvoir se cacher derrière ses lacunes en quelque sorte. Ce plan d’actions-là, c’est juste que peut-être ils n’ont pas d’autres alternatives parce que c’est vraiment visible que les gens sont en train de fuir la galère. C’est pourquoi ils quittent le pays. Donc, la meilleure manière, c’était de stabiliser les jeunes dans le pays. Pour stabiliser les jeunes dans le pays, ce n’est pas, il faut attraper dix personnes. C’est juste créer des opportunités pour que les jeunes puissent être stables et être en sécurité dans leur pays où vraiment, on a beaucoup de manquements par rapport à beaucoup de choses, par exemple une vie stable qu’ils sont en train de chercher, une sécurité médicale qu’ils sont en train de chercher, il y a d’éducation et l’accès à beaucoup de choses, il faut regarder la migration de ce côté, mais il ne faut pas juste penser que ce sont des bandes qui sont organisées, qui cherchent de l’argent sur d’autres personnes. Ce n’est pas ça.Est-ce que la situation économique -on parle d’une dégradation avec l’inflation, le Covid-, est-ce que tout cela a participé à augmenter le phénomène ?Peut-être. Ce sont des choses qui ont créé une petite influence un peu partout dans le monde. Le Covid est venu et passé, beaucoup de restrictions se sont enlevées. Les gens ont commencé à mener encore leur vie. Mais je pense que la chose la plus influente par rapport au départ, c’était la crise politique. Deuxièmement, c’était avec la politique de visas, c’est devenu une grande catastrophe au Sénégal. Pour avoir un seul rendez-vous, on demande 300 000 francs CFA, 500 euros. Quand tu as un rendez-vous pour l’obtention du visa aussi. Toutes ces formes de deals qui se passent, ça aussi, ce sont des gens qui se sont organisés pour soutirer de l’argent. C’est arbitraire. Les visas sont refusés sans aucun motif. À 90%, tous les visas sont refusés.Il y a un genre de trafic, de la corruption, autour de l’obtention de visas pour aller à l’étranger, en Europe, etc., c’est ça ?C’est ça. Et je pense que les gens ont le droit à la mobilité, parce que le droit à la mobilité n’a pas été créé pour les Occidentaux. C’est un droit qui n’exclut personne. Les gens ont le droit de voyager. S’il n’y a pas ces opportunités-là, et si les gens ont envie de voyager, ils vont juste utiliser les moyens qu’ils ont. Je ne trouve pas ça très logique. On s’est dit que nous par exemple, avec Boza Fii, on n’a pas la responsabilité de fixer les gens dans le pays. Après tout, les gens ont le droit à cette mobilité, donc ce n’est pas à nous de leur dire de rester dans le pays. On peut sensibiliser par rapport au danger. C’est pourquoi, nous, on ne lutte pas contre l’émigration clandestine. Nous, on lutte pour la liberté de circulation de tout un chacun. Peut-être que nous, on a une communication qui est un peu contradictoire avec ce que l’Union européenne est en train d’implanter au Sénégal, de créer des projets, des alternatives pour que les gens restent ici. Et nous, on voit ça ne marche pas. Depuis longtemps, il y a beaucoup d’argent qui rentre et est-ce que ça a arrêté les départs ? Moi, franchement, je ne le vois pas.
8/21/20235 minutes, 2 seconds
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Contre-enquête de la mission Dakar-Djibouti: «Nous avons travaillé sur plus de 1500 objets»

En France, le musée du quai Branly-Jacques Chirac s’intéresse de près à la célèbre mission ethnographique Dakar-Djibouti menée par l’ethnologue Marcel Griaule entre 1931 et 1933. Cette expédition scientifique avait rapporté à Paris plus de 3 000 objets, des manuscrits et des amulettes, des photographies et des enregistrements sonores. En collaboration avec des musées et des universités africaines, le quai Branly a décidé de réexaminer l’histoire de cette mission. Une contre-enquête que mène Daouda Keita, le directeur du musée national du Mali. À lire aussiMission ethnographique Dakar-Djibouti: 90 ans après, la contre-enquête des experts au quai Branly
8/20/20235 minutes, 24 seconds
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Abderaman Koulamallah, ministre tchadien: «Si Succès Masra veut revenir, la porte est ouverte»

Au Tchad, les autorités répondent à Succès Masra. Notre invité le 17 août, l'opposant en exil a demandé un dialogue avec le pouvoir en vue d'obtenir un accord de réconciliation nationale, des garanties pour son retour et celui des autres exilés. Ce vendredi matin, le ministre tchadien de la Réconciliation nationale ouvre la porte au retour du chef du parti Les Transformateurs. Abderaman Koulamallah émet toutefois des réserves sur de nouvelles négociations. RFI : Abderaman Koulamallah, vous êtes le ministre de la Réconciliation nationale du Tchad. Les demandes de Succès Masra vous concernent au premier chef. L'opposant demande un dialogue avec le pouvoir en vue d'une réconciliation nationale. Est-ce que vous acceptez ?Abderaman Koulamallah : Nous acceptons toujours les dialogues avec les opposants. Est-ce que ces dialogues remettent en cause le processus qui est en place ? À ce moment-là, ça pose un autre problème. Parce que nous, nous avançons dans un processus qui va être un processus électoral, des institutions qui vont être mises en place dans quelque temps. Je ne pense pas que nous reviendrons en arrière sur ce qui a été fait. Cependant, nous sommes disposés à accueillir les opposants, quelles que soient leurs conditions à revenir au Tchad. Monsieur Masra, il me semble, a dit qu'il revenait avec ou sans accord. Moi, je lui conseille de revenir plutôt sans accord, de faire en sorte de rentrer dans le processus auquel beaucoup de Tchadiens adhèrent.Succès Masra a fait d'ailleurs des demandes assez précises. Il parle de s'asseoir autour de la même table courant septembre, peut-être dans un pays africain extérieur au Tchad, avec des acteurs multiples. Ces exigences ne vous semblent pas réalistes ?Ça ne répond plus à l'air du temps. On ne va pas refaire un second dialogue. Nous n'avons pas que ça à faire. J'ai des instructions précises du chef de l'État : de ne laisser aucun Tchadien à l'extérieur. Moi, je me base sur ces instructions. S'il veut revenir, la porte est ouverte. La réalité actuelle ne se prête pas à un nouveau dialogue, à des discussions interminables. Le train est en marche, il faut prendre le train et venir s'asseoir, il faut chercher à légitimer sa place sur l'échiquier politique par l'expression libre du suffrage du peuple souverain. Nous avons l'intention de rassembler tous les Tchadiens. Nous n'allons certainement pas revenir en arrière.Pour cette réconciliation, Succès Masra avait certaines demandes. Il demandait des mesures de sécurité physique, juridique et politique, une amnistie, une relecture de la Constitution, un gouvernement de réconciliation et même une commission vérité et réconciliation. Pourriez-vous discuter de ces points avec lui ?Quand on est un acteur politique, il faut voir comment marchent les institutions de la République. L'amnistie ne dépend pas du gouvernement. De deux, nous n'allons pas reprendre un dialogue nouveau. Mais nous sommes disposés à faire en sorte que tous les acteurs politiques trouvent leur place dans le processus. Nous faisons en sorte que personne ne soit exclu de la grande messe qui a eu lieu au dialogue national inclusif et qui a mis en place des recommandations. Personne ne peut remettre en cause ces résolutions, même pas le président de la République. Mais nous sommes disposés à faire en sorte que tous les acteurs qui le souhaitent soient mis à l'aise, pour qu'ils puissent exercer leurs droits démocratiques. Nous devrons faire en sorte d'être responsables pour que ce pays puisse émerger vers un système démocratique nouveau, que l'unité nationale soit une réalité dans le pays. Voilà la vision qu'un homme politique doit avoir du pays. Il faut voir la perspective de l'histoire d'un autre point de vue que celui de son sort personnel. Si telle personne n'est pas d'accord avec tel ou tel aspect de la Constitution, il peut toujours appeler à voter contre cette Constitution. Il nous reste 12 mois pour mettre en place des institutions et faire les élections. Est-ce que vous pensez qu'il faut encore revenir en arrière ? Ça me paraît défier le bon sens !Le problème, Monsieur le ministre, c'est que beaucoup d'opposants en exil craignent de rentrer. Ils demandent des garanties, comme Succès Masra lui-même. Est-ce qu'il pourrait être arrêté, poursuivi par la justice s'il rentrait au Tchad ?Moi, je ne suis pas la justice. Tout ce que je sais, c'est que même les personnes qui ont participé de façon violente aux événements du 20 octobre ont été graciées par le chef de l'État. Je ne pense pas qu'il y ait une exception pour tel ou tel opposant, il peut revenir comme tout citoyen tchadien, mais je peux vous affirmer que sa sécurité sera garantie.Ça veut dire que si Succès Masra revient à Nnjaména, il ne sera pas arrêté ?Je ne pense pas qu'il soit arrêté. Mais s'il est poursuivi par la justice, il répondra probablement de ses actes. Mais je ne pense pas que, si on a gracié les membres des Transformateurs, on puisse condamner Monsieur Masra à une peine de prison ou à ses partisans. Je ne peux pas, en tant que membre du gouvernement, m'avancer, mais je crois que le climat global, c'est un climat de réconciliation nationale. Maintenant, avant qu'il ne revienne, nous allons entamer des discussions pour voir dans quelles conditions, comment il va revenir, etc. Je suis disposé à l'écouter et à écouter tous les opposants qui veulent revenir. C'est ce que je fais tous les jours. Je fais revenir des opposants en leur garantissant la sécurité. Maintenant, les procédures judiciaires... On essaiera de voir dans quelles mesures la justice peut participer à l'apaisement du climat politique.À lire aussiSuccès Masra, opposant tchadien: «Nous devons résoudre les conséquences du 20 octobre»
8/18/20235 minutes, 4 seconds
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Succès Masra, opposant tchadien: «Nous devons résoudre les conséquences du 20 octobre»

Le 11 août, à l'occasion de la fête nationale, l'opposant Succès Masra a annoncé son retour prochain au Tchad, dans un message publié sur Facebook. Le chef du parti Les Transformateurs avait quitté le pays quelques jours après la répression des manifestations du 20 octobre. Dans son allocution, il a révélé avoir proposé un dialogue au pouvoir en place, en vue d'une réconciliation nationale. RFI : Succès Masra, quand allez-vous rentrer au Tchad ?Succès Masra : La balle est dans le camp de nos frères d'en face, afin que nous puissions nous asseoir à la table de la justice, de l'égalité, et trouver un accord global afin que les deux camps se réconcilient. Donc, au mieux, rentrer avec cet accord, au pire, ce serait dommage. Nous avons le devoir de rentrer pour continuer à nous battre à côté de notre peuple et l'accord peut intervenir en amont ou en aval. Mais l'idéal aurait été que ça intervienne en amont.Quel calendrier avez-vous en tête : est-ce que vous attendriez quelques semaines ou quelques mois ?Au mieux, avant même le triste anniversaire du 20 octobre, nous pouvons mettre à profit le mois de septembre pour trouver un accord, en ayant fait les concessions nécessaires de part et d'autre. Mais si cela ne devait pas avoir lieu, nous nous laissons la liberté de choisir le timing de notre retour, avec ou sans accord.Donc, ce serait des négociations qui se feraient de l'étranger, à distance ?Il n'y a pas de problème en tant que tel à cela, et c'est le sens de l'offre de réconciliation nationale que nous avons transmise aux facilitateurs, aux acteurs impliqués, notamment l'ONU, mais aussi le Qatar, Sant'Egidio, l'Union Africaine, la France, les États-Unis, le Togo, qui ont été impliqués, et qui, d'une certaine manière, ont donné leur caution à une transition qui devait se dérouler de manière inclusive. Ces acteurs-là, d'une certaine manière, ont joué la première partie de la mi-temps. Ils ont l'obligation de jouer à côté de notre peuple la deuxième partie. Maintenant, le moment est venu de passer des paroles aux actes.Que demandez-vous pour obtenir une réconciliation nationale au Tchad ?Mettre en face d'un côté ceux qui conduisent la transition autour de la junte actuellement et de l'autre, le groupe mené par évidemment les Transformateurs et tous les autres partis partenaires, dont Wakit Tama - y compris les politico-militaires non-signataires des accords - de nous asseoir sur le sol africain, pourquoi pas, afin de nous accorder essentiellement sur 5 points.D'abord, les mesures de sécurité physique, juridiques et politiques, les mesures d'apaisement et de décrispation, y compris l'amnistie, qui est différente de la grâce, et l'abandon des poursuites judiciaires. Parce que l'amnistie a le mérite de consacrer la restauration des droits politiques. Ensuite, d'avoir un mécanisme bipartisan de relecture et amélioration des résolutions prises par un camp, aujourd'hui, y compris la relecture et l'amélioration de la future Constitution, avant sa soumission au référendum. Il y a du temps pour faire cela. Il ne s'agit pas de tout jeter, mais de relire et d'améliorer la mise en place aussi, à l'issue de tout cela, d'un gouvernement plutôt de réconciliation nationale dont la mission sera de définir un calendrier actualisé et des mécanismes de crédibilisation et de garantie de confiance pour les futures élections, y compris tout ce qui a trait au rôle de l'armée, au DDR [le désarmement, la démobilisation et la réintégration, NDLR], sans lesquels aucune garantie des élections n'est possible. Enfin, ce que nous mettons là-dedans aussi - parce qu'il faut panser les plaies, il faut réconcilier - c'est une Commission vérité, justice, réparation et réconciliation nationale afin de faire la lumière sur les drames de notre pays depuis 2021, mais aussi de panser les plaies et permettre à ce peuple d'avancer. Il s'agit, en gros, que nous résolvions ensemble les conséquences du 20 octobre, mais aussi de résoudre le stock de problèmes politiques qui existaient avant le 20 octobre.Craignez-vous d'être arrêté ou visé par une procédure judiciaire une fois rentré ?Pas que ! Mais au-delà de ma personne, il s'agit là d'une démarche pour l'ensemble des Tchadiens. On ne peut plus faire confiance aux mesures sécuritaires ou aux forces qui sont supposées assurer la sécurité et qui ont failli. Donc, il faut ensemble co-définir un mécanisme sécuritaire qui permette de pouvoir avancer en confiance.Dans votre message, vous avez annoncé revenir avec des « outils nouveaux », des « boucliers nouveaux ». Qu'entendez-vous par là ?Un accord de réconciliation sur la base de la justice et l'égalité peut être qualifié d'un bouclier juridique, une communication maîtrisée peut être qualifiée de bouclier médiatique. Il y a les autres dimensions, y compris la dimension sécuritaire. Nous devons être capables de créer les conditions qui permettent que, demain, le choix du peuple sorti des urnes soit le choix qui s'impose. J'espère donc que tout le monde mettra toutes les énergies pour que la réconciliation soit le ciment de notre peuple. Et si cette option devait échouer, ça n'aura pas été le résultat de nos actions à nous, mais ça aura été choisi par ceux en face de nous. Nous allons tout faire pour éviter cela.Après le 20 octobre, le parti les Transformateurs a été profondément secoué. Est-ce que vous comptez reconstruire le parti et tenter de conquérir le pouvoir par les urnes ?Depuis le 20 octobre, nous avons eu plus de 50 000 nouveaux membres. Nous sommes de loin le parti qui a le plus de militants enregistrés. Je vois leur volonté d'aller conquérir le pouvoir.Des élections sont attendues pour fin 2024. Serez-vous candidat ?Là où mon peuple décidera que je me présente, je suis un serviteur et je souhaiterais être parmi les premiers serviteurs au rôle qu'on voudrait bien m'assigner. Ce rôle-là, je vais l'assumer avec toute mon énergie, et qui me vaut aujourd'hui la confiance de ce peuple.  À lire aussiTchad: l’opposant Succès Masra a annoncé son retour d’exil
8/17/20235 minutes, 8 seconds
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Élections au Gabon: «Les problèmes d'égo de l'opposition vont ouvrir un boulevard» pour Ali Bongo

Au Gabon, les élections approchent à grand pas. Le 26 août, le pays organisera pour la première fois des élections présidentielle, législatives et locales en même temps. Le président Bongo est candidat à sa propre succession. Face à lui, l'opposition est toujours en négociation pour trouver un candidat unique. Ce vote est très attendu : la période électorale n'a pas échappé aux polémiques et certains repensent aux élections de 2016 contestées qui avaient entraîné de graves violences. Télesphore Ondo, professeur de droit public à l'université Omar Bongo, revient sur ces élections pour RFI. RFI : Télesphore Ondo, l’opposition a-t-elle une chance face au président Bongo, selon vous ? Télesphore Ondo : Il n’y a jamais de certitudes, mais je crois que l’opposition a naturellement toutes ses chances. Déjà, parce que l’opposition n’a pas un bilan à défendre. Ensuite, parce qu’il y a quand même une certaine soif de changements, surtout que nous sommes à la veille du troisième mandat, en quelque sorte, du président Ali Bongo. Je ne pense pas que ce soit forcément un problème d’usure, mais c’est peut-être un problème d’attentes déçues, parce que lorsque le président Ali Bongo arrive au pouvoir en 2009, il y a quand même un espoir extrêmement important pour les populations de voir les choses évoluer, le pays être transformé. Mais malheureusement, il y a eu beaucoup de difficultés par rapport à leurs attentes. Aujourd’hui, la vie est extrêmement chère au Gabon, il y a beaucoup de problèmes au niveau des routes, de l’électricité, les problèmes du système de santé, alors au bout de quatorze ans, peut-être que les populations se disent qu’il faut passer à autre chose.La santé du président Bongo peut-elle le pénaliser politiquement selon vous ? Ce problème de santé ne joue plus « à plein régime ». Le président a quand même montré qu’il était en mesure de pouvoir faire campagne, il a fait le tour des différentes provinces, il y a quelques semaines en arrière, et là, il a repris, ce qui montre qu’il a quand même une certaine capacité physique, intellectuelle, qui lui permet de pouvoir tenir.Est-ce que l’opposition pourrait payer le fait d’avoir des membres qui sont pour la plupart des anciens du PDG [le parti au pouvoir]? Est-ce qu’elle ne va pas avoir un problème pour incarner l’alternance et le changement ?Je ne pense pas à ce niveau, d’autant plus que si nous revenons en 2016, nous avions donc le candidat Jean Ping, qui était un ancien du PDG. Le poids du passé n’a plus, à mon avis, à influencer le choix des candidats par rapport à la situation d’aujourd’hui. Les populations veulent un changement, ce changement-là peut être incarné par un ancien du parti unique.Des réformes électorales récentes, avec l’instauration d’un bulletin unique permettant un double-vote présidentielle - législatives, la limitation du nombre de représentants dans les bureaux de vote, tout cela est critiqué par l’opposition. Elle parle de mesures anticonstitutionnelles qui avantageraient le pouvoir. Qu’en pensez-vous ? La première difficulté, c’est que ces mesures ont été prises bien après la date limite de dépôt des candidatures et ça va créer quelques difficultés en termes de pédagogie, pour essayer d’expliquer aux populations les différentes réformes - des réformes à mon avis inopportunes, qui ont été engagées au mauvais moment -, mais aussi la complexité du système. Le bulletin unique cause des difficultés, ce système de coupler l’élection présidentielle avec les élections législatives crée une deuxième complexité. Alors, de manière pratique, sur le terrain, ça va être extrêmement compliqué.L’opposition se cherche un candidat unique, et si elle en trouve un, sa campagne sera plus courte, finalement. Est-ce que ça peut la pénaliser ? L’opposition a cette difficulté de prendre des décisions au bon moment. La campagne électorale a commencé, jusqu’à ce jour, l’opposition n’arrive toujours pas à trouver de candidat unique. Mais en réalité, la difficulté est due au fait qu’en choisissant un candidat unique, les partis politiques qui souhaitent présenter des candidats aux autres élections risquent d’être pénalisés avec le système que je viens d’expliquer, le système du bulletin unique. C’est pour cette raison qu’il faudrait prendre des décisions en amont, pour permettre à ce que la dynamique d’unité puisse permettre à l’opposition de pouvoir éventuellement remporter les élections. Mais on voit bien qu’il y a beaucoup de tergiversations. En tardant davantage, le candidat sortant qui est actuellement sur le terrain est en train de faire un travail extrêmement important, et ça risque de pénaliser sérieusement l’opposition.Est-ce que cette opposition pourrait être aussi pénalisée par ses divisions internes ? Oui, le problème d’ego au niveau de ces oppositions, ces problèmes d’ego qui vont persister vont ouvrir un boulevard pour le candidat du PDG, à coup sûr.Certains parlent d’un risque de nouvelles violences électorales, est-ce que vous partagez ces craintes ? Je ne partage pas entièrement ces craintes. En 2016, assez rapidement, l’opposition a retrouvé son unité et avait un candidat unique. Nous constatons également qu’il y a un travail de fonds qui a été fait sur le terrain, non seulement par la société civile mais aussi par les communautés religieuses etc., qui ont travaillé dans le sens de l’apaisement. N’oublions pas aussi la concertation politique qu’il y a eue en début d’année, même si certains de l’opposition ont commencé à dénoncer les conclusions de cette concertation. Donc il y a quand même beaucoup de choses qui ont été faites. Le problème des risques de troubles se pose toujours à l’annonce des résultats, et c’est là que les organes, qui sont appelés non seulement à organiser mais aussi à annoncer, à proclamer les résultats, doivent jouer leur rôle. Tant que les choses sont respectées et que la régularité des élections a été opérée par les organes dans le respect des principes d’indépendance et d’impartialité, il n’y a pas de souci à cela.
8/16/20235 minutes, 2 seconds
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Hassoumi Massoudou, ministre des Affaires étrangères de Mohamed Bazoum: «Pas question de parler de transition»

Le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération du Niger, Hassoumi Massoudou, est ce lundi 14 août l'invité de Liza Fabbian et Cyril Payen. Dans une entrevue exclusive réalisée à Abuja, la capitale du Nigeria, et diffusée sur RFI et France 24, M. Massoudou a estimé qu'une intervention militaire au Niger « est toujours dans l'agenda » de la Cédéao, mais qu'il ne s'agirait en aucun cas d'une « guerre contre le Niger ». Le ministre en exil, qui s'inquiète de la dégradation de la situation sécuritaire au Niger ces dernières semaines, rappelle que les négociations engagées jusque-là avec le régime militaire « n'ont abouti à rien du tout ». « Tout reste négociable », mais à condition que la junte « se retire » et que le président Mohamed Bazoum soit « libéré et rétabli dans ses fonctions », déclare notamment Hassoumi Massoudou. Il exclut cependant la possibilité d'une transition, « qui serait l'acceptation du fait accompli du coup d'État » au Niger.France 24 : Hassoumi Massaoudou, alors le Niger, on le sait évidemment, est en grave crise depuis le coup d'État du 26 juillet. Monsieur le ministre des Affaires étrangères, est ce que cette situation est réversible ?Hassoumi Massaoudou : Je voudrais d'abord dire que ce coup d'État, comme on l'appelle, est intervenu dans un ciel serein. Le Niger n'était pas en crise, le Niger n'était pas en effervescence, le Niger avait des succès tant sur le plan de la lutte contre le terrorisme que sur le plan économique. Le taux de croissance, les chiffres, sont là pour l'attester. Et voilà que le chef de la garde présidentielle, censé assurer la sécurité du président, le séquestre. Deuxièmement, c'est une prise d'otages et la rançon de la prise d'otages, c'est qu'on leur permette de se maintenir au pouvoir à travers une transition, parce que le but de tous les putschs, c'est une transition. Donc il s'agit aussi d'une prise d'otages, et voilà la rançon. Et je dis que c'est réversible, parce que la Cédéao ne peut plus accepter qu'effectivement la loi des armes l'emporte sur la loi des urnes. RFI : Et aujourd'hui, est-ce qu’une solution négociée est envisageable entre Nigériens ? Il n'y a pas de crise entre Nigériens, il n'y a pas de situation de conflit entre Nigériens. Il y a une situation qui est créée et la Cédéao est déterminée à ne pas accepter cela. Il y a d'abord les sanctions qui ont été prises. Deuxièmement, elle est assortie d'une menace d'intervention militaire, et je voudrais dire que cette intervention militaire ne se ferait pas contre le peuple nigérien, ni contre le Niger. Il s'agit d'une action militaire de la Cédéao. On a l'habitude : en 2017, il y a eu la Gambie, c'est très récent.France 24 : Alors parlons-en justement, est-ce que, Monsieur le ministre, on peut encore penser qu'il va y avoir une intervention militaire au Niger ? Mais elle est dans l'agenda de la Cédéao, bien entendu, puisque les sanctions sont assorties de la menace d'intervention militaire. Évidemment, de cet agenda, en parallèle, se mènent aussi des négociations. Pour le moment, elles n'ont abouti à rien du tout. Quand il y a eu l'intervention du Sénégal sous mandat de la Cédéao en Gambie, on n'a pas parlé de guerre entre le Sénégal et la Gambie. On n'a pas parlé de guerre de la Cédéao contre la Gambie. C'est une intervention banale. Je sais que les préparatifs sont en cours, que cet agenda se déroule en même temps que la possibilité est offerte à la junte de se retirer. Et évidemment, à partir de ce moment, tout est négociable. Dans la mesure où le président Bazoum non seulement est libéré, mais est rétabli dans ses fonctions, tout le reste est négociable. Évidemment, il n'est pas question dans le mandat de la Cédéao de parler de transition, qui serait l'acceptation du fait accompli du coup d'État. La Cédéao et les chefs d'État, je les ai entendus, étaient très remontés, ils ne sont pas prêts à accepter que la loi des armes l'emporte sur la loi des urnes. Regardez les conséquences déjà en deux semaines au Niger. En deux semaines, sur le plan sécuritaire, il y a eu six attaques contre les positions militaires. Vous vous rendez compte ? C'est déjà ça les débuts, les prémices en termes sécuritaires, parce que leur préoccupation n'est plus la lutte contre le terrorisme. Ça, c'est un des éléments. Sans compter ce qui se passe actuellement à Niamey. Vous savez, il y a des pogroms, avec des hordes de jeunes excités par la haine raciale et ethnique, vous voyez tout ce que cela peut donner. C'est pour ça qu'il y a urgence à arrêter ça, à remettre le Niger dans sa trajectoire de paix, de stabilité, de progrès économique, et c'est cela que nous voulons.RFI : Aujourd'hui, la junte accuse le président Bazoum de haute trahison. Est-ce une façon d'organiser sa déchéance ? À défaut d'avoir obtenu sa démission ?D'abord, elle n'a aucune légitimité à juger qui que ce soit. Je veux dire que c'est tout à fait ubuesque. C'est vraiment surréaliste d'entendre ces gens-là parler de poursuivre le président Bazoum et ses complices étrangers, des chefs d'État étrangers, etc. Vous voyez dans quoi nous sommes, dans quoi ils veulent ramener le Niger ? Dans des situations que nous avons connues en Afrique dans les années 70. L'Afrique a le droit d'avancer. RFI : Et justement, sur la stratégie, est-ce que tous les partenaires stratégiques - qu'il s'agisse des partenaires ouest-africains mais aussi des Français ou des Américains - sont sur la même longueur d'onde sur la manière de ramener l'ordre constitutionnel au Niger ?Je crois qu'il y a un consensus. Tout le monde s'est aligné sur la position de la Cédéao, qu'il s'agisse de l'Union européenne, qu'il s'agisse des États-Unis. Je n'ai pas vu un seul hiatus. Il n'y a pas de décision acceptée, une autre non acceptée, c'est un bloc. Et je considère qu’ils ont pris conscience de la nécessité de soutenir l'Afrique démocratique, l'Afrique de la souveraineté des peuples, et non l'Afrique des aventuriers populistes. Ce danger-là est très grave, c'est source d'instabilité pour l'ensemble de la sous-région. C'est cette prise de conscience que j'ai constatée au sein du sommet de la Cédéao. France 24 : Pensez-vous que le président Bazoum va être libre bientôt, d'une manière ou d'une autre ?Je pense qu'il n’y a pas le choix et qu’il sera forcément libre. Je ne vois pas comment ils peuvent continuer dans cette trajectoire-là. Tous les jours, dans tout le reste du pays, il y a des manifestations. Le jour du coup d'État, il y a eu une manifestation spontanée, parce que quand on voit que ceux qui s'expriment, ce sont seulement les pro-juntes, les autres sont sous la menace des tirs et des balles. Mais avec tout ça, la mesure que nous avons de la réaction populaire est générale dans l'ensemble du pays.
8/14/202311 minutes, 26 seconds
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Centrafrique: «L'opposition n'a jamais été aussi affaiblie depuis que Touadéra est au pouvoir»

Quel bilan peut-on faire du référendum constitutionnel du 30 juillet en Centrafrique ? Quelles conséquences pour le pouvoir de Faustin Archange Touadéra et pour l’opposition ? Quelle est l’attitude de la communauté internationale vis-à-vis de ce scrutin ? Pour en parler, l’invité Afrique est Charles Bouessel. Chercheur et spécialiste de la Centrafrique à l’International Crisis Group (ICG), il répond aux questions de Claire Fages. RFI : Charles Bouessel, il y a deux semaines, en Centrafrique, le référendum constitutionnel donnant au président des pouvoirs étendus et la possibilité de se représenter sans limites, l’a emporté à 95%. La participation, c’était le vrai test, était de 61%, selon l’Autorité nationale des élections (ANE). Que vous inspirent ces chiffres ?  Charles Bouessel : Ces chiffres posent question, eu égard aux observations qu’on a pu avoir sur le terrain : des témoignages qui évoquaient des bureaux de vote souvent vides ou très peu pratiqués, et un référendum qui ne semblait pas intéresser outre mesure la population, en-dehors des cercles de pouvoir. Dans les provinces, notamment autour de Bria et de Bambari, plusieurs témoignages évoquent des bureaux de vote quasiment désertés. Et donc, là encore, on peut se poser des questions sur l’importance du taux de participation annoncé par l’ANE.La journée électorale s’est déroulée sans incidents sécuritaires majeurs. Peut-on y voir un succès des autorités dans ce domaine ? Oui, on peut y voir un succès. Depuis la contre-offensive lancée par le gouvernement et Wagner, en 2021, les groupes armés ont été durablement affaiblis, ils sont aujourd’hui très divisés, et le fait qu’ils ne soient pas parvenus à perturber le scrutin montre, ou illustre, leur faiblesse actuelle.Le président du pays, Faustin-Archange Touadéra, disposera de pouvoirs étendus. Est-ce que la voie d’un troisième mandat en 2025 est déjà libre pour lui ?Même si, pour l’instant, il n’a pas annoncé sa volonté de se représenter, rien n’indique qu’il ne tentera pas de briguer un troisième scrutin. Plusieurs dispositions d’ailleurs de ce référendum constitutionnel, l’affaiblissement du poste de président de l’Assemblée nationale, on pense aussi aux dispositions permettant, avec la nouvelle Constitution, au président et au président de l’Assemblée nationale, de nommer davantage de membres de la Cour constitutionnelle. Plus rien ne pourrait l’empêcher aujourd’hui de se représenter.Faustin-Archange Touadéra doit nommer un vice-président. Qui va-t-il choisir, selon vous ? Plusieurs noms ont circulé parmi les favoris. D’abord, Évariste Ngamana, qui fait partie de la famille du président et qui a dirigé le comité de la campagne du MCU [Mouvement Cœurs unis, le parti présidentiel, NDLR], donc en faveur du « Oui ». On a aussi évoqué le nom de Simplice Mathieu Sarandji, un des fidèles et des vieux compagnons de route du président Touadéra, qui a exprimé tout au début de l’annonce de ce référendum constitutionnel quelques réserves, peut-être parce qu’il ambitionnait lui-même de briguer le fauteuil présidentiel un jour, et qui pourrait recevoir ce poste en dédommagement de cet espoir déçu.L’opposition a contesté les résultats du référendum. Quelle est sa marge de manœuvre désormais ? L’opposition n’a peut-être jamais été aussi affaiblie depuis que le président Touadéra est au pouvoir. Elle est profondément divisée. Une certaine frange de l’opposition a même appelé à prendre les armes contre le président, notamment Ferdinand Nguendet. D’autres souhaitent rester dans le champ démocratique mais ont très peu d’espace et de voix pour s’exprimer. Cette opposition, d’ailleurs, ne se faisait pas vraiment d’illusion sur la victoire du « Oui » au scrutin et avait décidé de porter le jeu plutôt sur la participation, en appelant les électeurs à boycotter ce scrutin. Est-ce que cette stratégie a fonctionné ? Peut-être sur le terrain. Mais, en tout cas, ça ne s’illustre pas dans les résultats présentés par l’ANE.Que pensez-vous du quasi-silence international autour de ce vote ? Ce silence international, il est le fruit d’un changement de stratégie, notamment de la France et des États-Unis, qui ont décidé de prioriser leurs objectifs sur la Centrafrique, leur objectif principal étant d’affaiblir l’influence de Wagner dans le pays. On peut trouver ça également naïf puisqu’en renforçant le pouvoir de Touadéra, ce référendum est aussi un gage pour Wagner de rester dans le pays, puisqu’ils dépendent des accords signés avec le président Touadéra.À votre connaissance, le fonctionnement du groupe russe a-t-il évolué en Centrafrique depuis la rébellion de son chef, Evgueni Prigojine, contre Moscou ? On a vu quelques mouvements dans les jours qui ont suivi la rébellion, avec des rotations de troupes qui pouvaient paraître inhabituelles, mais depuis, le fonctionnement n’a pas changé, et on a vu un retour à la normale. Le groupe Wagner a participé à la sécurisation et à l’organisation du scrutin sans perturbations. En Centrafrique, les actifs du groupe sont toujours aux mains d’Evgueni Prigojine, et pour l’instant, c’est business as usual. Est-ce qu’on peut dire que Wagner est en train de transformer la Centrafrique en hub militaire, en particulier pour approvisionner les troupes du général Hemedti, chef des paramilitaires, au Soudan ? On parle de livraisons à petite échelle, c’est-à-dire des livraisons de munitions, d’armes, mais pas des volumes significatifs. On a également entendu des témoignages plus récemment sur le fait que le général Haftar en Libye ferait désormais transiter les armes pour Hemedti via la Centrafrique pour plus de discrétion. Mais pour l’instant, ce soutien ne parait pas en mesure de changer le cours du conflit.
8/14/20235 minutes
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Lutte contre le racisme: «L'État doit sensibiliser les Tunisiens à ce fléau» selon Saadia Mosbah

Militante contre le racisme en Tunisie, Saadia Mosbah vient de recevoir le Prix du secrétaire d’État américain pour les champions de la lutte contre le racisme dans le monde 2023. C'est la première fois que les États-Unis remettent cette distinction et six militants ont été sélectionnés dans le monde. Ils ont été reçus ce vendredi 11 août à Washington par le secrétaire d'État Antony Blinken qui a salué leurs actions pour la lutte contre les discriminations raciales. Saadia Mosbah, toujours à Washington, répond aux questions de Guillaume Thibault.
8/13/20235 minutes, 27 seconds
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Niger: «La Cédéao veut montrer qu'elle est déterminée», dit le chercheur Arthur Banga

Réunie en sommet extraordinaire ce jeudi 10 août, la Cédéao a durci le ton vis-à-vis de la junte au Niger en annonçant qu'elle activait sa force militaire dite « force en attente ». Mais elle a aussi affirmé qu'elle continuerait à œuvrer par tous les moyens pacifiques à la restauration de l'ordre constitutionnel à Niamey. Entretien avec Arthur Banga, maître de conférence à l’université de Côte d’Ivoire, docteur en histoire des relations internationales et en histoire militaire RFI : Arthur Banga, quelle lecture faites-vous de ce deuxième sommet extraordinaire sur la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) sur le Niger. Il semble que l’organisation ouest-africaine ait voulu durcir le ton vis-à-vis de la junte en activant sa force en attente ?Arthur Banga : On peut voir que la Cédéao est déterminée, déterminée à réinstaller le président Mohamed Bazoum au pouvoir. Cette détermination se voit dans l’aspect intervention militaire prévue. Mais en même temps, comme l’a rappelé Bola Tinubu au début en inauguration du sommet, la piste numéro un reste et demeure le dialogue.Cette force en attente, qu’est-ce que c’est exactement ?Les forces en attente font partie du mécanisme de sécurité collectif, instauré depuis le début des années 2000 par l’Union africaine et les communautés économiques régionales, dont la Cédéao. Auparavant, la Cédéao avait déjà une force de maintien de la paix qui est l’Ecomog, qui s’est illustrée au début des années 1990 au Liberia, en Sierra Leone et en Guinée-Bissau. Il était question maintenant de la transformer en force africaine en attente et de l’inscrire dans un système de sécurité collective africain.Est-ce que cette force en attente est prête ? Est-ce que les pays de l’Afrique de l’Ouest ont les moyens de la mettre réellement en action ?Comme pour l’ONU, comme pour toute organisation internationale, il n’y a pas d’armée propre. C’est au moment où elle doit s’engager sur un projet militaire qu’elle met en quelque sorte cette force–là en place en tenant compte de la réalité géographique, des capacités militaires de chacun de ses pays et du plan d’opération qu’elle choisit. N’oublions pas que les chefs d’état-major de l’Afrique de l’Ouest ont eu une réunion pendant trois jours pour arrêter des plans et effectifs, et l’équipement militaire qui doit constituer cette force en attente. C’est sans doute le Nigeria qui va constituer l’essentiel des troupes, appuyé par quelques unités qui viendront probablement de Côte d’Ivoire, du Sénégal et du Bénin.Malgré l’opposition au Nigeria à une intervention militaire au Niger ?L’opposition n’est pas qu’au Nigeria. L’opposition à une intervention militaire peut se voir dans d’autres opinions publiques africaines. Elle peut se voir dans le communiqué des anciens Premiers ministres du Niger, dans le communiqué des évêques d’Afrique de l’Ouest. Au Nigeria, le président a la possibilité de contourner l’avis défavorable ou disons la prudence du Sénat. Mais il faut bien comprendre que l’intervention militaire est d’abord et avant tout un élément dissuasif qui participe des négociations. Et chaque étape du dispositif militaire est un élément de pression supplémentaire.On sent cette fois que la Cédéao souhaite que l’Union africaine, et dans une moindre mesure l’ONU, endosse cette décision d’intervenir militairement. Quelle chance a-t-elle d’obtenir ces feux verts ?Pour l’opinion internationale, pour la légitimité, même pour la légalité de cette intervention militaire, il serait intéressant d’obtenir des quitus notamment de l’institution panafricaine et de l’institution onusienne. La discussion peut être un peu corsée à ce niveau-là parce que déjà des pays, notamment les pays frontaliers du Niger comme l’Algérie et le Tchad, se sont montrés sceptiques, pour l’Algérie quasiment opposés. On peut penser qu’il y aura le soutien de la France, de l’Union européenne, dans une certaine mesure des Etats-Unis, s’il faut passer par une résolution du Conseil de sécurité, peut-être un veto chinois ou russe dans un contexte géopolitique de rivalités assez intenses. Sans oublier que les diplomaties burkinabè et malienne avaient aussi saisi l’ONU sur les dangers que pouvait avoir une intervention militaire.Qu’est-ce que l’on sait des divisions au sein de la Cédéao. Le Togo semblait sur la réserve quant à une intervention militaire au Niger. Et malgré tout, la Cédéao est arrivée à présenter un front commun…Le Togo s’est illustré comme le bras du dialogue avec ces juntes. N’oublions pas le rôle important qu’a joué la diplomatie togolaise dans l’affaire des 49 soldats ivoiriens pris en otage au Mali. C’est une bonne chose. Il ne faut pas couper les ponts avec ces pays-là. Et c’est très important le rôle que le Togo joue aujourd’hui, maintenir un minimum de contacts pour avoir une sorte de partenaire de confiance dans l’ensemble qu’est la Cédéao.Quelles sont les chances de succès de cette stratégie de la Cédéao alors qu’on voit qu’au Niger la junte a déjà nommé son gouvernement ?La junte aussi veut montrer qu’elle est ancrée avant de démarrer le dialogue. Ça met dans des positions difficiles, mais c’est de bonne guerre. Après, les positions sont tellement tranchées qu’on se demande quel équilibre on peut trouver. Mais on peut aussi regarder dans l’histoire de la Cédéao, où l’on arrivait souvent à couper la poire en deux : on demandait une transition réduite, dirigée par des civils. Même si le dernier exemple qui était au Mali en 2020 a volé en éclats, suite au deuxième coup d’Etat réalisé par le colonel Assimi Goita, il faut faire confiance à la Cédéao, il faut faire confiance aux capacités africaines de médiation, aux traditionnels arbres à palabres qu’on a. Et puis, il faut percevoir l’intervention militaire, dans un premier temps et je dis bien dans un premier temps, comme une sorte de pression, tout comme les sanctions économiques, pour arriver à un accord négocié le plus tôt.À lire aussiCrise au Niger: la Cédéao active sa force en attente mais continue à chercher une résolution pacifique
8/11/20235 minutes, 2 seconds
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Assassinat de Dulcie September: «Pourquoi la France n'a rien fait, cela questionne»

Les réseaux français qui étaient présents en Afrique du Sud à la fin des années 1980 ont-ils conduit la France à être complice dans l'assassinat de Dulcie September, la représentante du Congrès national africain (ANC) à Paris ? L'ancien diplomate Gilbert Erouart se pose la question. Il était alors en poste à l'ambassade de France et s'apprête à signer une autobiographie, dans laquelle de nombreux noms ont été modifiés pour masquer l'identité des intéressés. L'ouvrage s'attarde longuement sur un personnage mystérieux au croisement des grandes entreprises françaises, des milieux du renseignement et de l'entourage de l'ancien mercenaire Bob Denard. Entretien. RFI : Gilbert Erouart, votre ouvrage commence par une scène qui se déroule en juillet 1986 dans l’annexe du palais de l’Élysée, la présidence française. Vous êtes avec Guy Penne, le conseiller spécial du Président de la République François Mitterrand pour les affaires africaines et malgaches. On vous envoie donc en Afrique du Sud pour essayer de vous approcher de Winnie Mandela, l’épouse de Nelson Mandela, qui est alors emprisonnée à Robben Island… Gilbert Erouart : On m’envoie en fait sur une double mission. Je vais être chargé des relations avec les milieux clandestins noirs, c’est-à-dire essentiellement l’ANC en Afrique du Sud et la Swapo qui est un mouvement indépendantiste en Namibie. Et deuxième mission, qui me surprend encore plus que la première, essayer d’approcher Winnie Mandela le jour où son mari sortirait. Dans ce texte, vous décrivez les connexions de personnalités politiques, affairistes, mafieuses, qui ont été bien réelles. Mais vous les appelez par des noms d’emprunt qu’on peut quand même démasquer avec quelques recherches. Vous nous parlez notamment d’un Français que vous nommez dans votre ouvrage « Arthur Gibon », un Arthur Gibon que vous voyez arriver un jour dans votre bureau… Je comprendrai assez vite en fait pourquoi il m’approche. Il insiste pour que je lui fasse rencontrer Winnie Mandela. Dans un premier temps, je refuse. Je finis par accepter, par organiser à la demande du Gibon en question un déjeuner. Et au cours de ce déjeuner, Gibon réussit à avoir une emprise sur elle. Et vous nous expliquez donc dans votre ouvrage que ce Gibon reste une énigme : il est influent, il a beaucoup de moyens. Il porte aussi les couleurs de grandes entreprises françaises. Ça pourrait même aller au-delà… Il est officiellement le représentant de quasiment toutes les entreprises françaises : entreprises évidemment d’armement, du nucléaire... Il a aussi des liens avec Elf. Il s’intéresse beaucoup aux mines namibiennes de diamant. C’est un go-between entre la France et l’Afrique australe. Et vous vous interrogez, à un moment donné, sur ses connexions avec les services, français et sud-africains ? Oui. À plusieurs reprises, c’est une interrogation qui nous taraude moi et mon ambassadeur… très régulièrement. Et vous avez obtenu le fin mot de cette histoire ? On apprend dans le livre que Mandela prendra comme conseiller spécial le Gibon en question. Ce sera extrêmement curieux. Il faudra attendre l’élection de Nelson Mandela à la tête de l’Afrique du Sud en 1994 pour que Paris envoie un signal écrit directement à Nelson Mandela pour affirmer que le Gibon en question n’a jamais fait partie des services secrets français. Un intérêt tardif qui, à mon avis, témoigne exactement du contraire. Quelles sont les connexions de Gibon avec les Comores et avec l’équipe de Bob Denard ? Au moment de l’assassinat de Dulcie September, la représentante de l’ANC à Paris -nous sommes en mars 1988-, une amie journaliste sud-africaine qui a fait une enquête poussée, m’apprend que Gibon a fait partie de l’équipe de Bob Denard aux Comores. Donc, on retrouve là un autre entrelacement assez bizarre : Bob Denard-Afrique du Sud-Gibon. Quelles sont les informations dont vous disposez sur l’état d’esprit dans lequel était Dulcie September avant son assassinat ? On dit qu’elle se sentait en danger… Dulcie September visiblement se sentait menacée. Elle en avait informé le ministère français de l’Intérieur dirigé par Charles Pasqua. Et par ailleurs, on sait que la CIA avait informé le gouvernement Suisse que Dulcie September risquait d’être assassinée. Les Suisses ont fait savoir à Charles Pasqua qu’ils avaient cette information de la CIA. Et donc, cela faisait une double alerte. Le ministère français de l’Intérieur ne fait rien… et cela, tout de même, c’est questionnant… (Silence) Pourquoi le ministère français n’a rien fait ? Hmm. (Silence) C’est questionnant. Vous écrivez dans votre ouvrage, dans une note de bas de page, que les services secrets français sont soupçonnés d’avoir aidé leurs homologues sud-africains dans la logistique de l’assassinat, qu’ils l’auraient fait afin de faciliter des tractations qui étaient alors en cours, des tractations de vente d’armement à l’Afrique du Sud ? Dulcie September a pu être assassinée parce que, effectivement, elle avait été informée que des ventes d’armes très importantes étaient en préparation entre la France et l’Afrique du Sud, et qu’elle s’apprêtait très probablement à le faire savoir… et que les services français avaient peut-être intérêt à ce que ça ne se sache pas. Mais, c’est juste une supputation. L’ouvrage de Gilbert Erouart, qui sera intitulé Mission Winnie Mandela doit être publié à la fin de ce mois d’avril aux éditions Temporis. Pour mieux comprendre les connexions décrites par Gilbert Erouart, on peut utilement consulter un autre ouvrage : Incorruptible  the story of the murders of Dulcie September, Anton Lubowski and Chris Hani d’Evelyn Groenink ► À écouter aussi : La marche du monde : Dulcie September, militante de l’ANC assassinée à Paris  
4/10/20234 minutes, 59 seconds
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Elgas, écrivain sénégalais: «La littérature africaine est née dans le champ colonial»

Les Bons ressentiments. Essai sur le malaise post-colonial est le titre du nouvel ouvrage de l'écrivain et sociologue sénégalais Elgas, paru aux éditions Riveneuve. L'auteur explore la complexité des relations entre les écrivains africains et l'Occident. Il passe en revue plus d'un demi-siècle d'histoire intellectuelle et littéraire de l'Afrique - de Cheikh Anta Diop à Mohamed Mbougar Sarr, en passant par Léopold Sédar Senghor ou encore Yambo Ouologuem. Face au malaise persistant, à la radicalisation des discours et à la tentation de la surenchère identitaire, Elgas invite ses pairs à s'ouvrir davantage au pluralisme des idées, condition sine qua non à l'éclosion d'idées et initiatives nouvelles, porteuses d'avenir et de réussite pour le continent. ► À lire aussi : Renouer avec la candeur, avec Elgas
4/9/202312 minutes, 52 seconds
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Troisième candidature de Macky Sall à la présidentielle au Sénégal: on sera fixé lors des «parrainages»

Au Sénégal, le jeu reste très ouvert à dix mois de la présidentielle de février prochain. Dans la majorité, on ne sait toujours pas si le Président Macky Sall sera candidat ou s'il prépare discrètement un dauphin pour briguer sa succession. Dans l'opposition, on ne sait pas encore si Ousmane Sonko, Karim Wade et Khalifa Sall pourront compétir tous les trois. Mais attention, avec la nouvelle règle des parrainages, l'heure de vérité approche, nous dit Babacar Ndiaye, qui est directeur de recherche et de publication dans le think tank Wathi. En ligne de Dakar, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Quand le président affirme qu’il n’y a pas d’obstacles constitutionnels à un troisième mandat éventuel de sa part, qu’est-ce que vous en pensez ? Babacar Ndiaye : Écoutez, le Conseil constitutionnel devra trancher, mais il faudra voir ce que cette décision du président de la République par rapport à une éventuelle candidature, ou pas, pourra avoir comme conséquences, parce que, lorsqu’on écoute aujourd’hui l’opposition, elle affiche clairement une forme de radicalité quant à la question de cette troisième candidature. Et donc, dans la situation actuelle au Sénégal où il y a eu pas mal de tensions ces deux dernières années, il est évident que cette question du troisième mandat peut constituer un sujet de discorde entre l’opposition et le pouvoir. Beaucoup disent que, s’il n’était pas candidat à un troisième mandat, Macky Sall aurait déjà préparé un dauphin... Évidemment que s’il annonce qu’il n’est pas candidat, il faudra que son parti, sa coalition, Benno Bokk Yakaar, présente un candidat, et il y a des figures de premier plan justement au sein de cette coalition. Et donc de toute évidence, il est clair qu’un proche du président sera candidat de cette coalition.   Quels sont les dauphins possibles au sein de la coalition présidentielle ? Il y a des figures de premier plan. Notamment, il y a monsieur Idrissa Seck, qui a rejoint le président de la République dans la coalition Benno Bokk Yakaarà la suite de l’élection présidentielle de 2019, où il était arrivé deuxième. Aujourd’hui, il occupe le poste de président du Conseil économique, social et environnemental et c’est quelqu’un qui a toujours affiché une ambition, justement,  à occuper le poste présidentiel. Mais il y a aussi d’autres profils qui peuvent se dégager, le nom du Premier ministre Amadou Ba est cité. Nous avons aussi d’anciens ministres, par exemple Makhtar Cissé, l’ancien ministre en charge du pétrole. On peut aussi citer des ministres dans l’actuel gouvernement, par exemple Ali Ngouille Ndiaye, qui est ministre de l’Agriculture. Il faut attendre d’abord la décision du président de la République qui tranchera et dira ce qu’il compte faire par rapport à cette élection présidentielle. Pensez-vous qu’Idrissa Seck rêve secrètement d’être le dauphin de Macky Sall  pour la prochaine élection présidentielle ? Ou pensez-vous qu’il en a fait son deuil, et qu’il sera l’un des candidats de l’opposition, comme en 2019 ? Ça fait tellement d’années qu’il souhaite devenir président… Depuis 2007, il a toujours été candidat. Lors de l’élection présidentielle de 2019, il est arrivé deuxième, avec un score intéressant, et donc il a toujours affiché cette ambition d’être président du Sénégal. Du temps d’Abdoulaye Wade, Macky Sall et Karim Wade étaient dans le même parti, le PDS [Parti démocratique sénégalais, NDLR]. Est-ce qu’ils pourraient se réconcilier ? Sujet difficile. Karim Wade n’est pas au Sénégal, il est au Qatar. Même si ses partisans disent qu’il sera de retour à Dakar dans les prochaines semaines, il y a beaucoup d’incertitudes sur une collaboration future ou des retrouvailles, comme vous dites, parce qu’il y a un certain nombre de revendications qui sont portées justement par le PDS, et notamment la revendication de rouvrir le procès de Karim Wade. Depuis plusieurs années, l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall, est dans l’opposition. Va-t-il y rester, ou pourrait-il changer de camp ? Il me semble que l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall, montre vraiment une présence remarquée au sein de l’opposition, et surtout au sein de la coalition, Yewwi Askan Wi, dont il est l’un des principaux leaders, j’allais dire animateur. Et donc, ce qu’il montre clairement, c’est qu’il se prépare aussi pour cette élection présidentielle. Alors l’une des grandes questions est évidemment de savoir si la figure de l’opposition, Ousmane Sonko, pourra être candidat. Est-ce que les dernières décisions de justice vont dans ce sens ? Ousmane Sonko a été condamné à deux mois de prison avec sursis. Ce que ses partisans craignaient, c’est qu’à l’issue de ce procès justement, le jugement rendu le prive de ses droits civils et politiques, mais le jugement est tout autre, donc il reste éligible. Alors je ne sais pas si le plaignant a introduit un appel, s’il y a appel, évidemment il va y avoir un nouveau procès. Mais pour le moment, il reste éligible à cette élection présidentielle. S’il est éligible, pensez-vous qu’il part comme favori au sein de l’opposition ? En 2019, il a quand même fait un score de plus de 15% à l’élection présidentielle alors qu’il en était justement à sa première candidature. Et on a l’impression qu’après cette élection-là, il a montré une stature vraiment de chef de l’opposition. Maintenant, il faut savoir aussi qu’au sein de l’opposition, et notamment de la coalition Yewwi Askan Wi, il y a beaucoup de candidatures qui sont déclarées. Comme on l’a dit tout à l’heure, il y a Khalifa Sall, l’ancien maire de Dakar, il y a aussi monsieur Déthié Fall, monsieur Malick Gakou. Et donc, la stratégie est de dire que les leaders de la coalition soutiendront celui qui arrive au second tour et qui sera le mieux placé à ce moment-là. « Le moment venu, je ferai savoir ma position », a dit Macky Sall dans une interview à nos confrères de l’Express. Est-ce qu’il peut attendre la fin de l’année, le mois de décembre par exemple, pour annoncer sa décision ? Ou est-ce que ce sera trop tard ? Je pense qu’il devra annoncer sa décision un peu plus tôt parce que vous savez, au Sénégal, il y a maintenant la règle des parrainages, et donc les candidats devront se soumettre justement à cet exercice de récolter les parrainages, qui est l’un des critères pour présenter sa candidature au Conseil constitutionnel. Et il me semble que normalement l’exercice de collecte des parrainages aura lieu bien avant le mois de décembre, et donc nous aurons une réponse assez rapidement sur cette candidature ou pas.
4/7/20237 minutes, 24 seconds
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« Feux, fièvres, forêts » : regard de la romancière Marie Ranjanoro sur la colonisation à Madagascar

C'est un premier roman puissant que vient de signer la jeune autrice malgache Marie Ranjanoro. Il s'appelle « Feux, fièvres, forêts ». Le texte nous emmène en 1947, alors que Madagascar est en pleine insurrection contre le colonisateur français. Au fil des pages, on mesure le décalage de la présence coloniale avec la société malgache, la brutalité de cette présence. Tout cela au cœur d'une forêt qui avale l'humanité des deux parties. Marie Ranjanoro parle de son roman au micro de Laurent Correau.
4/6/20235 minutes, 7 seconds
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Ribio Nzeza: «Il est important d’avoir les archives pour pouvoir raconter le passé de l‘Afrique»

Une chaire « Les Archives au service des nations et des sociétés africaines » vient d'être créée à l’Unesco, une initiative d'échange et de coopération universitaire autour de la question des archives. Hébergé à la prestigieuse école française d'archivistes, l'école des Chartes, le projet est également porté par l'École de bibliothécaires, archivistes et documentalistes de Dakar ainsi que par l'Université Léopold Sédar Senghor à Alexandrie. À l'heure où les questions mémorielles sont devenues de vrais enjeux de société, de quel type d'archives les nations africaines ont-elles besoin ? Pour en parler, notre invité est Ribio Nzeza, le directeur du département culture de l'Université Senghor à Alexandrie. Il répond aux questions de Laurent Correau RFI : Quelle est la situation des archives de manière générale sur le continent africain à l’heure actuelle ? Ribio Nzeza : À l’heure actuelle, les archives sont peu prises en compte. C’est-à-dire qu’il n’y a pas sur le plan politique une sensibilité forte dans le domaine des archives. Et aussi, au niveau de la population générale, il y a une faible considération des archives. Quand on entre dans un bâtiment d’archives, on peut être surpris de voir des documents qui peuvent être entassés ou peut-être certains qui jonchent encore le sol. Les conditions de conservation ne permettent pas aux documents de résister à l’épreuve du temps. Et peut-être un personnel pas suffisamment motivé, alors que c’est le lieu où est conservée la mémoire de tout un pays et qui est destiné à pouvoir guider l’action de l’État. Quels sont les problèmes posés par cette absence de politique archivistique ? La première chose, c’est que les États ne sont pas en posture de pouvoir bien dialoguer avec les autres États lorsqu’il s’agit de régler les questions mémorielles – il y a l’exemple de la commission mixte qui a été mise sur pied pour l’histoire entre la France et le Cameroun, ou la commission qui a été mise sur pied en République démocratique du Congo pour la restitution des documents, des restes et d’autres bien culturels avec la Belgique. Le fait que les archives ne soient pas bien conservées, bien traitées, bien classées pose problème pour qu’il y ait un dialogue sur un pied d’égalité. Ça pose un problème aussi dans le domaine de l’administration de l’État : on prend des lois et des décisions, mais il faut que ça repose sur ce qui a été décidé antérieurement : il y a des traités, des conventions qui sont signés, parfois on remarque que les États signent plusieurs accords alors que ça entre en contradiction avec les précédents accords. On voit monter dans la jeunesse des revendications de plus en plus fortes en matière de souveraineté, de réinvestissement par les pays de leur récit historique. Quel lien est-ce qu’on peut établir entre ces revendications et les problèmes de gestion des archives dans les pays concernés ? Il y a un problème dans l’écriture de l’histoire, parce que les acteurs du Sudn’ont pas accès à toutes les données pour raconter leur propre histoire. Donc, c’est important d’avoir ces archives. S’il n’y a pas d’accès à toutes les archives, qu’est-ce qu’il sera raconté dans les écoles, dans les institutions sur le passé de l’Afrique ? Donc il y a un travail à faire… déjà pour les archives d’aujourd’hui -pour raconter l’Histoire d’aujourd’hui dans cinquante ans- mais il faut aussi chercher à accéder aux archives d’il y a un siècle, d’il y a trois siècles. Vraiment, c’est une question d’échanges sur le plan diplomatique et bilatéral : pouvoir ressouder l’Histoire et assurer la continuité dans le récit. Quelles sont les bonnes pratiques qui existent à l’heure actuelle sur le continent en matière de conservation d’archives ? Il y a deux bonnes pratiques qu’on peut noter en matière d’archives. Sur le plan législatif, on peut citer le Sénégal parmi les rares États qui ont une politique, une réelle loi sur la gestion des archives et des documents administratifs : la loi 2006-19 qui évoque tous les piliers pour la conservation et la communication des archives. Et sur le plan technique, on a Arquivo nacional de Angola [les archives nationales d’Angola], un nouveau bâtiment inauguré en 2020 par le président Lourenço, qui comporte cinq étages, trente-neuf salles d’expositions, deux laboratoires pour pouvoir bâtir le développement de cet État. En l’état actuel des choses, Ribio Nzeza, quels sont les besoins pour mettre en place des systèmes d’archives qui soient efficaces ? Les besoins sont multiples, mais vraiment les besoins les plus importants sont en matière de formation. Il faudrait qu’il y ait des spécialistes formés sur le continent africain. Compte tenu de la situation peu enviable des archives, les formations académiques et professionnelles ne sont pas nombreuses. Deuxièmement, il y a la sensibilisation, parce que s’il n’y a pas beaucoup de personnes qui veulent se former aux archives, c’est parce que les archives sont déconsidérées dans la société. Et le troisième besoin, ce sera l’accompagnement des États dans leur processus de dématérialisation des archives. Par exemple, en Afrique du Sud, il y a un projet qui est de pouvoir numériser tout ce qui est archives multimédias liées à la lutte contre l’Apartheid, le Mayibuye project à l’université de Western Cape. Une chaire Unesco est créée à l’école des Chartes, la prestigieuse école d’archivistes française. Cette chaire portera sur le thème « Les Archives au service des nations et des sociétés africaines » : qu’est-ce qu’elle peut apporter à la question des archives en Afrique ? Avec la création de cette chaire, qui est constituée par l’école nationale des Chartes, l’université Senghor à Alexandrie et l'École de bibliothécaires, archivistes et documentalistes de Dakar (Ébad), on va essayer de connecter les différents acteurs qui travaillent peut-être de manière éparse. Il y a les organisations internationales qui regroupent les professionnels, on a les États qui ont des besoins mais ils ne travaillent pas forcément en connexion. Il faut aussi aider les communautés. On va essayer de connecter les différents acteurs qui ne travaillent pas forcément en connexion pour le moment. ► À lire et à écouter aussi: Restitution d'œuvres d'art africaines: «Ce qui est important, c'est de créer un cadre juridique»
4/5/20234 minutes, 57 seconds
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Sadibou Marong (RSF): «Le Sahel est en train de devenir une zone de non-information»

« Le Sahel est en train de devenir une zone de non-information » : c’est ce qui ressort d’un rapport de Reporters sans frontières (RSF) publié lundi 3 avril. Une enquête intitulée « Dans la peau d’un journaliste au Sahel » qui porte sur les dix dernières années, auprès de journalistes et experts des pays de la région. Sadibou Marong, responsable du bureau Afrique de RSF basé à Dakar, est l’invité de Charlotte Idrac. RFI : qui sont « les ennemis de la presse », comme vous le dites, dans les pays ciblés ? Sadibou Marong : Les bandes armées d’abord. Ce sont elles qui détruisent les radios communautaires, que ce soit du Niger, du Burkina Faso ou bien du Mali. C’est également elles qui imposent leur agenda, pour écouter des prêches au lieu de la musique. Ce sont également les bandes armées qui enlèvent les journalistes, les animateurs des radios communautaires, notamment ceux et celles qui ne respecteraient pratiquement pas leurs consignes, ou bien en tout cas leurs messages clé. Il y a aussi des juntes, qui font de plus en plus d’actions assez hostiles pour la liberté de la presse, le droit à l’information. Aujourd’hui, la question du « traitement patriotique de l’information », théorisée dans un pays comme le Mali, commence manifestement à faire florès avec des injonctions : ce narratif pro-junte mixé à du narratif également pro-russe. Ce qui arrange un peu la junte, c’est qu’au lieu de parler du personnel de Wagner, ils préfèrent parler de « nos collaborateurs ». Donc il y a de groupes armés, les États, mais aussi de plus en plus des citoyens, notamment sur les réseaux sociaux ? Dans le cadre de notre enquête, nous avons assisté à ce qu’on appelle l’émergence des comités de défense des militaires : des citoyens ou souvent des militaires qui sont très proches des juntes et qui ont des moyens pour envahir les réseaux sociaux, critiquer les journalistes, et souvent même faire pression sur les autorités. On a vu, par exemple dans le cadre du Mali, que ces comités de défense des militaires sont allés jusqu’à demander l’expulsion d’un certain nombre de correspondants étrangers. Mais dans un contexte de guerres, de menaces contre l’intégrité territoriale, que pensez-vous des arguments des autorités qui font valoir la stabilité du pays, la lutte contre le terrorisme ? En réalité, dans ces contextes disons de riposte des armées républicaines aux attaques terroristes, il y a souvent beaucoup d’abus, beaucoup de violations des droits humains et elles ne veulent pas que ces exactions, souvent violentes, soient documentées par des médias indépendants. C’est le cas au Mali, c’est le cas récemment au Burkina Faso. Au Burkina Faso, justement, nos consœurs de Libération et du Monde ont été expulsées. Qu’en est-il des journalistes burkinabè sur le terrain ? Comment travaillent-ils au quotidien ? Il y a de la résilience chez les journalistes burkinabè qui tiennent à rester journalistes, malgré le contexte difficile - souvent, ce sont des convocations… Le souci qu’on peut avoir c’est : est-ce que ça ne va pas aussi développer de l’autocensure chez les confrères burkinabè ? Et puis, ne pas oublier aussi que pendant très longtemps, le Burkina a quand même été un pays où il y a eu une liberté de la presse vraiment foisonnante en Afrique pendant plusieurs années, c’est le pays de Norbert Zongo, c’est le pays où quand même ça bouillonnait. Vous faites le parallèle entre la situation actuelle au Burkina et celle qui prévaut au Mali ? Ce qu’il s’est passé au Mali est en train pratiquement de se reproduire au Burkina Faso, contre des médias internationaux, dont RFI et France 24… On dirait presque que le Burkina est en train d’apprendre des faits et gestes du Mali. Au Mali, toujours, le journaliste français Olivier Dubois a été libéré le 20 mars dernier. Mais il faut rappeler que d’autres journalistes maliens restent portés disparus là-bas… Oui, nous saluons la libération d’Olivier Dubois et nous pensons fort aux autres journalistes, Moussa M'Bana Dicko, Hamadoun Nialibouly. Nous pensons que ce sont des enlèvements, mais nous n’avons pas connaissance encore d’une revendication d’un quelconque groupe. Mais on sait déjà que l’un et l’autre avaient été menacés parce qu’ils travaillent dans des radios communautaires dans le centre du pays. Dans le cadre de leur travail, ils ont eu à parler un peu des groupes armés terroristes. Le rapport pointe aussi la restriction de l’espace de reportage, et vous prenez notamment l’exemple du Bénin, c’est ça ? La zone nord du pays ? Il y a eu des cas d’arrestations, des journalistes qui étaient en mission au nord. C’est une zone qui est frontalière avec des pays en proie à des conflits, et souvent on assiste à des incursions de groupes armés. Et les autorités béninoises ne souhaitent pas que les journalistes accèdent à ces zones, ne le motivent pas également et ne donnent pas les raisons officielles. Malgré ce tableau assez sombre, il y a des initiatives qui sont mises en place par des journalistes au Sahel. Quelles sont ses initiatives de résilience, comme vous les appelez ? Nous avons visité, par exemple, des studios comme Yafa à Ouagadougou, qui est en mesure d’entretenir beaucoup de partenaires dans des zones extrêmement reculées, en travaillant en collaboration avec des radios communautaires. Les studios Kalangou aussi au Niger. Au Mali, il y a Tamani. Il y a également des initiatives de lutte contre la désinformation, que ce soit Africa Check, Mali Check, que ce soit au Tchad des petites formations à l’attention des journalistes et également des activistes et des journalistes citoyens. Ça, cela nous semble important. ► À lire aussi : Reporters sans frontières alerte sur une liberté de la presse de plus en plus menacée au Sahel
4/4/20234 minutes, 57 seconds
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«Cults» au Nigeria: «Il n'y a jamais eu de volonté politique d'en venir à bout»

C'est une plongée passionnante autant que glaçante que propose le livre Mafia Africa qui vient de sortir. L'enquête, signée par nos confrères Joan Tilouine et Célia Lebur, propose une exploration de certains réseaux criminels nigérians, ceux qu'on appelle les « cults ». Dans cet ouvrage, on découvre leurs ramifications internationales, notamment en Europe. Mais aussi un monde de rituels sanglants, de victimes déshumanisées et de combats pour le contrôle de territoires criminels. Entretien avec Célia Lebur, co-auteure de l'enquête. RFI : Célia Lebur, qui sont les cults, ces confréries qui sont au cœur de votre enquête ? Célia Lebur : Les cults sont des organisations criminelles nigérianes qui sont nées à partir des années 1950 sur les campus des universités nigérianes dans le sud du pays et qui, au fil des décennies, se sont dévoyées en organisations criminelles. Aujourd’hui, les cults sont impliqués dans le trafic de drogue, dans les réseaux de proxénétisme, dans la traite d’êtres humains et dans la cybercriminalité notamment. Quel rôle joue la ville de Benin City, cette ville du sud du Nigeria, dans l’organisation des cults ? Benin City joue un rôle majeur à plusieurs égards. Déjà, c’est la ville principale de départ des femmes qui vont être prostituées en Europe. C’est vraiment l’endroit d’où l’immense majorité part. Par ailleurs, c’est aussi en fait la ville où sont nées deux des plus puissantes confraternités cultistes, Black Axe, et Maphite. Elles sont nées dans les années 1970 sur le campus de Benin City Uniben (« Université de Benin »). On découvre aussi avec vous que le quartier le plus chic de Benin City, la Government Reserve Area (GRA), est aussi l’endroit où converge l’argent des cults, où s’installent certains de leurs responsables… Il y a à la fois les politiciens, « la vieille aristocratie », l’élite traditionnelle de Benin City, qui vit dans la GRA comme on l’appelle. Et il y a par ailleurs aussi tous les nouveaux riches, ceux que les gens de Benin City appellent eux-mêmes les « nouveaux riches », c’est-à-dire les Yahoo Boys du nom du moteur de recherches Yahoo, qui vraiment pratiquent les escroqueries en ligne, les « Madames », les proxénètes, les grands chefs cultistes. Tout ce monde-là se retrouve dans la GRA et s’achète des maisons absolument somptueuses et vit le plus tranquillement du monde. On accompagne justement dans votre ouvrage certaines des victimes de ces cults, des jeunes femmes à qui on vend du rêve et qui finissent sur les trottoirs des grandes villes européennes. Il y a par exemple le visage d’Odion qui a osé ébranler le système des cults à Marseille. Qui est-elle, Odion ? Odion, c’est la première qui dénonce et qui raconte ce que font ces hommes, qui en fait sont en embuscade, qui sont là derrière ces réseaux. Leur ultra-violence, le sadisme absolu, avec lequel ils gouvernent et ils dominent les femmes. Et on constate leur emprise de plus en plus grande sur la ville de Marseille, à la fois sur les réseaux de prostitution, sur les territoires de prostitution selon les quartiers, mais aussi sur le trafic de drogue. On rencontre aussi dans votre ouvrage Purity, une jeune femme qui tente la traversée pour l’Europe, qui part du sud du Nigeria, et qui finalement échoue à traverser la Méditerranée. On suit l’épopée de Purity : elle part de Benin City, elle passe par Kano dans le nord du Nigeria, ensuite par Agadez au Niger, puis la Libye, où elle restera bloquée. Mais ce qui est vraiment très frappant dans l’histoire de Purity, c’est qu’on se rend compte qu’en fait les réseaux nigérians sont absolument partout le long de la route migratoire. Qu’ils contrôlent certains camps, où les migrants sont gardés. Qu’ils sont en lien avec les « Madames » et les autres cultistes en Europe. Donc tout cela est quand même extrêmement structuré et organisé. Et elles sont bien entre les mains de Nigérians ces victimes-là, tout le long de la route, et non pas d’étrangers. L’activité de ces réseaux est marquée par une violence omniprésente. Violence contre ceux qui sont transportés vers l’Europe, mais aussi violence entre cultistes eux-mêmes. Les trahisons se payent à l’arme à feu, on le voit bien en lisant votre ouvrage, et les différents cults se livrent donc à une guerre de territoire là où ils sont implantés. Entre cults, les guerres sont incessantes pour le contrôle de trafics, de territoires, etc. Entre Eiye et Vikings, entre Vikings et Black Axe, entre Black Axe et Eiye, etc. Ça, on le voit en permanence, et il y a aussi les guerres de territoires avec les autres groupes des territoires sur lesquels ils s’implantent. Comment ce système des cults a pu à ce point gangréner la société de l’État d’Edo, dans le Sud du Nigeria, et s’étendre ensuite à l’international. Comment est-ce possible ? C’est un sujet extrêmement tabou au Nigeria les cults, personne n’en parle jamais. C’est aussi parce que beaucoup de gens puissants et de politiciens en sont. Et dès le départ les cults ont été instrumentalisés par les militaires, au pouvoir à partir des années 1970. En fait, ils s’en sont servis contre la jeunesse qui menait la fronde populaire contre les dictatures. Donc ils ont instrumentalisé les cults, et depuis lors en fait les gouvernements successifs et les politiciens ont tous vu l’intérêt de se servir des cults d’une manière ou d’une autre pour leurs propres intérêts. Donc, il n’y a jamais eu de volontés politiques de venir à bout de ce phénomène au Nigeria. Jamais.
4/3/20235 minutes, 2 seconds
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Mali: «Le Gao rap est un rap révolutionnaire», dit Baba Konaté

Originaire de la ville de Gao, Baba Konaté alias « Babsy » est l’un des pionniers du rap dans la ville du nord du Mali. Au point d’avoir créé avec d’autres chanteurs un style : le « Gao rap », un mélange étonnant et détonant de sons traditionnels, de guitares électriques avec des rythmes de ragga et des nappes venus tout droit des séries de Bollywood. Pour la première fois, le label Sahel Sounds produit un album complet de « Babsy », Tounga, un retour sur quinze années de production de ce « Gao rap ». ► À écouter aussi : Iba One, un gladiateur devenu empereur
4/2/20236 minutes
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Catherine Liousse: «Il y aurait un million de morts par an liés à la pollution de l’air aux microparticules» en Afrique

La pollution de l’air s’est aggravée en 2022 en Asie, au Moyen-Orient et en Afrique. C'est ce qui ressort du dernier rapport que vient de publier la société suisse IQAir, spécialisée dans ce type de pollution. Avec des concentrations de particules fines allant jusqu’à 89,7 microgrammes par mètre cube, Ndjamena serait la ville où la qualité de l’air est la pire au monde. Il existe plusieurs réseaux comme IQAir, tous les classements donnent des résultats différents mais tous font le même constat : la pollution de l'air des villes africaines est très préoccupante. Catherine Liousse est directrice de recherches au CNRS, au laboratoire d'aérologie de Toulouse. Elle se trouve à Abidjan en ce moment et répond aux questions de Carine Frenk.   RFI : Catherine Liousse, à en croire les résultats de ce rapport sur la pollution de l’air en Afrique, Ndjamena est la ville la plus touchée au monde par cette pollution aux microparticules, 17 fois plus que le seuil recommandé par l’OMS. C’est assez incroyable ? Catherine Liousse : Les chiffres paraissent incroyables, mais moi, ça ne m’étonne pas au-delà, parce que je l’ai montré ailleurs. Sur toute l’Afrique de l’Ouest, alors là avec des capteurs bien calibrés, on a montré  que les concentrations en particules fines étaient 3 à 15 fois supérieures à la norme de l’OMS [Organisation mondiale de la santé]. On a fait des mesures à Bamako, là Bamako n’apparaît pas. Bamako a des concentrations aussi importantes qu’à Dakar, qu’à Ouagadougou. On a fait des mesures au Cameroun. On a fait des mesures dans plusieurs villes qui ont toutes dépassé de 3 à 15 les normes OMS. Et ce n’est pas comme en Europe des pics de pollution. Ce sont des pollutions qui sont constantes, c’est du long terme. Et ce, pour plusieurs raisons. Quelles sont ces raisons ? Déjà, nous avons une démographie galopante ces dernières années. Par exemple, si on regarde à Dakar, on a augmenté d’un million la population de Dakar de 2007 à 2017. Donc qui dit augmentation de la population dans les villes dit forcément activités anthropiques qui sont développées. Pour n’en citer que quelques-unes, il y a le trafic qui est incontrôlé. Il y a des feux domestiques avec le charbon de bois, le bois, etc. Il y a les déchets urbains qui représentent une grande source de pollution, qui sont brûlés. Il y a les industries. Cela fait un cocktail de pollution urbaine. Mais associées à ça, la plupart des villes africaines sont sous les vents finalement du désert et des particules qui arrivent du désert, pour tout ce qui est Afrique de l’Ouest et centrale, et qui viennent se rajouter à la pollution anthropique, associée à des conditions physico-chimiques de température et d’ensoleillement qu’on connait, tout cela fait un cocktail de polluants qui est très important pour l’Afrique. On parle souvent des pots d’échappement, beaucoup moins de l’utilisation du charbon de bois dans les ménages. Ça, c’est un vrai problème ? Le charbon de bois et le bois sont des grands émetteurs de particules, et de particules fines. Effectivement, ils contribuent beaucoup à la pollution intérieure par exemple, sachant qu’en plus, souvent les cuisines sont peu ou pas ventilées. Donc, les habitants, surtout les femmes, respirent cette pollution toute la journée et cela a des conséquences sanitaires importantes. Justement, avec de tels dépassements, que faut-il craindre pour la santé des habitants ? Les particules fines pénètrent dans l’appareil respiratoire et elles vont donc avoir des impacts sur l’inflammation des cellules, et ensuite conduire vers des maladies. Nous, on a fait un calcul à l’échelle de l’Afrique : il y aurait un million de morts par an, liés à cette pollution, un million de morts avec des maladies respiratoires et des maladies cardiovasculaires, etc. Ouagadougou, Kinshasa, Abidjan et Dakar sont citées. Mais de nombreuses villes africaines ne sont pas citées dans un rapport comme celui-là. Faute de données, seulement 19 pays sur 54 disposent d’un système de surveillance de la qualité de l’air. Comment cela est-il encore possible ? Oui. Le manque de données effectivement sur l’Afrique est criant, et ça c’est évident. Un vrai réseau de qualité de l’air comme nous avons en Europe, ça il y en a très peu, il n’y en a même pas 19 sur 54, un vrai réseau avec des mesures comme nous avons en France avec  le réseau Ademe [Agence de la transition écologique à Paris, Ndlr]. On peut en citer un sur l’Afrique de l’Ouest uniquement, c’est celui de Dakar qui marche depuis 10 ans. Mais ça va plus loin que le manque de données sur la pollution de l’air. Ça va aussi sur par exemple compter le trafic, compter les activités domestiques, tout ce qui est en amont de la pollution, pour pouvoir réduire cette pollution. Pas de données, cela veut dire pour les gouvernants, pas de problèmes. Donc, pas de solution à chercher ? Plus il y aura de données, plus les gouvernements seront à même de vouloir proposer des solutions. Il faut multiplier les mesures, multiplier les coordinations de réseaux qui existent aujourd’hui et qui se développent pour pouvoir proposer des solutions de réduction de la pollution, parce qu’on voit que, si finalement on ne fait rien sur cette pollution, la pollution continuera d’augmenter. On peut imaginer qu’en 2030, elle sera multipliée par 4 sur l’Afrique si rien n’est fait avec 200 000 morts en plus sur les 1 million qu’on disait tout à l’heure. La population souffre et va souffrir de plus en plus de cette pollution aux particules fines dans les villes africaines.
3/31/20235 minutes
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Algérie: «Il y a un retour de la rhétorique de la peur»

En Algérie, c'est le 2 avril 2023 que l'on connaîtra le verdict dans le procès du journaliste Ihsane El Kadi, le fondateur du site d'informations Maghreb Emergent, contre qui le procureur a requis cinq ans de prison dimanche dernier. Pour beaucoup d’observateurs, Ihsane El Kadi est loin d’être le seul prisonnier d'opinion en Algérie. Pourquoi cette vague de répressions, trois ans après l'arrivée au pouvoir d'Abdelmadjid Tebboune ? Dalia Ghanem est analyste à l'European Union Institute for Security Studies (EUISS) et a publié, en anglais, L'autoritarisme compétitif en Algérie. Elle répond aux questions de Christophe Boisbouvier.   RFI : Dalia Ghanem, le procureur a requis cinq ans de prison contre le journaliste Ihsane El Kadi. Comment interprétez-vous ce réquisitoire ? Dalia Ghanem : C'est dans la continuité de cette escalade répressive qui remonte, je dirais, au confinement puisque les autorités algériennes avaient utilisé le confinement du Covid-19 pour étouffer le Hirak, et c'est dans la continuité de ces actes de répression.  Alors, notre confrère Ihsane El-Kadi a été arrêté en décembre dernier juste après avoir signé une analyse sur ce qu'il appelle « l'incapacité du président Tebboune d'ouvrir une perspective politique ».  Oui, tout à fait. Alors je pense que Ihsane, il est l'un parmi tant d'autres, étant de ses rares journalistes qui, encore indépendant, dit ce qu'il pense et bien sûr ça dérange le régime. Alors, il faut savoir que la liberté d'expression, oui, elle existe, mais elle existe encore sous certaines conditions. C'est-à-dire quand le régime décide ou juge que vous avez dépassé la ligne rouge, vous êtes jugé pour diffamation, parfois pour association avec le terrorisme. Donc, ils utilisent aussi l'appareil judiciaire pour pouvoir arriver à leurs fins. Et je pense que Ihsane, il n’est pas le seul, il y a aussi des chercheurs, des universitaires, qui ont été aussi inquiétés, parfois arrêtés pour des raisons complètement fausses, mais c'est aussi une manière pour le régime d'effrayer la population et d'arrêter toute velléité du Hirak de revenir.  Et visiblement le président Tebboune a été piqué au vif par cette analyse d'Ihsane El Kadi puisque deux mois plus tard, en février dernier, il a accusé publiquement Ihsane El Kadi d'être un « khabardji », c'est-à-dire un informateur comme du temps de la guerre pour l'indépendance.  Tout à fait. Alors c'est un classique, j'ai envie de dire, ce sont des insultes, entre guillemets : « Khabardji », ou alors harkis, ou alors complotistes, avec cette fameuse rhétorique de la main étrangère qui veut du mal à l'Algérie. Effectivement, il y a un retour vers une rhétorique de la peur. Il n’y a pas que Ihsane bien sûr, ils sont à peu près 280 à 300 personnes à être dans les geôles algériennes aujourd'hui. Et je pense qu'il faut aussi parler de toutes ces personnes qui sont peut-être moins connues, mais au-delà des grands noms et des procès très médiatisés, il y a quand même 300 personnes aujourd'hui qui sont des détenus politiques pour leurs opinions. Donc, je pense que ce processus d'escalade répressif va continuer dans les prochains mois jusqu'à ce que le régime soit, j'ai envie de dire, certain que le Hirak ne reviendra pas dans les rues.  Mais pourtant, on croyait que ce mouvement Hirak s'était essoufflé depuis le Covid et qu'il n'inquiétait plus le régime.  Alors il s'est essoufflé, oui, mais encore une fois on ne sait pas ce qu'il est : est-ce qu'il est mort, je dirais ? Les Algériens, en février 2019, ont prouvé leur capacité à se mobiliser et ont prouvé aussi leur capacité à bien se mobiliser. On se rappelle tous de cette mobilisation pacifique et civique. C'était à la même à l'époque que les « gilets jaunes » en France et je me rappelle que les analystes étaient assez impressionnés par le civisme de ce mouvement. Donc ça a pris le régime un peu au dépourvu, ils ne s'attendaient pas à ça. Et donc, ils se disent à un moment donné, effectivement, le Hirak pourrait revenir. Pour le moment, ils ont une manne économique qui est assez importante grâce à la guerre en Ukraine qui permet aussi d'acheter encore la paix sociale, mais ils se disent quand il y aura plus le moyen d'acheter la paix sociale et quand la taille de la carotte - parce que c'est toujours la carotte et le bâton - ne sera plus disponible il faudra utiliser un peu plus le bâton parce qu'ils ont encore cette crainte que le Hirak revienne sous une forme ou sous une autre.  Il y a trois ans au moment de l'arrivée au pouvoir d'Abdelmadjid Tebboune, il y a eu un vent d'espoir démocratique sur l'Algérie. Est-ce qu'aujourd'hui ce vent est totalement retombé ?  Il y a eu un vent d'espoir démocratique ? Je ne suis pas sûre. Ce qui arrive dans les régimes comme le régime algérien qui a un régime semi-autoritaire, dans les moments de transition, les études ont montré que il y a deux voies généralement : soit une ouverture et donc on a le nouveau leader qui veut parler à l'opposition et faire des concessions, ce qu'on avait pensé d'Abdelmadjid Tebboune au début, puisque on se rappelle que deux mois après son élection la télévision nationale avait annoncé la sortie de prison d'à peu près 76 activistes. Mais en fait, très vite, il s'est avéré que l'Algérie nouvelle dont il parlait était rhétorique. Dès l'élection de Tebboune, trois mois après, le retour vers un autoritarisme beaucoup plus dur est déjà en marche parce que le régime n'a pas de vision politique stratégique. La seule vision du régime, c'est de se maintenir.  Abdelaziz Bouteflika, Abdelmadjid Tebboune : peut-on dire que les présidents passent et que c'est l'armée qui reste au pouvoir ?  Tout à fait. D'ailleurs je l'explique bien dans mon livre, je dis : « Le centre, le cœur du pouvoir en Algérie reste l'armée, elle prend les décisions majeures, elle ne gouverne pas au jour le jour, mais c'est elle qui dirige le pays, c'est elle qui prend les décisions les plus importantes de politique étrangère, d'économie et cetera. » Donc, effectivement, les présidents se succèdent. Il ne faut pas oublier aussi que les présidents sont choisis quand même par l'armée. Le retour de Bouteflika en 1999 n'aurait pas été possible sans l'aval de l'état-major de l'armée et pareil pour Abdelmadjid Tebboune.  Le départ du gouvernement du ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, est-ce le signe d'une discorde au sein de l'appareil d'État et peut-être d'un vrai débat démocratique à venir, en vue de la prochaine élection ?  Un vrai débat démocratique, non, mais d'une discorde, oui, ce n'est pas la première. On a vu Ramtane Lamamra partir et revenir souvent. Alors, c'est un peu triste pour la diplomatie algérienne parce que c'est quand même l'un des poids lourds de la diplomatie algérienne, c'est monsieur Afrique, c'est quelqu'un qui connaît très bien le continent africain, c'est quelqu'un qui est bien connu dans les instances de l'ONU. Il est clairement aussi le signe d'un conflit entre le président et le ministre des Affaires étrangères. Et je pense que, en tout cas, les rumeurs veulent que monsieur Lamamra ait des ambitions présidentielles. Alors est-ce que c'est vrai ou pas ? Clairement, encore une fois, le régime fait attention à qui il place, où il les place. 
3/30/20236 minutes, 37 seconds
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Mamadou Diouf: au Sénégal, «cette tension est annonciatrice de violences qui pourraient être incroyables»

Au Sénégal, s'ouvre une nouvelle séquence politique à risques, à la veille du procès pour diffamation d’Ousmane Sonko, prévu jeudi 30 mars 2023. La principale coalition d’opposition a maintenu ses appels à des mobilisations à Dakar, ce mercredi et ce jeudi, malgré l’interdiction des autorités. Dans un climat crispé, à moins d’un an de l’élection présidentielle prévue en février 2024, notre invité ce matin est l'historien sénégalais Mamadou Diouf. Il a signé la semaine dernière, avec une centaine d'intellectuels, une pétition adressée au président Macky Sall : « Nous constatons une violation flagrante, répétée et disproportionnée des droits des citoyens », peut-on lire dans cette tribune intitulée « Appel à la raison ». Parmi les nombreux signataires, l’écrivain Boubacar Boris Diop, la sociologue sénégalaise Fatou Sow, la journaliste franco-tunisienne Sophie Bessis ou encore Mamadou Diouf donc. L'historien, professeur à l’université de Columbia à New-York, répond aux questions de Carine Frenk. RFI : Pourquoi cette démarche ? Pourquoi cette mobilisation aujourd’hui de la part des intellectuels ? Mamadou Diouf : Je pense que la mobilisation des intellectuels, qui s’intéressent et se préoccupent du Sénégal, est motivée par une seule chose, c’est cette tension qui est perceptible et qui est annonciatrice de violences qui pourraient être incroyables. Et donc l’idée c’est de dire : ce pays est en train d’aller à la dérive. Donc les deux buts de la pétition, c’est d’une part de dire qu’il faut revenir à de meilleurs sentiments et créer un environnement pacifique pour les élections à venir. La deuxième chose, c’est de dire qu’il faut veiller à ce que la démocratie sénégalaise non seulement ne soit pas écornée, mais qu’elle puisse se développer. RFI : Avant chaque présidentielle, on observe une montée des tensions. Qu’est-ce qui vous inquiète particulièrement en ce moment ? Mamadou Diouf : Je pense qu’avant chaque élection, on assiste effectivement à une montée de la tension. Mais aujourd’hui, ce qui est en train d’être remis en cause, et c’est ça probablement qui explique l’extrême mobilisation des partisans du pouvoir et de l’opposition, c’est que toute une partie des acquis sont en train d’être remis en cause. C’est-à-dire que ce qui est en train de se passer aujourd’hui, c’est un champ de bataille ouvert et des acteurs prêts à la confrontation. Et c’est ça qui a changé. RFI : Et quelles violations observez-vous ? Mamadou Diouf : Il y a toute une série de violations. La plus importante, c’est cette question du troisième mandat et en fait l’idée d’une candidature de l’actuel président. La deuxième chose, qui est beaucoup plus générale, c’est le non-respect des dispositions constitutionnelles, le droit de manifester, le droit à s’opposer. Et la troisième chose, c’est le recours à la répression, le recours à la police, le recours à la justice, pour éliminer les opposants et éliminer les principaux candidats à la présidence de la République. RFI : Vous insistez beaucoup sur l’instrumentalisation de la justice, ce n’est pas un phénomène nouveau pourtant ? Mamadou Diouf : Bien sûr, mais à ce point-là, c’est inédit. Ce qui est aussi inédit, c’est qu’aujourd’hui, les gens n’acceptent plus cela, c’est cela qui crée cette situation qui est une situation de tensions. RFI : Dans cette pétition, les signataires lancent au président Macky Sall un appel à la raison. Que lui demandez-vous précisément ? Mamadou Diouf : Ce que les pétitionnaires demandent, c’est tout simplement le respect de la Constitution, qui dit que le président Macky Sall ne peut pas se représenter, le respect du droit des opposants à s’opposer sans qu’on ne mobilise la justice pour, en fait, les éliminer. C’est tout ce que ça demande. Cette pétition dit qu’il faut revenir à la raison et arriver à créer un environnement d’une société ouverte, qui permette à toutes les ambitions de se développer, à toutes les opinions de s’exprimer, pour avoir un débat démocratique et pacifique. RFI : Mais le terme de troisième mandat ne figure pas dans votre texte ? Mamadou Diouf : Parce que ce mot n’a pas à y figurer. Cette pétition n’a pas pour fonction de trancher quelque chose qui est déjà tranché. Pourquoi va-t-on parler de quelque chose qui est réglé si on considère que c’est réglé ? RFI : L’opposition ne doit-elle pas elle aussi entendre votre appel à la raison ? Mamadou Diouf : Bien sûr, l’appel à la raison est un appel adressé au président de la République, mais c’est un appel à l’ensemble des acteurs sénégalais. Mais nous estimons que lui, il joue le rôle principal. Non seulement il joue un rôle dans la situation dans laquelle on se trouve, mais il est investi du pouvoir d’instaurer la paix au Sénégal. Et vous voyez, la pétition ne prend pas position. La pétition dit seulement : l’atmosphère est en train de pourrir, et on s’apprête à la violence. La violence, il faut la bannir parce que cette région est déjà une région qui est prise dans des secousses d’une violence inouïe. Tous ces gens qui ont signé ne partagent absolument pas les mêmes positions politiques, mais ils sont d’accord sur certaines choses : qu’il y ait des élections transparentes et non-violentes.
3/29/20235 minutes, 46 seconds
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Ousmane Diallo (AI): «Au Sahel, les organisations de défense des droits humains continuent de travailler dans un climat très hostile»

L’Afrique n’a pas échappé au phénomène : la situation des droits humains s’est dégradée dans toutes les régions du monde l’an dernier, souligne le dernier rapport d’Amnesty international. Ousmane Diallo est venu à Paris présenter la situation du Sahel. Chercheur au bureau régional d’Amnesty à Dakar, il répond aux questions de Claire Fages. ► À lire aussi : Droits humains dans le monde, en 2022, un deux poids, deux mesures plus flagrant que jamais
3/28/20235 minutes, 41 seconds
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Procès du 28-Septembre en Guinée: «Les dames qui sont passées à huis clos se sentent plus libérées»

Il y a six mois, le 28 septembre 2022, s'ouvrait un procès historique pour la Guinée. Le procès du massacre du stade de Conakry en 2009. Six mois plus tard, les onze accusés ont comparu, notamment l'ancien président Moussa Dadis Camara et son aide de camp Toumba Diakité. La Cour a également entendu à huis clos le témoignage de plusieurs femmes victimes de violences sexuelles... un moment particulièrement important pour Asmaou Diallo, présidente de l'association des victimes, parents et amis du 28-Septembre. Elle est l'invitée ce matin de Carine Frenk. RFI : Asmaou Diallo, six mois d’audience déjà pour ce procès historique. Quelle est l’image qui vous a le plus marquée ?  Asmaou Diallo : C’est surtout le jour où on a lancé l’ouverture de ce procès qu’on a attendu durant treize ans. Ça, c’était vraiment un bonheur pour nous, pour toutes les victimes, et je peux dire même pour la Guinée parce que c’est quelque chose au sujet duquel on se demandait : est-ce qu’on aura ce jour ? Et Dieu merci, c’est arrivé.    L’ex-président de la transition, le chef du CNDD [Le Conseil national pour la démocratie et le développement, Ndlr], le capitaine Moussa Dadis Camara, à la barre, c’est aussi une image très marquante ?   Oui, très marquante, parce que vous savez, le capitaine Dadis a toujours dit qu’il était prêt à venir devant la justice guinéenne, et ça, nous sommes vraiment très contents du fait qu’il ait accepté d’être là, ça aussi c’est très important pour la Guinée, c’est de faire comprendre aux Guinéens que personne n’est au-dessus de la loi.   Le voir sur le banc des accusés c’est une chose, mais est-ce que son témoignage, lui, est à la hauteur de vos attentes ?   Nous, victimes, on n’est pas satisfaites, jusqu’à présent on n’est pas du tout satisfaites, parce que jusque-là, d’abord lui il dit que c’est un complot de Sékouba Konaté, d’Alpha Condé, et de Toumba, qu’il n’en sait rien. Ceux qui sont avec lui aussi disent qu’ils ne le connaissent pas. Alors c’est ça maintenant le problème de ce procès, on se demande maintenant qui a été responsable, qui a donné l’ordre pour qu’on fasse ce massacre. Chacun dit : c’est l’autre, moi je ne connais pas, moi je ne sais pas. Et pourtant, il y a eu des tueries au stade, il y a eu des morts, il y a eu des violées, il y a eu des personnes disparues. Ces personnes disparues, on se demande, on se pose la question, ils n’ont qu’à le dire exactement où se trouvent les fosses communes s’il y a eu des fosses communes, et s’il n’y a pas de fosses communes, où se trouvent ces disparus. Et qui a commandité, qui a donné l’ordre, pour que ce carnage se fasse au stade ? C’est tellement sombre, jusque-là, ce n’est pas clair.  Mais tout de même, Toumba, l’ancien aide de camp de Dadis Camara, a parlé. Il a mis en cause Dadis Camara. Est-ce que son témoignage fait avancer la vérité ?   Je crois qu’il a éclairé la situation du 28-Septembre, tout ce qu’il s’est passé entre eux. Maintenant, quand lui il le dit, en tant qu’aide de camp de Dadis, Dadis n’a qu’à nous aider à voir la vérité. Peut-être le capitaine Dadis va finalement avoir vraiment la gentillesse de dire exactement ce qu’il en sait de ce qu’il s’est passé le 28 septembre. Il faut absolument que la vérité puisse sortir.   Et ce procès est retransmis à la télévision. Il est très suivi par la population. C’est quelque chose d’important pour vous ?   Oui, c’est très important. Vous savez, on avait demandé cela depuis le début, avant que le procès ne démarre, donc c’est très important et c’est très suivi, c’est très suivi au niveau national et international. Et le moment du huis clos, j’avoue que c’était compliqué pour les gens, on appelait souvent : quand est-ce que le huis clos va finir ? Parce que nous, on a envie de suivre le procès.   Les comparutions de Toumba ont cumulé plus d’un million de vues sur internet…  Oui, tout à fait. C’est Toumba qui a ouvert carrément les débats parce que lorsqu’il a témoigné, il y avait des choses que les Guinéens ne savaient pas.   Avez-vous observé des changements de comportement à l’égard des victimes qui ont beaucoup souffert de stigmatisation avant le procès ? Est-ce que les choses sont en train de changer ?   Oui, ça va les aider moralement. Tout le monde parle des victimes, donc les victimes sont vraiment très à l’aise de suivre le procès et de savoir que le procès est suivi. Il y a des victimes qui depuis le début jusqu’à aujourd’hui n’ont pas manqué un seul jour pour venir assister au procès.   Les parties civiles ont la parole actuellement, des victimes s’expriment à la barre. Ce procès les libère ?   Oui, ça les libère, je vous le dis, les dames qui sont passées à huis clos se sentent vraiment très ragaillardiesaujourd’hui parce qu’elles ont pu se libérer, parce qu’elles avaient ça dans le cœur durant treize ans. Je ne sais pas si vous avez suivi, il y en a une qui n’a pas voulu faire le huis clos, qui a vraiment eu le courage de témoigner à visage découvert. Je peux dire qu’elles ont eu vraiment mal au stade le 28 septembre, alors cette femme a su vraiment garder le cap. Il y a eu tellement de discrédit sur elle, mais elle a supporté, elle a expliqué exactement ce qu’elle a subi. Et je peux dire que ce sont des femmes qui sont braves, qui ont eu le courage d’être devant le tribunal, ça ça m’a beaucoup touché.
3/27/20234 minutes, 48 seconds
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Eugène Ebodé, écrivain camerounais: «J’ai essayé de toucher l’africanité qui rime avec immortalité»

Notre invité Afrique est l'écrivain camerounais Eugène Ebodé. Dans son onzième roman Habiller le ciel, édité dans la série Continents Noirs chez Gallimard, il sculpte une mosaïque africaine autour d'une Mama Africa qui n'est autre que sa mère : « celle qui m'invitait à habiller le ciel de prières pour détourner de mon chemin de furieux orages », écrit-il. Eugène Ebodé répond à Houda Ibrahim. RFI : La mémoire, le souvenir de votre mère, domine votre roman Habiller le ciel mais à travers Vilaria, votre mère, c’est enfin le portrat d’une famille camerounaise que vous esquissez ? Eugène Ébodé : C’est exact, c’est le portrait d’une famille endeuillée. Mais au-delà du portrait de la famille, c’est aussi une convocation d’un espace africain que j’ai essayé de restituer à travers des circonstances qui n’étaient pas favorables, c’est-à-dire la mort d’une mère. J’ai eu moi-même la première surprise de m’apercevoir que ce n’était pas un roman de la tristesse, c’était un roman du souvenir mais aussi du prolongement de celui-ci vers un horizon que j’appellerais le passé recomposé. Il y a les prémices d’une attitude à l’égard de la création, c’est-à-dire que le jeune homme que j’étais à l’époque de la convocation des premiers souvenirs, c’est celui qui tendait vers l’imagination combinée avec une possibilité de renverser un ordre qui n’était pas forcément favorable. « C’est un passé, comme vous dites, recomposé » que vous racontez. Est-ce pour donner à votre mère la vraie place que son être méritait ? Oui, je pense, à travers une mère et notamment la mienne qui a fait de moi ce que je suis, parce que si j’avais suivi mes instincts initiaux, j’étais plus porté vers le jeu, vers le football et non vers la littérature. Et donc elle a souhaité que j’aille à l’école puisqu’elle-même n’avait pas fréquenté les bancs de l’école. Elle était donc une analphabète mais elle avait une telle connaissance de la vie traditionnelle et de sa propre langue que c’était un régal de l’écouter et puis, elle a souhaité que je puisse avoir un autre destin. Donc, les diplômes en particulier, étaient pour elle l’occasion d’une fête, d’une fête à la maison et comme elle était danseuse, elle combinait la satisfaction d’avoir des enfants qui récoltaient des bonnes notes à la convocation de son propre souvenir d’artiste, de danseuse et elle dansait. Elle invitait les voisins à participer à cette symphonie collective. Vous écrivez : « Raconter cette mère disparue, c’est comme tresser une sépulture de paille, destinée à dévorer bien vite la montagne pour se disloquer dans les ravins de la mémoire ». Et vous l’appelez également Mama Africa, votre mère… Oui, je l’appelle Mama Africa d’abord parce qu’elle aimait beaucoup Myriam Makeba. Elle aimait aussi le continent, l’Afrique. Quand je suis allé au Tchad, c’était ma première expérience à l’étranger, elle a laissé faire et ensuite je sais que j’ai eu une autre expérience de la Côte d’Ivoire, cette fois dans le domaine sportif, elle n’était pas très heureuse de me voir sur les terrains de football mais elle a accepté que je puisse acquérir une expérience de l’ailleurs. Cette expérience de l’ailleurs a beaucoup compté dans mon imaginaire. Au long de ce roman, vous décrivez votre sentiment de culpabilité. Votre mère est partie alors que vous étiez absent. L’écriture vous a-t-elle guéri de cette culpabilité ? Bien sûr, elle fait beaucoup de choses et d’abord, des rattrapages. Et puis, vous pouvez faire votre mea culpa, reconnaitre vos torts. En écrivant, vous regardez aussi… et la première des leçons que l’on peut avoir, c’est aussi par soi-même. Pour mon absence à l’enterrement de ma mère, ce n’était pas forcément une manière de m’extraire de la procession qui l’accompagnait à sa dernière demeure, c’était des circonstances. Nous étions sous Covid et c’était aussi l’idée que Mère étant morte en septembre, c’est le mois de la rentrée des classes. Je pensais qu’elle serait très heureuse que je sois devant mes élèves et non autour de son cercueil. En écrivant, je me suis aperçu que l’occasion qui m’était donnée d’opérer une sorte d’introspection et de sentir le poids de la culpabilité, eh bien le poids des mots m’enlevait les mots désastreux pour que la fête soit celle de la connaissance. Et Mère, je suis sûr que d’ailleurs, elle le fait dans le dernier chapitre de ce livre qui correspond, je pense, au sentiment que nous avons eu et à la communication qui n’est pas rompue entre nous. Au dernier chapitre de votre roman, Mère, comme vous l’appelez, continue à vous écrire de l’au-delà. Elle continue aussi à vous raconter des histoires, des secrets. Est-ce une manière de dire que nos proches disparus continuent de vivre à travers nous ? Ce chapitre est important parce qu’il restitue aussi la spécificité des littératures africaines. Moi, j’en fais une mère qui continue, vous le voyez bien, par-delà les espaces et par-delà les frontières du vivant et de la mort, à me tenir la main, qui continue à m’alimenter en réflexion, en bonheur et en amour, et cet amour est une lumière perpétuelle, et là, avec ce livre, j’ai essayé de toucher à quelque chose qui s’appelle l’africanité et qui rime avec l’immortalité.  
3/26/20235 minutes, 50 seconds
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Abdoulaye Bathily, émissaire de l’ONU pour la Libye: «Je négocie avec des groupes armés pour sécuriser les élections»

Dans une interview à RFI et France 24, le Sénégalais Abdoulaye Bathily, représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU en Libye, regrette que le Parlement libyen – la Chambre des représentants, basée à l’Est, et le Haut Conseil d’État, basé à Tripoli, à l’Ouest – « traîne des pieds » pour aller aux élections. M.P. : Monsieur Abdoulaye Bathily, il y a un mois, vous avez présenté au Conseil de sécurité des Nations unies une nouvelle initiative pour tenter de sortir enfin de l’impasse libyenne. Cette initiative prévoit notamment des élections présidentielle et législatives d’ici la fin de cette année 2023. On se souvient qu’en 2021, des élections devaient se tenir, mais tout a été bloqué en raison des tensions entre le camp de l‘Est et celui de l‘Ouest. Or ces tensions n’ont pas disparu, loin de là. Expliquez-nous pourquoi vous espérez que cette fois, ça va marcher ? Abdoulaye Bathily : Je pense que, cette fois-ci, il faut le dire, la plupart des acteurs libyens sont décidés à aller aux élections, veulent aller aux élections. Et en réalité, il n’y a que quelques responsables en position institutionnelle qui ne veulent pas des élections, ou tout au moins qui traînent les pieds. Et il faut créer les conditions pour que la question électorale ne reste pas entre les mains de cette minorité qui bloque, mais que la question électorale concerne l’ensemble des segments de la société. Il y a l’institution législative, la Chambre des représentants et le Haut conseil d’État qui ont en charge la partie législative. Mais il faut dire que, depuis un an, ces deux chambres n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur la base constitutionnelle et sur la base des lois électorales. Mais récemment, elles sont venues avec une proposition, c’est-à-dire l’amendement constitutionnel n°13,  sur lequel je n’ai pas d’objection majeure. Mais il faut le dire, il y a d’autres questions importantes qui restent à régler : la question par exemple des lois électorales, la question de l’éligibilité des candidats. Christophe Boisbouvier : Abdoulaye Bathily, arrêtons-nous sur ces deux assemblées législatives dont vous venez de parler et qui « trainent des pieds », comme vous dites. Elles sont rivales, l’une à l’Est, l’autre à l’Ouest. Mais elles sont toutes les deux d’accord sur un point en effet, elles ne veulent pas de votre plan. Elles vous accusent d’ingérence. Est-ce qu’elles ne cherchent pas surtout en réalité à « jouer la montre » pour empêcher toute élection afin que chaque député, chaque sénateur puisse garder son siège le plus longtemps possible ? A.B. : Il n’y a pas d’ingérence de notre part. Qu’est-ce qu’il y a de notre part ? Il y a un appel à la responsabilité, responsabilité politique, responsabilité morale, responsabilité aussi légale. Parce que ces deux chambres ont perdu leur légitimité dès lors qu’elles ont été élues respectivement en 2012 et 2014. Et depuis lors, aucune élection n’a mis en jeu leur mandat. Et par conséquent, la prolongation de cette situation intérimaire évidemment les arrange sans doute, mais n’arrange pas la majorité des Libyens qui veulent aujourd’hui, après s’être inscrits massivement sur les listes électorales, que des institutions légitimées par les urnes soient mises en place. Et aujourd’hui, il s’agit justement de faire en sorte que la question électorale soit étendue à d’autres segments de la société qui interviennent sur ce processus. C’est dans ce sens-là que, depuis quelques mois déjà, j’ai engagé les consultations et la négociation, non seulement avec les partis politiques, mais aussi les groupes de femmes, les groupes de jeunes, mais également les groupes sécuritaires. La situation sécuritaire en Libye est très préoccupante. Ce sont des institutions sécuritaires qui sont fragmentées : il y a les miliciens, il y a les groupes armés, il y a des mercenaires. Il y a toute une situation préoccupante qu’il faut aussi régler pour que les élections se tiennent. Or jusqu’ici, le débat électoral ne tient pas compte de cette dimension-là. J’ai déjà engagé, grâce au soutien du Comité militaire 5+5 [5 membres du gouvernement libyen légitime et 5 membres des forces de Khalifa Haftar, Ndlr], des pourparlers, des discussions, et même des négociations avec des groupes armés de l’Est et de l’Ouest qui sont d’accord pour participer à la sécurisation du processus électoral. Et je continue cette discussion-là. Dans les prochains jours, je vais également aller dans certains pays voisins de la Libye, à la frontière, au Soudan, au Tchad, au Niger. Un comité de liaison sous l’autorité du Comité militaire conjoint 5+5 a été mis en place. Il faudra discuter avec les autorités de ces pays également sur la question des mercenaires, sur la question des groupes armés, en particulier dans la région Sud. Donc, aujourd’hui, il s’agit de créer les conditions pour que la question électorale dépasse les rivalités, les débats internes à ces deux chambres qui ne veulent pas avancer. Il s’agit que la société libyenne, qui aujourd’hui en a marre de ces groupes de politiques qui veulent conserver leurs sièges, il s’agit que cette société libyenne puisse avoir l’occasion d’ouvrir une nouvelle perspective pour le pays. M.P. : Abdoulaye Bathily, parlons maintenant de l’exécutif. À Tripoli, le Premier ministre Abdel Hamid Dbeibah a plutôt bien accueilli votre initiative. Mais est-ce le cas de son rival Fathi Bachagha ? Et à Benghazi, est-ce que l’homme fort, le maréchal Khalifa Haftar est d’accord ? On le dit assez réservé ? A.B. : Ces derniers jours, j’ai pris contact avec tous ceux que vous venez de nommer : le Premier ministre Abdel Hamid Dbeibah à l’Ouest, le maréchal Khalifa Haftar. Et je suis en contact permanent avec ce dernier : il est pour les élections, il est pour mon initiative. J’ai pris contact avec Fathi Bachagha, l’autre Premier ministre qui est à l’Est également, il m’a dit très clairement qu’il est pour les élections. Donc, aujourd’hui, il faut le dire, la plupart des acteurs, y compris le conseil présidentiel qui a également apporté son soutien à cette initiative, vont dans le sens vraiment de sortir le pays de l’impasse. C’est ceux qui veulent perpétuer la situation actuelle, qui veulent bloquer. Mais, je dois dire que l’écrasante majorité de la population libyenne voudrait que les élections puissent se tenir et nous maintenons le cap dans ces conditions. C.B. : L’une des causes de l’annulation des élections de 2021, c’est la querelle, vous le savez bien, sur la question d’éligibilité à la présidentielle. Et pour dire les choses simplement, le camp de l’Ouest veut interdire la candidature d’un militaire et d’un binational. Or, il se trouve que l’homme fort de l’Est, le maréchal Haftar, est non seulement un militaire mais un binational, Libyen et Américain. Le Premier ministre de Tripoli, Abdel Hamid Dbeibah, vient de déclarer : « Il est inacceptable de voir revenir un régime militaire ». Est-ce qu’il n’y a pas un blocage de ce côté-là ? A.B. : Ce qui est clair, c’est que les Nations unies sont pour des élections inclusives. Dans l’état actuel de la Libye, il n’est pas acceptable que des candidats puissent être, pour des raisons politiques, écartés de l’élection présidentielle. Cela porterait un grave préjudice à l’unité territoriale du pays, cela porterait un grave préjudice à la société libyenne. Aujourd’hui, une telle prise de position nous amènerait à une situation non seulement de blocage, mais à une situation d’aggravation de la crise. Une crise qui déjà a des conséquences néfastes pour tous les pays frontaliers de la Libye. Je pense au Sahel, à tous les pays du Sahel qui subissent les conséquences de cette crise libyenne et du vide sécuritaire. La Libye est un marché d’armes à ciel ouvert, une sorte même de supermarché. M.P. : On sait que les Américains cherchent une solution en Libye. On sait que les Russes jouent aussi un rôle très important en Libye. Ils soutiennent notamment à l’Est le maréchal Haftar. Donc, en fait, pour trouver une solution, il faut quand même que les Américains et les Russes s’entendent. Or depuis un an, depuis la guerre en Ukraine, ils sont à couteaux tirés, c’est le moins qu’on puisse dire, est-ce que cela veut dire que vos efforts sont voués à l’échec, comme cela a été le cas pour tous vos prédécesseurs ? Jusqu’ici, je dois dire que le tour que j’ai fait, de tous les pays concernés par la crise libyenne, montre qu’en réalité, il y a une volonté exprimée des uns et des autres de participer à la solution de la crise. Je suis allé dans tous les pays voisins, aussi bien en Turquie, au Qatar, aux Émirats arabes unis, en Égypte, en Algérie, au Maroc, et bien entendu en Tunisie, mais également dans tous les pays européens : l’Italie, la France, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la Russie, je suis allé à Moscou. Et le message que j’ai donné à tous ces pays, c’est que oui, les uns et les autres sont concernés par ce qui se passe aujourd’hui en Libye, mais il est important qu’on donne la chance au peuple libyen de forger son destin à travers des élections libres, démocratiques et transparentes. Et ce qu’on m’a répondu, c’est que, effectivement, il y a un accord sur cela parce que la prolongation de cette crise porte en germe l’aggravation de la crise non seulement en Afrique, mais également dans toute la région de la Méditerranée. Et bien entendu, il faut mettre fin à cette situation avant que la crise ne prenne de nouvelles proportions internationales. Parce que je dis que, s’il y avait une Coupe du monde en politique, la Libye serait qualifiée automatiquement, parce que beaucoup de pays sont déjà en train de jouer sur ce terrain, il faut mettre fin à ce jeu. C.B. : Merci Abdoulaye Bathily de nous avoir accordé cet entretien.
3/24/202312 minutes, 6 seconds
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Présidentielle au Gabon: il y a «un recul démocratique», dénonce Alexandre Barro Chambrier

Cette semaine, le Premier ministre gabonais Alain-Claude Bilie-By-Nze a donné une interview à RFI et France 24 dans laquelle il évoquait notamment la présidentielle de cette année. La date n’est toujours pas fixée mais il promet la transparence. Pour lui répondre, une des figures de l’opposition gabonaise : Alexandre Barro Chambrier. Ancien ministre des Mines d’Ali Bongo, il avait claqué la porte du parti au pouvoir pour rejoindre Jean Ping et l’opposition en 2016. Entretien avec celui qui préside aujourd’hui le Rassemblement pour la patrie et la modernité (RPM). RFI : Alexandre Barro Chambrier, sur le naufrage de l’Esther Miracle, le Premier ministre Alain Claude Bilie-By-Nze, reconnaît des négligences de la marine marchande. Vous a-t-il convaincu ? Alexandre Barro Chambrier : Il est là pour tenter de donner des explications à quelque chose pour laquelle ils n’ont pas été à la hauteur. Comment expliquer que les secours ne soient arrivés que plus de 3 heures après les premières alertes pour un navire qui était à quelques encablures de Libreville ? C’est vraiment dramatique et accablant. Et ils cherchent à masquer le nombre de morts, parce qu’on nous parle de 28 morts alors qu’il y a près de 40 personnes qui sont disparues. Il faudrait plus de transparence pour dire la vérité aux familles. La date de la présidentielle n’est pas encore fixée. Mais on sait maintenant que le scrutin se jouera en un seul tour. Et vous dénoncez une manœuvre, pourquoi ? C’est une décision qui est regrettable et qui nous ramène en arrière et qui est un recul démocratique. Le pouvoir œuvre en sourdine pour la dispersion des voix entre de multiples candidats pour déclarer Ali Bongo vainqueur avec un faible score. Cette année, il n’y aura pas d’observateur de l’Union européenne. Le Premier ministre Alain-Claude Bilie-By-Nze explique qu’en 2016, « ils ont contribué à aggraver la situation par des déclarations intempestives qui ne tenaient pas compte des réalités », selon lui. Il peut raconter ce qu’il veut. Vouloir être en vase clos, c’est la preuve qu’on a des choses à cacher et qu’on n’est pas si serein que cela. Il assure que le scrutin sera transparent. Pourquoi en doutez-vous ? On ne lui fait pas confiance parce que nous ne savons toujours pas la date de cette élection. Les listes électorales ne sont pas mises à jour. Comment voulez-vous que les choses se déroulent dans un climat d’impartialité qui garantisse des élections apaisées ? Leur seule préoccupation, c’est de diviser l’opposition. Une partie de l’opposition, qui est à la leur solde, qui est entretenue par le régime, doit donner le sentiment qu’il y a une division apparente. Mais nous ne sommes pas dupes et nous n’allons pas laisser faire tout cela. Justement, dans le cadre d’un scrutin à un seul tour, le premier arrivé est élu. Cela veut dire qu’il va falloir un candidat unique soutenu par les principales forces d’opposition, cela n’a pas l’air d’en prendre vraiment le chemin en ce moment ? Il faut se méfier des apparences. Nous travaillons pour cela avec d’autres partenaires qui sont engagés en faveur du changement. Le retour au scrutin à un tour nous montre l’impérieuse nécessité du rassemblement autour d’une candidature crédible et consensuelle. Mais on voit une opposition qui n’arrive jamais à se mettre d’accord. Qu’est-ce qui peut changer ? Ce qui va changer, c’est qu’au fur et à mesure que nous allons nous rapprocher de ces élections, chacun devra prendre ses responsabilités, renoncer aux ambitions individuelles, taire les egos pour faire avancer le Gabon. Est-ce pour cela que vous n’avez pas encore officialisé votre candidature ? Nous sommes dans une logique de recherche d’une union. Donc, ce n’est pas mon avenir personnel qui est en cause. Le moment venu, nous nous prononcerons. Y a-t-il au moins un mécanisme de désignation qui est déjà prévu entre vous ? Non. Nous n’allons pas rentrer dans les détails qui pourraient créer encore d’autres réactions. C’est quelque chose que nous devons définir tous ensemble et qui soit accepté. Il faut être raisonnable et faire confiance aux femmes et aux hommes pour créer les conditions qui permettent effectivement à l’opposition non seulement de gagner, mais de faire en sorte que, contrairement au passé, que celui qui sera vainqueur puisse effectivement gouverner le pays. Tout est possible lorsqu’on a la volonté, la détermination et surtout lorsqu’on a le peuple avec nous. Et les Gabonais n’accepteront jamais que ce qui s’est passé en 2016 se reproduise en 2023. ► À écouter aussi : Alain-Claude Bilie-By-Nze, Premier ministre gabonais: «À l’élection de 2016, certains ont péché par excès de confiance»
3/24/20237 minutes, 32 seconds
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Alain-Claude Bilie-By-Nze, Premier ministre gabonais: «À l’élection de 2016, certains ont péché par excès de confiance»

De passage à Paris, le Premier ministre gabonais a donné une interview à RFI et France 24 dans laquelle il évoque - avec un petit regard autocritique - la précédente présidentielle. Et il promet la transparence pour celle à venir, cette année. Il explique également la position du Gabon sur le conflit russo-ukrainien, après le récent vote à l'ONU sur la condamnation de l'invasion russe.   Marc Perelman : Monsieur le Premier ministre, le 9 mars l'Esther Miracle, un ferry qui reliait Libreville à Port-Gentil, a fait naufrage. Le bilan est d’au moins 24 morts. Vous avez dénoncé, je vous cite, « la négligence, les petits arrangements » et promis des « décisions dures ». Votre ministre des Transports Brice Paillat a remis sa démission, mais beaucoup au Gabon estiment qu’il faut sanctionner d’autres membres de votre gouvernement, que ce n’est pas assez… Alain-Claude Bilie-By-Nze : Monsieur Brice Paillat a remis sa démission par responsabilité politique. Ce naufrage, que nous regrettons, avec des disparitions importantes, c’est un des plus importants que notre pays a connu, a choqué le Gabon. Brice Paillat n’est pas coupable, mais responsabilité politique oblige, il a rendu sa démission. En ce qui concerne les demandes sur les autres membres du gouvernement, c’est un peu excessif. Nous verrons ce que les enquêtes vont démontrer : y a-t-il eu une faille dans les secours ? On verra bien. Manifestement, dans la gestion de la question de la marine marchande au Gabon, se posent énormément de problèmes, de négligences et quelques problèmes de manque de suivi, de rigueur dans la délivrance de certains documents. Et ce sont les premiers éléments de l’enquête administrative, nous verrons ce qu’il en sera quand cette enquête sera bouclée. M.P.: Alors Ali Bongo n’a pas caché ses ambitions pour la prochaine présidentielle qui est prévue normalement au mois d’août. Vous allez sans doute jouer un rôle central dans cette campagne. En 2016, tout le monde est d’accord, l’élection s’est mal passée : il y a eu une grave controverse, il y a eu des dizaines de morts. Et là, pour cette élection de 2023, vous avez refusé que l’Union européenne envoie des observateurs. Évidemment, cela pose une question : est-ce que ça ne va pas entacher ce scrutin ? Est-ce qu’il ne va pas y avoir de nouveau des soupçons de manque de transparence ? D’abord, le chiffre de dizaines de morts, je ne le confirme pas. Il y a un chiffre officiel au Gabon. M.P.: C’est ce que disent plusieurs organisations… Oui. Mais elles n’ont pas apporté la preuve. On ne va pas reprendre ce que disent les organisations. L’Union européenne… nous avons discuté dans le cadre du dialogue politique intensifié et nous sommes tombés d’accord. Nous avons fait le constat que les observateurs de l’Union européenne ont contribué à aggraver la situation au Gabon par des déclarations intempestives, peu mesurées, et qui ne tenaient pas compte des réalités. Nous sommes tombés d’accord pour que cette année, il n’y ait pas d’observations de l’Union européenne. Et cela n’aggravera rien du tout, parce que nous allons organiser une élection transparente. Le vainqueur sera connu. Nous espérons que le vaincu acceptera et félicitera le vainqueur. Christophe Boisbouvier : Cette année, l’élection présidentielle sera à nouveau à un seul tour. Et à la différence de 2016, où toute l’opposition était derrière Jean Ping, cette année, l’opposition risque de partir en ordre dispersé. On se souvient qu’en 2016, l’équipe du candidat-président Ali Bongo avait pêché par excès de confiance. Cette année, est-ce que vous pensez que la victoire est assurée, parce que Jean Ping, Paulette Missambo et Alexandre Barro Chambrier n’auraient aucune chance ? D’abord, il ne me revient pas de me prononcer à la place de l’opposition. Ensuite, je crois que chacun a tiré les leçons de 2016, aussi bien dans la manière de mener la campagne, dans la manière de s’organiser, mais surtout de gérer le pays… C.B.: Excès de confiance en 2016 ? Je pense qu’en 2016, effectivement, certains ont pêché par excès de confiance. Beaucoup ont pensé que c’était plié d’avance, et ce qui a rendu peut-être plus difficile la question de l’élection. Mais cette élection a eu lieu. On en a tiré toutes les leçons. On va aller à cette campagne lorsqu’elle aura lieu de manière à peser, en proposant un projet crédible que nous mettrons en œuvre si le président est élu. M.P.: Alors se pose la question de certaines personnalités politiques et syndicales qui sont derrière les barreaux en ce moment. Il y a le Franco-Gabonais Brice Laccruche Alihanga, qui était directeur de cabinet du président Bongo, il serait très malade. Il y a aussi le leader syndical Jean-Rémi Yama. Est-ce qu’un geste de clémence envers eux, et peut-être quelques autres, ne serait pas une bonne chose justement pour apaiser le climat avant les élections ? Ou est-ce que vous dites : non, c’est hors de question ? D’abord, c’est le domaine de la justice, et vous le savez bien. Personne n’a idée en France de demander au président français ce qu’il pense de la situation de tel ou tel autre prisonnier. Brice Laccruche Alihanga, à ma connaissance, n’est pas un prisonnier d’opinion. S’il l’était, on saurait quelle est son opinion. Il me semble qu’il ne faut pas oublier les choses qui lui sont reprochées. Mais ce n’est pas de mon domaine de commenter ce qui relève de la justice. Quant au syndicaliste Jean-Rémi Yama, vous savez très bien qu’il y a des plaintes qui ont été déposées contre lui au pénal par des citoyens gabonais qui se sont plaints d’avoir été spoliés, escroqués. Donc, ce sont des domaines, des éléments qui relèvent de la justice. M.P.: Un geste humanitaire ? Dans ces conditions, c’est une démarche des avocats vis-à-vis de la justice gabonaise et la justice se prononcera. C.B. : En février 2023, lors du dernier vote aux Nations unies sur la guerre en Ukraine, le Gabon s’est abstenu de condamner l’agression de ce pays par la Russie. Est-à-dire qu’à vos yeux, la violation de l’intégrité territoriale de l’Ukraine compte moins que votre partenariat stratégique avec la Russie ? D’abord, il est juste de rappeler que le Gabon a clairement condamné la violation du droit international et que, par la suite, le Gabon a estimé qu’il a aux Nations unies un rôle à jouer. Il a aussi des intérêts stratégiques à préserver. On ne va pas commencer à demander à chaque État de justifier son vote aux Nations unies. Personne ne le fait pour les pays occidentaux. Donc, permettez que les Africains fassent des choix en fonction de leurs propres ambitions.
3/21/202311 minutes, 16 seconds
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Libération d'Olivier Dubois: «Il avait toutes les qualités pour traverser ce genre d'épreuve»

Le journaliste enlevé à Gao dans le nord du Mali, en avril 2021, a passé presque deux années en captivité. Il est apparu souriant et libre hier, lundi 20 mars, en début d'après-midi à l'aéroport de Niamey, la capitale du Niger voisin. Amélie Tulet a pu joindre Marc De Boni, porte-parole du comité de soutien pour la libération du journaliste, quelques minutes après qu'il a appris la libération de celui-ci.  Marc de Boni : Je me sens entre deux mondes, c’est assez particulier parce que c’est une croisade dans laquelle on s’engage corps et âme sans perspective de fin, sans même la promesse d’une issue heureuse. Et on est tellement et intégralement tendus vers l’objectif du retour de la personne qui nous a été enlevée que, quand cela arrive, on perd ses moyens. Je ne vous cache pas que j’ai passé une bonne demi-heure d’abord à pleurer, puis à essayer de récupérer mes esprits. RFI : Qu’est-ce qu’il ressort de ces deux ans de « croisade », presque deux années ? L’immense force et l’immense courage de Déborah, qui est la compagne d’Olivier, la mère de ses enfants, qui a été un phare pour nous, qui a été une source d’inspiration et qui a accompli littéralement des miracles par amour pour Olivier. On a su à plusieurs reprises que tout ce qu’on a pu faire ici à Paris, Olivier en avait vent et que ça a changé des choses pour lui. J’espère qu’il pourra nous raconter plus avant tout ça. Pour ce genre de bataille absolument désespérée, on se sent totalement démunis. On ne sait pas du tout si les efforts portent. Et bien, oui, les efforts portent, les personnes en otage entendent, elles savent qu’on se mobilise pour eux. On sait que beaucoup de personnes sont malheureusement dans la même situation et qu’on n’en parle pas assez. J’espère que ça leur redonne un peu d’espoir. Est-ce que vous avez eu des moments d’abattement, de désespoir ? Il y a eu pas mal de moments d’abattement, il y a eu beaucoup de montagnes russes, plusieurs moments où on a cru que c’était sur le point de se faire. Il y a plein de choses qui seront racontées (…) et qu’il ne m’appartient pas forcément de dévoiler parce que c’est le secret de la diplomatie et de ce genre d’affaires compliquées. Mais oui, il y a eu des moments d’abattement. Et il faut aussi tenir sur le temps long. Au début, il y a 150-200 personnes qui sont très motivées et qui se mobilisent. Puis, à la fin, on est quelques-uns, dont certains qui n’ont jamais connu Olivier, ça c’est vraiment incroyable, c’est vraiment très beau aussi de voir comment toute une partie du comité [de soutien pour la libération de Olivier Dubois] sont des gens qui n’avaient aucun lien avec Olivier, qui ne l’ont jamais rencontré, et qui se sont donnés nuit et jour à Paris, à Metz, en Martinique pour porter ce combat et plaider sa cause. Et ça, c’est vraiment quelque chose de magnifique et que je retiendrai. Est-ce qu’il y a eu des signaux qui ont fait monter l’espoir ces derniers jours ou ces dernières semaines ? On a eu tellement de montagnes russes au cours de ces deux ans qu’on apprend à se blinder et aussi à se méfier des signaux faibles. Il y avait en effet des signaux faibles qui portaient à être optimistes. Maintenant, moi personnellement, j’étais surtout prudent. C’est une excellente nouvelle, à laquelle je ne m’attendais pas. Moi, j’étais dans l’idée de continuer le combat le temps qu’il faut et de n’arrêter que quand j’aurais la preuve sous les yeux, qu’Olivier va bien, qu’il nous revient. Je ne pensais pas que ce serait aujourd’hui pour être honnête. Vous avez donc beaucoup pensé à lui pendant ces deux ans. Qu’est-ce qui vous préoccupait le plus ? Ce qui me préoccupait le plus, c’était que la géopolitique écrase l’histoire personnelle et son cas individuel. Ce qui m’a inquiété, c’est effectivement tout ce qui s’est passé quand d’abord le Mali et la France ont rompu les communications. Ça a été un coup difficile, le départ aussi de la force française. Forcément, il y avait quelque chose de l’ordre du rassurant d’imaginer que nos soldats n’étaient pas trop loin en cas de besoin. Ça a été des passages plus difficiles.  Et là, vous avez vu les images d’Olivier Dubois à l’aéroport de Niamey ? Oui. Je les ai regardées en direct sur Twitter. Vos confrères de Radio France m’ont fait entendre ses premières paroles en direct. On a du mal à y croire. Je ne sais pas quoi vous dire, à part de c’est beau et que ça m’a fait longuement pleurer. Vous l’avez reconnu ? Il est comme avant ? Il a le même sourire. Je n’ai jamais douté qu’il a toutes les qualités pour traverser ce genre d’épreuves. C’est quelqu’un qui est plein d’énergie, qui est très humain, qui est toujours dans la proximité. On retrouve cette étincelle d’enfant dans son regard. Et ça m’a inquiété qu’elle puisse avoir été éteinte. ( …) Il nous racontera le détail. Je ne doute pas qu’il a su tirer son épingle du jeu et se faire bien accueillir malgré les conditions très particulières dans lesquelles il a été, survivre et nous revenir, avec un sourire.
3/21/20235 minutes, 29 seconds
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Ousmane Gaoual Diallo, ministre guinéen: «Le président Doumbouya ne sera pas candidat à la prochaine élection présidentielle»

En Guinée, le colonel Doumbouya -qui a pris le pouvoir il y a 18 mois- promet de le rendre aux civils dans un peu moins de deux ans. Mais l’opposition est sceptique, car plusieurs de ses cadres sont en prison et ses deux leaders vivent en exil. N’est-ce pas en effet de mauvais augure pour la suite de la transition ? Ousmane Gaoual Diallo, porte-parole du gouvernement guinéen et ministre des Postes, des Télécommunications et de l’Économie numérique, de passage à Paris, est notre invité. RFI : Le 21 février, devant le Parlement de transition, le président de transition, le colonel Doumbouya, a annoncé qu’il quittera le pouvoir à la fin de la transition, c’est-à-dire à la fin de l’année prochaine. Est-ce à dire qu’il ne sera pas candidat à la prochaine élection présidentielle ? Ousmane Gaoual Diallo : Non seulement il ne sera pas candidat, il l’a affirmé au moment de l’élaboration du chronogramme, mais il l’a répété aussi quand le besoin s’est fait sentir. C’est un engagement qu’il a pris devant la population guinéenne. Selon plusieurs sources, il y a eu au moins deux morts le 16 février à Conakry, à la suite de la répression brutale d’une manifestation par l’armée. N’est-ce pas de mauvais augure pour la suite de la transition et pour le retour des civils à la fin de l’année prochaine ? Le gouvernement déplore systématiquement les violences qui entrainent des victimes, mais prend aussi des dispositions, c’est quelque chose qu’il faut noter, pour que les auteurs de ces violences puissent être traduits devant les juridictions de ce pays. Il faut aussi rappeler que les premiers accusés d’assassinats de manifestants sont actuellement en procès devant les tribunaux de Conakry, et c’est déjà une première avancée. L’usage des armes de guerre dans les manifestations est prohibé et c’est pour cette raison que les auteurs de ces utilisations d’armes de guerre sont arrêtés et sont traduits devant les juridictions. Le 17 février dernier, monsieur le ministre, votre gouvernement a menacé d’interdire les principaux partis politiques du pays suite à un appel à une manifestation. Alors vous avez déjà interdit les manifestations, vous avez dissous le Front national pour la défense de la Constitution, le FNDC, est-ce qu’on peut encore parler de transition démocratique en Guinée ? La réalité, c’est que les manifestations ne sont pas interdites sur l’ensemble du territoire national. Elles sont interdites sur une partie du territoire, notamment sur les axes qui donnent lieu à beaucoup de violences. Pour le reste, les partis politiques continuent d’agir, continuent de maintenir leurs activités en critiquant l’actualité, en échangeant avec leurs membres, donc il n’y a pas eu de menace de dire qu’on va dissoudre les partis politiques. Cependant, les partis politiques, lorsqu’il y a des déviations par rapport à la loi, lorsqu’il y a violation de la Charte, il va sans dire qu’il y a des sanctions qui sont prévues. Alors, vous appelez au dialogue avec tous les partis, et notamment l’opposition, mais avec qui dialoguer si plusieurs figures de l’opposition et de la société civile sont en prison ? Je pense bien sûr à Foniké Menguè et à Ibrahima Diallo, du FNDC, le Front national pour la défense de la Constitution, et je pense à Saikou Yaya Barry, de l’UFR… Déjà, ils ne sont pas poursuivis pour des actions politiques qu’ils mènent. En tout état de cause, le dialogue n’est pas entre des individus et l’État, le dialogue est entre les institutions. Ce sont les organisations que les uns et les autres représentent qui sont invitées autour du dialogue. Donc on peut, bien entendu, avoir un certain nombre d’acteurs politiques qui ont maille à partir avec la justice, mais [faire en sorte] que le dialogue soit maintenu parce que les partis politiques, les organisations de la société civile, ne se limitent pas à des individus. Oui, mais voilà déjà près de huit mois que ces trois personnalités, Foniké Menguè, Ibrahima Diallo et Saikou Yaya Barry, sont en prison. Est-ce qu’il ne vaudrait pas mieux les libérer pour décrisper la situation et pour amorcer ce dialogue ? Le processus judiciaire se poursuit. Il me semble que le ministre de la Justice a été clair là-dessus. Toutes les dispositions sont prises pour que la justice puisse travailler dans la sérénité et rapidement pour juger ces personnes qui sont incriminées. Le dialogue avec les partis de l’opposition et les organisations de la société civile, c’est pour quand ? Le dialogue est en cours. Ils sont tous invités à prendre part au dialogue qui est soutenu et suivi par le Premier ministre, donc c’est une ouverture qui est là et que nous maintenons malgré tout. Mais concrètement, Cellou Dalein Diallo et Sydia Touré, les deux principales figures de l’opposition, ne sont plus dans votre pays actuellement, ils sont en exil. Est-ce qu’ils peuvent rentrer au pays sans être poursuivis ? Ils peuvent rentrer au pays sans aucun problème. D’ailleurs, Sydia [Touré] ne fait l’objet d’aucune poursuite judiciaire dans le pays, donc je ne vois pas pourquoi il ne pourrait pas rentrer s’il le souhaite. Cellou [Dalein Diallo]est convoqué devant une juridiction, encore qu’il ne soit pas le seul responsable convoqué dans cette affaire, les autres protagonistes mis en examen dans ce dossier sont à Conakry et personne n’est incarcéré, donc je ne vois pas en quoi il pourrait refuser de rentrer au pays. Mais n’est-il pas difficile de dialoguer avec le numéro un de l’opposition, Cellou Dalein Diallo, si celui-ci est poursuivi par la justice ? Peut-on, pour autant, garantir une certaine impunité simplement parce qu’on est le chef de file de l’opposition, ou bien on peut renforcer l’appareil judiciaire aux yeux de l’opinion guinéenne et que chacun se prête au jeu d’aller faire face à la justice, si ceci est nécessaire. Ne faut-il pas faire un geste à l’égard de Cellou Dalein Diallo pour que le dialogue reprenne ? Le dialogue doit pouvoir statuer sur ces questions. Suite à une rencontre, le 9 février dernier, entre les ministres des Affaires étrangères de la Guinée, du Mali et du Burkina Faso, a été émise l’idée de créer une fédération entre vos trois pays. Où en est-on de ce projet ? Il n’a pas été question dans le communiqué de créer une fédération, mais un renforcement de la coopération. Je pense qu’il est de la responsabilité aussi des gouvernants d’aller rechercher des formes de coopération avec les pays voisins, avec les pays tiers, et c’est ce qui est en train d’être fait par les autorités de la transition. En tout cas, la fédération, c’est le souhait exprimé publiquement par le Premier ministre burkinabè, Apollinaire Joachim Kyelem de Tambela… Je ne commente pas ces commentaires du Premier ministre burkinabè. Je sais que la Guinée allait chercher un renforcement de coopération avec ces pays, ce sera tant mieux pour nos économies.
3/20/202311 minutes, 23 seconds
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La nuit de Christophe Boltanski à l'Africa Museum: «Il faut expliquer au visiteur comment ces pièces ont été acquises»

Alors qu’un nouveau directeur, Bart Ouvry, vient d’être nommé à la tête de l’Africa Museum de Tervuren, près de Bruxelles, notre invité est Christophe Boltanski. Le journaliste et écrivain français a récemment publié un récit, King Kasaï, inspiré par sa nuit passée dans cet ancien musée du Congo belge totalement réaménagé.  RFI : Votre récit s’intitule King Kasaï, c’est le surnom de l’éléphant empaillé dans les années 50 qui trône toujours dans ce qui est devenu l’AfricaMuseum. Comment vous est venue l’envie de passer une nuit dans ce musée ? Christophe Boltanski : Ce musée, je l’avais découvert dix ans plus tôt, à l’occasion d’un autre livre intitulé Minerais de sang. Je m’étais rendu dans ce musée parce que les Belges, au moment de l’indépendance, ont tout emmené avec eux, toute la mémoire de ce pays, y compris les archives minières. Et j’avais découvert un lieu absolument stupéfiant, un musée colonial, qui n’avait quasiment pas changé depuis son inauguration en 1910. Et donc, quand j’ai appris que ce musée avait été fermé pour être officiellement décolonisé, je me suis demandé : mais comment on fait pour décoloniser un musée colonial ?  Je me suis retrouvé dans un lieu qui était plongé totalement dans l’obscurité, et la première chose que j’ai vu, c’était, avant même de rentrer dans ce musée, les tombes vides de sept Congolais morts en 1897 lors d’une exposition universelle. L’origine de ce musée, c’est d’abord ce zoo humain, des villages qui ont été recréés dans le parc. De très nombreux Congolais sont tombés malades et sept d’entre eux sont morts de pneumonie et ce sont leurs tombes que l’on voit adossées à cette église. Vous convoquez les récits de Joseph Conrad, mais aussi d’Hergé. Selon vous, il s’est particulièrement inspiré de ses visites au musée de Tervuren… Oui, d’abord Conrad, parce qu’il y a ce roman qui m’accompagnait dans cette nuit, qui s’appelle Au cœur des ténèbres, c’est un homme qui remonte le fleuve Congo à la recherche d’un chef de station qui est devenu fou, qui s’appelle Kurtz. Et moi, j’ai eu ce sentiment également de faire un voyage dans ce musée, je le raconte effectivement comme une sorte d’exploration dans les tréfonds de notre mémoire. Et également, quand vous rentrez dans ce musée, la première chose que vous découvrez, c'est un cimetière de statues. C’est-à-dire que le musée a essayé de déplacer les statues les plus choquantes, et parmi elles, il y a une statue qui s’appelle « L’homme-léopard », qui est particulièrement effrayante, et qui a inspiré Hergé pour son premier album, les Aventures de Tintin au Congo. Hergé ne s’est pas rendu au Congo, pas plus que le roi Léopold II qui est à l’origine de ce musée, mais il s’est rendu au musée de Tervuren. Il a donc dessiné les pirogues, les masques, les animaux, etc… En fait, cet album pourrait même s’appeler les Aventures de Tintin à Tervuren. J’ai compris, en voyant cette statue, que je ne visitais pas le Congo, évidemment, dans ce musée, mais que je visitais tous les stéréotypes et tous les clichés que l’on a accolés à cette partie du monde. Vous décrivez comment l’AfricaMuseum a été repensé, mais vous n'êtes pas convaincu par cette nouvelle mise en scène dans le musée. Est-ce qu'un musée bâti à la gloire de la colonisation peut réellement faire sa mue ? C’est presque impossible. Déjà, Léopold II est présent absolument partout dans ce musée. Son monogramme, qui est représenté par un double L, est gravé sur les murs, sur les plafonds, à 45 reprises. Et en plus, vous avez les statues les plus choquantes, qui sont des allégories représentant la Belgique apportant la civilisation et la foi chrétienne à de bons sauvages, et qui, parce que ces allégories sont situées dans des alvéoles, qu’elles font partie des murs et que le bâtiment est classé, ne pouvaient pas être déplacées. Donc on a essayé d’abord de faire contrepoids avec des œuvres contemporaines, puis on les a masquées par des voiles. Je trouve que c’est assez représentatif de toutes les gênes, de tous les dénis que l’on a à regarder cette histoire.  Au départ, les responsables du musée souhaitaient qu’il n’y ait même pas de salle historique sur le passé colonial de la Belgique. De nombreuses voix se sont élevées pour dire que ce n’était pas possible, qu’il fallait absolument qu’il y ait un espace qui lui soit dédié. Donc il y a une petite salle qui lui est impartie, mais qui est assez frustrante, parce que finalement, il n’y a pas grand-chose, et les pièces à conviction, parce qu’on parle quand même de crimes, on parle de ces sociétés concessionnaires qui ont obligé les populations à ramener du caoutchouc, et ceux qui ne pouvaient pas ramener leur quota étaient tués, et pour s’assurer que les balles avaient été bien utilisées, il fallait que les sentinelles coupent la main de leurs victimes. Et donc, on a ces photos qui ont été prises par une missionnaire anglaise qui sont absolument terrifiantes. Elles sont présentes, mais il faut vraiment les chercher. Il faut appuyer sur des écrans tactiles, elles apparaissent mais en tout petit, alors qu’elles devraient être au cœur de cette salle dans la mesure où des historiens estiment qu’il y avait sans doute vingt millions d’habitants en 1885, au moment de la colonisation, et que 25 ans plus tard, ils étaient moitié moins.   L’AfricaMuseum, ce sont aussi des dizaines de milliers de masques, statuettes, boucliers, objets rituels, dont beaucoup ont été pillés au Congo. Faut-il accélérer leur restitution aujourd’hui ?    La première chose qu’il faut faire d’abord, je pense, c’est expliquer aux visiteurs comment ces pièces ont été acquises. Quand moi, j’ai passé cette nuit, il y a une fameuse statue, ce qu’on appelle un fétiche à clous. Sur le cartel il était indiqué que ce fétiche à clous avait été collecté par un certain Alexandre Delcommune. Il s’agit d’un aventurier qui en fait ne l’a pas collecté : il a attaqué un village et il a compris que cette statue avait du pouvoir, et donc il s’est emparé de cette statue comme on prend un otage. Quand je suis retourné pour la sortie de ce livre, j’ai vu qu’ils avaient changé le cartel : maintenant le mot qui est utilisé, c'est « seized », donc ça a été « saisi ». On voit qu’il y a du progrès, mais on est encore loin de la réalité. Ensuite, la question de la restitution : je pense que les Belges sont beaucoup plus en avance que les Français. Il y a tout un travail justement pour identifier l’origine de ces pièces et les négociations qui sont très bien engagées avec la République démocratique du Congo. Je crois qu’en France, on est encore très très loin de cela, mais en tout cas cette question-là, on ne pourra pas y échapper.
3/19/20235 minutes, 45 seconds
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Terrorisme, relations avec les États-Unis et la France, Wagner : ce qu'en dit le ministre des Affaires étrangères du Niger

Le secrétaire d'État américain Antony Blinken multiplie les visites sur le continent Africain. Jeudi 16 mars, il était à Niamey, au Niger, où il s'est entretenu avec le président Mohamed Bazoum. Il a été question de coopération économique et militaire dans ce pays du Sahel, région en proie à la violence jihadiste et où la Russie marque des points. Le ministre nigérien des Affaires étrangères Hassoumi Massaoudou est notre invité. Il est au micro d'Alexandra Brangeon.   RFI : Jeudi 16 mars, Antony Blinken était en visite au Niger, c’était la première visite d’un secrétaire d’État américain en plus de quarante ans dans votre pays. Comment vous l’interprétez ? Hassoumi Massaoudou : C’est vraiment un témoignage que nous recevons comme un témoignage de solidarité, d’amitié et de considération pour notre pays. Et cela prouve la qualité exceptionnelle de la relation que nous avons avec les États-Unis. Antony Blinken a d’ailleurs qualifié le Niger de modèle dans la région… Évidemment, nous sommes un pays qui est démocratique, stable, dans un environnement chaotique. Et nous faisons chaque jour preuve d’une grande résilience face à l’agression terroriste, à la dégradation de la situation sécuritaire dans le Sahel. Malheureusement, nous sommes les seuls et nous aurions souhaité ne pas être les seuls, ce qui nous donne des responsabilités supplémentaires, parce que nous devons prouverque seul le modèle démocratique est l’alternative crédible pour pouvoir vaincre le terrorisme. Il a été question, lors de cette rencontre, de coopération militaire justement, pour lutter contre le terrorisme. Les Américains sont déjà présents au Niger. Est-ce qu’il est prévu un renforcement de cette coopération militaire ? D’abord, nous avons cette coopération militaire de manière assez ancienne avec les États-Unis, mais elle est montée en puissance ces dernières années. Les États-Unis qui, effectivement, à travers leur implantation dans la base aérienne d’Agadez, nous donnent une aide importante en matière de renseignements, pas à nous seulement mais à tous nos partenaires de la région. Deuxièmement, les États-Unis forment nos bataillons des forces spéciales. C’est les premiers à avoir fait ce type de formations et à avoir donné l’exemple aux autres sur la nécessité de transformer notre armée par la multiplication des bataillons des forces spéciales qui ont fait leurs preuves sur le terrain. Et troisièmement, les Américains nous donnent des équipements sur le plan aérien – des C-30, des Cessna –, du renseignement, des moyens blindés, des véhicules blindés et tout ça. La participation des Américains à cette guerre est une aide inestimable pour nos soldats. Alors justement, est-ce qu’il est question de plus de moyens déployés par les Américains ? Oui, il est toujours question de plus de moyens bien sûr, aussi bien sur le plan militaire que sur le plan civil. Mais je voudrais signaler qu’à ce jour, l’engagement américain sur les trois dernières années dépasse les 1 000 milliards de francs CFA, et ça ne fait que monter en puissance. Donc, les Américains s’inscrivent dans la durée de la coopération avec notre pays, aussi bien sur le plan militaire que civil. Alors jusqu’à présent, la menace terroriste était concentrée à la frontière avec le Mali, elle s’est propagée à toute la frontière avec le Burkina Faso et le Bénin. Est-ce que cette coopération sécuritaire avec les Américains va s’étendre à cette nouvelle zone ? Mais la menace terroriste, nous savons très bien qu’elle va s’intensifier avec le départ des Français au nord Mali et, avec l’effondrement du front au niveau du Burkina Faso, il va de soit que cette menace est étendue, mais de manière moins importante à la frontière du Burkina. La coopération avec les États-Unis au-delà de la sécurité, elle se fait à notre demande, quelle que soit la zone, quel que soit l’endroit. Mais avec les États-Unis, nous avons une conception holistique de cette guerre, elle ne se limite pas à l’aspect militaire, il y a eu une montée en puissance de l’aide américaine à travers le retour d’abord de l’USAID et la montée des investissements. Tout cela participe en réalité de la volonté de renforcer la résilience de notre pays face au choc terroriste et au choc climatique.   ► À lire aussi : Sahel, Corne de l'Afrique...: comment la présence militaire américaine peut-elle évoluer? L’administration américaine a indiqué qu’elle souhaitait s’engager davantage sur le continent pour y contrer l’influence de la Russie. Est-ce que vous avez discuté avec Antony Blinken de l’avancée de la milice paramilitaire Wagner dans la sous-région ? Nous avons discuté de manière générale des questions du recul démocratique dans notre sous-région et, partageant ces mêmes valeurs avec les États-Unis, nous nous organisons pour que le soutien à l’expérience nigérienne fasse école et qu’elle soit un modèle et qu’elle se démultiplie en Afrique. Donc résister contre le recul démocratique dans notre région, c’est faire en sorte que, par notre exemple, nous puissions faire valoir le développement et l’avancée démocratique dans notre région et en Afrique. Depuis le putsch au Burkina Faso, plusieurs pays de la sous-région craignent l’arrivée de Wagner à Ouagadougou. Est-ce que vous en avez parlé avec votre homologue ? Nous considérons tous que Wagner est une organisation criminelle qui participe au recul de la démocratie dans notre pays, donc par conséquent, évidemment nous en avons parlé. En ce qui concerne le Burkina Faso, rien n’est prouvé jusqu’ici qu’ils ont eu un accord avec Wagner. Nous espérons qu’ils ne prendront pas cette trajectoire et qu’ils s’en tiendront au plan de sortie de la transition signé avec la Cédéao. Le président français, Emmanuel Macron, a indiqué qu’il fallait que la présence militaire française soit moins visible dans cette lutte antiterroriste. Est-ce que la France est toujours un allié solide, ou est-ce que les Américains sont en train de prendre la place des Français ? Les Américains et les Français ont toujours été nos alliés en même temps, ce sont des alliés importants, tout aussi indispensables et nécessaires les uns que les autres. Je vais vous dire une chose, c’est que cette guerre, c’est d’abord nous qui la menons. Qu’il s’agisse des Français ou des Américains, ils nous aident dans la guerre que nous menons, ils ne font pas la guerre à notre place. Ces différents partenaires, aussi essentiels soient-ils, ne sont qu’un appoint pour nous dans cette guerre. ►  À l'issue de cette rencontre Washington a annoncé une nouvelle aide humanitaire à la région, dont le Niger, d'un montant de 150 millions de dollars.
3/17/20235 minutes, 7 seconds
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Daniel Ona Ondo: «Une bonne gestion de nos devises peut nous dispenser de la garantie du Trésor français»

Les six pays de la zone CFA d'Afrique centrale sont désormais capables de se dispenser de la garantie du Trésor français et de rapatrier toutes leurs réserves de change, comme l'ont fait récemment les huit pays de la zone CFA d'Afrique de l'Ouest. C'est ce qu'affirme le Gabonais Ona Ondo Daniel, qui préside depuis plus de cinq ans la commission de la CEMAC (Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale). À la veille du sommet des six chefs d'États de la CEMAC, jeudi 16 mars à Yaoundé, l'ancien Premier ministre répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Ona Ondo Daniel, l’une des priorités de la Cemac, c’est de favoriser l’intégration économique entre vos six pays. De ce point de vue, quel est votre bilan ? Ona Ondo Daniel : Je crois que, dans la tradition de ma tribu, on ne fait jamais le bilan parce qu’on ne se glorifie pas. Mais qu’à cela ne tienne, la première réussite que nous avons, c’est la libre circulation des personnes et des biens. Vous savez qu’on disait qu’il y avait une réticence des pays à faire un passeport biométrique Cemac. Je peux vous dire qu’aujourd’hui les six pays ont des passeports biométriques Cemac. Nous avons ensuite essayé de relancer le programme économique et régional, ce qui a été fait. La bourse des valeurs a été modifiée. Vous savez, il y avait une bourse des valeurs à Libreville, et une à Douala. Aujourd’hui, les bourses sont unifiées. Donc je pense que ce sont des actions qui vont dans le cadre de l’intégration. La libre circulation est importante. C’est vrai que ce n’est pas le nirvana de circuler en Afrique centrale. Le commerce interafricain en Afrique centrale est encore faible – moins de 5% –, mais on a fait des efforts pour faire en sorte que la libre circulation soit effective dans les principaux corridors de notre région. Oui, mais que répondez-vous à ceux qui disent que rien n’a été fait sur le plan de l’interconnexion routière entre vos six pays ? Des efforts sont faits. Vous savez, Paris ne s’est pas fait en un jour. Il ne peut en être autrement pour l’Afrique centrale. Les infrastructures routières, dans le portefeuille des projets intégrateurs que nous avons faits à Paris, il y a des corridors qui ont eu des financements importants. Le corridor entre Yaoundé et N’Djamena et d’autres corridors entre le Cameroun et Brazzaville, un corridor entre Libreville et Brazzaville. Donc, on est en train de construire une intégration sous-régionale. On ne peut pas faire des routes en un claquement de doigts. Ce sont des choses qui se font avec du temps. Et l’interconnexion électrique entre vos six pays, ça ne marche pas encore… On est en train de faire l’interconnexion électrique. Vous savez, nous avons eu des financements importants de la Banque mondiale pour interconnecter le Cameroun et le Tchad. Et au niveau de l’Afrique centrale, entre le Gabon et la Guinée équatoriale, nous avons travaillé avec le pôle énergétique d’Afrique centrale, qui est l’interconnexion entre la Guinée équatoriale et le Gabon, entre Mongomo et Oyem, entre Ebebiyín et Bitam, et entre Akurenam et Médouneu. À l’heure actuelle, la monnaie commune de la Cemac, c’est le franc CFA. À la différence de la sous-région d’Afrique de l’Ouest, l’Uemoa, il y a toujours des réserves de change de francs CFA auprès de la Banque de France. Quand est-ce que vous allez réformer votre franc pour que ces réserves soient rapatriées dans la sous-région ? Les chefs d’État ont donné mandat à la commission de la Cemac et à la Banque des États d’Afrique centrale, donc au gouverneur, de faire des propositions sur les réformes de la coopération entre la France et les pays d’Afrique centrale. Nous avons fait des propositions qui ont été présentées aux chefs d’État, et à la prochaine conférence des chefs d’État, ceux-ci vont encore examiner ces propositions. Mais pour l’heure, le compte d’opérations effectivement est toujours au niveau du Trésor français. Mais, à terme, je crois que c’est parmi les points de réforme qui sont envisagés. Battre la monnaie est un problème de souveraineté, je crois qu’à terme, nous allons disposer de nos réserves comme nous le souhaitons. Est-ce que votre organisation monétaire est assez solide pour pouvoir rapatrier toutes les réserves de change dans la sous-région, et pouvoir vous passer de la Banque de France ?  Vous savez, c’est une bonne question. Il y a des pays qui sont plus petits qui ont une monnaie. Donc, je vous dis, battre la monnaie, c’est un problème de souveraineté, c’est à nous d’en décider. Si nous disons que nous voulons avoir nos réserves de change et nous passer de la Banque de France, on peut le faire. Mais il y a une chose que je veux vous dire : le compte d’opérations, c’est quoi ? C’est une garantie de la France. Cette garantie, d’après les économistes, n’a pas beaucoup joué. Donc, cela garantit que, si jamais le compte d’opérations est débiteur, la France nous donne la possibilité de pouvoir importer. Mais dans le cas d’espèce, cette garantie n’a pas beaucoup joué. Donc je pense que, si nous faisons une bonne gestion de nos devises, nous pouvons effectivement assumer cette responsabilité. C’est d’autant plus vrai qu’en Afrique de l’Ouest, ils gèrent leur devise et, à ma connaissance, il n’y a pas eu de problèmes jusqu’à présent. Depuis un an, la Centrafrique a adopté une nouvelle monnaie, le bitcoin, qui est une cryptomonnaie. Or, dans vos statuts, il est prévu que le franc CFA est la monnaie unique pour tous les États membres de la Cemac. Est-ce que la cohabitation est possible entre le bitcoin et le franc CFA ? Je peux vous dire une chose : ce dossier est inscrit à l’ordre du jour de la conférence des chefs d’État. C’est vrai que le problème de battre la monnaie, c’est un problème de souveraineté. La République centrafricaine, c’est un pays souverain. La République centrafricaine a décidé d’adopter la cryptomonnaie, c’est son droit le plus absolu. Mais la République centrafricaine fait partie d’une zone monétaire. Donc il est évident que les chefs d’État vont voir à ce que la seule monnaie qui a cours légal et pouvoir libératoire sur les six pays, c’est le franc CFA. Il appartient à un moment donné que la situation soit éclaircie au niveau des chefs d’État. Nous attendons la décision des chefs d’État. Mais n’est-ce pas un problème tout de même, monsieur le président, qu’un des six pays ne respecte pas les règles communes ? Jusqu’à présent, cela n’a posé aucun problème. Et je crois qu’aujourd’hui, le franc CFA continue de circuler à Bangui. Je reviens de Bangui et je n’ai pas vu de cryptomonnaie en circulation à Bangui. Le président actuel de la conférence des chefs d’État de la Cemac, c’est le Camerounais Paul Biya. Selon la règle et selon l’ordre alphabétique, après le Cameroun vient la Centrafrique. Est-ce à dire que le prochain président de la conférence des chefs d’État de la Cemac, ce sera le Centrafricain Faustin-Archange Touadéra ? C’est un problème qui sera débattu au niveau des chefs d’État. Je ne pense pas que ça pose problème que le président Touadéra soit le prochain président de la conférence des chefs d’État.
3/16/202310 minutes, 35 seconds
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Gabon: «Je vis un traumatisme qui ne dit pas son nom», raconte un rescapé de l'«Esther Miracle»

Au Gabon, le président Ali Bongo a décrété le 13 mars 2023 un deuil national de trois jours. Décision prise quatre jours après le naufrage du navire Esther Miracle. Tous les drapeaux seront mis en berne. Les activités festives et sportives sont suspendues. Le ferry reliait Libreville à Port-Gentil, lorsqu'il a sombré dans la nuit du 8 au 9 mars. 124 personnes ont été secourues. Mais le dernier bilan s'élève à 6 morts et 31 disparus. Des moyens importants sont toujours déployés pour tenter de retrouver ceux qui manquent à l'appel. Ce drame a choqué le Gabon. Une catastrophe racontée en détail par l'un des survivants du naufrage. Jean-Jacques Mendome Ayang est l'un des responsables de l'Académie Club de Libreville. Il devait se rendre avec son équipe de football à Port-Gentil. Il raconte le naufrage à Sébastien Németh.   RFI : Comment a commencé le naufrage de l’Esther Miracle ? Jean-Jacques Mendome Ayang : Autour de 3h30, le gendarme qui était à bord du bateau, qui servait de commandant de bord, il vient nous dire que le bateau a quelques soucis, donc nous sommes obligés d'aller doucement pour relier Port-Gentil. On a dit « bon y a, pas de souci », quelques temps après le monsieur est revenu pour nous annoncer que parmi les deux moteurs qui font tourner le bateau, il y a un qui s'est arrêté donc il est impossible d'avancer, c'est mieux de repartir sur Libreville. C’est à partir de ce moment que tout le monde était quand même inquiet. Quelque 5 ou 10 minutes plus tard, bon il y a une hôtesse qui est arrivé nous dire : « Bon, écoutez, on va vous montrer comment il faut porter des gilets de sauvetage. » C'est à ce moment-là qu'on a senti qu’il se passait quelque chose. Tout le monde s'est agité et le bateau allait d'un côté déjà. Là, c'était du sauve-qui-peut. J'avais une porte devant moi, je n'ai pas eu la force de la casser. On a soulevé les rideaux qu'on met autour du bateau, là, on s’est rendu compte qu’il y avait des baies vitrées, je suis sorti par là, et puis j’ai vu tout le mouvement que le bateau était en train de faire, il coulait vraiment à pas de tortue, ça penchait de plus en plus. En moi, il y avait quelque chose qui me disait de ne pas paniquer, il fallait affronter le danger. C’est juste après que le bateau s'est complètement renversé, le bas du bateau s'est retrouvé à la surface de l'eau. Dans quelles conditions avez-vous survécu une fois sorti du bateau ? Il y avait une vieille roue qui était attachée là, donc je m’étais accroché à cette vieille roue là, jusqu’à ce que le bateau s'est complètement renversé, il a laissé quand même une partie en surface, c’est sur cette partie-là que nous sommes allés. Nous sommes restés là à sept parce qu’il fallait sauver celui qui se noyait. On avait le président de notre équipe qui se noyait vraiment, il s’est beaucoup battu, parce qu’il a pris beaucoup de coups dans l'eau, mais il a tenu parce que nous lui avons demandé de tenir. Il était en train de crier « au secours ! ». Nous lui avons dit que nous étions là et qu'il fallait qu'il tienne. Et au moment où il était près de nous, on l'a tenu par les deux bras et il est venu sur le bas du bateau. Donc vous êtes restés comme cela en fait, sur la partie du bateau encore en surface ? Oui, il avait déjà coulé, mais il s’est avisé qu’en se stabilisant il a laissé une partie en surface. Le gendarme nous a dit qu’il fallait qu’on parte de là parce que le bateau va aller en profondeur, donc le manager de notre équipe a sauté, le gendarme aussi a plongé, mais moi j'ai dit à ceux qui sont restés avec moi de ne pas s'agiter et qu'il fallait qu'on reste là, qu’on trouve seulement un moyen pour que les gens nous viennent en aide. Et tout ça s'est passé dans le noir. Comment ça se passait pour les dizaines d'autres passagers qui étaient à bord ? Je ne saurais vous le dire avec exactitude parce que nous étions dans la nuit. Chacun cherchait à se sauver. La seule image que je retiens c’est que, effectivement, l'équipe du bateau, le commandant de bord et ces gens, ils ont balancé les bouées, les bouées de sauvetage. Et puis, les plus rapides, ils sont montés dans les bouées de sauvetage, donc je n'entendais que les cris des gens, je ne voyais que les eaux bouger. À ce moment-là, il y avait la panique dans l'air donc je ne peux pas décrire cette scène-là. Comment avez-vous été secouru finalement ? Les secours ont pu nous atteindre à travers mon téléphone. Pendant que le bateau coulait, moi, je communiquais avec mes parents, ils n'en revenaient pas, je leur disais effectivement : « Je vous appelle et le bateau est en train de couler. » Il y a un sac qui trainait, en surface là, on a ouvert le sac et a retrouvé les fumigènes. Donc on a balancé les fumigènes en pleine mer, on a balancé pour signaler qu'il y avait des gens qui étaient en détresse puis nous sommes restés là. Et les secours ont fini par arriver ? Quand je vous parlais de mon téléphone tout à l’heure, le président de notre club a usé de son carnet d'adresse, il a appelé ses connaissances pour dire qu'on était en détresse, qu'il fallait que les gens viennent. Juste après que deux navettes sont arrivées, deux navettes blanches, ça va ils nous ont rassurés, que de toute façon ils ont été alertés, ils sont venus pour nous chercher. Ils nous ont demandé de ne pas paniquer et de monter directement dans les navettes. Et comment vous sentez-vous aujourd'hui ? Je suis en train de vivre un traumatisme qui ne dit pas son nom parce que je dois toujours rester au contact des gens. Si je ne parle pas et que je pense à ce scénario-là tout de suite je commence à trembler et je commence à pleurer. Il y a des amis qui viennent à la maison, les amis et connaissances, ma femme est là, mes enfants sont là, et je fais tout pour être avec eux. On bavarde ou je prends un petit verre de gauche à droite. Donc, il faut vraiment que je sois actif, il faut que je sois là où il y a le mouvement pour oublier cette situation-là. Alors, il y a une polémique sur l'efficacité des secours. Qu'en pensez-vous ? Les secours ont été bien coordonnés. Déjà que ça se passait dans la nuit. C’est un accident. C’est quelque chose d'imprévisible, donc je ne vais pas dire que dans les cinq minutes qui suivaient il fallait que les gens soient là. Ce qui a été mis en place pour nous sauver, ça a suivi, parce que on a prêt de 150 survivants. J'estime que le sauvetage a été bien coordonné. Le gouvernement a demandé un audit de tous les navires de transport de passagers. Ça vous semble important ? Oui, je fais d’abord confiance au gouvernement de mon pays et nous, les passagers, nous ne pouvons demander qu'à nos gouvernants d'être un peu plus rigoureux sur ce genre de navire mais je sais qu’ils s’attèlent à le faire. Voilà, c’est un accident qui est arrivé, un accident c'est un événement imprévisible. Moi je pense, pour eux, ils en sont conscients, ils font leur travail. Votre équipe, votre entourage, tout le monde a survécu ? Nous étions à 17 joueurs plus quatre dirigeants, donc nous sommes tous sortis sains et saufs, on ne cherche personne. Ça doit être un soulagement, j'imagine ? Le soulagement est mitigé parce que même, ceux qui sont partis, si je ne les connaissais pas ce sont des Gabonais comme moi, ils sont des humains comme moi. Donc, je compatis à cette situation. Nous, nous en sommes sortis sains et saufs, j'aurais bien voulu que ça soit le cas pour tout le monde. ► À lire aussi : Gabon: au Port-Môle, la tristesse se mêle à la colère après le naufrage mortel
3/14/20235 minutes, 1 second
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Tchad: «Il faut avoir moins de France mais mieux de France», affirme Albert Pahimi Padacké

« En Afrique, il faut à la fois moins de France et mieux de France », affirme l’ancien Premier ministre tchadien Albert Pahimi Padacké, qui publie aux éditions L’Harmattan L’Afrique empoisonnée. Nommé au lendemain de la mort brutale du président Idriss Déby, en avril 2021, Albert Pahimi Padacké avait réussi à tenir 18 mois à ce poste difficile. Cinq mois après son départ de la primature, il prend ses distances avec le régime tchadien de transition et affirme que, lors des manifestations du 20 octobre dernier, la réaction des forces de l’ordre a été disproportionnée. De passage à Paris, le président du parti RNDT–Le Réveil répond à RFI. RFI : Albert Pahimi Padacké, au Tchad, 128 morts à l’issue de la répression sanglante des manifestations du 20 octobre, selon la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH). Comment a-t-on pu en arriver là ? Albert Pahimi Padacké : Il s’est trouvé que, le 20 octobre, des organisations ont projeté une marche. Dans cette marche, on a vu des jeunes armés de lance-pierres et parfois d’armes blanches, s’attaquant à des biens privés et publics parfois. En retour, on a vu une réaction des forces de l’ordre qui a amené un nombre important de morts et de blessés, ce qui, bien évidemment, n’épouse pas la proportionnalité requise en matière de maintien de l’ordre. Voulez-vous dire que la réaction des forces de l’ordre n’a pas été appropriée ? De mon point de vue, non. Et le nombre qui a été annoncé récemment par la CNDH… La Commission nationale des droits de l’homme… Par la Commission nationale des droits de l’homme, le nombre de 128 morts, c’est quand même un nombre énorme. Suite à cet événement tragique, que faut-il faire ? Dans un premier temps, il y a eu une commission internationale qui a été annoncée par le gouvernement. Nous attendons le résultat de la commission d’enquête internationale. Dans tous les cas, il faut que le gouvernement prenne les mesures idoines pour que les sanctions soient appliquées afin que cela ne se reproduise pas dans notre pays. Mais a-t-on jamais vu des responsables des forces de l’ordre sanctionnés au Tchad ? Mais les choses commencent toujours quelque part. Nous ne pouvons pas continuer avec l’impunité quand il s’agit de pertes en vies humaines. Beaucoup d’Africains reprochent à Emmanuel Macron de ne pas être cohérent, c’est-à-dire de condamner les coups d’État militaires au Mali, en Guinée et au Burkina Faso, et de valider le coup de force constitutionnel qui a eu lieu après la mort du président Idriss Déby en avril 2021. Est-ce que vous êtes d’accord avec cette opinion ?  Non. Je ne suis pas d’accord avec cette opinion, parce que, s’il y a eu, il est vrai, un changement non constitutionnel au Tchad, il est aussi vrai qu’il n’y a pas eu un coup d’État. Un coup d’État suppose une planification, une action d’un groupe d’hommes et de femmes pour renverser un pouvoir en place. Le maréchal Idriss Déby est mort face à une rébellion armée et ce n’est pas son armée qui a fait le coup d’État, même si, par la suite, le président de l’Assemblée nationale, qui constitutionnellement était intérimaire, a renoncé à ce droit constitutionnel et que l’armée s’est assumée pour éviter la déstabilisation du pays. C’est un changement non constitutionnel, mais ce n’est pas un coup d’État. La présence française en Afrique est fragilisée depuis deux ans par les décisions successives du Mali et du Burkina Faso de chasser les soldats français de leur territoire. Moyennant une présence moins visible, Emmanuel Macron souhaite que les militaires français puissent rester dans certains pays africains, dont le vôtre. Qu’en pensez-vous ? D’abord, il faut que les Africains et les Occidentaux comprennent que nous avons un défi commun : la lutte contre le terrorisme. Ce qu’il faut faire, de mon point de vue, ce n’est pas d’avoir à chasser l’armée française de nos pays. Il faut avoir moins de France, mais mieux de France. Ce n’est pas seulement une relation militaire. Il faut que les relations entre la France et les Africains quittent les labyrinthes des compromis entre dirigeants. Il faut prendre en compte les aspirations des peuples et notamment de la jeunesse, qui ne souhaite plus avoir le même type de coopération où un chef d’État africain, en problème avec sa jeunesse, est chaque matin sur le perron de l’Élysée avec le président français, bras dessus bras dessous. Une partie de la jeunesse africaine est séduite par la Russie. Est-ce qu’après la Centrafrique et le Mali, les soldats russes et les miliciens russes de Wagner peuvent s’installer demain au Burkina Faso ou dans votre pays, le  Tchad ? L’indépendance de l’Afrique ne consistera pas à baisser le drapeau d’une ancienne puissance et à hisser à la place le drapeau d’une nouvelle puissance. Il faut hisser les drapeaux africains. Wagner, c’est une milice privée qu’il faut payer. Est-ce que l’Afrique a les moyens aujourd’hui de s’autoriser les frais d’un mercenariat ? Nous avons besoin d’avoir une coopération militaire sérieuse avec des États, et non de traiter avec des mercenaires. Et de ce point de vue, vous, en tant qu’ancien Premier ministre tchadien, vous préférez ce partenariat avec quel pays du Nord ? D’abord, il n’y a pas de chasse gardée. [Avec la France], nous partageons la langue. Aujourd’hui, nous sommes en train de parler en français, cela crée un atout. Et donc, comme dans tout vieux couple, il y a des malentendus avec la France. Il faut les adresser de façon très claire, s’asseoir et redéfinir des nouvelles règles de coopération pour aller de l’avant. Et je trouve que la France a un atout préférentiel, compte tenu de l’histoire, compte tenu de la culture, compte tenu de la langue. Mais il faut que maintenant la France revienne vers les populations africaines et ne se contente pas des amitiés entre individus au sommet des États. Moins de France, mieux de France.
3/13/202319 minutes, 58 seconds